Analyse
Le projet de décliner Star Trek en comédie musicale n’a rien de nouveau, l’idée était déjà dans l’air dès les années 90. Mais Rick Berman s’y était toujours opposé simplement pour des raisons de crédibilité, estimant que Star Trek était un univers trop sérieux pour abattre le quatrième mur au nom du seul spectacle, aussi réussi soit-il en lui-même.
Mais évidemment, depuis son départ en 2006, toutes les digues sautent les unes après les autres…
De son côté, Alex Kurtzman a depuis longtemps laissé transparaître un certain goût pour les comédies musicales, tendance Broadway. Outre les épisodes musicaux de séries dont il fut producteur avant Secret Hideout (Xena Warrior Princess 05x10 Lyre Lyre Hearts On Fire et Fringe 02x20 Brown Betty), plusieurs épisodes du NuTrek accueillaient dans leur BO des extraits du Great American Songbook (ce qui leur conférait une touche illusoirement "culturelle" au risque d’en devenir davantage USA-centrées et anachroniques). De plus, le court-métrage Short Treks 01x02 Calypso mettait en scène au 32ème siècle l’IA Zora (née de la fusion entre la gigantesque Sphère rouge de DIS 02x04 An Obol For Charon et l’ordinateur de l’USS Discovery) et son appétence pour la comédie musicale Funny Face (Drôle de frimousse) de Stanley Donen (1957).
Sur le fond, il s’agit du même problème que celui qui se pose pour la série parodique et pourtant officielle Lower Deck (et par extension SNW 02x07 Those Old Scientists) : comment concilier une déconstruction méta (une exagération ou une variation irréaliste à travers un prisme externaliste de la réalité internaliste) et le canon (la réalité internaliste strictement factuelle) ?
Pour autant, cela ne signifie aucunement que les comédies musicales soient en elles-mêmes illégitimes et marginalisables. Il s’agit d’un genre majeur, indissociable de l’histoire du cinéma lui-même, et la forme d’expression majoritaire dans la plus importante "usine" du cinéma mondial : l’Inde.
Des noms comme Singin’ In The Rain (Chantons sous la pluie) de Stanley Donen (1952), West Side Story de Robert Wise (1961), Les parapluies de Cherbourg de Jacques Demy (1964), Mary Poppins de Robert Stevenson (1964), The Rocky Horror Picture Show de Jim Sharman (1975), Sweeney Todd de Tim Burton (2007) ou encore la duologie Bãhubali de SS Rajamouli (2015-2017) [1] sont passés à la postérité et y ont gagné des auras légendaires.
De même, il existe des séries télévisées (en partie ou entièrement) musicales — à l’exemple de Pushing Daisies et Glee — bien que la plupart soient animées et/ou destinées aux enfants [2].
Cependant, films ou séries, il s’agit-là (dans la plupart des cas) d’œuvres unitaires dont l’univers est par construction musical, soit du fait d’un portage au cinéma de spectacles de music-hall, soit par une allégorisation fabuliste du réel (à la façon des théâtres antiques et médiévaux).
La légitimité d’une extension musicale devient en revanche plus fragile dans les séries télévisées non musicales, lorsque les showrunners décident de faire basculer une construction à la base réaliste dans une chorégraphie scénique, de faire donc entrer des musiques normalement extradiégétiques dans le cadre intradiégétique [3]. Le défi consiste alors à devoir bricoler une justification en in-universe qui réussirait à ne pas être totalement artificielle et bidon, pour ne pas sacrifier l’internalisme] à l’externalisme et laisser en rade la suspension d’incrédulité.
Il existe malgré tout pas mal de réussites notoires qui ont su bétonner l’argument en in-universe tout en offrant une plus-value par la voie musicale :
- Buffy The Vampire Slayer 06x07 Once More, With Feeling : parangon du genre légitimé par une brillante capitalisation sur son univers de dark fantasy polysémique et sur ses personnages très épais (donc utilement explorables par voie musicale) ;
- The X Files 05x05 The Post-Modern Prometheus : mètre-étalon de l’exercice méta où les héros décident de se rebeller contre leurs auteurs tandis que la musique devient une nouvelle dimension conceptuelle ;
- Supernatural 10x05 Fan Fiction : une comédie (en partie) musicale enchâssée, selon le modèle de The X Files 07x19 Hollywood A.D (qui n’était pas musical quant à lui) ;
- House MD 07x15 Bombshells ayant intelligemment joué sur des perceptions altérées oniriques (à la façon de celles cultivées périodiquement par Farscape)...
- Community 03x10 Regional Holiday Music qui a eu l’astuce d’assumer un spectacle musical en internaliste ;
- Même Oz 05x03 Dream A Little Dream Of Me s’en est bien sorti (malgré sa dramaturgie violente) en osant ne rien expliquer (suggérant donc ainsi simplement un filtre ou surcouche de narration).
Le point commun de tous ces exemples ? Avoir attendu plusieurs saisons consistantes et un worldbuilding d’une solidité à toute épreuve avant de se lancer dans ce type de tweak expérimental.
Mais la praxis d’Alex Kurtzman forgée dans l’enfer (vulcain) de ST 2009 ne saurait souffrir de telles contraintes. Il s’est octroyé un régime de faveur par rapport au vulgum pecus. Avec lui, c’est "tout et tout de suite" : tricher pour sauter les étapes (façon cheat codes en gaming), se prévaloir sans mériter, faire illusion sans avoir appris, simuler faute d’avoir construit, arriver avant d’être parti, et s’autopromouvoir en circuit fermé. Bref, faire semblant d’être sans avoir (vraiment) été. Soit le profil même de l’imposteur, mais faisant diversion par son culot ou son aplomb.
2009 ou 2023, les mêmes causes engendrent les mêmes effets...
Et donc, malheureusement, SNW 02x09 Subspace Rhapsody se ridiculise avec ce qui ne mérite même pas le qualificatif de "justification internaliste", du moins au sens de la SF.
Il est question ici d’une pliure subspatiale qui — au motif que les protagonistes lui ont envoyé de la musique (le Great American Songbook) dans le cadre d’un test de communication par harmoniques à longue distance — plonge l’USS Enterprise (et par extension progressive l’UFP elle-même) dans un "champ d’improbabilité" (sic) où toute expression émotionnelle ne peut se faire qu’en chantant... et attention : uniquement selon la grammaire et les codes des comédies musicales de Broadway ! La Fédération de Secret Hideout était déjà frappée d’un anthropocentrisme impérialiste, là c’est carrément le cosmos lui-même qui l’est ! En outre, l’univers obéit désormais à un animisme ou à un panthéisme de pure fantasy... car pour imposer les chorégraphies de Broadway à tous les humanoïdes de la galaxie, ce n’est ni le hasard ni une loi scientifique, mais bien le signe d’une volonté (et très orientée qui plus est). Quant à l’argument-WTF (suggéré par Spock) d’un "univers parallèle gouverné par la comédie musicale", c’est à peu près du même tonneau que le monde où les humains avaient des hot-dogs à la place des doigts dans Everything Everywhere All At Once de Daniel Kwan et Daniel Scheinert (2022) ! No comment.
Le technobabble aléatoire nonsensique (du genre « If we combined shield harmonics with the Heisenberg compensator. You would have to connect both to the deflector array and generate a beam ») et l’armement trekkien classique s’avèrent évidemment impuissants... et même aggravants (selon la jurisprudence du "Mal sphérique" de The Fifth Element de Luc Besson). "L’improbability field" est donc en pleine expansion (il a déjà "avalé" une partie de la Fédération). Et avec l’arrivée imminente des croiseurs du General Garkog (de l’Imperial Klingon Defense Force) qui comptent tirer comme des bourrins dans la "subspace fold", l’univers entier risque de plonger irréversiblement dans la comédie musicale ! Vous imaginez un peu le tableau...
L’épisode s’est donc trouvé à la fois son péril et son timer. Et bien sûr à l’échelle de la Fédération entière strictement décorative, seuls les VIP de SNW peuvent trouver un remède.
C’est alors que la musicologue patentée et cantatrice distinguée Nyota Uhura comprendra que la seule manière de s’émanciper de la "comédie musicale pour tous", c’est d’en produire encore davantage, jusqu’à l’overdose ! Une nouvelle forme de lyssenkisme quoi. Il faudra donc organiser une grande farandole chorégraphie avec tout l’équipage — enfin seulement tout le main cast à l’écran (VIPisme oblige) — pour nourrir en émotions le champ d’improbabilité jusqu’à un certain seuil (344) qui le fera péter comme une baudruche.
Alors, avec un œil attentif sur "l’improbable-o-mètre" (mesuré en giga electronvolts s’il vous plait !), la cheffe d’orchestre Uhura dirigera le ballet de la troupe d’artistes itinérants de l’USS Enterprise... chantant et dansant d’emblée en parfaite coordination comme des pros sans la moindre formation ni répétition préalable (féérique) ! La communion dans le bonheur collectif irradiera à travers l’espace, et au moment d’atteindre l’orgasme utéro-annexiel (Françoise Dolto serait contente), la pliure subspatiale s’évanouira (dans tous les sens du terme), certainement comblée par le spectacle (contrairement aux spectateurs).
Zéro justification (c’est-à-dire un spectacle non motivé en internaliste) aurait été moins préjudiciable à Star Trek qu’une pareille arnaque aussi invraisemblable que décomplexée. Le cheminement suivi pour filmer dans SNW un classique spectacle de Broadway bat tous les records d’ineptie.
À ce niveau historique de bullshit, en amont même de la comédie musicale, il faut y voir une parodie hardcore et en réalité calomnieuse de toutes les anomalies spatiales — parfois haut perchées mais jamais absurdes — qui jonchaient le True ST. Évidemment, pour des auteurs qui ne comprennent pas à quel point la géométrie non-euclidienne (invalidation du cinquième postulat d’Euclide) d’épisodes comme ST TNG 02x02 Where Silence Has Lease ou ST VOY 07x11 Shattered n’a rien d’anti-scientifique, il est tentant d’en tirer un passeport d’immunité pour se faire plaisir avec des gros délires de (mauvaise) fantasy.
Certes, en contrepartie, SNW 02x09 Subspace Rhapsody est probablement le premier épisode de Strange New Worlds à n’avoir pas ouvertement pillé un ou plusieurs épisodes du ST historique (même si l’on songe très vaguement aux machines de Mazur à altérer les probabilités au Club Martus dans ST DS9 02x11 Rivals).
Toujours est-il que le "message" des scénaristes est limpide et il révèle bien le fond de leur conviction : « La SF de Star Trek, c’est n’importe quoi, et c’est donc ce que nous faisons ». Mais pour que le spectateur puisse s’accommoder d’un pareil biais, faut-il qu’il ait lui-même une piètre estime de la composante scientifique de ST au point de n’y voir qu’un pauvre alibi dans un univers de pure fantasy.
Cependant, une "réalité" où il serait devenu obligatoire de claironner publiquement en vers et en rythme toutes ses émotions en permanence, aussi bien les sentiments amoureux intimes que les complexes existentiels inavouables, c’est le meilleur des mondes possibles pour le paradigme kurtzmanien, son idéal, son Nirvana. L’épisode se payera même une lantern quand La’an déplorera que cette (com)pulsion générale d’extérioriser maladivement ses ressentis et ses sentiments pourrait représenter une brèche de sécurité. Sans blague ? On verse en effet dans le monde de The Invention Of Lying de Rick Gervais (2009)...
Ce sera dans tous les cas une occasion (fabriquée sur mesure) pour le FakeTrek de s’adonner avec passion à ce qu’il affectionne le plus : un bain, une piscine, un lac, une mer, un océan gluant de mélo, de pathos, de guimauve, d’éjaculation émotionnelle. Chaque personnage peut enfin monologuer de façon intarissable sur lui-même sans soûler personne (sauf bien sûr les spectateurs qui sont juste impatients que cette "torture par nombrilisme" s’achève). Du "MOI JE" à tous les étages, par tous les orifices et les pores de la peau, en slam, en chanson, en musique, en fanfare, en orchestre, en soliste, en boys/girls bands, en clip vidéo, en opéra (tant qu’à faire)...
Et le plus navrant peut-être, c’est que tout cette déferlante d’incontinence émotive est largement vaine... vu que (presque) toutes ces introspections et confessions publiques sont tautologiques ou redondantes. Elles ne révèlent rien sur les personnages (Pike, Batel, Una, Uhura, Spock, Chapel, Ortegas...) qui n’ait été montré, dit, et répété auparavant dans la série... hormis pour les ruptures Chapel/Spock et La’an/Kirk (cf. plus bas).
Selon Kurtzman et son gang, se produire dans une comédie musicale veut dire s’épancher narcissiquement sans fin, étaler publiquement l’égotisme et le culte de soi-même, organiser une liturgie religieuse autour de sa personne... avec l’univers pour chœur antique (la "subspace fold" prenant ici l’apparence d’autostrades interstellaires). Quelle vision réductrice et in fine insultante du genre musical... auquel ces showrunners prétendent pourtant rendre hommage (si mal).
Oh, il reste incontestable que les acteurs ont pris du plaisir à révéler — à travers cet épisode — des facettes méconnues de leur talent. C’est toujours ça de plus à ajouter à un CV.
Tellement de plaisir même... que cet exhibitionnisme pathologique efface en grande partie les personnages supposés être incarnés. De la même façon que SNW 02x07 Those Old Scientists était surtout une convention de trekkies en costumes, SNW 02x09 Subspace Rhapsody est surtout un spectacle voire un télécrochet mettant en vedette les comédiens de la série... jouant accessoirement des rôles.
On chante le bonheur d’être VIP du FakeTrek, on psalmodie le "feel good" de l’entre-soi, on se la joue de toutes les façons (im)possibles et (in)imaginable...
Le reste, c’est-à-dire l’histoire devient finalement très secondaire pour ne pas dire facultative voire insignifiante. Cela qui permet commodément de se débarrasser — à bon compte (sans même avoir besoin de s’imposer un semblant de consistance) et à la faveur d’une "réalité musicale" (encore plus inconséquente qu’à l’accoutumée) — de tous les fils soapesques irresponsables dont la série s’était encombrée jusque-là.
Ainsi, Christine Chapel ne rêvait que d’une relation passionnée avec Spock, elle était prête à y sacrifier son existence. Mais après l’avoir concrétisée de façon inespérée (seulement quatre épisodes avant), le puits d’omniscience qu’elle est n’a soudain d’yeux que pour des ambitions universitaires réservées aux cadors de la médecine, et c’est le Dr Roger Korby himself "Pasteur de la médecine archéologique" (cf. ST TOS 01x09 What Are Little Girls Made Of ?) qui lui annonce cette fois son admission instantanée (à la seconde même où elle postule) ! La super-infirmière géniale fait alors passer sans le moindre scrupule Spock dans les pertes et profits (en chanson of course) juste dans le but de devenir... l’infirmière lambda de ST TOS ! Cherchez la logique...
De même, La’an évoque à peine l’alter ego de Jim Kirk (dans SNW 02x03 Tomorrow And Tomorrow And Tomorrow que ce dernier (débarqué une nouvelle fois de l’USS Farragut) devine immédiatement (et sans la moindre surprise ni incrédulité) tous les interdits/dangers des uchronies à la façon d’un agent spatio-temporel expérimenté... alors qu’il n’envisageait même pas la possibilité du voyage temporel avant ST TOS 01x06 The Naked Time sept ans après. Et du fait de sa fidélité légendaire à Carol Marcus (cf. ST II TWOK) — Kirk est l’homme d’une seule femme comme chacun le sait — il douche les espérances idylliques de La’an.
Par-delà les couplets chantés, ces interactions et cheminements entre Chapel/Spock et La’an/Kirk sont ici tellement artificiels et forcés que les personnages ressemblent en fait à des trekkies qui savent par avance tout ce qu’ils ne devraient pas savoir, puis tentent bien maladroitement (et vite fait) de corriger le cap narratif pour se mettre peu ou prou "en conformité" avec leurs rôles attendus dans les épisodes historiques. Mais c’est hélas un peu trop tard pour ça...
On viole sans retenue la continuité de ST TOS durant deux saisons de SNW, on dénature sans vergogne ses personnages cultes, on développe des storylines 100% fake qui ne conduiront nulle part ... juste pour faire les kékés dans les médias, mettre en ébullition le fandom, et mener les trekkers en bateau. Puis la comédie musicale fait office de Ctrl+Z. Abracadabra et plus besoin d’assumer quoi que ce soit. Magique. Ou une forme de diversion (mentale). Trop facile les gars !
Mine de rien, ce dumping est un aveu d’échec sur tout le "volet soap" la saison ! Il a donc fallu se taper ces interminables HS romantiques pour... rien ?! Le fonds de commerce de SNW (i.e. le soap) serait-il lui-même une manipulation ? Les épisodes concernés précédents seraient-ils en fait à usage unique (mention "revisionnage déconseillé") ? Ne serait-ce pas au fond emblématique de la série SNW elle-même, qui elle non plus n’a rien apporté du tout à la SF (une belle coquille vide) ni à l’univers de ST (à part des casseroles, des incompatibilités, et du buzz).
SNW 02x09 Subspace Rhapsody est particulièrement révélateur de la nature et des priorités des productions Kurtzman : la SF n’y est qu’un prétexte factice… pour se complaire dans un soap opera sans fin, pour se contempler le nombril, pour se noyer alternativement dans l’autoapitoiement (pleurnicheries & lamentations) ou dans l’autosatisfaction (béatitude & fatuité) — les deux faces d’une même pièce. Quant à l’histoire, elle n’a aucune espèce d’importance : OSEF ! C’est comme si les showrunners venaient dire aux spectateurs : « on ne prend plus du tout Star Trek au sérieux, alors on va s’amuser et délirer à ses dépens avec ou sans vous. Place au spectacle. »
Fort bien.
Alors puisque l’argument, le propos, l’enjeu et le fond se bornent à n’être que des (mauvaises) plaisanteries et moqueries tandis que l’épisode ne fait même plus semblant de prendre son univers un minimum au sérieux (ce que pourtant un ton de comédie n’implique aucunement en soi), il n’y a aucune raison que cette review lui fasse l’honneur d’un décryptage exhaustif. Autant un épisode (manipulateur mais ambitieux) comme SNW 02x08 Under The Cloak Of War justifiait une "exégèse" de près de 70 000 signes, autant la vacuité abyssale de SNW 02x09 Subspace Rhapsody n’est même pas digne d’une turbo-critique de 10 000 signes (la présente ayant déjà dépassé le triple).
La logique, le sens, la cohérence, la raison, l’objectivation sont obsolètes et indésirables ? Seuls le spectacle, le divertissement, la coolitude, l’émotion, la subjectivité ont droit de cité ?
Ok, alors soyons subjectifs...
Depuis 2017 (2009), ce n’est pas peu dire que le FakeTrek avait accumulé les pires tartignoleries de pédo-fantasy avec sa science-pour-rire, de la "propulsion mycologique en réseaux mycéliens" au "gamin qui embrase tout le dilithium de la galaxie en chialant"...
Mais avec sa pliure subspatiale qui transforme l’univers en scène de Broadway, jusqu’au grand finale (et bouquet final) où l’on chante et l’on danse jusqu’à faire péter l’espace plié à "l’improbable-o-mètre", SNW 02x09 Subspace Rhapsody s’est surpassé ! Le Razzie Award du scénario le plus loufoque surréaliste débile (osons le dire !) ne suffirait plus.
Faut-il s’étonner que cet épisode soit co-écrit par Bill Wolkoff, qui avait déjà co-signé l’(in)fameux SNW 02x07 Those Old Scientists ? Il y a comme une communauté d’esprit...
Du coup, il devient de plus en plus difficile de penser que de tels WTF (à ne pas en croire ses yeux et ses oreilles !) ne soient pas intentionnels. Ça ressemble en fait à un giga "dîner de cons" (perpétuel) dédié "amoureusement" aux trekkies et dont les "hôtes" rivaliseraient d’audace pour voir jusqu’à quel point leurs "invités" sont prêts à gober tout ce qu’on leur sert. Faut-il que les doxosophes de Secret Hideux s’imaginent que la soumission crédule des trekkies est un puits sans fond…
Plus que jamais, le FakeTrek n’est ici qu’un décor sans aucune substance où strictement rien ne tient debout, faisant passer en comparaison les façades de Tombstone dans ST TOS 03x01 Spectre Of The Gun pour de l’or massif.
Ah ce chef d’œuvre de ST TOS 03x01 Spectre Of The Gun, un épisode qui avait beau être cheap et kitsch, mais où rien n’était gratuit, où chaque élément était gorgé de sens ! Aujourd’hui encore, il impressionne autant que les meilleurs épisodes de The Twilight Zone 1959.
Et il en était de même pour (par exemple) ST TOS 02x13 The Trouble With Tribbles, ST TOS 02x20 A Piece Of The Action, ST TNG 04x20 Qpid, ST DS9 04x10 Our Man Bashir, ST DS9 05x06 Trials And Tribble-ations et tant d’autres qui offraient un vrai divertissement humoristique ou décalé, mais sans jamais faire l’économie d’une histoire crédible, sans jamais renoncer au point de vue de la réalisation, sans jamais piétiner l’internalisme trekkien, et... sans se payer la tête des trekkers.
Alex Kurtzman voulait absolument une comédie musicale sous le label "Star Trek" ?
Eh bien soit. Mais alors pourquoi n’avoir pas imaginé (e.g.) sur une planète encore inconnue une civilisation dont le langage naturel aurait été proche de la comédie musicale... par exemple via une prolongation SF de la langue ultra-tonale de l’ethnie Dong en Chine. Dès lors, pour des raisons de communication ou de protocole dans le cadre d’un premier contact, l’équipage de SNW aurait alors dû se préparer à exécuter une comédie musicale, auquel cas le "style Broadway" aurait pu revêtir une dimension diplomatique pour un "potlatch culturel" en quelque sorte. C’est-à-dire dans la lignée de l’incontournable ST TNG 05x02 Darmok ou encore du très joli Stargate SG-1 02x19 One False Step mais en version musicale.
Voilà qui aurait été à la fois : foncièrement trekkien sur le fond, 100% cohérent et respectueux de l’internalisme, innovant et créatif, fidèle à la tradition des superbes comédies du True Star Trek qui jamais ne se construisaient au détriment de la crédibilité de l’univers lui-même... tout en faisant honneur à la dénomination même de la série ("de nouveaux mondes étranges").
Mais eût-il encore fallu pour cela avoir du respect, de l’ambition et de l’audace, bref de l’intelligence. Eût-il fallu surtout ne pas avoir l’obscénité de réduire une comédie musicale au fétichisme de son nombril et les chansons à un support de pathos interpersonnel.
The Orville s’érige d’ailleurs en antithèse de cet écueil. Ses épisodes sont gorgés de séquences musicales issues des répertoires contemporains et classiques. Les simulations holographiques ont même permis d’accueillir la légende Dolly Parton dans son propre rôle, des membres de l’équipage du Orville se sont plus d’une fois laissé aller aux ballades et aux chansonnettes (dans le cadre ou non de reconstituions historiques). Mais jamais l’in-universe ne fut violé ni même courbé pour le permettre, si bien que tous les "musicals" y était intégrés avec un naturel confondant, apportant souvent une plus-value émotionnelle (car naturelle et non outrée). Il n’est donc pas nécessaire d’être grand clerc pour deviner que sous l’égide de Seth MacFarlane — passionné du genre s’il en est — un épisode de The Orville en comédie musicale n’aurait perpétré ni faute de goût, ni massacre internaliste…
Alors oui, les danses et les chorégraphies de SNW 02x09 Subspace Rhapsody sont incontestablement très professionnelles.
Et, certes, les comédiens de SNW ont révélé une polyvalence artistique que l’industrie états-unienne de l’entertainment valorise tant. Savent-ils vraiment chanter ? Peut-être pour certains, à défaut l’autotune aura fait le reste.
Une nouvelle fois, de l’ensemble du cast, Jess Bush est vraiment celle qui rayonne le plus, faisant vivre par sa grâce (et sa justesse) ce qu’elle joue ou chante.
À l’inverse, Celia Rose Gooding a beau posséder un très bel organe (vocal), elle reste toujours dans le surjeu et l’imitation, tout en étant desservie par son propre égotisme de comédienne. Elle est "trop contente" d’être là, et ça transparait dans presque chaque scène, au point de teinter pesamment la fin du discours d’Uhura.
Quant aux mélodies (interchangeables) et aux chansons (outrageusement autocentrées), elles ont un intérêt pour le moins... variable ! Ce sera affaire de goûts certainement... Bah ! Les amateurs de variétoche apprécieront probablement.
La première note mérite donc au moins la moyenne... sur le plan formel : pour les compétences artistiques et techniques mobilisées, pour la prestation très impliquée des comédiens, et pour la reconstitution — quand bien même à contresens et à contremploi — d’un show de Broadway.
Le fond trekkien, par contre... arghhh ! Il réussit à être à la fois indigent (où est le sens, la métaphore, la fable, le sujet de réflexion, et même l’éventuel humour ?), embarrassant (une démolition au bulldozer d’à peu près tout ce qui fait que Star Trek est Star Trek), et... puant !
Puant pour les spectateurs tant ils sont exclus de ces festivités autosatisfaites qui ne les concernent finalement en rien.
Puant pour Star Trek car l’externalisme (la production) a totalement dévoré (tel un ogre) l’internalisme (in-universe).
Après une telle débauche de n’importe nawak absurde de proportion galactique — du moins pour les plus persévérants qui auront réussi à aller jusqu’au bout du calvaire (qui dure quand même une longue heure) — n’importe quel nanar (voire navet) de SF (genre The Cat From Outer Space de Norman Tokar ou ALF au hasard) devient soudain très regardable !
Cette "rhapsodie" fait même reculer les frontières de l’impossible : les épouvantables Klingons du taxon orque-xénomorphe dans la première saison de Discovery réussissent à être rétrospectivement "moins pires" que les WTFesques Klingons du taxon boys band dans SNW 02x09 Subspace Rhapsody !!! Impressionnant que la Marque K parvienne ainsi à aller toujours plus loin, à descendre toujours plus bas... Une forme d’anti-génie.
Note Episode
Note Star Trek
Cette ligne de programmation ne sert qu'a formaté proprement les lignes de textes lors d'un utilisation sous Mozilla Firefox. J'aimerais pouvoir m'en passer mais je ne sait pas comment, alors pour l'instant. Longue vie et prospèrité