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Cet espoir, c’est vous I
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Critique
Par Frank Mikanowski

Covid aidant, la nouvelle saison de Star Trek Discovery nous arrive 18 mois après le final de la saison 2 qui a vu Michael Burnham et le vaisseau partir vers le futur. But déclaré : Emmener l’équipage vers de nouvelles aventures. But avoué : Laisser dans le passé toute raison de critiquer la série pour ses nombreuses entorses à la continuité de la franchise.

Et de ce point de vue là, effectivement, je pense, sauf à être particulièrement tatillon, qu’on peut arrêter d’utiliser l’argument. Surtout que ce saut de centaines d’années dans le futur n’a pas supprimé les autres défauts structurels de la série.

Et d’abord celui d’avoir la nette impression de suivre plus un soap opéra qu’une série de science fiction. Une série où le hasard fait toujours bien les choses, où en 10 secondes, l’ange Burnham, à peine sortie un bras de son wormhole, rencontre son futur plan cul. Où toute relation commence comme un vieux blockbuster US des années 80 : On se botte le cul avant de devenir copain. Où le climax de l’épisode en fait des tonnes pour vous faire sortir votre petite larme sur cette pauvre Fédération réduite au silence..

Bref, cette semaine, l’absence de nouvelles du vaisseau permet de faire un épisode totalement centré sur Michael Burnham et sa rencontre avec Book et son superbe chat Grudge, soit un grand moment d’émotions toujours exacerbées. Et à ce jeu là, Sonequa Martin-Green en est définitivement la Reine : étonnement, tristesse, colère, hilarité sous poppers du futur, l’actrice déploie tous ses talents. Je dois dire que, si c’est quelque chose que je n’attend pas dans un Star Trek, je suis assez admiratif sur la capacité de Sonequa Martin-Green à nous faire ressentir la palette émotionnelle de son personnage. Quant à David Ajala qui interprète Book, c’est un excellent contre-poids à Martin-Green. Immédiatement, leur couple à l’écran fonctionne.

Sur la représentation de ce futur lointain, je ne suis également pas totalement convaincu. Ce n’est pas le nouveau mode de téléportation, le nouveau design des vaisseaux et des armes, le nouveau tableau de bord tactilo-magnetico-nimportequoi qui me fait croire qu’on a fait un grand saut dans le futur. On m’aurait dit que c’était 50 ans après la série Picard que cela ne m’aurait pas étonné plus que ça.

Reste la magnificence de la photographie de cet épisode, Décidément, l’Islande est une réserve inépuisable de paysages extraterrestres. L’épisode est agréablement rythmé et sans temps mort. Les effets spéciaux sont impeccables.

Bref, au delà des critiques que je peux exprimer ici, pour être honnête, j’ai passé un excellent moment à regarder cet épisode. Et c’est, sans doute, ce dont on a le plus besoin en ce moment...

Cette ligne de programmation ne sert qu'a formaté proprement les lignes de textes lors d'un utilisation sous Mozilla Firefox. J'aimerais pouvoir m'en passer mais je ne sait pas comment, alors pour l'instant. Longue vie et prospèrité

Analyse
Par Yves Raducka

Oui, Frank. Mais déplacer le timeframe de Discovery quasiment un millénaire dans le futur était surtout un constat d’échec et un aveu d’impuissance de la part des showrunners. Étant sous le feu nourri des critiques des spectateurs depuis 2017 et pourtant dans l’incapacité de respecter les exigences internalistes minimales de l’univers dont la série exploitait pourtant le label, plutôt que d’assumer l’évidence qui venait (et vient toujours) à l’esprit de n’importe quel trekker (à savoir que DIS ne peut en aucune façon appartenir à la timeline historique de ST TOS), la seule porte de sortie officielle trouvée aura été littéralement la fuite en avant dans un avenir encore jamais exploré.
Bien entendu, c’est dans ce type de futur post-ST VOY que Discovery aurait dû d’emblée prendre place dès sa première saison. Mais y venir seulement à la troisième est bien trop tardif, car le mal aura été fait sans être d’une quelconque façon corrigé. Chaque tentative de justification ou de rattrapage durant les deux premières saisons de DIS n’ont fait qu’aggraver encore les choses, les showrunners de Secret Hideout étant d’incorrigibles Gaston Lagaffe (mais en bien moins sympathique). Le vandalisme infligé (volontairement ou non) à la timeline originelle étant désormais tellement profond qu’il en est devenu irrattrapable. Autant dire que ce bond en avant tient de la politique de l’autruche, de la poussière sous le tapis, de la posture fataliste… ou de l’opération de diversion. Et l’impératif externaliste aura été si voyant, si artificiel, si "alibi-esque" qu’il ne saurait être masqué par la pauvre justification internaliste avancée. Soit le cas d’école d’un exécrable showrunning.
Car si l’épisode DIS 02x14 Such Sweet Sorrow Part 2 sorti le 18 avril 2019 avait ébloui par son feu d’artifice surréaliste d’effets spéciaux, et avait probablement ému certains spectateurs par son pathos à rallonge, il s’était surtout illustré par un record historique d’incohérences et d’invraisemblances. Du jamais vu de mémoire de sériephile : plus d’une centaine de WTF furent dénombrés dans ce final, et encore sans recourir à un quelconque nitpicking, avec pour apothéose peut-être l’argument même de l’épisode qui était dépourvu de sens. Absolument rien ne justifiait dans l’Histoire relatée le voyage dans le futur du Red Angel Burnham et de l’USS Discovery (il y avait tant d’alternatives plus simples et plus vraisemblables plus éliminer Control et/ou la mémoire de la Sphère rouge sentient).
Ce tournant narratif consistant à déménager avec armes et bagages au 32ème siècle (pour se débarrasser du si encombrant background trekkien) est donc arrivé comme un cheveu sur la soupe, telle une rustine imposée au forceps, l’extra-diégèse ayant grossièrement pris le pas sur l’intra-diégèse.
En somme, cette troisième saison de Discovery est un nouveau reboot qui ne dit pas son nom, sachant que la première saison de Discovery était déjà un reboot du 23ème siècle trekkien (et de la TOS-era). Décidément, on pourra dire que la culture du reboot perpétuel (qu’il soit assumé ou hypocrite) est vraiment dans les gènes du Star Trek abramso-kurtzmanien depuis 2009. Ce qui contraste d’autant plus avec ce qu’était Star Trek auparavant (entre 1964 et 2005), c’est-à-dire l’un des très rares univers imaginaires à n’avoir jamais été rebooté en quarante ans (pas même un peu).

Ceci étant posé, et au prix d’une gymnastique mentale indissociable de la culture geek, si encore il suffisait de cloisonner dans son esprit les deux première saisons de Discovery pour être en mesure d’apprécier la troisième, le contrat de divertissement proposé présenterait une certaine légitimité, au minimum locale (en aparté).
Malheureusement, le cas de la série Picard a tristement révélé que les sequels produits par Secret Hideout n’étaient pas davantage capables de respecter la continuité de les univers préétablis que les prétendus prequels. Tout au mieux, les viols de continuité sont en général moins voyants aux yeux du grand public dans les sequels car ces derniers n’explorent guère les causalités de l’existant... rendant de ce fait l’exercice prequel nettement plus contraignant pour être pleinement réussi – à l’exemple de la référentielle Enterprise – postulant des auteurs une érudition sans faille.
Or rebelote, force est de constater que la saison 3 de Discovery ne déroge pas à "l’équation kurtzmanienne" d’incompatibilité systémique avec le STU historique. Alors certes, les ruptures ne portent désormais plus sur les ressorts soapesques supposés parler aux cœurs d’artichaut (du genre la sœur cachée de Cruz Castillo dont nul n’avait jamais entendu parler dans Santa Barbara...), mais lesdites ruptures n’en demeurent pas moins structurelles pour autant (sciences et technologies, géopolitique et stratégie…). Alors est-ce à dire qu’il faut absolument être "tatillon" pour s’en indigner et/ou y perdre sa suspension d’incrédulité ? Ce sera à chacun d’y répondre selon ses attentes et ses exigences...

Toujours est-il qu’il n’est pas utile de reformuler avec davantage d’exhaustivité dans cette seconde critique les reproches que la première avait déjà exprimés, qui plus est sans ambages ni ménagement.
Ironiquement, même l’inventaire par Frank de ce qui peut subjectivement être perçu comme des qualités (en particulier l’exhibition émotionnelle de Martin-Green) pourra tout aussi bien être ressenti comme autant de travers rédhibitoires : un pathos tellement surjoué par Sonequa qu’il en devient hautement manipulatoire en en quelque sorte pornographique.

Histoire de planter le décor, Burnham, équipée de sa combinaison angélique, sort du wormhole spatiotemporel et entre en collision avec le vaisseau cargo de Cleveland Booker, alias Book, son futur plan cul (d’après les bandes-annonces). Le Kurtzmanverse est toujours aussi minuscule.
Le personnage interprété par David Ajala est pourchassé – façon Han Solo dans la trilogie historique de SW – par Cosmo Traitt, un créancier et mercenaire alien sans pitié.
En orbite de ce que Michael prend pour Terralysium, mais nommée en réalité Hima selon Book, c’est un vrai cimetière d’épaves (qui évoque l’orbite de Vulcain dans ST 2009 du même auteur). Finalement les deux vaisseaux se crashent sur une planète très islandaise mais dont le ciel diurne est tweaké d’un sapin de Noël d’exo-planètes ou d’exo-lunes (une telle configuration en jette mais n’est guère astronomiquement crédible).
Après le crash, Burnham sort de terre telle une morte-vivante, clin d’œil probable au destin de Sasha Williams dans The Walking Dead. Nous sommes en 3188. À un mètre d’elle, sa combinaison se reconstitue automatiquement, tel un spectre ou une coquille vide. Au moyen de son communicateur, elle tente de joindre l’USS Discovery. En vain. Désespoir dans ce monde de solitude. Mais sa suit détecte finalement de multiples signes de vie sur la planète, et Burnham se met à hurler comme une possédée.
Sonequa est toujours dans le surjeu, ce qui jure d’autant plus si l’on met son personnage en perspective avec tous les officiers de Starfleet qui se sont déjà crashés en solo sur des planètes inconnues... Car à vouloir exacerber ainsi la tragédie, le ridicule gît en embuscade. Et la détresse de l’héroïne dévoile surtout une incontinence et une immaturité qui sied aussi mal à l’uniforme qu’à une éducation prétendument vulcaine. Enfin bon, nihil novi sub sole, cette inconséquence psychologique de Mary-Sue afflige Discovery depuis son pilote.
Dans les cieux iridescents, le wormhole se ferme. Se précipitant alors sur son red angel, Burnham programme des coordonnées temporelles pour envoyer un signal rouge – le septième et dernier – à travers le rift. Et pour cela, sa combinaison décolle et se jette dans le trou de ver… juste avant que la grande lumière déployée dans le ciel ne disparaisse.
Michael s’écroule alors en sanglot, de désespoir. Et la scène dure, dure... Discovery ne serait pas Discovery sans les larmes de Mary-Sue, qui porte sur elle christiquement toute la douleur de l’univers.
Il ne lui reste que plus que son kit de survie standard (phaser, tricorder, communicateur, pack d’urgence, pack d’hydratation, bouclier delta). Elle répète alors son nom, son grade et son matricule, comme pour ne pas oublier...
"Lève-toi et marche".
Les paysages d’Islande sont décidément majestueux. Est-ce à dire que c’est la seule vraie qualité objective de l’épisode ? Peut-être…
Dans tous les cas, la forme est soignée, davantage cinématographique que dans les saisons précédentes... du moins dans sa photographie, probablement en raison des plans larges que permet le cadre naturel de tournage (en lieu et place des habituels décors de studio). Et d’une façon générale, le budget toujours pharaonique de la série est davantage perceptible on screen.
Cependant, il faut toujours se méfier d’une volonté trop empressée à en mettre plein de mirettes. Parce que trop souvent, le but est d’enfumer le spectateur et d’anesthésier l’esprit critique.

Alors apprécions ce bien rare scrupule de cohérence (rare du moins dans les productions Kurtzman) envers la scène finale de l’épisode précédent. Eh oui, le septième signal rouge – provenant du quadrant bêta au voisinage de Terralysium – avait bien été capté par l’équipage de l’USS Enterprise rebooté à la fin de DIS 02x14 Such Sweet Sorrow Part 2. Il fallait donc qu’il soit envoyé avant la fermeture du trou de ver. Check.
Hélas, comme toujours dans Disco, les bouffées de cohérence se payent au prix fort. Burnham s’était engagée à envoyer le septième signal à son frère uniquement en cas de traversée réussie ; or sans le Discovery, c’est-à-dire sans 99% des voyageurs engagés dans l’aventure temporelle, comment oser annoncer un quelconque succès ? Juste de la compassion fraternelle ? Mais le pire est que Michael s’est échouée sur une planète inconnue à une époque inconnue, et sans preuve de la survie de l’USS Discovery, comment peut-elle ainsi sacrifier la combinaison de la Section 31 avec son cristal temporel (quand bien même à plat) - une technologie qui pourrait bien constituer la seule planche de salut et porte de sortie pour elle et son équipage ? Mais comme d’habitude, les postures l’emportent toujours sur la vraisemblance, ce qui permet de fabriquer de l’émotion-business à peu de frais…

Ayant mis le cap pedibus cum jambis sur le site où l’autre vaisseau s’est crashé (comme un faux air de Picard 01x10 Et In Arcadia Ego, Part 2 du même Kurtzman), Michael ne met pas longtemps à rencontrer Book. Le schéma narratif qui suivra est tellement resucé, tellement essoré, tellement exsangue depuis 70 ans de productions audiovisuelles qui ne mérite pas qu’on s’y attarde. Au moins, dans le piètre ENT 02x11 Precious Cargo (sans nul doute le moins bon épisode de la série prequelle) qui avait pourtant l’excuse de l’autodérision, les showrunners avaient publiquement admis cette facilité...
Ainsi donc, les deux protagonistes se défient, s’insultent, se frittent, se castagnent… avant de devenir rapidement les meilleurs potes du monde (puis amant dans la suite de la saison). Il y aura bien une "trahison vénale" lorsque Book conduira Michael à Requiem, un astro-port de surface, mais surtout Mercantile, une de ces cours des miracles – marchandes et high tech – directement sorties de Star Wars... ou, pire encore, de Picard 01x05 Stardust City Rag en 2399. On n’en sort décidément pas, et le ver ploutocratique était bien dans le fruit (du Kurtzmanverse).
Mais face à la perspective d’une mort imminente, les deux larrons partageront spontanément la connivence des Men In Black de Barry Sonnenfeld d’un seul regard échangé (alors qu’ils ne se connaissaient pas quelques heures avant), avec en sus les "blagounettes cool" de buddy movies (en pleine chorégraphie de combat) s’il vous plait.
On rira bien sûr de la subtile référence à la pop culture lorsque Cleveland qualifiera Michael en combinaison Marvel de "rocket girl". Trop drôle.
On rira jaune du pesant parallèle entre Mercantile et les conventions ST. En effet, afin de négocier le dilithium dont le cargo de Booker a tant besoin, Burnham vendra à prix d’or au "souk high tech" tout son matériel Starfleet collector millésimé 23ème siècle, prisé de collectionneurs et de nostalgiques du 32ème siècle. Difficile de ne pas y voir une parodie (ou un pied de nez) à la voracité complétiste des trekkies pour les goodies sous licence, et davantage encore pour les accessoires de plateaux de tournage vendus à prix d’or aux enchères sur eBay.
On rira moins en revanche lorsque Burnham désintégrera massivement de l’alien avec aussi peu de scrupules et autant de naturel que Sasha Williams empalait les zombies dans The Walking Dead ! On voit tout de suite à quoi tiennent les valeurs de Starfleet et les "lumières trekkiennes" lorsqu’elles sont revues et corrigées par Secret Hideout. C’est en tout point le même esprit "shoot ’em up" et "kill them all" que celui de Seven Of Nine reformatée en Lara Croft badass dans la série Picard. Cool.

Au contact de Cleveland Booker, pilote et commandant d’un cargo de transport (astro-coursier au service de mafia orionne qui monopolise le peu de dilithium disponible), Burnham apprendra assez vite la configuration géopolitique de cette fin de 32ème siècle. Il y a 120 ans, un mystérieux Burn a causé en quelques années l’effondrement de la Fédération. Et ledit Burn désigne en lui-même l’embrasement, l’explosion, la destruction simultanées de tous les cristaux de dilithium à l’échelle de la galaxie (voire de l’univers). Il n’est pas précisé si ce sont seulement les mines et les réserves qui ont explosé... ou si cela inclut aussi les cristaux en activité dans les réacteurs (endeuillant alors tous les vaisseaux qui en faisaient encore usage). Mais si l’intégralité du dilithium avait disparu de l’univers lors du Burn comme le suggère la grandiloquence de l’épisode, alors comment se fait-il qu’il s’en négocie encore à prix d’or (favorisant les trafics mafieux) ?
Toujours est-il que nul ne connait la raison de cet événement, ce qui lorgne presque en direction de The Leftovers. Et à en croire l’épisode, les voyages interstellaires seraient devenus difficiles voire impossibles. L’UFP n’y a semble-t-il pas survécu (du moins elle a disparu de ce lointain quadrant bêta).
Ce qui donnera l’occasion à Michael d’asséner à Book que la Fédération n’est pas seulement une affaire de vaisseau et de distorsion, mais une vision et tous ceux qui ont foi en elle (« The Federation isn’t just about ships and warp drive. It’s about a vision and all those who believe in that vision. » !
Très beau en apparence… mais seulement dans un mauvais JdR. Fort naïf en réalité et révélant le peu de compréhension du sujet par les auteurs... Sans chercher à paraphraser un célèbre homme d’état, aucune politique n’est viable en dehors du réel.
Bien entendu, cette ligne de dialogue présente tous les atours d’un pieux hommage à Gene Roddenberry et aux trekkies. Le hic, c’est qu’en déplaçant icelui de l’externalisme dans l’in-universe, la vision d’un créateur et l’idéal des fans se métamorphose alors en culte et en dogme, vecteurs d’irréalité ou de totalitarisme.

Il faut savoir que le pitch d’une Fédération soudain privée des moyens matériels de sa politique (sans lesquels aucune société civilisée de proportion galactique ne saurait prospérer et se maintenir), cela sort directement d’un projet de série du Star Trek bermanien (qui avait décidément tout imaginé), à savoir ST Final Frontier proposée par le vétéran Dave Rossi (le changement de direction de la Paramount en 2006 et l’arrivée de JJ Abrams ayant stoppé toutes ces initiatives). Sauf que dans la série Final Frontier, l’impraticabilité de la distorsion était alors supposée résulter d’un effondrement du subespace suite à l’emploi abusif de molécules oméga, donc en parfaite conformité avec ce qui avait été établi dans les épisodes TNG 07x09 Force Of Nature et VOY 04x21 The Omega Directive.

En revanche, Discovery 03x01 That Hope is You, Part 1 pose que le dilithium serait un ingrédient conditionnel de tout voyage en distorsion, voire même en creux de toute possibilité de FTL !!!

Pourtant, à l’appui de 736 opus de Star Trek entre 1964 et 2005, le dilithium est avant tout un régulateur/stabilisateur de la réaction matière/antimatière permettant de mieux contrôler et encadrer le jet de plasma qui alimente énergétiquement le moteur à distorsion. Le dilithium est donc aussi un amplificateur d’une perspective de rendement ou d’efficience. Le dilithium peut également constituer une source d’énergie de substitution (essentiellement dans ST TOS 01x03 Mudd’s Women où il fut appelé "lithium" par aphérèse et bien sûr dans ST IV The Voyage Home).
Néanmoins, au cours du 24ème siècle (de ST TNG-DS9-VOY), la relation au dilithium a subtilement mais significativement évolué. Certes, une optimisation de celui-ci pouvait conduire à de meilleurs rendements des warp drives et donc à des vitesses de distorsion accrues (ST TNG 03x06 Booby Trap, ST VOY 02x15 Threshold...), mais il pouvait également devenir ou s’avérer dispensable (ST TNG 04x19 The Nthe Degree, ST TNG 05x10 New Ground, ST TNG 06x25 Timescape, ST TNG 06x26 Descent...). Par exemple, les très puissants vaisseaux Romuliens n’utilisent plus de dilithium ni même de réacteurs matière/antimatière, mais des singularités artificielles pour alimenter leurs "warp drives". De son côté, Starfleet réussit alors à recristalliser le dilithium à l’intérieur même du "warp core’s dilithium articulation frame" des vaisseaux au moyen d’un "theta-matrix compositor", ce qui implique alors forcément une balance énergétique négative (premier principe de thermodynamique)… et donc l’abandon du dilithium comme source d’énergie.
En réalité, cette situation amorçait en filigrane un bouleversement systémique, à savoir l’émergence progressive de solutions FTL (technologies "faster than light") alternatives à la distorsion (et cela heureusement sans recourir au très fantaisiste "spore drive" mycélien de DIS) : "soliton wave", conduits de "transwarp", wormholes artificiels, quantum slipstream drive, "spatial trajector", "displacement wave", "Tash’s catapult", portails iconiens… et même (via Kelvin) le "transwarp beam" de Scotty.
Puis au 29ème siècle (cf. ST VOY 05x24 Relativity), les vaisseaux de Starfleet disposeront de la capacité de se projeter n’importe quand et n’importe où dans l’espace (tel le Tardis du célèbre Doctor). Et alors au 31ème siècle (cf. Daniels de ST ENT), la même opération se réalisera mais cette fois au moyen de portails aussi instantanés que ceux des Iconians ! Autant dire qu’au seuil du 32ème siècle, Starfleet avait largement dépassé le concept même de distorsion, et donc a priori aussi la dépendance envers le dilithium...
Dès lors, autant il serait vraisemblable que le mystérieux Burn ait éventuellement perturbé les économies de certaines civilisations du 32ème siècle (et peut-être causé la destruction de quelques vaisseaux très "archaïques"), autant il est capillotracté que celui-ci ait en lui-même totalement paralysé voire endeuillé l’UFP au point d’engendrer son effondrement !

En parallèle, sur la base de ce qui a été montré on screen durant 54 ans (aussi bien pendant les 40 années historiques de 1964 à 2005 que depuis 2009), le dilithium n’a jamais constitué un élément causal ou intrinsèque de la mécanique de distorsion dans le subespace – quoique le plus souvent intégré au cœur des "warp drives" via les "dilithium matrices" pour optimiser l’efficacité de la production/canalisation énergétique. Le dilithium n’était donc ni un combustible, ni un comburant, tout au plus l’équivalent d’un catalyseur optimisé (donc facultatif ou substituable). La preuve absolue en a été fournie par le premier vol terrien à distorsion de Zephram Cochrane en 2063 (cf. ST First Contact) qui ne pouvait s’appuyer sur le dilithium étant donné que celui-ci n’existe pas sur Terre. Idem pour toutes les autres civilisations qui développent tôt ou tard par elles-mêmes la distorsion sans forcément disposer de dilithium dans leur système stellaire… Sans quoi, la plupart des civilisations de l’univers seraient ni plus ni moins dans l’incapacité matérielle de développer par elles-mêmes une quelconque technologie de distorsion pour quitter leur berceau planétaire ! Dès lors, dans la franchise ST historique, tout premier contact (dans le cadre de la Prime Directive) aurait fatalement été explicitement et officiellement subordonné (en tant que condition sine qua non) à la présence native de dilithium sur la planète originelle de chaque espèce sentient. Apagogie donc, et la distorsion ne nécessite pas de dilithium pour être possible.
Par conséquent, en posant ainsi que le dilithium serait encore vital dans l’ère post-distorsion du 32ème siècle, cela renforcerait sa fonction d’ordre strictement énergétique (catalyseur, régulateur et/ou source) mais en aucun cas structurelle/conditionnelle dans les mécaniques de FTL (qu’il s’agisse de distorsion ou de procédés plus "futuristes"). Auquel cas, sa raréfaction (voire sa complète disparition) ne devrait pas seulement affecter (à des degrés divers) les voyages en FTL… mais en amont, tous les réacteurs matière/antimatière des sociétés du 32ème siècle !
Or si ce postulat énergétique de départ avait été vraiment compris et assumé par les showrunners, c’est bien l’ensemble des technologies hautement énergivores du 32ème siècle qui auraient dû se retrouver plombées, à commencer par la super-téléportation-autonome-portable dont tout le monde semble faire un usage intensif à fonds perdus, mais également les boucliers occulteurs (et "temperature sensitive") du cargo furtif de Book, les interfaces holo-métamorphes, et tous les autres "gadgets" non vitaux... Survie de la Fédération ou pas, c’est toute la Voie Lactée du 32ème siècle qui aurait alors dû considérablement régresser vers une optimisation des rendements et une économie de moyens, avec par exemple des interfaces faiblement consommatrices et plus organiques comme du temps de Jonathan Archer dans ST ENT, voire au prix d’une véritable "rétro-tech" comme dans Battlestar Galactica 2003.
Ce type de réflexion et de modélisation techno-structurelle aurait impérativement dû être menée en amont par des auteurs à la hauteur de leurs ambitions, car telle est la base même d’un "worldbuidling" rigoureux.

Alors certes, l’avocat du diable pourra toujours tenter d’arguer du caractère imaginaire de la distorsion, impliquant que son mode exact de fonctionnement n’a jamais été explicité on screen (au sens d’un cours de sciences appliquées), ce qui laisserait théoriquement une latitude pour révéler que le dilithium serait en fait un élément conditionnel de toute forme de FTL (quitte pour cela à faire abstraction des premiers vols en distorsion de Zefram Cochrane et de l’absence native de dilithium dans le système solaire).
Sauf que dans ce cas, le problème résultant est d’ordre paradigmatique. Parce cela signifierait que le dilithium occuperait dans le Trekverse l’importance centrale de l’Épice gériatrique dans le cycle de Frank Herbert. Ce qui aurait alors fatalement impliqué des sociologies (au sein de l’UFP comme de toutes les autres sociétés disposant de la distorsion) entièrement déployées autour de l’exploitation, de l’utilisation et de la préservation de cette substance cardinale et vitale. C’est ce que l’on nomme en anthropologie un artefact matriciel. Auquel cas, il est juste impossible et invraisemblable qu’aucun des 736 opus du Star Trek pré-2009 (et aussi ironiquement du Star Trek post-2005 jusqu’à début 2020) n’ait jamais révélé – quand bien même indirectement – sur les terrains culturels, sociologiques, structurels, et stratégiques une quelconque trace de dilithium-centrisme cosmique.
Par conséquent, ce que DIS 03x01 That Hope Is You, Part 1 prétend soudain révéler sur la place du dilithium, c’est au mieux un retcon (impliquant une autre timeline ou un autre univers), au pire une profonde incohérence.
Le concept du Burn, impliquant que dilithium serait par essence instable dans le warp core et pourrait s’embraser (les vaisseaux avec), ne trouve en outre pas le commencement d’une ombre de fondement dans les 726 opus historiques de ST, mais vient par contre en renfort des curieux propos tenus par l’enseigne Sam Rutherford dans Lower Decks 01x02 Envoys (sis en 2380 mais diffusé il y a seulement deux mois). Les séries produites par Kurtzman se font ainsi souvent la courte-échelle entre elles, sans rien y gagner pour autant en cohérence globale, tout en s’excluant collectivement d’autant plus de la ligne temporelle historique.
En se contentant ainsi de faire de l’état technologique apparent (ou mal compris) de ST TOS un fondement immuable par-delà tout ce que ST TNG-DS9-VOY-ENT auront ensuite révélé du futur, les scénaristes de Discovery ont-ils seulement pris la peine de visionner ne fût-ce qu’une seule fois l’intégralité des épisodes historiques (1964-2005) ? Ou bien ont-ils bâti leur script improbable sur la somme abstraite des idées reçues accessibles en quelques clics paresseux sur les wikis (comme Memory Alpha) ?
Il faut croire que lorsque lesdits wikis n’existaient pas encore à l’aube du web (à l’ère du Star Trek bermanien), les auteurs de la franchise étaient alors par la force des choses bien plus compétents et scrupuleux, tant ils étaient dans l’impossibilité matérielle de tricher ainsi. Une forme de sélection naturelle pour le meilleur.
Même s’il était naguère de bon ton dans certains cercles de rieurs de se gausser du technobabble de Star Trek (au motif qu’il fut parfois surutilisé dans la résolution de certaines intrigues), celui-ci n’était pour autant jamais gratuit ou nonsensique, du moins jusqu’en 2005. Elles ont beau différer sur certains points des sciences contemporaines, les sciences trekkiennes en vérifient pourtant les catégorèmes fondamentaux, notamment le respect des lois naturelles/physiques et la réfutabilité de Karl Popper (c’est par le respect de ces contraintes qu’une SF se distinguera épistémologiquement de la fantasy). Leurs concepts et leurs mots ne sont pas des jokers, ils possèdent un sens... et il n’est pas possible de les utiliser de manière aléatoire ou interchangeable.

Mais comme à chaque fois dans les productions Secret Hideout, les incohérences envers la continuité et les trous scénaristiques sont sommairement masqués par un name dropping aussi cuistre qu’autistique. Ainsi, en guise de FTL alternatifs, Book cite en vrac :
- le quantum slipstream drive (requérant en effet du benamite comme l’avait établi ST VOY 05x06 Timeless... sauf que si ce cristal-là était difficile à synthétiser au 24ème siècle, il n’était pas rare pour autant et les technologies ont fatalement évolué en huit siècles, faut-il en déduire qu’il a subi le même Burn que le dilithium ?) ;
- les tachyon solar sails (des voiles solaires en référence à DS9 03x22 Explorers... sauf que cette technologie était infraluminique à la base, avec un volet FTL seulement accidentel, au mieux contingent) ;
- et même le trilithium (aucun rapport pourtant avec le FTL, car il s’agit d’un inhibiteur nucléaire employé pour stopper les réactions nucléaires des étoiles - cf. ST Generations)...
Cet inventaire est particulièrement famélique (tant d’autres solutions de FTL furent mises en scène dans le STU...), invoqué à mauvais escient (les auteurs ne comprennent pas les technologies nommées...), et plombé par un invraisemblable échantillonnage de bac à sable (comment peut-il se faire que Book ne cite que des technologies connues du 228 ans du timeframe trekkien historique mais aucune des 809 ans qui suivent ?). In fine, tout ça pour que Book réduise le seul "spectre technologique utile" à la distorsion, certes emblématique dans les clichés populaires mais dépassée dans la chronologie de l’in-universe, et désormais sous le joug des mafieux Orions (dans la mesure où ils contrôlent les rares rations de dilithium disponibles) !
Discovery 03x01 That Hope Is You, Part 1 dévoile également, au détour d’une ligne de dialogue bâclée que les Gorns ont détruit deux années-lumière de subespace (« The nearest natural wormhole is a hundred light-years from here. That means you came out of a wormhole you created with tech from I don’t know where. You think ripping holes in space is a good idea ? Wasn’t bad enough for you the Gorn destroyed two light-years’ worth of subspace ? »). Sans apporter davantage de détails, Book en fait un argument pour culpabiliser Burnham de "creuser des trous dans l’espace" (sic), c’est-à-dire d’être arrivée par un wormhole relevant d’une technologie inconnue au 32ème siècle. Mais qu’il s’agisse d’un acte de malveillance des Gorns, d’un sabotage par des tiers, ou d’un accident dans le cadre d’une expérimentation scientifique (par exemple en quête de nouvelles solutions FTL)... il faut croire que l’UFP était devenue une sacrée bande de Bisounours dogmatiques ou superstitieux si un seul accident (ou sabotage) devait conduire à l’interruption légale de toute recherche scientifique, a fortiori lorsque cette même Fédération maîtrisait déjà depuis plusieurs siècles l’instantanéité de tous les voyages spatiaux et temporels à travers des portails (sublimant en essence le concept même de trou de ver ou de vortex artificiel).
De quoi détecter dans ce cumul d’indices à charge les symptômes de l’impéritie stratégique d’une Fédération à la fois dystopique et incompétente, et qui depuis le lancement de Discovery en passant par Picard ne cesse d’être une injure à l’héroïne de Gene et de Rick.
Et la queue de la comète continue encore et toujours à faire des ravages internalistes. La série Discovery a beau s’être déplacée presque mille ans dans le futur pour s’émanciper de toute contrainte, elle ne peut malgré tout pas s’empêcher de continuer à pourrir le 23ème siècle de TOS (ou de s’exclure toujours davantage de la timeline historique). Ainsi, lorsque Book évoque les Gorns, Burnham réagit comme si elle les connaissait ! Ce qui dans la chronologie de la série originale n’est pas possible... puisque Michael a quitté le 23ème siècle en 2358, soit neuf ans avant le first contact avec les Gorns en 2267 (dans TOS 01x19 Arena).
Les paroles de Cleveland dévoilent aussi en creux une incapacité générale au 32ème siècle à créer des wormhole artificiels... pourtant plus de 800 ans après la fin de DS9... et alors que dès le 22ème siècle dans ENT, les Xindis (appelés à rejoindre l’UFP avant le 26ème siècle) savaient déjà en générer !

Faisant mine d’entériner en internaliste la Temporal Cold War du 31ème siècle (cf. ST ENT), Book évoque les temporal wars pour asséner en une réplique péremptoire la destruction et l’interdiction universelle de toute technologie temporelle. Une nouvelle fois, l’apparent respect de la continuité débouche sur une aporie. Pareil diktat est non seulement naïf et irréaliste, mais également profondément totalitaire. Le pire de deux mondes.
D’un côté, on a la prétention d’interdire à toutes les civilisations de l’univers (la plupart antagonistes de l’UFP puisque constitués en factions rivales dans ENT) un savoir et une technologie à la fois essentielle et inéluctable (mais pour qui cette UFP se prend-elle ? pour l’Empire galactique ?). Et de l’autre, comme un tel objectif est bien entendu irréalisable (comment contrôler et réprimer tous les sentients par-delà les seules frontières galactiques de la Fédération et même en son sein, a fortiori sur une infinité de strates temporelles ?), on se prive en retour de toute possibilité de contrer ceux qui pourraient faire (et donc qui feront tôt ou tard) un usage abusif de cette technologie. En d’autres termes, on crée délibérément un angle mort : on se soumet aveuglément comme des Éloïs (cf. The Time Machine : An Invention de HG Wells) à des super-méta-prédateurs, qui en la circonstance sont susceptibles de disposer d’un pouvoir quasi-divin d’effacement rétroactif de civilisations entières (cf. ST VOY 04x08+04x09 Year Of Hell). La bonne blague ! Sans compter que pour qui comprend la relativité générale, le voyage dans le temps est indissociable du voyage spatial en FTL, comme en témoigne d’ailleurs les nombreux wormholes et autres anomalies spatiotemporelles qui émaillent le Trekverse (ainsi que le time warp originel de ST TOS 00x01 The Cage).
Dans un univers non compatible avec un manifeste comme The End Of Eternity d’Isaac Asimov, lorsque Brannon Braga avait imaginé l’ambitieuse TCW (hélas inachevée) pour ST ENT et que Rick Berman avait envisagé une future série spatiotemporelle pour l’après ST VOY, ce n’était évidemment pas pour s’échouer lamentablement dans cette sorte de puérilité boy-scout (digne de la fin de l’Affaire Tournesol de Hergé).
Et bien entendu, alors qu’on annonce avoir formellement banni toute techno temporelle depuis des décennies, n’importe quel vaisseau civil de transport du 32ème siècle (comme celui de Book) détecte les anomalies temporelles (l’arrivée de Burnham) en temps réel. Cherchez l’erreur…

La scène la plus surréaliste, ambivalente et involontairement comique de l’épisode nous est offerte par la rencontre avec Aditya Sahil vers qui Book conduit Michael...
Dans une ancienne station spatiale de l’UFP, totalement désertée et en ruine, l’homme se poste à son petit bureau vide et immaculé chaque jour depuis quarante ans. Sahil est un officier de liaison de Starfleet… qui n’a jamais été en contact avec Starfleet ni avec la Fédération (car il n’y a apparemment plus de contact possible au-delà de 600 AL)… et qui n’est de toute façon pas vraiment un officier de liaison faute d’avoir été légalement accrédité (car il n’existe tout simplement plus personne pour l’accréditer) ! Mais comme son père avant lui, et comme son grand-père auparavant, il perpétue le souvenir, la mémoire et la flamme (« I don’t know how much of the Federation still exists. I simply do my part to keep it alive »). Il perpétue aussi le culte du drapeau de la Fédération qu’il conserve précieusement dans un autel cultuel, mais sans jamais s’autoriser à le déployer (étant donné que ce privilège est réservé aux officiers accrédités). Et cela fait deux décennies qu’il attendait qu’un autre, semblable à lui, franchisse la porte de son bureau… pour l’accréditer et lui permettre enfin de déployer le drapeau ! Mais sur ce drapeau, ne subsistent misérablement que six étoiles… d’une Fédération réduite à une peau de chagrin ! Il y a quelque chose de pathétique dans cet enchaînement...
Autant dire que Sahil a attendu le messianique second coming de Burnham pendant la moitié d’une vie, et lorsqu’il la contemple enfin, telle une apparition biblique, il s’effondre en larmes et la gratifie d’un « The hope is you » (qui aura donné à l’épisode son titre VO). En retour, grand sourire ému de Burnham, lui rendant la politesse par sa si légendaire générosité lacrymale (normal, nous sommes bien dans Discovery, il y a des larmes à foison pour tout le monde).
Dans ce lointain futur, l’UFP et Starfleet font donc l’objet d’une religion (cargoïste), avec son mythe fondateur, sa doctrine, ses symboles, ses croyants, ses officiants (on les nomme même officiellement les "true believers" en VO ou "vrais croyants" en VF), et bien entendu sa messie cosmique !
Aditya Sahil pourrait être presque touchant dans un style illuminé-en-quête-de-gourou, mais son déphasage candide le fait tout droit sortir des dystopies parodiques d’Idiocracy ou Demolition Man. La Fédération du 32ème siècle serait-elle vraiment devenue celle des Eloïs ? Quelle déchéance apocalyptique seulement quelques années après l’ubique Daniels de ST Enterprise !!!
En somme, Discovery 03x01 That Hope is You, Part 1 compose une version guimauve de ST TOS 02x25 The Omega Glory, probablement l’épisode le plus embarrassant de la série originale (voire même de toute la franchise historique), appliqué désormais non plus à des USA alternatifs mais carrément à l’UFP elle-même ! Tel un doigt d’honneur bien humide adressé aux allégories prêcheuses de Gene Roddenberry. Difficile de savoir s’il faut en rire ou en pleurer…

Notons que le déficit cosmique de dilithium semble également affecter la possibilité (ou du moins l’extension) des communications subspatiales ! Voilà encore un retcon de plus envers la timeline historique, transformant au passage le dilithium en vrai MacGuffin... comme l’avait été le réseau mycélien dans la saison 1 de la série. Il est d’ailleurs plus-que-prévisible que la fantaisiste propulsion mycologique de l’USS Discovery soit de nouveau appelée à jouer un rôle essentiel dans la troisième saison, vu à quel point ce 32ème siècle est FTL-sinistré.
Soulignons aussi le WTF de toute la théorie d’Aditya Sahil – homme pourtant du 32ème siècle – sur les voyages temporels différentiés de Burnham et de l’USS Discovery... qui pourrait selon lui aussi bien arriver le lendemain que dans mille ans ! Pourtant, le wormhole employé par les héros était bien spécifique et unique, avec un lieu et moment précis d’arrivée, défini dans sa genèse même par la combinaison angélique de la Section 31. La fenêtre de sortie fut d’ailleurs aussi brève que délimitée comme en a longuement témoigné le teaser de l’épisode. Dès lors, l’USS Discovery qui suivait "l’étoile guide" de la combinaison de Burnham aurait dû arriver au même endroit et en même temps qu’elle, pour se trouver dans tous les cas à proximité de la planète ou Michael s’est crashée.
En amont, pourquoi le Red Angel a conduit Michael sur Hima et non sur Terralysium, (la destination pourtant programmée) alors que les cinq voyages spatiotemporels précédents (générateurs de signaux rouges) furent chirurgicaux ?
Mais il fallait bien meubler le vide par des périls, des quêtes et des suspens factices, à l’instar des sacrifices inutiles et des opérations absurdes au cœur du final de la saison 2. On ressort ici le même bullshit scientifique qu’avec le wormhole de Nero au début de ST 2009 ou avec la dinette temporelle de la saison 2 de Discovery. Toujours des scénaristes qui ne captent strictement rien à des concepts qui les dépassent, en espérant que – saisi par l’émotionnel ou par l’épique – le spectateur ne s’en rendra pas compte (ou s’en fichera).

Sur le terrain symbolique, le plus navrant est qu’un pareil bond en avant contextuel aurait dû représenter l’équivalent d’un tremblement de terre, les spectateurs auraient dû se faire cueillir pour en ressortir groggy. Hélas, aucune dérouillée d’aucune sorte : la "bombe temporelle" a fait "pschitt’ et la montagne a accouché d’une souris.
Pensez donc : 930 ans avec les deux premières saisons de Discovery, cela correspondait (en France) au règne de Philippe VI de Valois, en plein Moyen-Âge, avant même la découverte des Amériques, avant même l’abandon de la cosmologie géocentrique, avant même l’invention de l’imprimerie par Johannes Gutenberg. L’écart épistémologique est donc pharamineux, et c’est un euphémisme.
Mais 930 ans après les deux premières saisons de Discovery, durant un âge de l’humanité où les progrès (heuristiques, scientifiques et technologiques) connaissent une accélération exponentielle pour ne pas dire factorielle (sous la masse critique des connaissances accumulées et des échanges à l’échelle galactique), eh bien, cela conduit juste à... Discovery... en version à peine reliftée !
Car de 2258 (canal DIS) à 3188 :
- on est simplement passé des hologrammes presque partout (dans les deux premières saisons de DIS incompatibles avec ST TOS) à des hologrammes absolument partout (quasiment un millénaire après dans la saison 3) ;
- les interfaces de commande sont elles aussi davantage "holo" (il ne s’agit plus uniquement d’images projetées, mais la structure même des consoles est holo-métamorphe) ;
- les écrans panoramiques des passerelles sont plus larges, on a basculé du 21/9 au 33/9 (élargir ainsi est très à la mode en 2020 mais c’est aussi moche et contreproductif sur le temps long que les écrans translucides) ;
- la téléportation est plus rapide et elle est désormais autonome/portable (les individus peuvent se téléporter eux-mêmes sans passer par un opérateur externe) ;
- enfin, les armes personnelles ont juste bénéficié d’un ridicule upgrade cosmétique (elles ressembles désormais à des jouets Playmobil), mais elles restent conceptuellement à particules/rayons (comme les "traditionnels" phasers ou disrupteurs trekkiens) et leur efficacité est particulièrement faible (les tireurs aliens ne cessent de rater leurs cibles à quelques mètres) ;
- ah oui, les "autorités mafieuses" du 32ème siècle emploient une espèce de "sérum de vérité" volatile (nommé "the stuff") pour faire parler les captifs (mais ça n’a pas vraiment marché sur Michael, elle a surtout été plongée dans un état d’ébriété avancé, et rien ne prouve que ça n’existait pas déjà au 23ème siècle et même avant, genre l’alcool par exemple).
Voilà, c’est tout pour les "progrès" d’un millénaire pseudo-trekkien ! Le reste est virtuellement identique, des vaisseaux occultés du 23ème siècle discoverien aux casinos picardiens (le nightclub de Bjayzl à Stardust City sur Freecloud ayant métastasé ici en Mercantile à Requiem sur Hima).
On mesure donc ici les limites lilliputiennes de l’imagination et de l’inspiration des showrunners. Ils avaient probablement tout donné dans les deux premières saisons pour la déco clinquante de DIS ; mais pour le 32ème siècle supposé libératoire, ils sont à sec !
Ça la fout un peu mal quand même : au 23ème siècle déjà préétabli dans la chronologie, leur incontinence a torpillé la compatibilité avec TOS ; mais dans un 32ème siècle inconnu de la chronologie, la série ST la plus avancée dans le temps ne figure quasiment rien de neuf !
Plutôt la honte, non ?

En se contentant de figer dans le marbre l’état des paradigmes et des connaissances scientifiques du 23ème siècle de DIS et du 24ème siècle de ST TNG-DS9-VOY, la troisième saison de Discovery n’est en réalité pas conceptuellement sise dans la 32ème siècle trekkien, mais dans une variante (ou une uchronie) encore plus dystopique du 23ème siècle de ses deux premières saisons...
Pourtant, au regard des considérables (r)évolutions conceptuelles enregistrées entre le 20ème et le 24ème siècle, ce sont des (r)évolutions bien plus grandes qui auraient logiquement dû être s’enchaîner entre le 24ème et le 32ème siècle. Et ce fut justement bet et bien le cas à travers les productions historiques (1964-2005) puisque ST VOY et ST ENT étaient venus apporter aux spectateurs un aperçu des accomplissements du lointain futur, à savoir des voyages instantanés n’importe où et n’importe quand... renvoyant littéralement aux oubliettes de la préhistoire tous les FTL des 22ème au 24ème siècles trekkiens… que pourtant Alex Kurtzman et son aréopage nous ressortent quasi-intacts – comme des fleurs – au 32ème siècle !
Un exemple parmi tant d’autres possibles : quid des portails iconiens ? Deux d’entre eux ont été découverts durant une seule décennie du 24ème siècle alors que la capacité d’exploration de la Voie Lactée était encore plutôt "modeste". Il faudrait alors sérieusement manquer de cohérence et de hauteur de vue pour partir du principe que, durant les huit siècles suivants avec toute la galaxie (voire au-delà) désormais accessible, bien davantage de portails iconiens n’aient pas été découverts (et leur technologie percée à jour voire reproduite) !
Un déni évolutionniste crasse virtualisant comme jamais le Trekverse, Burn ou pas, déchéance politique de l’UFP ou pas.

En un millénaire, les espèces on screen n’ont guère changé non plus. Burnham est supposée être en plein quadrant bêta à plus de 50 000 AL de la Terre, mais presque d’emblée, elle rencontre des Andoriens (toujours violents, surtout en l’absence d’UFP, et plus mal maquillés que jamais) et des Orions (toujours mafieux).
Et puis, vive l’immobilisme sociologique... ou le cliché stéréotypal ! Entre les 22ème et 23ème siècles, les Vulcains avaient considérablement évolué. De même les Klingons entre les 23ème et 24ème siècles. Et ne parlons pas des humains entre l’époque d’Archer et celle de Picard... Par contre, il faudrait avaler que les Orions n’ont pas changé d’un iota en plus de mille ans ?!
Certes, quelques nouveaux venus ont montré leur bouille : il y a bien Cosmo Traitt, le trafiquant Betelgeusian (aux faux airs de Roth’h’ar Sarris dans Galaxy Quest), et puis Cleveland Booker (le futur love interest de Burnam) lui-même, qui bien que d’apparence très humaine (interprété sans prothèse aucune par l’acteur David Ajala) est probablement un extraterrestre (à moins qu’il s’agisse un humain "amélioré"). Car il dispose d’une capacité empathique ou télépathique de communication/influence avec la flore et la faune, matérialisé par une phosphorescence intracrânienne durant ses séances de prière/méditation, et tout cela est supposé véhiculer sagesse empathique et poésie (ce que Burnham qualifiera aussitôt de "feeling everything"). L’ombre New-Age de la leçon écolo de La belle verte de Coline Serreau n’est pas loin, à moins qu’il faille plutôt chercher la source du côté d’Avatar de James Cameron, déjà lourdement convoqué par les vastes rochers suspendus dans l’atmosphère de Hima (Pandora ayant déjà été mis à l’honneur dans l’épisode DIS 01x08 Si Vis Pacem, Para Bellum).
Toujours est-il que Book révélera, derrière sa carapace de mercenaire bad boy, être lui aussi un "true believer" en la "religion Fédération", perpétuant à sa mesure pas si modeste The Endangered Species Act de feue l’UFP (un concept que Burnham sort d’ailleurs de sa besace extensible et dont la compatibilité avec la Prime Directive demeure douteuse, mais nous n’en sommes plus là...). En effet, Book rapatrie clandestinement et au péril de sa vie les trance worms en voie de disparition dans leur écosystème naturel.
Malgré tout, la verte fable ne doit surtout pas contrarier le fun de mauvais goût façon JJ, car les trance worms sont quand même des espèces de graboïdes monstrueux (cf. Tremors), et tout comme à la surface de la Delta Vega vulcaine (cf. ST 2009), ils te bouffent de l’humanoïde au moindre petit creux (en l’occurrence plusieurs Betelgeusians). Ce n’est d’ailleurs qu’aux talents de communion-avec-la-nature de Book que Burnham devra d’être recrachée par le graboïde, couverte de bave. On songe tout de suite à l’humour impayable de Lower Decks 01x01 Second Contact...

Suivant la fin de l’épisode, le sneak peek sur la suite de la saison en remet plusieurs couches de prévisibilité…
Burnham aurait reçu de ce qui subsiste de la Fédération du futur (?) la mission de trouver la cause du Burn (heureusement qu’on avait besoin d’une "relique" antérieure d’un millénaire pour accomplir ce dont l’UFP aura été incapable durant 120 ans). Même syndrome en somme que la Section 31 discoverienne qui avait bien besoin d’une impératrice terran génocidaire de l’univers miroir pour la superviser...
Et comme de bien entendu, Mary-Sue se découvre alors pour raison d’être, pour finalité existentielle et pour vocation de rebâtir la Fédération…
Somme toute, un rip-off de Dylan Hunt qui tente de restaurer le Systems Commonwealth (traduit abusivement par la République en VF) dans la décevante série Andromeda en cinq saisons... prétendument inspirée par Gene Roddenberry... mais constituant en réalité un exemple historique d’exploitation éhontée de son célèbre patronyme. Somme toute... exactement comme pour Star-Trek-in-name-only par Paramount depuis 2009 et par CBS depuis 2017. Quelle prophétique coïncidence n’est-ce pas ? De quoi être bouleversifié non ?
Cette troisième saison de Discovery est surtout une chance inespérée pour Andromeda : l’espoir de pouvoir passer pour un "chef d’œuvre" en comparaison (dans un monde relativiste), y compris ses médiocres trois dernières saisons (après l’éviction du vétéran de DS9, Robert Hewitt Wolfe).

Après l’ecological consciousness, voici donc une transposition de l’obsession collapsologique qui irrigue les cultures hipster, libertarienne et survivaliste étatsuniennes. Soit un nouveau volet SJW (social justice warrior) (et loin d’être le dernier) dans cette perpétuelle croisade anachronique anti-Trump de CBS depuis 2017... qui confond décidément l’idéal utopique trekkien avec le programme du parti démocrate étatsunien (un des pires sophismes imaginable). Renforçant une nouvelle fois par tous les moyens possibles ce parallèle impropre (et profondément insultant) entre UFP et USA que Kurtzman et son copieux aréopage tentent de nous vendre en flux tendu depuis 2009. Merci Discovery d’être toujours en pole position pour enfoncer vaniteusement des portes ouvertes...

Conclusion

Alors peut-être que l’épisode est en lui-même plaisant à suivre (dans le registre blockbuster/clinquant/teen soap/pas prise de tête/temps de cerveau disponible au vestiaire), mais en prenant l’initiative de sortir du timeframe original pour se débarrasser enfin d’une continuité si encombrante (que Kurtzman & co ont été incapables de respecter depuis 2009 par paresse ou par ignardise, les wikis et le name dropping ne font pas les connaisseurs), Discovery ne cherche désormais plus à être du Star Trek – quand bien même seulement in name only.
Il peut certes y avoir quelque chose de libératoire à sortir ainsi du cadre (genre "assumez sans complexe votre mépris de classe, votre trekkie-phobie, votre nullité, votre mauvais goût, ou vos perversions inavouables"), sauf que ce n’est pas mieux sans le concours d’auteurs compétents et ambitieux. Car la nouvelle série Discovery (i.e. saison 3 et +) réédite conceptuellement la quia (i.e. le pont-aux-ânes) de Kelvin et plus particulièrement de ST Into Darkness : on s’affranchit officiellement d’un in-universe que l’on n’a pas le talent d’assumer… et finalement on refait un pauvre "Khaaaaaan" à la fin, c’est-à-dire la parodie de la parodie de la parodie (à l’instar du pas-du-tout-drôle et très peu pertinent Lower Decks).

Alors avec la saison 3 de DIS, on avance le curseur de 930 ans dans le futur… pour infliger le reboot (inavoué) d’un reboot (inavoué)... sans rien y gagner au change (ni futurisme, ni sujet de fond, ni ambition conceptuelle, ni idéalisme trekkien), et pour ne s’avérer être in fine que le PGCD (le plus petit dénominateur commun) de toutes les SF interchangeables à gros budget sans le moindre fond. De l’interrelationnel soapy trivial qui aurait aussi bien pu prendre place dans une série CW sise dans le monde contemporain (ou dans un roman Harlequin), mais botoxée de CGI et de kung-fu ultra-chorégraphié, et où l’argument SF n’est qu’un décors et un habillage trendy.
En vitrine (à l’attention des influenceurs de la presse), du SJW-après-tout-le-monde (écolo aware en attendant le tokenism non-binaire) pour faire passer le suivisme, l’anti-trumpisme, l’enfonçage-de-portes-ouvertes pour de l’audace, et ainsi masquer l’absence totale de courage réel et de créativité. Il est bien mort le temps où Star Trek était en avance sur tous les progressismes sociaux (au point de les inspirer). Désormais, Star Trek est à la remorque des modes et étrille son utopie en y transposant toute la doxa contemporaine.
En bonus (à la délicate attention des midinettes) : la poupée-qui-pleure Mary-Sue qui, à force de surjouer le pathos boursouflé dont elle a le secret, finit soit par rendre berserk soit par faire s’esclaffer en mode nanar-cynico-ludique façon Mystery Science Theater 3000. Trop d’émotivité exhibée en toute occasion tue l’émotion réelle et la crédibilité, mais telle pourrait être l’épitaphe sur le frontispice du Star Trek frelaté depuis 2009 et davantage encore depuis 2017.
De la SF générique en somme, sans âme ni saveur, dont la débauche de forme tente de se faire passer pour un fond 2.0, et continuant à vampiriser davantage le capital de crédit d’une marque de légende de plus en plus exsangue… Tout au plus, de quoi faire passer le temps sur son smartphone entre deux stations de métro ou dans la salle d’attente du dentiste... tel un Candy Crush bien vain.

Et puis, au royaume de Secret Hideout, les sequels n’étant pas mieux lotis au chapitre de la cohérence que les prequels, exactement comme la série Picard que le placement post-ST Nemesis n’avait de toute façon pas empêché d’aligner un record d’incompatibilités factuelles envers la continuité (cf. toutes les critiques afférentes), cette saison 3 de DIS révèle que l’an de disgrâce 3188 entre non moins en contradiction avec les séries historiques.
Récapitulons en accéléré :
- des progrès scientifiques en un millénaire d’Histoire qui se limitent (par rapport à la seconde saison de DIS) à des updates de design (toujours plus larges, plus holographiques et plus vulgaires) et à des upgrades techy (comme entre deux générations d’iPhones) ;
- le dilithium était à la base un régulateur employé dans les réacteurs matière/antimatière, il n’était qu’accessoirement une source d’énergie pour la distorsion (essentiellement dans ST TOS), il a en grande partie disparu des radars du technobabble au 24ème siècle, et les siècles suivant ont dépassé le concept même de warp (avec des modes de voyages instantanés) ; mais désormais et surtout rétroactivement, le dilithium est au STU ce que l’Épice gériatrique est à Dune (concentrée non pas sur Arrakis mais entre les mains vénales des Orions) ; le dilithium, c’est dorénavant la possibilité même des voyages interstellaires, la disponibilité des communications subspatiales, la survie de la civilisation, la vérité et la vie ;
- la distorsion n’a jamais été la seule voie d’accès au FTL, surtout vers la fin du 24ème siècle où de nombreux autres concepts émergeaient, tandis que les 29ème siècle (ST VOY) et 31ème siècle (ST ENT) assumaient de véritables révolutions coperniciennes & technologies de rupture ; félicitations au name dropping wiki-approved d’adouber un contresens stratégique (la distorsion n’est plus viable depuis un siècle DONC on mise tout sur la distorsion - ben voyons !) ; et bravo à la Fédération du 32ème siècle d’être enfermée dans les mêmes paradigmes technologiques que celle du 23ème ;
- dans le contexte post-distorsion du 32ème siècle, si le tarissement du dilithium compromet vraiment les voyages spatiaux en FTL, alors cela signifie que le problème procède seulement du domaine énergétique (régulation et/ou source d’énergie) ; mais dans ce cas, ce sont toutes les technologies d’ampleur (comme la super-téléportation pourtant suremployée, les boucliers occulteurs, les interfaces holo...) qui devraient en pâtir et pas seulement le FTL ; ce qui aurait dû impliquer une véritable regression technologique assumée et pas seulement une quasi-stagnation sur 1 000 ans (faute d’imagination chez les auteurs) ;
- l’interdiction universelle de toutes les technologies temporelles qui constitue un manifeste de Bisounours (surtout après ce qu’avaient si bien montré ST VOY avec l’USS Relativity et surtout ST ENT avec l’agent spatio-temporel Daniels et la TCW du 31ème siècle) ;
- une Fédération qui est tellement dénaturée et tellement sous perfusion (dans l’attente messianique de Mary-Sue) que cela vire à la blague ; ce qui reste se réduit à une cuve de formol pour fétichistes... ou plus exactement à une relique à la base d’une nouvelle religion galactique (Gene Roddenberry serait certainement ravi de voir ce que sa création est devenue...) ;
- un idéal trekkien désocialisé (limite schizo) tant il ne survit que dans la psyché nostalgique d’une poignée de héros - effigie des trekkies ; c’est la même dialectique et aussi la même dédicace palliative que dans Picard... où les "true believers" suscitent en gros autant de pitié que des dinosaures fossilisés ;
- le modèle mafieux starwarsien comme constante universelle (ou fond diffus cosmologique) qui révèle une véritable incapacité conceptuelles des showrunners de penser un futur sans argent, de mentaliser tout bonnement un futur hors de la doxa ploutocentriste contemporaine, hors du paradigme de Star Wars et des casinos de Stardust City de la série Picard ;
- et bien sûr, à la faveur d’un épisode exclusivement centré sur Mary-Sue et son complexe messianique/christique (où l’USS Discovery n’apparaît pas ce qui pourrait d’ailleurs être perçu comme une forme "d’audace"), le micro-univers-de-poche est toujours plus Burnham-centriste (en tout temps et en tout lieu), à tel point que sa claustrophobie fait littéralement suffoquer.

La Fédération-USA s’est effondrée sans même être capable d’en comprendre la cause (nul ne connait l’origine du Burn), quelques croyants épars perpétuent la mémoire de ce qui était devenu une religion (la religion des trekkies). Et selon une collapsologie-tendance, la galaxie a sombré dans un chaos mafieux... gouvernée par la force et par le fric. Somme toute... le monde contemporain ! Comme dans chaque production Secret Hideout.
Mais heureusement, forte de son omniscience transgalactique, Super-Burnham a débarqué d’un lointain passé – 930 ans s’il vous plait – pour remettre de l’ordre dans un univers à l’agonie qui n’attendait qu’elle, les sébiles fébrilement tendues. Tel le Christ-roi, mais en version token, Mary-Sue redonne espoir aux déshérités et guérit des écrouelles... Et tel Barabbas-le-Zélote, Mary-Sue est appelée à restaurer au 32ème siècle la "Sainte Fédération" priez-pour-nous-pauvres-pêcheurs.
De quoi foutre bien la honte à un Jonathan Archer qui ne pigeait rien aux problématiques d’un 31ème siècle conceptuellement et scientifiquement si éloigné de son 22ème.
Finalement, lorsqu’il ne subsiste plus qu’une image d’Epinal pour leçon de patronage, existe-t-il encore quelque chose à sauver ou à restaurer ?
Ainsi va un Star-Trek-de-papier qui, n’ayant jamais réussi depuis 2009 à s’insérer dans l’ambitieuse Histoire du futur trekkienne, a dorénavant totalement renoncé au "worldbuilding"...
N’ayant jamais réussi non plus à respecter ne fût-ce qu’un semblant de vraisemblance scientifique (ni envers les sciences trekkiennes ni envers les sciences réelles), ce Star-Trek-in-name-only s’est abandonné à la fantasy où le pseudo-technobabble n’est que le cache-sexe du TGCM ("ta gueule c’est magique").
Mirez donc un space-opera futuriste USA-morphe démonstrativement quelconque, le carton plein de têtes-de-winners (Star Wars, Andromeda, La belle verte, ST ENT 02x11 Precious Cargo, ST TOS 02x25 The Omega Glory...), dont les épaisses couches de soap et de moraline tentent de masquer les incohérences hémorragiques, le conformisme bienpensant, et l’incapacité des auteurs à penser au-delà du contemporain et des vogues.

Dans chaque produit Kurtzman depuis 2009, que ce soit les films Kelvin, Discovery saison 1, Discovery saison 2, ou Picard, la Fédération – fondement utopique et véritable héroïne de ST – prend très cher (trahison conceptuelle, dystopie, contemporano-centrisme...). Ce qui permet à un élu du destin providentiel (Baby-Kirk-Pine, Mary-Sue-Burnham, Picard-gâteau) de remettre à lui tout seul l’ensemble de la société égarée sur les rails de la vertu.
Soit un basculement épistémologique de l’accomplissement social collectif du genre SF (où les personnages sont les parangons de leur société) au super-héroïsme individualiste du genre fantasy (où les personnages sont les exceptions de leur société).
Eh bien sans surprise, Discovery saison 3 reproduit de nouveau exactement le même paradigme, mais en pire (car depuis 2009, chaque déclinaison est pire que la précédente, oui c’est une espèce de "loi"). Et donc désormais, la Fédération est officiellement morte (au point d’être devenue mythe et religion), tandis que Burnham est son prophète et endosse une tunique de messie.
Allez, une prévision comportant zéro risque : Burnham retrouve l’USS Discovery dans l’épisode suivant puis ce qui reste de la Fédération, elle résout l’énigme du Burn (alors que tout le 32ème siècle en fut incapable) et l’empêche de se reproduire, elle resuscite l’UFP dans toute sa gloire passée, et elle devient la capitaine officielle de l’USS Discovery à la fin de la troisième saison.
La descente aux Enfers continue ainsi de plus belle, tout comme la trahison et la surenchère (dans la grandiloquence risible).

Mais au moins, après une journée de travail clôturée par un couvre-feu, il est reposant de n’avoir aucune surprise d’aucune sorte à l’écran. La série refitée est en tout point conforme à ce qu’on imaginait qu’elle serait. En effet, les bandes-annonces de la saison 3 avaient à peu près tout dit (il y avait manifestement peu à dire), si bien que les épisodes eux-mêmes n’apportent quasiment rien de nouveau qui n’ait été largement spoilé par les spéculateurs patentés du web et/ou anticipé par le public.

Bref, à part tout ça... c’est formidable... dans son propre style de musique d’ascenseur.
Et donc en mode intersectionnel de genre non-binaire, dans la catégorie fluide et même liquide des séries friquées, woke, Democratic Party doxa approved, consensuelles, tautologiques, formatées, mélo-pathos-nombrilistes, 100% émotion - 0% raison, et cannibalisant/zombifiant des labels mythiques... la check-list est consciencieusement remplie. Voilà qui mérite bien un... 5/5.
Ben oui, au terme de onze ans de tournantes dans un Salò ou les 120 Journées de Sodome perpétuel, lorsque le viol est devenu inévitable (pour ne pas dire institutionnel), autant y trouver tout de même du plaisir voire y puiser quelque orgasme. Après tout, il existera toujours des critères – capillotractés voire pipotron au besoin – selon lesquels n’importe quel Kurtzode méritera la note maximale.
Allez, quand le mood est à la morosité confinée, quoi de plus fun que la coprophagie ? It’s a kind of magic SM. Miam.

Cette ligne de programmation ne sert qu'a formaté proprement les lignes de textes lors d'un utilisation sous Mozilla Firefox. J'aimerais pouvoir m'en passer mais je ne sait pas comment, alors pour l'instant. Longue vie et prospèrité