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Tout est possible
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Critique
On le sentait venir avec des gros sabots, le sort de Sylvia Tilly était un des enjeux de ce début de quatrième saison de Discovery. La trajectoire du personnage ne semblait plus en adéquation avec la trame narrative de la série, particulièrement du fait qu’Adira avait repris plus ou moins la place que Tilly avait dans l’équipage.

Alors, je vous rassure, même sans aller lire les interviews des uns et des autres, je n’ai jamais cru à la fin de cet épisode au départ définitif du personnage et à l’émotion de la séparation des 2 sœurs de cœurs. Bien évidemment, Tilly sera de retour au moment opportun, telle la cavalerie, pour sauver les fesses de ses amis.

On verra si c’est lié ou pas, mais transférer Tilly à la Starfleet Academy m’a fait penser à l’interview d’Alex Kurtzman lors du Star Trek Day et à ses réflexions sur une potentielle série sur ce sujet. Tilly a effectivement plus de potentiel comme Prof au grand cœur dans une série de ce type qu’en combattante à l’épée d’une Qowat Milat.

Quant à son aventure avec les cadets qui conduit à sa décision de partir, cela m’a laissé en grandes parties de marbre voire, par certains cotés, m’a mis assez mal à l’aise. Il y a d’abord cet emprunt à nouveau aux films d’Abrams. Quand ils se font poursuivre par la bestiole, difficile de ne pas voir la référence au premier Star Trek quand Kirk se fait poursuivre. Oui, c’est une très mauvaise idée d’aller se refugier dans une caverne, ils pourraient faire la connaissance d’un vieux Spock.

De plus, je fais partie de cette génération qui a eu la chance de connaître le service militaire. Sans même avoir réfléchi au sujet avant d’arriver pour faire mes classes, je savais d’instinct que l’institution fonctionnait sur la notion de cohésion d’équipe. Bref, pour des cadets qui sont volontaires pour intégrer Starfleet, que cette réflexion n’ait pas été conduite à priori par ces jeunes ou que leur difficulté d’intégration n’ait pas été repérée par les recruteurs, disqualifie totalement l’épisode.

À cela, s’ajoute l’absence complète de regrets ou de deuil envers leur camarade mort dans la navette, ce qui m’a totalement fait halluciner. Quand je les regarde se marrer de retour à Starfleet, ils me donnent plus l’impression d’avoir envie d’aller célébrer ça en boite...

La seconde trame scénaristique de cette semaine concerne le retour de Ni’Var dans la Fédération. Outre le fait que la solution, certes logique, est encore totalement Burnham centrée, je n’ai pas pu m’empêcher d’éclater de rire quand la présidente T’Rina a exigé un dispositif de sortie de Ni’Var de la Fédération. À ce moment-là, le visage de Boris Johnson, le Premier ministre anglais, s’est superposé dans mon esprit sur le corps de la présidente ! Pour autant, j’ai plutôt apprécié les jeux diplomatiques entre les deux camps. Reste une interrogation, on sait ce que donnent les amours d’un Vulcain et d’une Terrienne. Je serais curieux de voir ce que cela donne avec un Kelpien...

Pas grand-chose à dire sur la séance psy de Book, ni sur le retour à la vie de Gray. En image mentale ou en physique, je ne vois toujours pas ce que cela change à l’écran.

Un épisode encore mi-figue mi-raisin où l’anomalie joue les grandes absentes.

Cette ligne de programmation ne sert qu'a formaté proprement les lignes de textes lors d'un utilisation sous Mozilla Firefox. J'aimerais pouvoir m'en passer mais je ne sait pas comment, alors pour l'instant. Longue vie et prospèrité

Analyse
Dans le champ des apparences, Discovery 04x04 All Is Possible semble bénéficier d’un effort d’écriture (dans le sens où le volume de dialogues est conséquent) et offrir une Trek-touch (par des dynamiques de convergence et d’union).
Quoique restant empêtré dans un medley du "worst of" des productions Kurtzman depuis 2009 (avec pour point d’orgue un rip-off des monstres drakoulias et hengrauggide la Delta Vega vulcaine dans ST 2009 mais ici sur la lune Kokytos de classe L), l’épisode tente de marcher à la fois dans les pas de ST TOS 01x13 The Galileo Seven (avec Tilly dans le rôle de Spock pour une expérience de commandement en milieu hostile) et de ST DS9 (pour la géopolitique de l’adhésion à la Fédération d’une planète extraterrestre, en la circonstance Ni’Var).

Malheureusement, le résultat à l’écran ne dépasse pas le stade, dans le meilleur des cas de la note d’intention, dans le pires des cas de l’enfumage le plus décomplexé.
Pour toute écriture, il s’agit surtout de verbiage et de bavardage. Et pour tout trekkisme, ce sont des exhibitions de bons sentiments qui se dispense de toute vraisemblance. Les rares bonnes idées putatives ne sont qu’effleurées et finalement sabotées (ou ruinées).
Plus que jamais, l’ensemble des institutions, des problématiques, et des protagonistes du 32ème siècle sont intrinsèquement ridiculisés et rabaissés à une complète idiocratie... pour mieux glorifier les héros de l’USS Discovery, et en premier lieu l’encombrante Sylvia Tilly (pour de larmoyants adieux de Fontainebleau avant son inévitable retour prochain en fanfare) et l’indispensable Michael Burnham (qui sauve une nouvelle fois le monde libre, devient l’amie et la botte secrète de tous les puissants, et réussit même à incarner la passerelle et le socle vivant de la réunion si emblématique entre l’UFP et Ni’Var).

Au nombre des pépites du palmarès (sans être exhaustif cette fois tant ces insondables inventaires deviennent lassants voire répétitifs) :
- Les cadets de Starfleet présentent l’immaturité de gamins de primaires en colo sous la houlette de la "gentille animatrice" Tilly. Cela fout d’autant plus la honte que l’ensemble des 97 jeunes enfants sous la responsabilité de Judy Robinson (19 ans) commandant le Jupiter T8 durant la troisième saison de Lost In Space 2018 sont incomparablement plus matures et responsables… Et pourtant aucun de ces derniers n’a intégré la prestigieuse Starfleet Academy kurtzmanienne supposée représenter l’élite des 59 membres de l’UFP idiocratique de Discovery. Une petite série familiale qui réussit à être bien plus crédible, cela remet bien les pendules à l’heure d’un "Star Trek in name only"...
- Au nom de l’exercice de "team building", Sylvia expose vainement les cadets à la mort tout en prétendant les aider à survivre...
- Quelle n’est pas l’absurdité de confier à une rescapée du 23ème siècle n’ayant jamais dépassé l’âge mentale d’une cadette – pour ne pas dire d’une gamine – la charge d’enseigner à la Starfleet Academy du 32ème siècle pour former une nouvelle génération d’officiers (à son image ?).
- L’envahissant "One Tilly Show" ne fait rire qu’elle et qui devient embarrassant pour les spectateurs. Serait-ce une manière d’induire un "ouf" de soulagement général à l’annonce de son éviction ?
- La "contemporanisation" clichée et même parodique du futur, au prix des pires anachronismes dystopiques : pouvoir fragile émanant de coalitions parlementaires nécessitant des perpétuels numéros d’équilibrisme et de démagogie (comme en Allemagne ou aux USA), complaisance voire racolage envers les franges les plus extrémistes, amalgames et généralisations simplistes nourrissant la racisme et la xénophobie...
- Les apories juridiques et constitutionnelles, telle la clause unilatérale et discrétionnaire de sortie/rupture antinomique à toute souveraineté régalienne (cf. plus bas).
- Les irresponsabilités stratégiques, par exemple lorsque Vance et Rillak jouent l’avenir de la Fédération... en se dérobant lâchement et en se gardant bien d’exposer à Burnham ce qu’ils attendent d’elle... et pourtant en misant tout sur cette dernière sans prévoir une quelconque alternative (mais quel WTF et pataquès !).
- Mary Sue qui du haut de son millénaire de retard propose une solution politique et diplomatique à laquelle nul ressortissant du 32ème siècle ne semble avoir songé de lui-même... alors qu’il s’agit pourtant d’une disposition élémentaire dans toute coalition y compris aujourd’hui, à savoir un comité indépendant pour arbitrer les litiges, résultante conceptuelle de la séparation des pouvoirs.
- L’argument de la double appartenance de Burnham pour en faire le trait-d’union entre la Fédération et Ni’Var est un pauvre cliché infantile et électif disneyien. Mais c’est également doublement nonsensique dans ce contexte puisque l’héroïne n’appartient pas à ce siècle ni même à ce millénaire. Mary Sue était citoyenne de l’UFP du 23ème siècle non du 32ème (où elle vient juste de débarquer), et elle était ressortissante de Vulcain non de Ni’Var.
- Les bullshits scientifiques toujours en flux tendus : e.g. si un gamma ray burst avait la puissance de faire se crasher une navette, alors toute vie sur Kokytos aurait dû être balayée ; la glace vivante et prédatrice qui se répand de façon ciblée (en gros comme dans Discovery 03x02 Far From Home) ; les tuscadian pyrosomes natifs de Kokytos, espèce-colonie interconnectée chassant les crustacés bioluminescents, détectant "donc" naturellement (comme par hasard) l’emploi de toutes les technologies de Starfleet ; et comme si cela ne suffisait pas, ces monstres rougeoient comme le métal dans une fonderie, et se dupliquent par téléportation ! Ben voyons…
- Les sophismes philosophiques comme la tentative éhontée de "connexion" entre la criminalité psychopathe du Qowat Milat et "l’awakening" logique vulcain, ou comment les chimères et les contrefaçons kurtzmaniennes tentent de phagocyter sournoisement l’héritage légitime trekkien.
- La trivialisation insultante du génocide de Kwejian par le prisme des deuils ordinaires (Booker sur le divan du psy autoproclamé Culber).
- La pseudo-psychologie et la pseudo-psychanalyse qui ne dépassent guère l’horizon du bistrot (et des truismes à tous les étages).
- Les dialogues illusoirement profonds entre des personnages tellement pleins d’eux-mêmes que cela revient à contempler des exhibitions obscènes de nombrils (la palme en la matière revenant toujours au non-binaire Gray dans son nouveau corps-golem à l’expression de genre soudain féminine).
- Même si c’est encore loin d’un gogol, la montée en stardate est significative (865661.2). Malheureusement, le captain’s log de Burnham ressemble bien davantage à un journal intime ou à une story pour Instagram qu’à un rapport militaire...
- Les échanges personnels girlies sortant des pires telenovelas pour ados faisant passer les officières de Starfleet pour des minettes gloussants sur leurs émois prépubères.
- Les sourires autosatisfaits et les rires "feel good" des héros qui sont aussi excluants que gerbants, a fortiori en présence de quelques cadavres comme celui du lieutenant Callum...
- mais en même temps (!) un pathos toujours plus lacrymal et diabétique.
- Les affaires d’états qui se négocient entre une poignée de VIP interconnectées entre elles (les deux présidentes Rillak et T’Rina, les archanges Michael et Gabrielle...).
- Le gâchis des quelques rares "atouts" du show tel Kovich incarné par David Cronenberg passant de caméo énigmatique à joker faire-valoir.
- Un niveau encore inédit de lantern (au travers des propos faussement pertinents tenus par Laira Rillak à Burnham et par Kovich à Tilly) pour tenter d’exonérer le culte cosmique de cet équipage prophétique et salvateur venu du 23ème siècle afin d’apporter au 32ème siècle la civilisation et les lumières trekkiennes (notamment via la philosophie kirkienne du "all is possible" ayant conféré à l’épisode son titre).
- (...)

Autant dire que ce quatrième épisode peut vaillamment se targuer d’être à la fois le porte-étendard et le pavillon témoin de la cuistrerie limitless de Discovery.
Discovery 04x04 All Is Possible... ou la version Teletubbies de Starfleet Academy et la déclinaison Bisounours de ST Deep Space 9.
Le chagrin et la pitié.

Pourtant, un frémissement a traversé l’épisode. Le ressort d’une duplicité, une plus exactement d’une once de realpolitik du côté de Ni’Var aurait pu contrebalancer le concert général de naïveté pour ne pas dire de niaiserie…
Malheureusement les exigences de Ni’Var exprimés par la voix de T’Rina évoquent immédiatement le statut d’exception du Royaume-Uni au sein de l’Union européenne (avant même le Brexit)... mais sous une forme totalement caricaturale, façon géopolitique pour les très, mais alors les très nuls.
Une possibilité de retrait à la fois unilatérale et discrétionnaire est incompatible avec une constitutionnalité contraignante. Et que les logiciens vulcains formulent une pareille demande avec cet aplomb sans qu’aucun exo-juriste ne songe au concept basique de comité autonome d’arbitrage, c’est proprement ubuesque. A fortiori huit siècles après la complexité juridique alien de cas comme celui des Sheliak dans ST TNG 03x02 The Ensigns Of Command...
Soit l’UFP possède les attributs régaliens d’une nation (ce que le vocable "fédération" suggère), et dans ce cas ses membres lui laissent et en même temps partagent une part de leur souveraineté. Ces implications engageantes n’interdisent pas forcément un retrait consenti, mais ils le subordonnent et le judiciarisent.
Soit l’UFP une organisation ou un club (par exemple de conciliation ou d’intérêts communs) à la façon de l’ONU actuel, qu’il est possible de quitter aussi aisément que de ne pas renouveler son abonnement au Rotary Club. Mais alors cela n’est plus une puissance constituée ni une force régalienne, et il ne reste rien de la proposition utopique roddenberro-bermanienne.
La relation entre le consentement individuel et la souveraineté collective demeure une question centrale dans la réflexion sur l’utopie (au même titre que la gestion de l’énergie en Hard-SF), et le Star Trek bermanien avait eu l’intelligence de jeter les grandes lignes sans trop entrer dans les détails. Parce que comme le moteur à distorsion, l’UFP utopique n’a pas encore été inventée dans le monde réel.
Mais Discovery a eu le culot de vouloir entrer dans les détails. Sauf que, bien évidemment, tout ce qu’elle aura été capable de faire, c’est transposer le contemporain, mais de façon simpliste voire impropre. Or l’idée d’un parallèle entre l’UFP et l’UE est probablement encore plus navrant que le parallèle entre l’UFP et les USA que tente de vendre usuellement le #FakeTrek depuis 2009.

Il y a en outre quelque chose de surréaliste à entendre Mary Sue gloser si savamment sur la relation intime entre les Vulcains et les Romuliens (alors qu’elle ne connaissait même pas le visage de ces derniers il y a une paire d’années en temps subjectif), puis d’invoquer doctement les guerres entre Cardassiens et Bajorans (alors qu’elle n’a aucunement vécu le siècle de ST DS9). Et c’est pourtant elle, et elle seule, qui invoque ce qu’elle ne connaît pas (si ce n’est à travers la théorie livresque de bases de données) pour délivrer de grandes leçons à ces "indigènes simplets" du futur sur tout ce qu’ils devraient pourtant mieux savoir qu’elle (au sujet d’eux-mêmes, de leur évolution, de leurs accomplissements, et de leurs erreurs). Mais bien entendu, ils étaient collectivement aveugles et attendaient pieusement, le sébile tendue, l’avènement de la messie débarquée de l’âge d’or TOSien pour les guider vers la terre utopique promise. Soit un opportunisme et un mépris indécents envers un millénaire d’Histoire trekkienne (quelqu’un se souvient-il du degré exceptionnel de lucidité et d’intelligence des Ducane et Daniels venant respectivement des 29ème et 31ème siècles de ST VOY et ST ENT ?). À croire que l’alibi du Burn serait une chute collapsologique ayant duré presque mille ans.
Le Burn, ne serait-ce pas en fait 930 ans sans Burnham ?

Au fond, tout est fait comme si l’archange Michael inventait ou réinventait symboliquement Star Trek dans chaque saison de Discovery. Elle a inventé la voie de la paix plutôt que celle de la guerre. Elle a inventé l’utopie et la Fédération. Elle a même inventé la relation entre Spock et Kirk. Et aujourd’hui, elle invente l’union entre la Fédération et Ni’Var/Vulcain.
Il faut donc perpétuellement démolir, salir, violer, profaner, "dystopiser", "idiotiser" la création de Gene Roddenberry et Rick Berman... pour que Mary Sue puisse à chaque fois la faire renaître de ses cendres et de ses entrailles de dea ex machina. Mais juste le temps de quelques répliques ou de quelque scènes... avant un nouveau tour de piste (et de prestidigitation) SM.
Alex Kurztman aura non seulement réétalonné les échelles de la nullité en donnant à l’indigence une extension nouvelle, mais il aura également porté le parasitisme systémique à un niveau inédit.


Note Star Trek

Cette ligne de programmation ne sert qu'a formaté proprement les lignes de textes lors d'un utilisation sous Mozilla Firefox. J'aimerais pouvoir m'en passer mais je ne sait pas comment, alors pour l'instant. Longue vie et prospèrité