Critique
Depuis que les équipes de Secret Hideout, dirigés par Alex Kurtzman, ont pris en charge la production des séries Star Trek, les adversaires de ces séries ont développé le concept du Fake Trek. Pour ma part, même si je comprends les arguments, j’ai toujours eu du mal à utiliser ce terme. Effectivement, on ne peut décemment pas dire que les productions Kurtzman sont du même acabit que les productions Berman. Pour moi, chaque génération de série Star Trek correspond à son époque et, de facto, notre société est aujourd’hui dans la simplification à l’extrême de la complexité.
Mais pour pouvoir les traiter de Fake, encore faut-il que ces productions essayent un minimum d’avoir des histoires, un environnement, des visuels qui rappellent ce qu’est une production Star Trek. Or, depuis leur arrivée en 2024, j’ai de plus en plus de mal à voir ce qui réellement rattache la série Picard à Star Trek au-delà des personnages et de 2-3 téléportations. Si on regarde avec un pas de côté cet épisode. Il y a d’abord la grande majorité, voire la totalité des dialogues qui se concentrent uniquement sur les relations personnelles et/ou amoureuses des personnages : Raffi / Seven, Rios/Juratti, Rios/la doctoresse, Picard/Laris - Tallinn, Picard/Renée, Soong/Kore. Là aussi, si certains peuvent reprocher à Discovery son coté Soap, cette dimension est désormais totalement assumée par Star Trek Picard jusqu’à en devenir son seul ressort. Prenez par exemple le summum de cet épisode qui est la relation intime entre Jurati et la Reine Borg. Aurais-je pu imaginer un jour écrire dans une critique que les dialogues d’une Reine Borg pouvaient me faire penser à ceux d’une influenceuse beauté sur Instagram ? Et pourtant, malgré tout ça, et peut-être parce que j’ai intégré que, sur mon canapé, je ne regardais plus un Star Trek, j’ai passé plutôt un bon moment. Oui, les scènes Jurati/Reine Borg sont too much, mais en même temps fascinantes car très bien joués par les deux actrices. La rencontre entre Renée et son descendant Jean Luc est très bien écrite avec la bonne dose d’empathie et de sincérité de Patrick Stewart. La relation amoureuse entre Seven et Raffi reste sobre avec la bonne intensité... Bref, oui, c’est du Soap, mais du bon Soap. Avec la seconde saison de Star Trek Picard, Kurtzman va donc au-delà du Fake Trek pour inventer le concept de No Trek. Vous comprendrez donc que la note ci-dessous est pour le sixième épisode de Dynasty Picard. Pour la note de Star Trek Picard, merci de vous reporter à la note Star Trek d’Yves. Cette ligne de programmation ne sert qu'a formaté proprement les lignes de textes lors d'un utilisation sous Mozilla Firefox. J'aimerais pouvoir m'en passer mais je ne sait pas comment, alors pour l'instant. Longue vie et prospèrité |
Analyse
Qu’il soit un #FakeTrek ou un #NoTrek, Picard 02x06 Two Of One porte la quasi-intégralité de sa diégèse sur son Ocean’s 11/12/13 du pauvre, à savoir la soirée de gala de la NASA que les six naufragés temporels tentent d’infiltrer tels des Pieds Nickelés. Opérations de hacking et de noyautage plus boiteuses les unes que les autres, small talk stérile, confidences autocentrées, triangles amoureux inavoués... c’est l’inanité faite épisode.
Jean-Luc semble progressivement oublier que Tallinn n’est pas Laris, et cette dernière aussi... Ils ne se connaissent que depuis quelques heures, mais il n’en fallait pas davantage pour qu’une grande "complicité romantique" s’installe entre eux. Et quoi de mieux qu’une soirée en smoking, façon Casino Royale, pour conter fleurette ou draguer un bon coup... Comme à l’accoutumée, l’internalisme (aussi illusoire que le worldbuilding) s’effondre devant un externalisme autotéliste, tandis que les personnages cèdent imperceptiblement la place aux acteurs comme dans Picard 01x07 Nepenthe... Raffi se réjouit par compersion que son "love interest", Seven, débarrassée de tous ses implants borg dans ce corps d’Annika de la Confederation, socialise et rigole avec toute la jet set de la soirée de gala. De pures scènes "feel good" de pubs. On se demande tout de même comment une ressortissante si fraichement débarquée du 25ème siècle, qui plus est réputée pour sa crypto-vulcanité, peut à ce point se fondre dans les idiosyncrasies mondaines du début du 21ème siècle. Ah mais si, on sait : rien ne sépare culturellement et sociologiquement l’UFP kurtzmanienne du monde contemporain. Donc Seven Of Nine de 2401 se sent logiquement comme chez elle dans cette teuf en habits de 2024. La reine Borg, désormais "mental date" et soupirante de Jurati, la transforme en Bionic Woman (Super Jaimie) sur commande... par exemple pour la libérer de ses menottes. Puis, soucieuse d’optimiser le succès public de sa chérie, elle la pousse à se "décoincer"… D’abord en lui donnant le "courage" de rouler un patin voluptueux à Rios (avec qui Agnes avait pourtant déjà copulé durant la premier saison), pour une pure séance de candaulisme (ou cuckolding). Puis en faisant carrément d’Agnes la vedette du bal des débutantes... via une spectaculaire interprétation a capella de Shadows Of The Night de David Leigh Byron (morceau popularisé par Pat Benatar dans Times Square d’Allan Moyle en 1980). Un jazz band se joint finalement à elle, et sous un spot de scène, Jurati quitte le balcon pour descendre langoureusement les marches telle une diva. Sous un tonnerre d’applaudissement, l’artiste crooneuse salue la salle.
La "mission" que l’épisode voire la saison s’étaient fixés aura été résolue en un tournemain, puisqu’il aura suffi d’un "pep talk" bref et convenu de Jean-Luc à sa multi-aïeule pour la remettre sur les rails de sa destinée glorieuse. Déprogrammer l’influence psychanalytique de Q était donc tout simple. Renée était-elle un MacGuffin elle aussi ?
(…) Alors certes, le chantage exercé par Q (de plus en plus "evil") sur l’ancêtre Soong (nouveau membre du conseil d’administration de la NASA et ayant tenté d’assassiner froidement Renée), l’état de (faux) coma dans lequel a été plongé l’amiral (suite à la collision que le véhicule d’Adam destinait à la jeune astronaute), les réminiscences traumatiques de l’enfance de Jean-Luc (où sa mère fut apparemment kidnappée par des zombis en appelant à l’aide son fils...), et la plongée urbaine nocturne finale de Jurati (désormais entièrement contrôlée par le reine Borg)... continuent à alimenter au forceps un fil rouge sérialisé qui stimulera peut-être les spectateurs les plus persévérants (en dépit d’une sensation d’artificialité à tous les étages du château de cartes)... Picard 02x03 Assimilation et Picard 02x04 Watcher se piquaient de délivrer des "messages" politiques, sociaux et écologiques quand bien même profondément tautologiques : e.g. les plus fortunés empêchent une nécessaire décroissance, les immigrés clandestins sont persécutés par les flics, la pauvreté c’est affreux, les rues sont sales, etc.
Conclusion Donc récapitulons :
Dès lors, Picard 02x06 Two Of One est peut-être "sympa" à suivre en mode Dynasty, Dawson, ou Santa Barbara. Mais faut-il encore être client des pires productions audiovisuelles existantes. Et faut-il encore accepter benoîtement de se faire arnaquer sur la marchandise. Car pour mémoire, il y a tout de même écrit "Star Trek" dessus, et c’est bien sous ce label jadis d’excellence que Paramount+ vend Picard à l’appui de madeleines de Proust opulentes (mais empoisonnées), à grand renfort de matraquage promotionnel dans les médias, et avec la complicité active de nombreux influenceurs du web qui ne cessent de lui tresser des couronnes de lauriers (pour quelques maigres avantages en nature). Aussi casuistique que soit peut-être ce débat, un #NoTrek tentant de se faire passer pour du Star Trek est lui aussi un #FakeTrek... Mais non content d’être toujours aussi fièrement contrefait, jamais il n’avait été à ce point miniaturisé et VIP-morphisé. Même si la forme (merci Jonathan Frakes !) et l’acting demeurent à l’avantage de Picard, son fond est plus profanateur encore que celui de Discovery... car massacrant l’icônisme et le crédit des figures de proue trekkiennes non recastées... avec la bénédiction trompeuse de leurs interprètes historiques.
Note Star Trek
Cette ligne de programmation ne sert qu'a formaté proprement les lignes de textes lors d'un utilisation sous Mozilla Firefox. J'aimerais pouvoir m'en passer mais je ne sait pas comment, alors pour l'instant. Longue vie et prospèrité |