Analyse
Durant une livraison de routine, l’USS Credence se fait attaquer par des ninjas noirs et voler toute sa cargaison de dilithium. Pour avoir tenté d’opposer une résistance, le commandant Ficket est passé par le sabre. Quatrième opération de piraterie de ce genre, mais assortie cette fois d’un meurtre, elle s’avère conduite par la romulienne J’Vini, une nonne du Qowat Milat. Et cette fois, la cargaison a été localisée grâce à un traqueur dissimulé dans la cargaison.
Le commandement de Starfleet (l’amiral Vance), la nouvelle présidente de l’UFP (Laira Rillak) et la présidente de Ni’Var (T’Rina) chargent conjointement Starfleet et le Qowat Milat d’appréhender J’Vini vivante afin de la traduire en justice. En l’occurrence, la capitaine Michael Burnham et Sylvia Tilly, ainsi que Gabrielle Burnham (la mère de Mary Sue) et une autre nonne-ninja s’embarqueront à bord du vaisseau de Book. Or il se trouve que J’Vini fut celle qui accueillit Gabrielle au 32ème siècle (à son arrivée du 23ème siècle) et à qui elle doit son embrigadement "monastique".
Cette mission commando (à la force du sabre seulement, les phasers étant interdits par l’ordre des moniales combattantes) conduira les quatre femmes en orbite d’une planète bleue à anneaux, dans le sous-sol d’une lune… qui s’avérera être un astronef motorisé par un réacteur matière-antimatière et propulsé par distorsion pour mener dans des cocons cryogéniques les ultimes rescapés d’une espèce (dont la planète d’origine fut exposé à une supernova) vers une Terre promise. L’automatisation leur aura permis d’arriver à destination, mais un bug empêcha leur réanimation collective, tandis qu’ils furent exposés à la prédation chronique de pilleurs de tombes étant donné que le sang des Abronians (insectoïdes hexapodes) contient du latinum.
Voyageant par hasard dans ce système stellaire, J’Vini aura télépathiquement été appelée à l’aide par Taglonen, un Abronian mourant, victime des prédateurs, avant d’en faire sa "cause perdue" en tant que Qowat Milat. Afin de permettre aux Abronians d’échapper à l’anomalie gravitationnelle dont tout le monde parle, la nonne-ninja s’est alors emparée avec quelques fidèles d’autant de dilithium que possible pour abreuver les gigantesques moteurs de la Lune-astronef. Mais au terme d’une série de catfights rituels au sabre, les as de l’USS Discovery reprennent l’affaire en main : Sylvia Tilly restaure vite fait le fonctionnement de la distorsion (qu’elle avait elle-même sabotée pour faire apparaître J’Vini), tandis que Mary Sue corrige en cinq minutes le bug qui avait empêché le peuple Abronian de sortir de cryogénie. Son serment étant désormais honoré, J’Vini accepte pacifiquement de se constituer prisonnière. Au retour au QG de Starfleet, J’Vini elle livrée à la justice, quoique pas à celle de l’UFP, mais à celle de Ni’Var (au grand dam de Mary Sue).
En parallèle, assisté de Cleveland Booker (car désirant se rendre utile), Paul Stamets a nommé l’anomalie spatiale DMA (pour anomalie de la matière noire en VO) et a développé une nouvelle hypothèse de travail la concernant. Non plus un trou noir mais un trou de ver primordial, car en vérifiant quatre des caractéristiques (distorsion gravitationnelle cohérente, puits gravitationnel, changement de direction, quantité massive de matière noire) mais cependant pas la cinquième (présence de tachyons).
L’astromycologue ira sur Vulcain soumettre son hypothèse au Ni’Var Science Institut… ou six éminents scientifiques – après une longue séance de méditation – lui confirmeront ce qu’il savait déjà, à savoir que son hypothèse est invalide car ne respectant par la cinquième condition.
Une séance de "mind meld" vulcain entre Book et la présidente T’Rina établira l’absence de tachyons lors de la destruction de Kwejian (du fait de l’absence de rayonnement Tcherenkov nimbant le ciel de bleu), mais cela donnera à Cleveland l’opportunité de revivre la tragédie, se délester de son poids de culpabilité, s’assurer à traverse ses souvenirs que son neveu Leto savait qu’il l’aimait, et avancer significativement dans les étapes du deuil.
Enfin, sous l’assistance du Dr Culber pour la partie technique et du gardien Trill Xi (via une "téléprésence" holographique) pour la partie spirituelle, la conscience de Gray sera transférée dans le golem holographique… non sans réclamer un long temps d’incertitude et d’angoisse de la part d’Adira qui hantera une partie de l’épisode…
Quoique l’épisode remette sur le devant de la scène une des "fabrications" les plus anti-romuliennes et les plus inconsistantes de la série Picard (à savoir la sororité du Qowat Milat), Discovery 04x03 Choose To Live parvient contre toute attente à ressembler de prime abord davantage à du Star Trek… dans le champ des apparences :
- par son caractère en partie loner (une incise narrative au sein du fil rouge de la saison),
- par quelques thématiques semblant renouer avec La série originale (la planète-vaisseau ayant fonction d’arche de survie pour une civilisation entière comme dans ST TOS 03x10 For The World Is Hollow And I Have Touched The Sky, la supernova sonnant le glas d’une espèce façon ST TOS 03x23 All Our Yesterdays, les voyages au long cours en stase/léthargie/cryogénie à la manière de ST TOS 01x24 Space Seed…),
- par une prise de mesure accrue sur la durée de la tragédie indicible de l’extermination de Kwejian (en s’accordant le temps d’explorer le trauma et le deuil de Booker), réduisant ainsi l’effet "running gag" kurtzmanien (les planètes détruites dans chaque déclinaison du reboot, après Vulcain dans Kelvin et Romulus dans [Picard>60662#yr]),
- par un fan service toujours aussi démonstratif et "alibi-esque" (Adira et Culber qui jouent aux fléchelle dans le bar du QG de Starfleet comme le faisaient O’Brien et Bashir dans le bar de Quark sur la station Deep Space 9).
Malheureusement, comme toujours dans les productions Secret Hideout, il faut rester à un niveau très superficiel (c’est-à-dire en floutant au maximum le focus) pour que pseudo-trekkisme réussisse à faire illusion. Une mise au point trop nette dévoile immédiatement le gâchis de traitement de quelques idées qui auraient pu donner lieu à un épisode honorable, si ce n’est de Star Trek, du moins de SF.
Ce que le spectateur prend fatalement en pleine poire, c’est l’inévitable salve d’illogismes, d’invraisemblances et de dérives venant briser toute suspension d’incrédulité :
- Depuis le temps que les téléportations instantanées sont devenues la norme de Starfleet version 32ème siècle, comment se fait-il qu’il n’y ait aucune contremesure pour empêcher les intrusions violentes comme celle de J’Vini sur l’USS Credence ?
- Pourquoi aucun service de sécurité armé n’est-il venu à la rescousse du commandant Ficket suite à la téléportation du Qowat Milat alors même qu’une alarme générale a été déclenchée sur le vaisseau ?
- Si les cargaisons de dilithium étaient équipées de mouchards pour piéger les voleurs, la cohérence aurait voulu que le personnel de Starfleet ne résiste pas trop (et du moins pas jusqu’à exposer sa vie) puisque l’objectif tactique était de remonter le filon...
- Il est curieux qu’après quatre vols successifs de vaisseaux militaires de Starfleet (ce qui n’est pas rien), J’Vini n’ait pas soupçonné la présence de mouchards sur le dilithium, a fortiori lorsqu’il apparaît en fin d’épisode que celui-ci était suffisamment grossier pour être largement détectable à l’œil nu (un gros patch noir, loin d’être insignifiant au regard du volume somme toute modeste des cargaisons de dilithium).
- Même si l’épisode brandit une de ses habituelles lanterns-alibis, il reste incohérent que J’Vini n’ait pas exposé son important besoin de dilithium aux autorités de peur de mettre en danger les derniers rescapés abronians, à croire qu’elle était incapable de faire la différence entre les valeurs/idéaux de Ni’Var ou de l’UFP, et "ceux" du Syndicat d’Orion ou des profanateurs de sépultures.
- La façon dont Saru fait l’article de Tilly en vantant ses qualités diplomatiques pour la "placer" dans la mission de Burnham, cela tient de l’imperfectibilité et du déni voire de l’autisme après sa turbo-promotion catastrophique au commandement de l’USS Discovery à la fin de la saison 3. Mais la déconnexion et le favoritisme de Saru deviennent franchement embarrassants lorsque mis en perspective avec les soliloques autocentrés de Sylvia qui polluent à contremploi la suite de l’épisode. Et que dire de sa forme physique qui en ferait bien le dernier choix militaire et stratégique pour une mission pareille ?
- Comment J’Vini a-t-elle pu motiver sa "cause perdue" par la volonté de faire échapper la lune des Abronians à l’anomalie gravitationnelle ayant détruit Kwejian... alors que celle-ci vient d’être découverte par l’élite scientifique de l’UFP, que sa trajectoire et son comportement restent totalement imprévisibles, voire que sa détection est quasi-impossible ?! Du coup, comment la nonne-ninja ambitionnait-elle de détecter par elle-même l’arrivée de la distorsion mortifère au voisinage de la planète bleue à anneaux lorsque Starfleet en fut incapable dans le cas de la station de réparation Beta Six puis de Kwejian ? En somme, J’Vini prétend pouvoir faire en aveugle, sans ressources techniques ni scientifiques, mieux que la Fédération ?! L’inanité de son objectif la fait surtout passer pour une mytho faisant la mouche du coche... et non pour une pieuse "chevalière" de médiéval-fantastique.
- Les voyages séculaires voire millénaires dans l’espace justifient des solutions générationnelles (ST TOS 03x10 For The World Is Hollow And I Have Touched The Sky) ou cryogéniques (ST TOS 01x24 Space Seed), mais celles-ci font sens pour des propulsions conventionnelles (non FTL). En revanche, avec une propulsion à distorsion (donc FTL), les délais sont considérablement réduits (sauf à venir d’une autre galaxie comme ST TOS 02x21 By Any Other Name). Il reste bien curieux que les Abronians aient combiné la "brièveté" d’un voyage intra-galactique en FTL avec la cryogénie, et qu’au minimum aucun protagoniste ne s’en soit étonné on screen.
- Si l’on se base sur sa morphologie, J’Vini est romulienne. Et pourtant, l’épisode suggère qu’elle est télépathe (ce que sont pourtant les Vulcains mais pas les Romuliens) puisqu’elle a été contactée à distance jusqu’à être carrément "convertie" par Taglonen. Alors certes, la télépathie des Abronians est peut-être suffisamment puissante pour se connecter aux espèces ou aux individus non télépathes. Mais dans ce cas, pourquoi Taglonen ou d’autres de ses compatriotes n’ont-ils pas fait usage de cette même télépathie pour influencer de semblable façon les pilleurs ?
- Il est totalement absurde d’avoir proscrit l’usage des phasers pour imposer celui des sabres durant toute la mission de "récupération" de J’Vini ! Non seulement parce que Burnham et surtout Tilly n’ont aucune formation d’escrime, soit un énorme risque de se tuer ou de tuer les autres involontairement (les auteurs s’en moquent puisque c’est l’occasion d’un comic relief idiot autour de Sylvia incapable de tenir une épée). Mais surtout parce que ces armes blanches ont une vocation létale alors que les phasers bien réglés restent inoffensifs (en se contentant d’assommer ou paralyser). Or l’objectif (aussi bien de Starfleet que du Qowat Milat) est de capturer en vie et intègre la nonne-ninja tueuse. L’argument invoqué par Gabrielle Burnham (« If you go in there with phasers, I’ll never get through to her ») est particulièrement nonsensique car c’est à croire que l’usage de ces armes de Starfleet s’appuie sur le consentement des cibles qu’elles neutralisent ! Donc une fois de plus, dans le prolongement de la première saison de Picard, Discovery retcone la culture romulienne et redéfinit même celle de la Fédération pour la soumettre à un ritualisme bretteur de fantasy au mépris du pragmatisme de la SF (et du monde réel). Mais également au mépris des idéaux humanistes trekkiens, puisque cette équipée provoquera quatre décès inutiles de plus (la nonne-ninja redshirt qui accompagnait Gabrielle et les trois combattants anonymes dont deux hommes servant J’Vini) qui auraient tous pu être évités par l’emploi de phasers...
- Le réalisme le plus élémentaire aurait voulu que Starfleet envoie un important commando pour appréhender J’Vini et ses disciples en toute innocuité, quand bien même de façon coordonnée avec le Qowat Milat. Et dans la mesure où la direction des opérations échut à Mary Sue (puisqu’il faut que ce soit toujours elle), le b.a.-ba aurait été qu’elle s’appuie sur l’équipage de l’USS Discovery... plutôt que de partir en quasi-solo et presque par effraction dans le vaisseau de Book. Pénible redite de errements de la troisième saison. Entre une faible probabilité de réussite (et si les quatre Amazones étaient tombées sur une vraie armée ?) et une exposition bien vaine de la vie du plus indispensable personnage du Burnham-verse (rappelant juste à quel point tout est truqué dans cette série)...
- Avec l’inconséquente ambition d’apporter un éclairage sur la "secte" introduite par Picard 01x04 Absolute Candor, le Dr Burnham révèlera à Tilly la version longue de l’expression emblématique des nonnes-ninjas du Qowat Milat (d’où l’épisode tire son titre) : « Le chemin que vous suivez est terminé. Choisissez de vivre. ». Gabrielle déroule pour l’occasion un corpus téléologique où les vies individuelles ne seraient que des chemins mouvants susceptibles de se terminer à tout moment. Épargner les cibles reviendrait ainsi pour les nonnes-ninjas du Qowat Milat à leur offrir généreusement une nouvelle vie. Ce verni de sagesse et de profondeur philosophique demeure surtout un enfumage pour tenter de masquer un fanatisme binaire (la soumission ou la mort) et des pratiques authentiquement criminelles drapées de postures prétendument chevaleresques, telle une piètre caricature de la sociologie klingonne. Mais n’est pas Ronald D Moore qui veut ! In fine, l’idéologie du Qowat Milat déployée autour de "l’absolue candeur" et de la quête de causes perdues (pour y sacrifier sa vie) incarne le plus dégénéré des romantismes, devenu sa propre fin. Autant dire que toutes les nonnes-ninjas possèdent la vocation sacerdotale de devenir tôt ou tard des psychopathes et des terroristes, au gré des lubies et des idéologies qui croisent leur route ! Un concept aporétique profondément anti-Romulien et anti-Vulcain, mais prospérant pourtant sur la planète Ni’Var supposée en être la synthèse ! Si encore Discovery s’employait à dénoncer l’imposture du Qowat Milat, à la façon d’une gangrène mentale… Hélas, tout au contraire, la série tente d’en glorifier la prétendue "noblesse"... exactement comme l’aura fait avant elle Picard !
- Même si finalement la "mentor" J’Vini prendra le pas sur "l’élève" Gabrielle en combat singulier, cette dernière aura fait une démonstration ébouriffante de ses talents épéistes dans l’ombre de Kill Bill. Mais il reste difficile de croire que, fraichement débarquée au 32ème siècle et aussitôt intégrée à l’ordre du Qowat Milat, le Dr Burnham se soit si rapidement métamorphosée de scientifique laborantine en grande prêtresse du sabre ! Un pareil savoir-faire ne s’acquiert pas en une paire d’années, a fortiori à son âge...
- Toujours est-il que les Burnham mère et fille, alias archanges Gabrielle et Michelle, du bas de leur 23ème siècle, auront réussi à faire népotiquement main basse sur les deux institutions dominantes du 32ème siècle kurtzmanien, le Bene Gesserit wannabe de Picard et le Fedefleet idiocratique de Discovery. Telle une prise de pouvoir de facto par Godefroy de Montmirail et Jacquouille la Fripouille.
- Faut-il s’attarder sur l’aisance cartoonesque avec laquelle Burnham répare en deux temps trois mouvements ("fingers in the nose" quoi !) – sur un système alien totalement étranger à l’UFP, dans une langue totalement inconnue, et malgré son millénaire de retard – le dysfonctionnement de l’ordinateur central qui empêchait les Abronians se sortir de leur sommeil cryogénique et de coloniser la planète destination de leur long voyage ?! Alors que J’Vini du 32ème siècle en fut incapable… et que cette dernière n’avait pas même songé à faire venir un spécialiste pour une réparation qui aurait pourtant dû être considérée comme prioritaire sur tout projet nébuleux de relancer le voyage de l’arche lunaire vers une destination aléatoire. L’omniscience des deus ex machina est toujours plus impressionnante lorsque les indigènes du 32ème siècle sont des imbéciles et des cancres en technologie.
- Le wokisme de la série est devenu tellement extrémiste dans cet épisode qu’il foule aux pieds toute parité intersectionnelle. Parmi de nombreux autres déséquilibres et sous-représentations, on notera que les rôles combattifs sont désormais exclusivement réservés aux femmes, les hommes étant réduits au mieux à des figurants, au pire à des victimes offertes. Quand le token féministe se confond dangereusement avec une misandrie toxique...
- Lorsque Discovery se pique de géopolitique ou simplement de realpolitik, ce n’est jamais du ST DS9... mais du Groucho Marx ! Michael Burnham déclare apprécier d’avoir saisi le contexte et les intentions des agissements de J’Vini. Suite à quoi elle plaide passionnément les circonstances atténuantes pour sa "cliente" auprès de la Fédération. Mais lorsque la nonne-ninja est in fine extradée aux autorités de Ni’Var (dont elle relève), Mary-Sue s’indigne, l’interprète comme un déni de justice envers le partenaire veuf (Ha’Ryl) et les deux enfants orphelins (Krenn et Nael) de feu le commandant Ficket, et part à nouveau "en croisade" contre la présidente ! Mais qu’est-ce qui permet à l’héroïne de présumer ainsi que justice ne sera pas rendue sur Vulcain (ce dont elle ne cherche d’ailleurs même pas à s’enquérir) ? En outre, pas à un seul instant, Michael ne songe aux quatre autres victimes directes ou indirectes de J’Vini (toutes ressortissantes de Ni’Var). De quoi laisser ainsi à Laira Rillak l’honneur de délivrer pompeusement à l’héroïne une "leçon de chose" sur le bénéfice du retour de Vulcain dans l’UFP. Et du coup, la présidente de l’UFP du 32ème siècle devient l’amirale Alynna Nechayev pour les nuls. On chercherait à transformer Mary Sue en gamine immature, on ne s’y prendrait pas autrement... Sauf que dans le même temps, l’amiral Vance assènera la métaphore pédagogique de l’orchestre dont Burnham serait « le premier violon avec les solos voyants et stimulants ». Une flagornerie que Mary Sue accepte bien sûr sans broncher et même avec gourmandise. Tandis qu’est réaffirmé ici le concept holistique USA-morphe de la Fedefleet de la troisième saison de Discovery.
- Seul l’astromycologue Paul Stamets du 23ème siècle détient l’exclusivité de la recherche théorique sur l’anomalie spatiale alias DMA mettant en péril toute vie dans la galaxie ! Il est le seul à plancher sur des équations tandis que l’élite scientifique des 59 mondes de la Fédération du 32ème siècle se tourne les pouces ! Le Burn a-t-il également grillé la matière grise de la galaxie et provoqué des AVC en série pour que cette Idiocratie dépende à ce point d’officiers accusant presque mille ans de retard ?
- Mais le comble est lorsque Discovery 04x03 Choose To Live fait mine de solliciter le Ni’Var Science Institut, l’expérience se vautre dans une lapalissade, comme pour enfoncer davantage de clou de l’absurdie ! Les "grands cerveaux" vulcains se contentent de confirmer ce que Stamets avait déjà établi par lui-même (à savoir qu’il manque le critère des tachyons pour conclure avec certitude à un trou de ver primordial), mais ils ont en outre le culot de le faire après de longues heures de méditation collective alors qu’un raisonnement logique de quelques minutes en plein éveil aurait dû suffire... pour enfoncer une porte ouverte ! Cela frise le gag ! Les showrunners cherchent-ils à grandir artificiellement le main cast de l’USS Discovery sur le dos de tous les autres ? Au passage, l’épisode confond la méditation à laquelle s’astreignent les Vulcains des ST historiques pour mieux contrôler leurs émotions... et des formes de méditations transcendantales voire des communions omniscientes à vocation mystique ou religieuse.
- Quoi qu’il s’agisse de sciences trekkiennes hypothétiques (laissant donc une importante marge de manœuvres), il faut signaler que jamais les séries pré-2009 n’ont suggéré que les trous de vers s’accompagnaient obligatoirement de tachyons (particules supraluminiques théoriques). Les tachyons caractérisaient en revanche toute forme de voyage (ou d’anomalie) temporel(le). Accessoirement, ces connaissances-là furent surtout développées à partir du 24ème siècle, il est donc d’autant plus curieux que Stamets-du-23ème-siècle en soit considéré comme le spécialiste exclusif.
- Par ailleurs, prétendre que la rencontre entre les tachyons et une atmosphère engendrerait le bleu éclatant du spectre du rayonnement Tcherenkov est mal comprendre ce dernier... qui demeure la manifestation du dépassement de c dans un milieu particulaire et non dans le vide (au contraire des très théoriques tachyons).
- Prolongeant la schizophrénie tonale de Discovery 04x02 Anomaly, le troisième épisode inflige une double dose d’échanges hors-sol outrageusement narcissiques et paroxystiquement sirupeux entre Adira, Gray et Culber au salon de Mayfair (ou de Greenwich Village). Outre le Docteur du 23ème siècle pas du tout compétent en cybernétique des 24ème-32ème siècles, l’épisode fait venir par canal de communication holographique le gardien Xi (déjà rencontré dans la troisième saison)... pas davantage compétent en la circonstance puisque spécialisé dans l’implantation de symbiotes Trill dans des corps humanoïdes... et non dans la transmigration des "âmes" d’un corps à l’autre. N’était-ce pas plutôt un Vulcain spécialiste du katra et du rituel fal-tor-pan qu’il aurait fallu solliciter ? Mais qu’importe, Xi se chargera de déplacer "l’âme" ou "l’esprit désincarné" de Gray dans le golem cybernétiques à son image... mais sans en garantir le résultat. Il en résultera une longue période d’attente et d’angoisse pour Adira à l’idée d’avoir perdu à jamais l’essence de son cher et tendre... Bien sûr, le jeune Trill émergera euphorique à la fin de l’épisode dans son beau corps tout neuf.
- Beaucoup d’artifices en amont de toute cette opération : Gray est tellement pressé de s’incarner qu’il en oublie son épanouissement actuel dans le corps d’Adira (n’ayant rien de "l’in-between" nihiliste de sa description misérabiliste), l’opération est considérée par tous comme dangereuse et incertaine au point de faire de Gray un cobaye (ce que les dialogues se gardent bien d’assumer), et Xi malgré son absence (il interagit seulement par télé-communication holographique) se comporte comme s’il était physiquement présent (avec des répliques du genre « I do not yet sense his presence in the synthetic body »).
- Mais surtout, il y a une inconsistance entre la capacité naturelle d’un holoprogramme vieux de plus d’un siècle (celui du Dr Issa dans le vaisseau kelpien KSF Khi’eth) à instantanément matérialiser télépathiquement et holographiquement la conscience de Gray... et le champ d’incertitude par lequel passe cet épisode dans le seul but de faire pleurer Margot tout au long de l’épisode. Si la série avait suivi une voie de prudence pragmatique, l’UFP aurait d’abord offert à Gray ce dont il avait bénéficié à bord du KSF Khi’eth... avant de songer à couper le "cordon ombilical" d’avec Adira (au profit d’un corps holographique ou physique).
- Plus que jamais, l’univers de Discovery fait l’effet d’être microscopique et de poche : toutes les planètes de l’univers sont à quelques encablures les unes des autres (T’Rina, Stamets et Book passent du QG de Starfleet à la planète Vulcain/Ni’Var comme s’ils franchissaient la porte d’un bar), tous les voyages spatiaux ne prennent que quelques minutes à quelques secondes (même dans les vaisseaux sans "spore drive" comme celui de Book), et on y croise inlassablement les mêmes VIP (mère, fille, potes, collègues...).
Résultat : un déplacement dans le métro de Paris offre une sensation d’espace et de gigantisme sans commune mesure. Un peu ballot quand même.
Le caractère hautement bancal de la diégèse suggère une fois de plus que l’objectif n’a jamais été de développer sérieusement des problématiques de SF ni même des dramaturgies humaines en marge d’un fil rouge apocalyptique (en lui-même aussi improbable que capillotracté). Non, l’objectif était juste de fournir de nouveaux accessoires obscènes au service du nombril des personnages. Un régime qui pourrait finir par ruiner lesdits personnages, même aux yeux de leurs fans les plus fidèles.
Ainsi, nul besoin d’être grand clerc pour comprendre que les trépas du commandant Ficket et de quelques anonymes du Qowat Milat tout comme l’exode des Abronians... ne sont que de pauvres prétextes pour que "manman" et "fifille" Burnham fassent une virée ensemble, et pour que Sylvia Tilly sorte de sa zone de (grand) confort en affligeant l’épisode de son ressort (pas) comique à contremploi.
De par la surcouche étouffante de pathos saturé de saccharine, les grands sourires béats "feel good" jurant dans un contexte supposé tragique, et une BO qui ne manque jamais d’être risiblement grandiloquente, il apparaît bien vite que les enjeux SF ne sont à aucun moment pris au sérieux dans l’écriture. Ceux-ci ne reçoivent pas même le traitement à minima que leur aurait accordé la plus modeste et familiale série de SF... tel le remake de Lost In Space (dont la troisième saison vient de débarquer sur Netflix). Ils ne sont que vulgaires décorums pour faire interagir les protagonistes et nourrir toujours davantage leur égo. Tout comme les seuls bons acteurs (Oded Fehr, Chelah Horsdal, Tara Rosling) de la distribution réduits à des faire-valoir du main cast. L’univers lui-même, plus microscopique que jamais, est un sandbox gravitant autour de Mary Sue et des VIP de son réseau social...
Bien dommage, car Discovery 04x03 Choose To Live avait tout de même un potentiel idéel...
Il en subsiste certes quelque chose par son rythme davantage contemplatif et discursif quand bien même sur du vide (hors des duels chorégraphiés stériles), par son immersion (quoique bien trop brève) dans la toujours fascinante Vulcain "by any other name" (merci à ST ENT 04x07 The Forge d’avoir si bien planté ce décor), par une poignée de dialogues mieux écrits que d’habitude (notamment entre T’Rina et Booker sur Ni’Var), et par quelques rares moments de sobriété dans l’interprétation (e.g. la scène finale entre Michael et Cleveland).
Mais cela reste bien trop peu pour un épisode de 55 minutes croulant sous le poids diabétique des incohérences, des facilités, des contresens, de la marvelisation, de la bêtise, du surjeu... et finalement de l’indigence.
Note Star Trek
Cette ligne de programmation ne sert qu'a formaté proprement les lignes de textes lors d'un utilisation sous Mozilla Firefox. J'aimerais pouvoir m'en passer mais je ne sait pas comment, alors pour l'instant. Longue vie et prospèrité