Critique
Par Frank Mikanowski
Quatrième série de l’ère Kurtzman, après Discovery, Short Treks et Picard, CBS All Access lance la série animée Star Trek Lower Decks avec aux commandes Mike McMahan. Si vous trouvez un air de ressemblance de cette nouvelle série avec Rick et Morty ou la nouvelle série animée de Hulu, Solar Opposites, rien d’étonnant. McMahan a été scénariste et producteur de la première et a créé la seconde pour le service SVOD adulte de Disney. Et c’est bien une série de notre époque. Il n’y a bien que le superbe générique, qui rappelle si bien les meilleurs génériques de la franchise, qui soit un tant soit peu contemplatif. L’ensemble est, comme nombre de productions animées actuelles, trépidante et vociférante. Il semble interdit de voir un personnage réfléchir, ne serait-ce que deux secondes. Tout n’est qu’action et réaction. Sur la forme, on aurait donc tendance à dire que c’est l’antithèse totale à Star Trek. Sur le fond, je serai un peu plus optimiste. Alors oui, cet épisode sert d’introduction aux personnages principaux, donc sur 26 minutes, difficile d’exposer en plus une problématique trekienne. Et pourtant, celle-ci est bien présente. Ce premier épisode met en lumière l’absolue nécessité de ne pas penser et juger une civilisation extraterrestre selon les reflexes et référence de sa propre civilisation. Ca peut sembler peu, mais au moins, cela existe. Rappelons-nous que nombre d’épisodes de Discovery n’ont même pas été capables de développer une quelconque réflexion sociétale ou philosophique. Et si on regarde attentivement la petite preview des prochains épisodes à la fin, on peut se dire que l’option choisie par Mike McMahan, de faire des histoires unitaires et pas feuilletonesques comme Disco ou Picard, va justement permettre de revenir à cette fonction fondamentale de Star Trek. Sur les quatre personnages principaux, je suis dubitatif. Beckett Mariner et Brad Boimler, interprétés par Tawny Newsome et Jack Quaid (The Boys), sont pour l’instant juste énervant. Pendant la diffusion de l’épisode, j’ai juste imaginé les deux pauvres acteurs en train de suffoquer dans leur cabine d’enregistrement à force de gueuler leurs répliques. J’apprécie déjà plus les deux autres, D’Vana Tendi (Noël Wells) et Sam Rutherford (Eugene Cordero), qui ont des personnages légèrement plus nuancés que les deux premiers. Les seniors officers sont, quant à eux, des caricatures maximus à l’ego boursouflé. Malgré le mal de tête que je sentais pointer, dieu merci l’épisode ne dure que 26 minutes, j’ai terminé l’épisode avec un sourire prononcé. Déjà parce que nombre de situations m’ont fait rire, j’ai adoré les scènes à la Walking Dead. L’animation est plutôt réussie. Et on a une certaine nostalgie à revoir les écrans classiques de la période TNG. Sans être totalement convaincu, et en espérant que les personnalités caricaturales vont s’affiner épisode après épisode, je pense que je vais laisser sa chance à Star Trek Lower Decks. Cette ligne de programmation ne sert qu'a formaté proprement les lignes de textes lors d'un utilisation sous Mozilla Firefox. J'aimerais pouvoir m'en passer mais je ne sait pas comment, alors pour l'instant. Longue vie et prospèrité |
Analyse
Par Yves Raducka
Star Trek et l’animation audiovisuelle composent une vieille histoire à rebondissements, faites d’amour-haine et de projets contrariés ou avortés. Depuis The Animated Series (1973-74), lancée par Gene Roddenberry et gratifiée d’un Emmy Award, d’innombrables projets furent sur la table (ou dans les cartons), le plus fameux et ambitieux ayant été la série Star Trek Final Frontier proposée par Dave Rossi durant les dernières années de l’ère bermanienne... Côté humour et autodérision, le Star Trek historique s’était périodiquement illustrée par d’authentiques morceaux de bravoures, brisant avec malice l’idée reçue infondée selon laquelle Star Trek serait un univers austère, rigide, et coincé. Pour ne citer que quelques-unes de ces pépites (liste non exhaustive) : TOS 01x06 The Naked Time, TOS 02x13 The Trouble With Tribbles, TOS 02x20 A Piece Of The Action, TAS 01x17 Bem, TNG 06x08 A Fistful Of Datas, DS9 03x03 The House Of Quark, DS9 04x10 Our Man Bashir, DS9 04x08 Little Green Men, DS9 05x06 Trials And Tribble-ations, DS9 06x23 Profit And Lace, DS9 06x10 The Magnificent Ferengi, DS9 07x04 Take Me Out To The Holosuite, VOY 05x13 Bride Of Chaotica !, VOY 06x11 Fair Haven, VOY 06x17 Spirit Folk, VOY 06x24 Muse, VOY 07x20 07x20 Author, Author, ENT 02x05 A Night In Sickbay, ENT 02x09 Singularity...
Aujourd’hui, dans le cadre de sa nouvelle politique de matraquage intensif, après les galops d’essai Short Treks 02x04 Ephraim and Dot puis Short Treks 02x05 The Girl Who Made The Stars, CBS a lancé sous l’égide d’Alex Kurtzman la production quasi-simultanée de deux séries animées, l’une (Lower Decks) destinée aux adultes, l’autre (Prodigy) dédies aux enfants (sur Nickelodeon et uniquement en images de synthèse).
Ici toutefois, les Lower Decks ne désignent pas uniquement les cercles moins gradés, mais les ponts inférieurs au propre (et pas seulement au figuré), et la seconde ligne/ligue (l’USS Cerritos NCC-75567 est un vaisseau qui ne participe à aucune opération majeure), ce qui offre ici aux showrunners l’occasion de mettre en scène – sous couvert d’humour of course – des comportements anti-trekkiens (fuite devant les affrontements, mise en danger gratuite, irresponsabilités non seulement de l’équipage mais aussi de son capitaine, sens des priorités inversés…).
Lower Decks débute en 2380, c’est-à-dire un an après ST Nemesis et cinq ans avant l’attaque de Mars par les Synthétiques dans Picard… quoiqu’il ne s’agisse très probablement pas d’une timeline commune.
Le débarquement sur le vaisseau de l’enseigne orionne D’Vana Tendi (à la peau verte claire) offre un prétexte à une tournée d’exposition et de présentation de l’USS Cerritos à laquelle le spectateur est invité à s’identifier. Elle est appelée à prendre son poste auprès de l’infirmier Westlake à l’infirmerie.
Sam Rutherford est un jeune ingénieur pourvu en quelque sorte d’un cyber-monocle. Il a été cybernétiquement amélioré ("cybernetically enhanced") quelques semaines plus tôt au moyen d’implants vulcains… le conduisant à sortir à contremploi et arbitrairement des mantras vulcains, tournant ainsi en dérision les aphorismes de la logique pour un zest de comic relief. Sam est considéré ironiquement comme un cyborg, et il dispose de la possibilité technique de réguler à volonté son flux émotionnel. Le père de l’enseigne Barnes avec laquelle Rutherford aura un rencard s’avèrera lui-même être un cyborg, induisant donc une pratique d’hybridation homme-machine manifestement banale dans cette réalité-là au contraire du STU historique. Comme à l’accoutumée, dès lor qu’il est question de fond et de structure, les productions kurtzmaniennes assument davantage l’héritage de Discovery (Airiam) que celui de TNG (Bynars, Data). L’enseigne Brad Boimler, très respectueux du règlement (du moins au début de l’épisode) se rêve déjà commandant en enregistrant un captain’s log dans un placard à balai (à la risée générale), où il présente la mission de l’USS Cerritos, à savoir gérer les seconds contacts qui suivent les premiers : moins dangereux, moins prestigieux, beaucoup plus routiniers et administratifs que les mythiques premiers contacts. L’occasion de renouer avec les didascalies emblématiques du Star Trek pré-2009, mais uniquement pour les railler bien sûr, après les avoir purement et simplement fait disparaître des deux précédentes séries (DIS et PIC).
Finalement, l’enseigne Beckett Mariner, véritable vedette du show, concentrant sur elle toute seule à la fois le pire stigmate des héros de cartoons "adultes", c’est-à-dire la diarrhée verbale, et la vanité égocentrée de la si populaire Sylvia Tilly de Discovery (que tous les trekkers sont bien entendu impatient de retrouver le 15 octobre prochain...).
Parmi d’autres pasquinades à l’humour douteux et à la canonicité plus qu’improbable, il s’avère que les lower decks ne disposent pas de cabines à bord de l’USS Cerritos NCC-75567. Ils sont en fait logés dans de vastes dortoirs, dépourvus de toute intimité, les cabines étant parait-il réservées aux seuls officiers supérieurs. Une ineptie, tant envers le Trekverse qu’envers la réalité contemporaine, contredisant ce qui fut toujours été montré dans tous les ST historiques (y compris d’ailleurs dans la série prequelle Enterprise, pourtant sise avant l’UFP et dont le vaisseau NX-01 était pour le moins exigu). La nouvelle série semble oublier que ses lower decks sont tout de même des officiers (quand bien même subalternes). Or même les sans-grades (spacemen) de Starfleet ont toujours possédé leur propre cabine, certes partagée (deux occupants maximum). Et dans le monde contemporain, n’importe quel officier – même sous-marinier – dispose de sa propre cabine.
L’empressement à faire visiter le holodeck à Tendi (pour y simuler une plage hawaïenne puis l’Adashake Center sur Orion avant de basculer dans la pornographie), suscitant chez elle une surprise aussi grande que chez Charles Tucker dans le vaisseau des Xyrillians plus de deux siècles avant (alors que la belle alien verte est tout de même supposée être diplômée de Starfleet Academy), voilà qui s’accorde fort mal à la banalisation de cette technologie depuis vingt ans à l’ère de TNG, sachant que cette dernière constitue le dénominateur commun de tous les vaisseaux de Starfleet, de l’académie, et même des équipements civils. Cela revient à faire visiter de somptueux nouveaux locaux pour s’intéresser surtout au poste de télévision ou à la console de jeu.
Le commandant en second Ransom conduit un détachement au sol dans le cadre d’un second contact (la spécialité de cet équipage), où il rencontre le chancelier du Galardonian high council en vue d’une aide à la construction d’un subspace comm array. On apprend ensuite que c’est pour communiquer avec le reste de la Fédération (« communicate with the rest of The Federation »). Vraiment ?! Les Galardonian (à l’aspect porcidé) seraient-ils devenus membres de la Fédération dès le second contact ? Speed dating de Rutherford avec la capiteuse trill Barnes… qui très vite le dévisage avec des yeux de merlan frit. Quant à lui, il rit devant ses blagues, sauf lorsqu’il s’en indigne, c’est-à-dire lorsqu’il est aléatoirement recadré par son processeur vulcain. Est-ce drôle ou est-ce pathétique ? Passons à l’action. Soudain (en 0,5 secondes chrono), durant une conversation enjouée avec ses collègues, le XO Ransom se métamorphose en mort-vivant, et se met à dévorer tout le monde avec un aplomb consommé. Il ne faut pas plus de cinq secondes pour que le reste de l’équipage l’imite. La faute à un virus rapporté de la planète des Galardonians (à croire que les filtrages biologiques des téléporteurs sont moins efficaces que de temps d’Archer… et que le scénariste Mike McMahan n’a pas davantage compris que George Langelaan ce qu’implique scientifiquement une téléportation).
L’infirmerie où officient la doctoresse T’Ana et la catéchumène Tendi n’est pas en reste. Un festival ragoutant de déjections en tous genres, à qui gerbera le plus de sang ou de bile noire sur les autres, à qui gloutonnera les plus de monde dans des geysers très graphiques d’hémoglobines.
Sur la planète, s’acquittant de la mission qui lui a été confiée par le capitaine, Boimler épie Mariner… et sans aucune retenue, saute sur les conclusions aussitôt qu’il la voie traiter en loucedé avec deux Galardonians. Quitte à l’accuser sans retenue et sans preuve de trahison et trafic d’arme un phaser à la main… alors qu’il ne s’agissait que de matériel agricole. S’ensuit l’attaque d’une araignée géante sortie des nanars des années 50. De l’humour en mode Mystery Science Theater 3000.
Bien entendu, c’est le sper… enfin la bave ("slime") de l’araignée géante qui fournira au vaisseau un remède au Battle royale rageux qui l’ensanglante. Ce dénouement était même tellement prévisible et évident que la médecin T’Ana le comprend dès le premier regard. Les propriétés de cette substance inconnue sont déterminées à l’instant même de sa découverte, à sa demander alors pourquoi elle n’a pas été créée et synthétisée en amont.
S’ensuit un échange à distance (mais non holographique au contraire de Discovery et Picard) entre un amiral et la capitaine Freeman. Cette dernière minimise, voire passe sous silence le carnage qui a failli emporter l’USS Cerritos… afin de s’épancher hystériquement sur les insubordinations de Mariner, qui s’avère être en fait… sa fille (ainsi que celle de l’amiral en question), et qu’elle rêverait de renvoyer sur l’USS Quito. Par cette scène de ménage et les coups de théâtre des relations filiales et maritales, c’est tout le ban et l’arrière-ban du soap le plus gluant qui est convoqué ici. Malgré un cadre qui lorgne du côté de TNG, c’est bien la lourdeur de Discovery qui s’invite par le portillon, et le postulat même de lower decks prend à cette occasion un coup dans l’aile.
Et ce qui s’impose désormais irrésistiblement à l’esprit, c’est le flagrant parallèle entre l’enseigne Mariner de Lower Decks et... la commander Mary-Sue Burnham de Discovery !
En outre, la dynamique Brad Boimler / Beckett Mariner émule grossièrement celle de Philip J Fry / Turanga Leela dans Futurama. Mais convoquer ainsi l’excellente série animée de David X Cohen et Matt Groening qui, il y a déjà deux décennies, avait si efficacement parodié Star Trek (jusqu’à faire parfois intervenir les acteurs des casts originels), c’est un jeu à double-tranchant. Car Lower Decks pourrait bien ne pas survivre à cette comparaison... Avec une intention évidente de se réapproprier tardivement sous le logo "Star Trek" et pour le compte de CBS ce que la culture pop avait déjà si bien digéré il y a si longtemps, la série de Mike McMahan se voit affligée d’un caractère ressucé, rance, et has been dans son paradigme même et a fortiori dans son exécution. En partage avec ST Kelvin, ST Discovery, et ST Picard, il est un point d’invariance particulièrement définissant : ST Lower Decks n’est toujours pas sis dans l’utopie trekkienne. Car à s’aligner ainsi sur la "culture" des cartoons "adulte" qui font désormais la loi outre-Atlantique, qui passent sans cesse à la moulinette les psychés et les mentalités de leur spectateurs, qui s’enferment dans une auto-cannibalisation perpétuelle de la noosphère, à enfiler ainsi les outrances et les incontinences (verbales, émotionnelles, et comportementales) des animations en vogue aux USA (South Park, The Simpsons, Rick And Morty…), c’est une fois de plus toutes les idiosyncrasies, les manières et les médiocrités 100% contemporaines qui colonisent et phagocytent ce faux Star Trek… dont l’univers ne se distingue désormais plus du nôtre que par sa technologie !
La place de l’animation dans la franchise Star Trek possédait – du moins jusqu’en 2005 – une canonicité incertaine. Malgré tout, en dépit de son animation (très) limitée et de ses quelques gaffes visuelles, ST The Animated Series (1973-1974) distille encore aujourd’hui un sentiment d’authenticité (et d’appartenance) que Lower Decks est bien loin de pouvoir égaler. Le souvenir ému d’une série de 1973 showrunnée par Dorothy Fontana, qui en dépit d’un budget de misère et d’une absence de mouvement (quasi-motionless), réussissait malgré tout à dépayser et faire rêver en mettant à profit le média graphique pour s’affranchir des contraintes matérielles de production live et ainsi faire honneur à la vraie SF et à l’IDIC, tant sur le fond que sur la forme. Où sont dans Lower Decks les aliens non anthropomorphes, le gigantisme des perspectives, l’exotisme de nouveaux mondes étranges, et surtout les sujets de fond qui enrichissent et font réfléchir ?
Et pourtant, pourtant, la thématique des seconds contacts aurait pu constituer la matière première d’un authentique Star Trek, gorgé de fond, de sociologie et de philosophie. Car c’est potentiellement un véritable sujet d’exo-société : les conséquences politiques et épistémologiques des premiers contacts si emblématiques de la franchise, la signature des traités, et le back-office ingrat sans lequel l’utopique UFP n’existerait pas. C’est de ce postulat même qu’aurait pu naître un authentique comique de situation, notamment en prise avec les écarts d’entendements et les chocs huntingtoniens...
Malgré tout, par-delà le seul aspect graphique plutôt réussi (une animation honorable sans être transcendante et qui a le mérite d’éviter l’écueil de la 3D), il sera certainement possible d’avaler cette couleuvre (de plus) en prenant le parti de ne plus rien prendre au sérieux de ce qui porte le label "Star Trek". Amateurs de gros délires, de mauvais goût, de défonce psychédélique, de non-sens barré, cette série est pour vous.
Mais quelle est in fine la cible démographique de cette production ?
Conclusion
Mais selon une dynamique de crédit (ou un système de Ponzi) bien rodé(e) depuis 2009, on nous promet que l’opus suivant de Lower Decks sera "meilleur" (c’est-à-dire "moins pire"). Qu’on se le dise.
Nihil novi sub sole : comme pour toutes les productions officielles de Star Trek depuis 2009 très inclus, le problème procède souvent davantage du label (et de sa canonicité) que du contenu en lui-même.
Cette ligne de programmation ne sert qu'a formaté proprement les lignes de textes lors d'un utilisation sous Mozilla Firefox. J'aimerais pouvoir m'en passer mais je ne sait pas comment, alors pour l'instant. Longue vie et prospèrité |