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Espèce Dix-C
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Critique
Grand dieu, heureusement que le ridicule ne tue pas. Sinon, j’ai bien peur que le tournage de ce pénultième épisode de la saison 4 de Star Trek Discovery aurait décimé l’intégralité de la production. Pas tant sur la thématique principale de l’épisode qui rappelle Premier Contact, le film de Denis Villeneuve avec Amy Adams, mais sur une multitude de choses qui donne tout son sens au mot abracadabrantesque.

Commençons d’abord par la recherche d’un langage commun avec l’espèce 10-C. La mise en scène de la rencontre est tellement drôle avec la brochette diplomatique qui marche en ligne vers son destin. Du grandiloquent qui renforce le coté artificiel de la scène. Alors que le principe d’une œuvre de science-fiction est d’arriver à vous rendre crédible ce qui, par définition, ne peut pas l’être, jusqu’au bout Discovery réduit à néant ce principe.

Je n’ai pas grand-chose à dire sur la solution trouvée pour communiquer avec les 10-C à part que, aussi intéressante qu’elle soit, toute crédibilité est anéantie par la rapidité avec laquelle nos grands cerveaux trouvent la clé pour dialoguer. Dans le film de Villeneuve, la solution est trouvée au bout de plusieurs étapes, à la suite d’échecs répétés sur une période de temps. Bref pas en 5 minutes chrono comme dans cet épisode.

À part Tig Notaro, impeccable comme d’habitude dans son attitude et son jeu en tant de Jett Reno, le reste du casting se prend les pieds dans le tapis. J’ai mal pour Phumzile Sitole qui interprète la Général Terrienne Ndoye. Tout dans son expression corporelle, son regard exprime la trahison et la culpabilité. Bref, nos cadors trouvent comment parler le 10-C en 5 minutes, mais personne n’a le cerveau qui fait RED ALERT quand ils jettent un œil sur Ndoye. Pitoyable...

Que dire de la scène du cri de Saru et Michael ? Prise indépendamment du reste, je la trouve plutôt pas mal, mais son intégration dans l’épisode arrive comme un cheveu sur la soupe.

Et la disparition inexpliquée de Jett Reno. Alloooooooooo il n’y a plus de shampoing à bord du Discovery ???? On va nous faire croire qu’il n’y a que par la présence d’un combadge que les systèmes de sécurité sont capables de repérer où se trouve un membre de l’équipage ? Sans parler du fait que l’absence d’un membre aussi essentiel passe crème. En pleine crise, Reno a sans doute pris un jour de RTT pour se dorer la pilule dans une simulation holodeck de Risa. Mais on nous prend vraiment pour des cons...

Depuis le retour de la série après la mi-saison, on tombe de Charybde en Scylla, d’épisode médiocre en épisode raté. Et pourtant, cette rencontre avec l’espèce 10-C aurait du être le point d’orgue de la saison. Mais en se concentrant majoritairement sur des rebondissements dignes des pires séries Z, Star Trek Discovery loupe totalement sa saison.

Vite un nouvel épisode de Picard pour réoxygéner mon cerveau !

Cette ligne de programmation ne sert qu'a formaté proprement les lignes de textes lors d'un utilisation sous Mozilla Firefox. J'aimerais pouvoir m'en passer mais je ne sait pas comment, alors pour l'instant. Longue vie et prospèrité

Analyse
À défaut d’en constituer le final, Discovery 04x12 Species Ten-C est l’argument, la raison d’être, le point d’orgue de la quatrième saison. Ce pour quoi les showrunners ont baladé durant trois mois les spectateurs à travers un 32ème siècle profondément idiocratique, des twists factices aux péripéties contradictoires sous les auspices glucosées de sa dea ex machina Michael Burnham.
La surprise malgré tout est qu’après quatre saisons d’un pur #FakeTrek décomplexé, Discovery 04x12 Species Ten-C daigne pour la première fois se risquer sur le fief trekkien en essayant de mettre à l’honneur une de ses problématiques les plus emblématiques. À savoir l’architecture des premiers contacts et leurs corollaires épistémologiques (le relativisme des entendements, les défis de communication, les réflexions méta-civilisationnelles…).
De bien grands mots qui convoqueront aisément tout l’éventail de l’ironie dans le cas d’une série spécialisé dans le nawak patenté et le jackass industriel.
Par manque de budget ou par choix d’auteur, même la forme de l’épisode semble cette fois au diapason, puisque hormis le teaser et les trois dernières minutes, l’épisode est un bottle show intégral, focalisé sur la seule discursivité (débats et dialogues), sans même s’accorder un quelconque plan extérieur. Autant dire pas loin du huis clos qui constitue paradoxalement le sel des plus ambitieuses SF de souche littéraire, celle des expériences de pensée.
Par surcroît, le script pose son ambition science-fictionnelle et exhibe sa culture conceptuelle en convoquant explicitement rien de moins que l’échelle de Kardachev, le Lincos du Dr. Hans Freudenthal, le METI International (qui parlera à tous les ufologues), l’universalité des mathématique comme langage, l’incommunicabilité… Un vrai festival de références dépassant pour une fois le seul "name dropping" et qui semble propulser Discovery 04x12 Species Ten-C dans le sillage des piliers de la SF littéraire d’Artur C Clarke (Space Odyssey, Rendezvous With Rama…) et de Stanislaw Lem (Solaris, L’invincible, Fiasco…, mais aussi des monuments de la SF audiovisuelle (l’angélique Close Encounters Of The Third Kind de Steven Spielberg, le chef d’œuvre Contact de Carl Sagan / Robert Zemeckis, le polémique Arrival de Denis Villeneuve…), et bien sûr des morceaux de bravoure du Star Trek historique (ST The Motion Picture, ST TNG 02x05 Loud As A Whisper, ST TNG 05x02 Darmok, ST DS9 01x01+01x02 Emissary, tous les "trials & errors" d’UT durant la première saison de ST ENT…).
Bref, les conditions semblaient donc réunies pour faire soudain mentir – ne fût-ce que le temps d’un épisode – la fatalité déchéante d’une série en passe de ravir le Razzie Award de la pire production de SF de la décennie.

Malheureusement, il n’y a pas de miracle, les poules ne font pas des cygnes. Même en accordant le bénéfice du doute aux intentions des auteurs et l’indulgence à des débutants n’ayant encore jamais écrit de Star Trek, il est difficile pour le spectateur de ne pas se "facepalmer" jusqu’à la commotion cérébrale...

Les seize types d’hydrocarbures identifiés sur la planète visités dans Discovery 04x11 Rosetta sont utilisés par l’équipage de l’USS Discovery à la façon de phéromones émotionnels… qui projetés par des DOTs à la surface de l’hyperfield s’ouvre telle la caverne d’Ali Baba. L’USS Discovery et son passager clandestin (le vaisseau-Transformer) sont alors avalés et "capturés" par un orbe énergétique les conduisant dans le cœur de l’une des trois géantes gazeuses (toutes identiques) du système solaire interne de l’hyperchamp. Les 10-C se révèlent être de gigantesques créatures lovecraftiennes aux yeux lumineux d’Argus (comme certains Grands Anciens de Babylon 5) et à la forme diffuse se détachant peu de l’épaisse atmosphère joviennes. Les traducteurs universels étant considérés par le xéno-anthropologue Dr Hirai comme inutilisables, il s’établit alors une tentative de communication sur la base des "phéromones émotionnelles"... dont il apparaît progressivement – grâce à un didacticiel mathématique envoyé par les 10-C (analogique du Lincos) – que les combinaisons moléculaires et l’ordonnancement lumineux constituent la structure et le vocabulaire d’un authentique langage.
Bien sûr, en étant vulgaire, ce premier contact ressemble à s’y méprendre à des chiens qui se reniflent le derrière. Une image obscène qui jure quelque peu dans le cas d’une espèce extraterrestre présentée comme la plus avancée jamais rencontrée...

(…)

Et bien sûr, l’échéance apocalyptique (pour la Terre et Vulcain) a beau se rapprocher à grandes enjambées (entre -15 et -4 heures du début à la fin de l’épisode), Discovery ne renonce jamais – au grand jamais – à sa composante soapy, pathos, et nombriliste. Les protagonistes continuent donc à se contempler les émotions (avec d’autant plus de gourmandise que ce sont désormais les briques de l’univers lui-même), à se faire psychanalyser le nombril (Zora et Culber), à gloser sur leurs émois (Book et Reno), à se chercher des dérivatifs au stress (Burnham et Saru), à se préoccuper de leur plan drague (Saru et T’Rina), à se prodiguer de grandes déclarations, à multiplier les câlins et les papouilles… tout en répétant avec componction que le temps presse grave.

Bref, l’auteur Kyle Jarrow a peut-être vaguement compris les notions qu’il manipule, mais il n’en a pas vraiment intériorisé les implications, et il s’est donc avéré incapable de les mettre en application dans un cadre contextuel et événementiel cohérent.
Curieuse impression tout de même. Pour la première fois dans la série Discovery, on a l’impression que l’équipe scénaristique a essayer de faire – sans cynisme, sans enfumage, sans mépris – du Star Trek, à travers une thématique ambitieuse au cœur des meilleures SF.
Mais le résultat n’en est pas moins affligeant, telle le déréel de l’incompétence. Touchant aussi, comme un cancre qui essaie pour une fois de produire sincèrement le travail que l’on attend de lui, mais qui ne dépasse pas le stade de la cuistrerie, avant de se vautrer.
Mais on pourra tout de même reconnaître que les "cadors" de Kurtzman auront essayé. Une seule fois sur une série entière. Mais au vu du résultat, est-ce vraiment mieux que zéro fois… et donc que l’habituel zéro pointé à la "note Star Trek" ?

La comparaison est de circonstance avec le real Star Trek (1964-2005). Mais elle d’autant plus fatale que la quintessence (ou le rhème) de la quatrième saison de treize épisodes de Discovery aurait facilement pu tenir dans un ou deux vrais épisodes trekkiens de la grande époque, sans se prendre les pieds dans le tapis à la moindre ambition intellectuelle ou épistémologique, et sans y perdre toute sa crédibilité (en délayant sans fin l’inutile, en abrégeant grossièrement l’essentiel, et en se contredisant sans cesse).


Note Star Trek

Cette ligne de programmation ne sert qu'a formaté proprement les lignes de textes lors d'un utilisation sous Mozilla Firefox. J'aimerais pouvoir m'en passer mais je ne sait pas comment, alors pour l'instant. Longue vie et prospèrité