Analyse
La pop culture a parfois ceci de curieux qu’elle a ses raisons que la raison ignore. Ainsi, SNW 01x08 The Elysian Kingdom fait le curieux effet de renouer avec une vieille recette des productions Star Trek inscrites dans l’imaginaire collectif, et même à dire vrai une des pires recettes que nul trekker n’aurait envie de revivre…
Et pourtant, en épluchant bien le vaste patrimoine existant, même dans ses pires moments, jamais le Star Trek historique ne s’était égaré dans un pareil amateurisme. Amateurisme du cadre (on recouvre les décors intérieurs du vaisseau de quelques tentures médiévales ou de plantes vertes), amateurisme de la mise en scène (les fan-productions font tellement mieux...), amateurisme de l’interprétation (les acteurs se font peut-être plaisir mais leur surjeu et leur cabotinage outranciers perd totalement les spectateurs), et par-dessus tout amateurisme de l’histoire et des dialogues (colligation des pires clichés de la fantasy au service d’un sophisme décisionnel final). Il en ressort un épisode très désagréable à suivre, aucunement rédimé par sa conclusion, laissant le spectateur face au choix cornélien d’abandonner le visionnage avant la fin tellement le spectacle proposé fait pitié… ou alors de regarder l’épisode avec goguenardise en mode railleur de type Mystery Science Theater 3000.
Oh, nul doute que les scénaristes sont allés faire — comme à leur habitude — leur marché dans l’inépuisable catalogue trekkien historique toujours disponible pour auteurs en mal d’inspiration. On pourra donc retrouver dans SNW 01x08 The Elysian Kingdom beaucoup de ST TOS 01x17 Shore Leave (l’équipage de Kirk vivant des jeux de rôles issus de son imagination dans un parc d’attraction extraterrestre), de ST TOS 02x01 Catspaw (des aliens explorant l’humanité à travers ses peurs et ses mythes), de ST TNG 04x20 Qpid (Q envoyant dans un de ses simulacres l’équipage de Picard pour y jouer Robin des Bois), de ST TOS 02x02 Metamorphosis (une entité alien immatérielle solitaire qui se cherche une compagnie humaine)… et aussi un peu de ST TOS 01x18 The Squire Of Gothos, ST TOS 02x20 A Piece Of The Action, ST TOS 03x12 Plato’s Stepchildren, ST TOS 03x18 The Lights Of Zetar, ST TOS 03x22 The Savage Curtain, ST TAS 01x03 One Of Our Planets Is Missing, ST TAS 01x09 Once Upon A Planet, ST TNG 01x07 Lonely Among Us, ST TNG 02x12 The Royale, ST TNG 03x20 Tin Man, ST TNG 05x22 Imaginary Friend, ST TNG 05x25 The Inner Light, ST TNG 07x20 Journey’s End, ST DS9 01x10 Move Along Home, ST VOY 02x23 The Thaw, ST VOY 04x02 The Gift, et ST VOY 05x05 Once Upon A Time. En outre, la fin de SNW 01x08 The Elysian Kingdom puisera sans complexe dans Always de Steven Spielberg (1989), Ghost de Jerry Zucker (1990), Jumanji de Joe Johnston (1995), et Contact de Robert Zemeckis (1997) !
Malheureusement, au contraire de The Orville qui ne manque pourtant pas non plus de s’abreuver goulument à la sève originelle, la mayonnaise ne prend pas du tout dans SNW. En dépit de l’accumulation d’emprunts qui aurait pu garantir un minimum syndical de qualité, ou du moins d’authenticité, le résultat est incomparablement inférieur à tous ses inspirateurs (qu’ils soient considérés séparément ou cumulativement), tout en laissant en bouche l’amertume d’une contrefaçon. Dans les opus historiques inventoriés ci-dessus, les acteurs (notamment William Shatner) théâtralisaient souvent leur interprétation mais sans s’abaisser pour autant à des pitreries gamines tuant la crédibilité de leurs personnages, les configurations scéniques pouvaient être ponctuellement absurdes (comme chez Lewis Carroll) mais elles cultivaient un humour décalé et généraient du sens rétrospectivement, enfin le dénouement venait justifier assez astucieusement ce qui avait été mis en scène dans l’épisode sans être plombé par des décisions personnelles invraisemblables ou nonsensiques. Rien de tel ici malheureusement, et dépit de quelques illusions (au propre comme au figuré).
SNW 01x08 The Elysian Kingdom prend pour prétexte le conte enfantin médiéval-fantastique que le Dr M’Benga lit en boucle à sa fille Rukyia chaque fois qu’il la sort de la mémoire tampon du téléporteur… pour le mettre en scène en live sur l’USS Enterprise en faisant jouer à chaque protagonistes du main cast un des personnages du livre pour enfants The Elysian Kingdom. Ainsi, le Dr Joseph M’Benga devient : le gentil King Ridley régnant légitimement sur l’Elysian Kingdom ; Uhura : la méchante et perverse Queen Neve qui veut le conquérir ; Christopher Pike : le lâche Sir Amand Rauth ; Hemmer : le bon Caster the Wizard ; Spock : le mauvais Wizard Pollux (frère de Caster) ; La’an : la superficielle et narcissique Princess Thalia ; Chapel : la vaine Lady Audrey ; Una : la courageuse Z’ymira the Huntress ; Ortegas : la vaillante et loyale Sir Adya ; l’ordinateur : l’oracle ; les anonymes de l’équipage : la Crimson Guard au service de la Queen Neve ; et Rukyia (sortie pour la circonstance du téléporteur) : The Mercury Stone i.e. l’arme secrète du King Ridley convoitée par tous.
Tous les membres d’équipage ont perdu conscience d’eux-mêmes, devenant de simples pantins au service du narratif rôliste… hormis l’élue Rukyia, l’ingénieur Hemmer et le médecin M’Benga à qui appartiendra donc la charge de comprendre la situation et ses causes, puis d’y remédier afin de restaurer l’intégrité de l’USS Enterprise et de son équipage.
Il ne fait guère de doute que l’intention des scénaristes Akela Cooper & Onitra Johnson était de "faire du TOS" (comme d’autres "font du bruit")… tout en offrant une porte de sortie féérique à Rukyia et à son incurable cygnokemia.
Hélas, analogiquement à ce qu’avait un jour dit Spock dans ST TOS 01x18 The Squire Of Gothos : « It simply means that Trelane knows all of the Earth forms, but none of the substance », SNW 01x08 The Elysian Kingdom n’a conservé de la série originale que sa sémiotique parfois ridicule en apparence (telle une coquille vide) lorsque découplée de sa sémantique ambitieuse (et hautement rédimante), tout en confondant grossièrement la troisième loi de Clarke avec un TGCM de fantasy derrière la cuistrerie d’une référence déplacée (et incomprise) au cerveau de Boltzmann.
Exactement comme dans SNW 01x06 Lift Us Where Suffering Cannot Reach, SNW 01x08 The Elysian Kingdom se dérobe à tout vrai dilemme moral en y substituant un faux dilemme via une manipulation (ici une noyade dans un bain de pathos glucosé) et un comportement irrationnel (contre une promesse d’immortalité, M’Benga décide "d’offrir" sa fille bien aimée à une entité inconnue qu’il vient juste de rencontrer). Puis histoire d’anesthésier toute objection rationnelle et bloquer un quelconque rappel du réel, un déphasage temporel bien pratique se débrouille pour donner raison au médecin dans les secondes qui suivent (avec la visitation impartageable de sa fille devenue adulte, immatérielle et omniscience). En somme, un pack complet : rôlisme cheap de MJC + illogisme comportemental + guimauve lacrymale + adoubement surnaturel "objectif".
L’épisode peut donc s’achever par une proclamation, non pas des lois naturelles qui président à la SF, mais de la foi et de la magie qui président au merveilleux. Tout à l’inverse de ST VOY 05x05 Once Upon A Time où le "il était une fois" s’assumait comme l’incipit d’une fiction, SNW 01x08 The Elysian Kingdom en fait l’incipit d’une réalité.
Ainsi, non seulement l’épisode est à peine regardable, mais en sus, il inflige une complète dénaturation trekkienne.
Alors quand bien même l’arnaque scénaristique serait "sincère" et pleine de "cœur", elle n’en est pas moins une arnaque. Et si le staff — à commencer par les acteurs — ont assurément pris leur pied pendant le tournage (tant mieux pour eux), leur entre-soi est tellement excluant qu’il a laissé les spectateurs sur le carreau.
Dont acte.

Note Star Trek
Cette ligne de programmation ne sert qu'a formaté proprement les lignes de textes lors d'un utilisation sous Mozilla Firefox. J'aimerais pouvoir m'en passer mais je ne sait pas comment, alors pour l'instant. Longue vie et prospèrité