.

Memento Mori
.

Critique
Beaucoup de choses positives à dire cette semaine sur ce nouvel épisode de Strange New Worlds, mais aussi deux gros bémols pour ma part qui tempèrent mon enthousiasme.

Quand on additionne une bonne dramaturgie, un jeu d’acteur au cordeau et un suspense intense, c’est la recette idéale pour délivrer un bon épisode. Tout est affaire de dosage, mais pour peu qu’on ne soit pas allergique à la série, l’ensemble est une grande réussite.

Trois unités de lieu cette semaine pour montrer un équipage en détresse, avec bien entendu, en premier lieu, le pont principal de l’Enterprise où se prennent les décisions stratégiques pour la survie du vaisseau. Anson Mount démontre une nouvelle fois qu’il est l’interprète idéal pour jouer le Capitaine Pike. Il est bien entouré avec notamment Christina Chong dont le personnage, La’an Noonien-Singh, commence à avoir un sacré lot de traumas.

Les deux autres lieux sont l’infirmerie et la salle des machines. Si la problématique du docteur M’Benga est assez classique, celle qui concerne Uhura et Hemmer permet de continuer à développer les relations entre les personnages.

A noter également que la production a heureusement évité l’écueil de montrer les Gorns. Certainement un des aspects le plus ridicule de la Série Originale, dévoiler les Gorns avec nécessairement un look différent aurait encore alimenté inutilement les débats.

Pour autant, il me semble que la production s’est encore pris les pieds dans le tapis sur un aspect du scénario. Le vaisseau étant gravement endommagé, la solution qui est trouvée est de se refugier dans une géante gazeuse, elle-même à proximité d’un trou noir. Quand Erica Ortegas indique que la géante se trouve à 200 millions de kilomètres du vaisseau, mon sourcil de terrien non vulcain s’est soulevé. Sans être un astronome aguerri, instantanément, je me suis dit qu’au niveau d’un système planétaire, c’est la porte à côté. Pour info, la distance entre la Terre et Jupiter est de plus de 600 millions de km.

Alors ce n’est pas tant cette distance avec la géante qui m’a choqué, c’est le fait que juste derrière, il y avait un trou noir. Bref, le principal danger pour la colonie ne me semble pas être les Gorns, mais ce fameux trou noir qui aurait du les dissuader de s’installer là à la base. Et pour moi, c’est le genre d’information qui me fait sortir littéralement d’un épisode, aussi bon soit-il par ailleurs.

Mon second bémol est le titre de la série qui n’a de plus en plus rien à voir avec la thématique des épisodes. Au bout de quatre épisodes, l’équipage n’a toujours pas commencé à explorer des mondes nouveaux et étranges.

Cette ligne de programmation ne sert qu'a formaté proprement les lignes de textes lors d'un utilisation sous Mozilla Firefox. J'aimerais pouvoir m'en passer mais je ne sait pas comment, alors pour l'instant. Longue vie et prospèrité

Analyse
Arrivé au quatrième épisode de Strange New Worlds, la formule est désormais connue et éprouvée, son assise bien établie.
SNW 01x04 Memento Mori est simplement allé au MIN de Rungis (ou plutôt au Farmers Market de L.A.) pour faire son marché :
- ST TOS 01x19 Arena (l’attaque mortelle de Cestus III par les Gorns) pour une semblable mise en bouche sur Finibus III ;
- ST TOS 01x08 Balance Of Terror (l’affrontement "aveugle" entre deux commandements militaires prisonniers de leurs devoirs respectifs) pour l’ossature narrative, quoique ses épigones cinématographiques (partiels) — ST II The Wrath Of Khan et ST Nemesis — et ses contrepoints sous-mariniers hors ST — The Enemy Below (Torpilles sous l’Atlantique) de Dick Powell (1957), Das Boot de Wolfgang Petersen (1981), et leurs nombreuses variantes — pouvaient tout aussi bien faire l’affaire pour mettre le couvert ;
- ST DS9 04x07 Starship Down (un cuirassé de la Fédération se plongeant dans une géante gazeuse afin d’échapper puis d’éliminer les vaisseaux d’un ennemi impénétrable tandis que des équipiers isolés tentent de désamorcer un engin explosif) pour le rhème tactique en guise de plat principal (à tel point d’ailleurs que SNW 01x04 Memento Mori pourrait presque être pris pour son remake) ;
- ST ENT 02x09 Singularity (un flirt dangereux avec un trou noir) pour l’escapisme et la résolution, somme toute le dessert ;
- ST VOY 04x15 Hunter (les humanoïdes réduits à des proies comestibles pour les implacables chasseurs Hirogen) pour les condiments ;
- les Magogs de la série Andromeda (la perversion du mode "alimentaire" de reproduction) pour les épices (pimentées).
Autant dire qu’en si bonne compagnie, avec de si belles sources à cannibaliser, le festin eût normalement dû être royal et le carton plein assuré.
Oui, oui, mais non ! Car nous sommes malheureusement dans une production Secret Hideout, célèbre pour son Anti-Midas Effect...

Après avoir généreusement distribué des traumas à six des dix personnages du main cast durant ses trois premiers épisodes, plutôt que de continuer sur cette belle lancée, le quatrième épisode s’emploie à les faire fructifier sur le personnage le mieux pourvu. L’épisode est ainsi construit autour du principal trauma d’enfance de La’an, non pas les moqueries sur son patronyme, mais le sort innommable qui a frappé toute sa famille (dévorée vivante pour servir de "sacs de reproduction" dans les planetary nurseries de la Gorn Hegemony). Autant dire que SNW 01x04 Memento Mori est pour Noonien-Singh un "redemption episode" comme aime à les cultiver l’industrie hollywoodienne dans son rituel victimaire. Selon le protocole en vigueur, le personnage abimé par la vie est confronté une nouvelle fois au cauchemar séminal ou à ses échos, et au travers de pesants flashbacks, il apprend à dépasser sa tragédie personnelle, à démystifier les causes de sa névrose, à panser ses blessures psychologiques, à prendre du recul, à se reconstruire sur de nouvelles bases, à se sublimer dans une explosion cathartique, à trouver la paix et la sérénité (rayer les mentions inutiles).

Nommée à nouveau Number One temporaire par Pika (Una ayant été blessée), La’an sera donc la cicérone de l’USS Enterprise durant sa confrontation avec pas moins de quatre vaisseaux gorns (un gros et trois petits) ! Une épreuve de survie qui conduira l’équipage :
- d’abord en orbite de Finibus III (où le sauvetage d’une centaine de colons s’avérera en réalité un piège tendu par les sournois Gorns)…
- puis à l’intérieur d’une naine brune à 200 millions de km de là pour brouiller les détecteurs de l’ennemi mais en se privant en retour de tout armement fonctionnel (trois des vaisseaux gorns finiront par être détruits par diverses "astuces")...
- et finalement au voisinage d’un trou noir sur l’horizon des événements duquel l’as du pilotage Ortegas se payera une séance de surf (selon le principe de slingshot gravitationnel) pour échapper à la prédation du dernier vaisseau gorn.

Incontestablement, SNW 01x04 Memento Mori prodigue une expérience claustrophobe relativement saisissante dans une ambiance non dépourvue de "TOS vibes", avec quelques moments de dignité voire de contemplation, et le bénéfice d’une retenue accrue chez ses interprètes principaux (même si le pathos se tient toujours en embuscade et ne manque jamais une occasion de se rappeler au public).
Mais comme toujours, le diable se cache dans les détails, et la proposition ne survit guère à une analyse qui creuserait sous le lustre de la surface (aussi séduisante et somptueuse soit-elle)...

Conclusion
Donc sans grande surprise, une fois de plus, absolument rien ne tient debout dans SNW 01x04 Memento Mori, ni envers sa propre cohérence diégétique (décisions de commandement, stratégie suivie, destructions des vaisseaux Gorns, comportement de l’équipage, enchaînement des événements…), ni envers les sciences réelles et/ou trekkienne (auxquels l’épisode prétend pourtant accorder la part du lion), ni envers une chronologique qui ne peut décidément être commune avec celle de ST TOS (au cas où la masse critique de divergences ne suffirait pas à convaincre les plus loyalistes).
Mais à part tout "ça" — c’est-à-dire l’essentiel pour la suspension consentie d’incrédulité — SNW 01x04 Memento Mori est plutôt sympa. Parce que le visuel est top, parce que Pike est cool, parce que son style de commandement collaboratif transforme l’USS Enterprise en une start-up et son équipage en une bande de potes, parce que certaines lignes de dialogues (essentiellement sur les hommages commémoratifs aux défunts) possèdent une relative élégance, et surtout... parce que les spectres d’épisodes historiques mémorables s’obstinent à percer les ténèbres et hanter le radeau de la méduse kurtzmanien !
SNW 01x04 Memento Mori est totalement illogique, il n’explore rien, il ne propose aucune réflexion, mais il le fait bien.

Strange New Worlds repose visiblement sur un business model qui marche très fort aujourd’hui dans la Cité des anges, à savoir : "la nostalgie suffit bien puisque les madeleines (de Proust) sont nourrissantes".
Du coup, rien d’étonnant que SNW 01x04 Memento Mori cartonne dans les charts US et sur les agrégateurs de critique... tel un messianique "Second Coming" ! Faut-il s’en réjouir ou s’en indigner, en rire ou en pleurer ?


Note Star Trek

Cette ligne de programmation ne sert qu'a formaté proprement les lignes de textes lors d'un utilisation sous Mozilla Firefox. J'aimerais pouvoir m'en passer mais je ne sait pas comment, alors pour l'instant. Longue vie et prospèrité