Critique
Par Frank Mikanowski
La série animée déjantée sur Star Trek, Lower Decks, est de retour pour une seconde saison sur Paramount+ aux USA et sur Prime Video en France. Avant de parler de ce premier épisode, petit retour en arrière sur ce que m’avait évoqué la première saison. Au bout du troisième épisode, l’exaspération profonde que provoquait le visionnage de cette série avait eu raison de moi. Quand on fait une review hebdomadaire d’une série, normalement, on sait que, selon les épisodes, on aura des choses positives ou négatives à dire et donc sur les 10 articles des arguments différents à défendre. Au bout de trois épisodes, mon opinion s’était cimentée sur le fait que Lower Decks n’était définitivement pas fait pour moi et que la probabilité que je trouve quelque chose de positif à dire était désormais proche de zéro. Si pour certains, Yves en particulier, c’est le fond qui était rédhibitoire avec une série qui a pour base de ridiculiser ce qui fait que Star Trek est Star Trek, c’est fondamentalement la forme qui me posait un grave problème. Une demi-heure de vociférations, de hurlements et de personnages caricaturaux grimaçants, c’était une demi-heure de souffrance. Et à un moment, on n’est pas là pour souffrir. Mon opinion était faite. End of transmission. Il y a quelques mois, j’ai essayé quand même de voir la suite en piochant 2-3 épisodes. L’exaspération que me provoquait le visionnage étant toujours présent, je me suis rabattu pour clore le débat sur le dernier de la saison. Curieusement, celui-ci était différent. Déjà, parce qu’il faisait progresser les personnages qui, jusque-là, étaient bien solidement ancrés dans leurs certitudes. Ensuite, parce qu’il y avait enfin un sens à leur action. Et enfin, parce qu’il n’y avait pas de temps pour vociférer. Bref, plutôt une bonne surprise. Et nous voici donc à l’aube de la seconde saison de la série. Lower Decks continue de déployer ses fondamentaux qui sont de rire de Star Trek. Avec Strange Energies, c’est à nouveau un concentré de dérision qui utilise les 50 années de la franchise pour rire d’elle. Si c’est un casus belli pour vous, vous continuerez à détester. Sur la forme, j’ai trouvé que cela continuait sur la lancée du final de la saison 1. La preuve, je n’en suis pas sorti avec des acouphènes. Mariner reste Mariner, mais Tawny Newsome, qui donne sa voix au personnage, peut enfin doubler les épisodes sans avoir à sucer une tonne de pastilles d’Activox pour calmer son extinction de voix. Du coup, sans franchement jusqu’à aimer les personnages, je les trouve plus sympathiques qu’avant. J’émets tout de même une réserve. Le second hurleur en chef, Boimler, étant quasi-absent de l’épisode, il faudra voir si cette dynamique salutaire pour nos tympans est confirmée dans la suite de la saison. Sur le fond, Mariner est une casse-couilles et elle le prouve amplement dans cet épisode. Alors, oui, je suis d’accord, à un problème, il faut trouver une solution. Et, de bien entendu, elle sera la plus éloignée possible d’une résolution trekienne. Honte à moi, cela m’a fait sourire. En définitive, j’ai toujours autant de doute sur le fait que j’aurais quelque chose à dire de différent chaque semaine sur la série. Radoter is Futile... Cette ligne de programmation ne sert qu'a formaté proprement les lignes de textes lors d'un utilisation sous Mozilla Firefox. J'aimerais pouvoir m'en passer mais je ne sait pas comment, alors pour l'instant. Longue vie et prospèrité |
Analyse
Par Yves Raducka
Alors que la messe (noire) était dite (et bien dite) depuis la première saison, est-il encore utile de chroniquer la seconde saison de Lower Decks… sans se répéter tel un pauvre disque rayé enfermé dans une boucle temporelle sans fin ? Seule une incurable espérance (ou un inavouable masochisme) peut encore conduire à lever ponctuellement le boycott critique pour réaliser un check périodique sur l’état du sinistre ou du ravage... Soyons donc ouverts et sans préjugés, et donnons une nouvelle chance à Lower Decks... allez... une fois par an. Malheureusement, aucune (bonne) surprise n’est à signaler : "nihil novi sub sole" ! À nouveau, l’horizon créatif de Lower Decks 02x01 Strange Energies se borne à faire un étalage obscène – en mode name dropping – de clins d’œil à un Star Trek qui n’existe plus à l’écran depuis quelques seize ans… en lieu et place d’une quelconque idée de SF nouvelle ni même simplement intéressante.
Si, au premier abord, le trekker nostalgique pourra être saisi d’un tressaillement par l’évocation du lieutenant-commander Gary Mitchell devenu une pseudo-divinité sous l’effet de "l’énergie étrange" dans ST TOS 01x01 Where No Man Has Gone Before puis par la figuration de deux mains spatiales en écho à celle d’Apollon dans ST TOS 02x04 Who Mourns For Adonais ?, la madeleine de Proust sera de bien courte durée – ou pire à double tranchant – devant le massacre grossier de ces thématiques par Lower Decks 02x01 Strange Energies.
Et comme de bien entendu, le "wiki" kurtzmanien est décidément affligé de nombreuses cases en moins : "on" a beau fétichiser maladivement les séries historiques en plaçant des références lourdingues dans presque chaque scène, "on" oublie pourtant commodément des pans entiers du canon quand ça arrange. Ainsi, dans le second pilote de la série originale, il ne suffisait pas de balancer un rocher sur la caboche de Gary Mitchell pour le vaincre, il fallait encore que quelqu’un doté des mêmes "super-pouvoirs" que lui (mais pas de la même malveillance) l’affronte et le matche pour rétablir l’équilibre rompu, quitte à y perdre la vie (une pensée à feue Elizabeth Dehner).
À supposer d’aventure qu’une forte rasade de bourbon ou de bromure de potassium permette d’entériner tous les bullshits et les truismes alignés par Lower Decks 02x01 Strange Energies, l’arrestation et l’emprisonnement de la fille par la mère conclut la geste nonsensique par un ultime illogisme crasse... mais philosophiquement déterminant.
Pire, en généralisant et en normalisant le cas de Gary Mitchell (ST TOS 01x01 Where Non One Has Gone Before) au point même d’édicter une pseudo-loi naturelle (baptisée "strange energies") moyennant une occultation tendancieuse des contre-exemples, au demeurant bien plus nombreux (Elizabeth Dehner dans le même pilote de ST TOS, William Riker dans ST TNG 01x10 Hide And Q, le Zalkonian dans ST TNG 03x25 Transfigurations, Reginald Barclay dans ST TNG 04x19 The Nth Degree, Kes dans ST VOY 04x02 The Gift...), Lower Decks pose ainsi implicitement que le développement incident de "super-pouvoirs" a automatiquement pour effet de transformer les ressortissants de la Fédération en "démons" psychopathes... qu’ils seraient donc tous en germe dans leur âme et conscience, pour un constat ontologique sans appel ! L’humanité future du #Faketrek apparaît ainsi bien moins évoluée que celle d’aujourd’hui... chez Marvel ou DC ! Et derrière le vernis mondain d’une "utopie" de marketing pour CBS, c’est une fois de plus le pandémonium de la dystopie qui douche les ultimes feux trekkiens... pour mieux ringardiser quarante années de worldbuilding authentique.
De par leur caractère stand alone, les épisodes de Lower Decks prétendent relater avec dérision des histoires de SF sises dans le Trekverse. Mais de facto, ils ne racontent rien. Ils se contentent de démolir, tout en ratant à chaque fois leur cible humoristique tels des snipers ivres. Leur systémique de l’emprunt réduit les plus grands fondements trekkiens historiques à des farces, des pieds de nez et des doigts d’honneur profondément discréditants... dans le seul et unique but est de servir pesamment la soupe aux relations interpersonnelles des personnages du main cast... pourtant plus antipathiques et exaspérants les un(e)s que les autres. Du coup, rarement les sensations de contreproductivité et de gâchis n’auront été aussi prégnantes et écrasantes. Somme toute, exactement comme dans la série Discovery (et avant elle dans les films Kelvin), moyennant un univers entier gravitant autour des protagonistes et fabriqué sur mesure pour nourrir leurs égos aussi immatures qu’insondables – mais avec ici la vulgarité potache et le mauvais goût en sus. Soit une alliance encore inédite du cynisme et de la niaiserie, où la prétention désabusée du "je sais tout, j’ai déjà tout vu, je m’attends au pire de tout et de tout le monde" le dispute au pathos ruisselant et gluant de bons sentiments glucoses, adossés aux dévoiements structurels des idéaux trekkiens, à l’éloge perpétuel de la médiocrité la plus contemporano-centrée, et à l’exacerbation d’une sémiotique (langage, postures...) millésimée 2021 (donc viscéralement anti-SF et anti-dépassement). En fin de compte, il n’existe pas un seul ressort dans Lower Decks 02x01 Strange Energies – aussi bien dans les registres du recyclage éhonté et de l’action idiote que de l’inconséquence comportementale et du mélo gluant – qui ne se déploie ni ne se décline hors du champ de l’égocentrisme et du narcissisme abyssal de chaque personnage.
Et ce n’est pas la rubrique technique et artistique qui rédimera l’expérience fût-ce partiellement... étant donné que l’animation souffre d’insuffisances visuelles chroniques jurant au regard de son budget, à l’exemple de l’erreur de perspective durant l’atterrissage de la navette de l’USS Cerritos sur la planète Apergos. Ironiquement, ST The Animated Series ne souffrait pas de ce genre de gaffe en dépit de son visuel low cost, de son économie de moyens, et de son âge canonique (1973-74). Refermons donc cette consternante parenthèse. Un an après jour pour jour (ou presque), Lower Decks 02x01 Strange Energies se révèle toujours aussi creux, pathétique, incohérent, woke, vulgaire, et moche que le fut Lower Decks 01x01 Second Contact. Les quelques "progrès" apparents en fin de première saison (un peu moins de logorrhées soulantes et de grimaces trash certes...) s’avèrent en définitive un énième pâté d’alouette noyé dans un océan de sacrilège-système, de prestidigitations et de manipulations, en renfort de dialogues branchouilles illusoirement smarts, à l’appui de l’adoubement complice de quelques vétérans-sur-le-retour (Jonathan Frakes, Marina Sirtis, John de Lancie...) de la franchise-qui-fut, et en support de l’exploitation putanesque de gimmicks surcotés à la bourse émotionnelle du fanservice (e.g. l’USS Titan de Riker qui apparaît désormais en contrepoint de chaque épisode…). D’aucuns considèreront peut-être que l’alibi pseudo-humoristique ou pseudo-connivent de Lower Decks serait un moindre mal comparativement aux séries #Faketrek live sorties de la même usine Tricatel... rendant cette série inanimée en quelque sorte inoffensive.
De quoi confirmer que les productions Kurtzman ne se contentent pas d’être d’une nullité abyssale à la limite du regardable, elles sont également très préjudiciables au matériau existant... en parasitant, phagocytant et profanant à qui mieux mieux quarante années (1964-2005) de créativité audiovisuelle inégalée... et sa mémoire... lovée dans l’intime de chaque trekker.
C’est au fond, là (et las), le sentiment amer et malsain que convie désormais chaque épisode de Lower Decks, prouvant – s’il le fallait encore – qu’il ne suffit pas d’un empilement stérile de placements à l’usage des fétichistes d’un Trivial Pursuit trekkien pour sonner moins inauthentique et moins contrefaçon. Le bourrage d’infos puisées voracement dans les wikis en ligne n’est ni une condition suffisante ni une condition nécessaire pour composer une œuvre respectueuse, créative, inspirée, pertinente, intelligente... ou à tout le moins drôle ou décalée. Bien au contraire en réalité... Car les Easter eggs industrialisés sont à la fois le niveau zéro de l’internalisme, l’antithèse du worldbuilding, et finalement la mort de toute créativité.
Cette série animée a tout de même le "mérite" (ironie inside) de ne pas faire lanterner le public durant des saisons entières sous l’empire fébrile de promesses politiciennes et de pyramides de Ponzi abracadabrantes avant de dévoiler son intimité si peu érotique, faite de néant et de trous noirs...
#Faketrek Lower Decks ou le naufrage de la cuistrerie systémique. Zéro pointé !
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