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Les fantômes d'Illyria
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Critique
L’adage qui dit que les chiens ne font pas des chats commence malheureusement à se vérifier avec Star Trek Strange New Worlds. Scénaristiquement parlant, au bout de trois épisodes, cela part déjà en vrille.

Alors, oui, il fallait commencer à développer la personnalité et le passé de Una Chin-Riley. Des trois interprètes principaux, notre Number One était notoirement sous-utilisée par rapport à Pike et Spock. La relier aux Illyrians ne semble pas une mauvaise idée à la base, c’est juste qu’il faut ne pas trop réfléchir pour éviter de trouver ça totalement capillotracté. Comme si Una n’avait pas dû passer moult examens médicaux dans toute sa carrière chez Starfleet et que sa nature non-humaine n’avait jamais été mise en lumière à cette occasion.

Si vous rajoutez à cela la révélation finale concernant le docteur M’Benga, on va dire que la suspension d’incrédulité qui a pourri les dernières saisons de Discovery et Picard commence sérieusement à attaquer l’espoir d’avoir sur le long terme une série Trek enfin valable. Concernant M’Benga, on se demande vraiment pourquoi la médecine ne semble avoir fait aucun progrès depuis notre époque. Et plus largement, entre un capitaine résigné par son futur irrémédiable, un premier officier qui cache sa vraie nature et un docteur qui utilise la téléportation d’une façon non-orthodoxe, mais où va Starfleet ma bonne-dame !

J’ai beaucoup reproché à Disco et Picard leur côté totalement prévisible. Mon petit doigt me dit que la nature de Una et la situation de la fille de M’Benga sont intimement liées. Cela ne m’étonnerait pas que la guérison de la dernière se fasse en manipulant son génome...

Sur le petit séjour de Pike et Spock sur la planète, je me suis juste dit que ce n’était vraiment pas de chance que la tempête ionique, phénomène récurent sur la planète, fasse exploser les vitres juste au moment de la présence de nos deux héros. Là aussi, encore une facilité de scénario comme il y en a tant dans les productions Kurtzman.

Autre chose qui m’a beaucoup gêné cette semaine, c’est l’incohérence entre le pilote de la série et l’attitude de dégoût envers les manipulations génétiques de celui-ci. Cela n’a pas gêné grand monde, notamment Chapel, d’avoir recours à une thérapie génique, même provisoire, pour modifier l’apparence visuelle de Pike, Spock et La’an afin d’infiltrer la population de la planète Kiley 279 dans le premier opus de Strange New Worlds. Ce qui passe crème dans un épisode est rédhibitoire dans un autre. Cohérence, cohérence...

Si ma notation sur cet épisode n’atteint pas encore le plancher des vaches, c’est bien sûr grâce à l’interprétation de l’ensemble du casting. Rebecca Romijn, toute en retenue et en autorité, y est impériale. L’alchimie entre Pike et Spock est totale. Et que dire de l’ajout du côté pince sans rires de Hemmer. Rajoutez à cela les images de toute beauté sur la planète et sur le vaisseau, cela sauve littéralement l’épisode du naufrage.

Cette ligne de programmation ne sert qu'a formaté proprement les lignes de textes lors d'un utilisation sous Mozilla Firefox. J'aimerais pouvoir m'en passer mais je ne sait pas comment, alors pour l'instant. Longue vie et prospèrité

Analyse
L’USS Enterprise est chargé d’enquêter sur la disparition complète d’une colonie illiriane sur Hetemit IX, planète périodiquement frappée par des tempêtes ioniques. Suite à une désactivation des biofiltres durant la téléportation de retour sur le vaisseau (qui évitera une catastrophe grâce à l’intervention du génie autoproclamé Hemmer), l’équipage de l’USS Enterprise est frappée par une épidémie de luminovirus (virus transmis par les photons), transformant le personnel en junkies de la lumière (et du feu) jusqu’à vouloir se mutiler (ou s’embraser)... telles des phalènes.
Le clou de la pathologie mentale étant certainement atteint lorsque l’ingénieur aenar tentera de téléporter à bord un fragment du noyau en fusion de la planète Hetemit IX pour se précipiter dedans avant d’être stoppé de justesse par la XO ! La’an en tiendra également une belle couche lorsqu’elle lèvera le champ de confinement du réacteur de distorsion (pour tenter de faire exploser l’USS Enterprise par le contact non contrôlé de matière et d’anti-matière) en réaction à la découverte du "secret infamant" de sa bienfaitrice et mentor Una.
Eh oui, coup de théâtre, la Number One Chin-Riley se révèle ne pas être une Terrienne, elle est en réalité une Illiriane génétiquement modifiée pour résister à la plupart des maladies (et aussi pour ressembler à une humaine). Ainsi, non seulement elle fera la démonstration de sa force physique supérieure (portant sur une épaule Hemmer et quasi-invulnérable aux prises martiales de La’an), mais elle développera une immunité contre ce "light virus epidemic", allant même jusqu’à guérir Noonien-Singh (par simple proximité physique) des radiations émises le warp core. Ce qui permettra in fine à l’infirmière Chapel de synthétiser des anticorps puis développer un antidote pour tout l’équipage.
En parallèle, coincés dans une bibliothèque de Hetemit IX pendant la tempête ionique (les ayant privé de l’usage de la téléportation), Pike et Spock seront contre toute attente protégées du pic ionique fatal par des créatures de plasma et de feu… Celles-ci s’avéreront en réalité les colons illirians recherchés, mais ayant fusionné avec les ions de la tempête... pour avoir tenté de renoncer à toutes leurs améliorations génétiques dans l’espoir d’être admis au sein de la Fédération (qui exclut toute espèce ayant été modifiée génétiquement). Profond !
Finalement l’enquête révélera que le luminovirus a été ramené sur l’USS Enterprise parce que le Dr M’Benga avait désactivé les biofiltres des téléporteurs principaux (suite à une mise à jour récente) afin de conserver (hors du temps et indemne) dans la mémoire-tampon des téléporteurs médicaux sa fille Rukiya, souffrant de cygnokemia (maladie terrible et incurable).
Finalement, tout le monde se pardonnera — ou se tiendra par la barbichette — à grand renfort de pathos, de larmes dans les yeux, et de trémolo dans la voix :
- Pike refusera la démission d’Una pour avoir dissimulé son identité et son augmentation génétique au motif de son excellence ; et si jamais cela devait se savoir, il en assumera les conséquences vaillamment auprès de Starfleet ;
- Una pardonnera à La’an ses voies de fait contre une supérieure (et accessoirement son intention de faire exploser l’USS Enterprise) sous l’emprise de son "racisme" envers les Augments (par haine de son aïeul Khan dont la funeste réputation avait pourri son enfance) ;
- et la Number One ne sanctionnera par le Dr M’Benga pour avoir mis en danger de mort l’équipage ; elle prendra même la décision de connecter le téléporteur médical directement au réacteur pour permettre au médecin d’y maintenir sa fille indéfiniment dans la mémoire tampon.
En tandis que la petite Rukiya sera matérialisée par son père pour lui lire une histoire de fantasy, Una confessera dans un journal de bord une pensée authentiquement intersectionnelle : elle ne peut se réjouir de la générosité de Pike car celle-ci ne témoigne pas d’un droit d’inclusion de tous les OGM mais seulement d’un régime d’exception récompensant son héroïsme et sa perfection en tant que XO. Mais comme l’audace d’une pareille réflexion est apparemment interdite au sein de l’UFP kurtzmanienne, Chin-Riley effacera l’enregistrement ! Courageuse mais pas téméraire.

Le propos de Strange New Worlds 01x03 Ghosts Of Illyria tient sur un ticket de métro, et ce n’est pourtant pas faute — comme chaque semaine visiblement — de piller un bon nombre d’épisodes historiques et d’être irriguée de quelques idées de SF. Mais aucune n’aura été vraiment traitée, pas même a minima, outre une masse critique d’incohérences/contradictions/incompatibilités et de WTF en tous genres (comme d’hab). Les scénaristes se révèlent une nouvelle fois dans l’incapacité mentale d’articuler (sans illogismes à la pelle) des problématiques ontologiques touchant à l’universel. Alors derrière un paravent flatteur de têtes de chapitres ambitieuses, la narration se déverse aussi sec dans le nombriliste, l’interactif et le propagandiste. De toute évidence, l’objectif diégétique était de substituer à toute véritable problématique science-fictionnelle une transposition simpliste des obsessions inclusives contemporaines, tout en chargeant plusieurs autres personnages du main cast (Una, La’an, M’Benga) de pesants traumas personnels dans le seul but de générer un maximum d’empathie factice et de pathos tire-larmes.
Avec cette distribution hebdomadaire gratuite de nouveaux "passés tragiques honteux" (et pas de jaloux, chaque membre du main cast aura droit au sein !), tous les protagonistes se retrouvent à porter de lourds secrets que les décorums SF auront pour unique fonction de révéler, si "bien" que Strange New Worlds commence à prendre la tournure de la série... Lost (de sinistre mémoire) !

C’est au fond la triste histoire de showrunners hyper-médiocres, spécialisés dans l’enfumage du business model serialisé (la lutte de VIPs contre des menaces galactiques abracadabrantes et vides de sens délayées sur des saisons entières), et qui se retrouvent désormais confrontés au véritable défi intellectuel et créatif que pose l’écriture d’épisodes stand alone, nécessitant à chaque fois une véritable histoire SF, dense et solide. Une épreuve de vérité à laquelle ne peuvent survivre les faiseurs et les imposteurs n’ayant pas les moyens de leurs prétentions. Or comme des Alex Kurtzman et Akiva Goldsman ne peuvent miraculeusement se transformer en des Brannon Braga et Ronald D Moore, ces premiers n’ont d’autres choix que de concocter diverses stratégies de fuites et de parades pour faire illusion — la dernière en date étant en l’occurrence la prothèse du pire soap opera et du psychologisme autosatisfait qui ramènent les spectateurs en terrain amèrement familier, c’est-à-dire dans les abysses de Discovery et de Picard...

Et une fois de plus, c’est la Fédération — pourtant principale héroïne de Star Trek — qui prend (très) cher. D’aucuns s’imaginaient naïvement que les loners du format épisodique allaient permettre de renouer avec les "planètes de la semaine", permettant de concentrer sur des civilisations extraterrestres toutes les éventuelles charges transpositionnelles.
Hélas, que nenni ! Comme dans chacune des productions précédentes de Secret Hideout, c’est l’UFP qui en prend plein la g***** (dorénavant impérialiste, procuste, bigote, discriminatoire, indifférente...) afin d’allégoriser ou de dénoncer les travers du contemporain au travers de fables wokes confondant éthique et moraline.
Seulement du coup, il ne reste plus rien de l’utopie, le narcissisme USA-centré grignotant et assassinant chaque fois davantage l’idéal roddenberro-bermanien.
Il subsiste seulement quelques individus d’exception — ici les protagonistes de SNW (Christopher Pike et Una Chin-Riley en tête) — aucunement représentatifs de leur société, et même condamnés à devoir se cacher ou se jouer d’elle (voire agir en mafieux pour protéger leur "famille")... exactement comme la plupart des héros de Marvel et de DC.
Bref, il ne saurait y avoir pire inversion et finalement trahison de la proposition trekkienne — souillée ici comme rarement —, et ce n’est ni un visuel à tomber ni une interprétation plutôt convaincante qui rédimeront l’usurpation du prestigieux label dont cette série se prévaut indûment..
D’autant plus que les nostalgiques y trouveront de moins en moins leur compte. Car plus la série dévoile les coulisses de son USS Enterprise 100% rebootée, moins ce vaisseau a quoi que ce soit de commun avec celui de ST TOS ! Entre sa salle des machines qui donnerait des complexes aux plus puissants astronefs du siècle suivant (ST TNG/DS9/VOY) et son infirmerie gigantesque comme une usine ou une cathédrale, le vaisseau vedette de Strange New Worlds réussit a sonner encore plus mégalo et anachronique que celui des les films Kelvin... mais sans même assumer officiellement une timeline distincte. Le pire des deux mondes en somme... foulant donc aux pieds tout ce qui pouvait subsister d’homogénéité internaliste et de worldbuilding.

En dépit de customisations — et parfois de progrès — de forme, c’est donc toujours la même et sempiternelle formule que CBS/Paramount nous sort en boucle ad nauseam depuis 2009, #FakeTrek après #FakeTrek. Chaque début de série (ou de saison) distille un bel espoir (bien emballé) plein de promesses (de politiciens), mais la chute inéluctable qui s’ensuit n’en est que plus douloureuse.
« Fool me once, shame on you ; fool me twice, shame on me ». Mais là ce n’est pas la seconde fois, c’est la troisième (en réalité la treizième) ! Les trekkers seraient-ils devenus aussi imperfectibles que leurs dealers ?


Note Star Trek

Cette ligne de programmation ne sert qu'a formaté proprement les lignes de textes lors d'un utilisation sous Mozilla Firefox. J'aimerais pouvoir m'en passer mais je ne sait pas comment, alors pour l'instant. Longue vie et prospèrité