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Les bergers d’Arcadie I
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Critique
Par Frank Mikanowski

Trois personnes... Oui trois. Ils se sont mis à trois pour écrire le pénultième épisode de la première saison de Star Trek Picard, soit à la vision de cette catastrophe, un contre-argument à tous ceux qui prônent le travail collaboratif. Michael Chabon est le co-showrunner de la série, mais surtout Prix Pulitzer fiction en 2001 pour Les Extraordinaires Aventures de Kavalier et Clay et Prix Hugo et Nebula en 2008 pour Le Club des policiers yiddish. Akiva Goldsman, célèbre scénariste de blockbusters, a eu l’oscar de la meilleur adaptation en 2001 pour Un homme d’exception. Et enfin Ayelet Waldman, romancière et accessoirement épouse de Michael Chabon.
Questions du jour : Sauf retournement génial, peu probable, lors du dernier épisode, comment est ce possible de donner à voir 50 minutes d’un épisode où, à chaque plan, spécialiste de Star Trek, comme néophyte, comprend que ces cadors de l’écriture ont produit de la merde polyphosphatée ? Comment une série, qui a démarré sous les meilleurs auspices, a pu à ce point-là, pour sa pré-conclusion, oublier tout propos intelligent ?
Je ne veux pas prendre le boulot d’Yves de dissection de la série, Dieu sait qu’il a de la matière cette semaine, mais voici en vrac les principales tares qui m’ont littéralement fait grimper aux rideaux :
On commence par le GPS déphasé de la Sirena. Ais je bien entendu le nombre d’années-lumières que le Transwarp Borg a permis d’avaler ? Pépère Picard commence-t-il sérieusement à perdre la boussole ou, dans le Star Trek de Kurtzman, il faut prendre un Concorde pour allez chercher le pain au bout de sa rue ?
On poursuit par les fleurs de l’espace. Nos trois compères scénaristes ont certainement gardé un peu de substances illégales après Stardust City Rag, le cinquième épisode déjà très enfumé. Que Star Trek nous ait déjà donné à voir des créatures et entités capillotractés, je veux bien. Qu’une fleur englobant entièrement la Sirena ou le vaisseau de Narek puisse provoquer un arrêt des fonctions des vaisseaux, passe encore. Mais que sur la masse du cube Borg, deux petites fleurs puissent annihiler toutes les capacités du vaisseau, je n’y crois guère.
Ensuite, donnez-moi la probabilité qu’après une entrée dans l’atmosphère sans contrôle de la trajectoire, les trois vaisseaux puissent s’écraser à quelques kilomètres les uns des autres et surtout sans tuer leurs occupants ? Nulle la probabilité...
Trouvez-vous normal, alors qu’ils ne savent pas dans combien de temps vont arriver les Romuliens, que notre bande de pieds nickelés décide de faire un détour à l’opposé de leur destination pour aller voir le cube Borg ? Au passage, on a la preuve que les scénaristes n’ont jamais eu la moindre idée de l’utilité d’Elnor dans la série.
Après la sœur surprise de Spock avec Discovery, on nous sort le fils surprise du Docteur Noonian Soong. Certes, c’est toujours un plaisir de retrouver Brent Spiner à l’écran, et cela permet aux scénaristes de ne pas utiliser Lore, le frère de Data, chose certainement attendue par beaucoup d’amateurs de Star Trek. Mais le souci, c’est que la surprise fait totalement artificielle.
Le pompon de cet épisode : Le mindmeld vulcain exercé par l’androïde Sutra, la scène totalement What The Fuck de l’épisode. Sauf erreur de ma part, en dehors du fait qu’un vulcain était jusqu’à présent indispensable pour l’exécuter, il faut que l’ensemble des participants ait au minimum un esprit pour faire une fusion mentale. Je veux bien qu’un cerveau positronique soit très puissant, mais cela le dote-t-il obligatoirement d’un esprit ? Et pour en revenir à Sutra, je me plaignais de la totale caricature de méchante qui était donnée à la romulienne Narissa, mais la Reine est détrônée cette semaine...
Et je pourrais continuer longtemps à énumérer, tellement l’épisode est infusé en permanence de ce type de scènes qui ne cessent de vous faire hausser les sourcils comme un vulcain souffrant de Parkinson.
Il y a-t-il quelque chose à sauver ? La révélation à l’équipage de la maladie de Jean Luc malgré le fait que, même pour moi, cela fait un peu trop tire-larmes à mon goût. Les adieux un peu comiques entre Raffi et Picard. 15 secondes d’un dialogue entre Picard et Soji. Mais au-delà de ça, c’est un no-go global pour moi.
Comment cela va-t-il se finir ? J’ai toujours pensé que le joker Q était une option fortement probable. Réponse dans quelques jours...

Cette ligne de programmation ne sert qu'a formaté proprement les lignes de textes lors d'un utilisation sous Mozilla Firefox. J'aimerais pouvoir m'en passer mais je ne sait pas comment, alors pour l'instant. Longue vie et prospèrité

Analyse
Par Yves Raducka

Oui, ils s’y sont mis à trois pour pondre un pensum de cette envergure, ce qui prouve qu’il existe des intelligences collectives dont le tout réussit à être inférieur à la somme des parties.

Picard 01x09 Et In Arcadia Ego, Part 1 est le premier épisode de la série à ne débuter par aucun flashback (ni vision onirique).

À bord de La Sirena, l’équipage réagit de manière diverse à la traversée du conduit de transdistorsion borg.
- [Jurati, recroquevillée sous le bureau de sa cabine] De grâce, que ça s’arrête. Que ça s’arrête. Que ça s’arrête. Que ça s’arrête. Que ça s’arrête.
Sur la passerelle, Picard est lui aussi physiquement très mal à l’aide et impatient d’arriver. Quant à Soji, elle est heureuse de revenir sur son monde natal, et Rios amusé par le pilotage du vaisseau...
- [L’ordinateur du vaisseau] Intégrité du champ de chronitons à 90 % et persistante.
Le vaisseau sort du conduit de transdistorsion et entre en orbite autour de Coppelius, monde d’origine de Soji. L’équipage semble émerveillé.
- [Rios] Système Ghulion, quatrième planète.
- C’est celle-là ? [Soji acquiesce d’un hochement de tête.]
- [Picard, fébrile, s’adressant à Raffi] On les a devancés ?
- [Raffi, avec entrain] Les scanners de longue et courte portée ne montrent pas de présence romuliennne. Aucun vaisseau d’aucune sorte.
- [Elle se tourne vers Soji] Bravo, chérie. Vous nous avez emmenés ici super vite. Et je ne renouvellerai jamais cette expérience.
- [Jurati arrive sur la passerelle, visiblement encore troublée.] Qu’est-il arrivé à Deep Space 12 ? Suis-je encore en état d’arrestation ?
- [Rios] Il y a eu un changement de plan.
- [Picard] On vient de parcourir 25 années-lumière en 15 minutes.
- [Jurati] J’ai remarqué un peu de turbulences. C’est...
- [Soji] On l’appelle... Coppelius.
L’alerte rouge retenti, un chasseur Romulien sort à son tour du conduit borg et se met en chasse de La Sirena.
- [Rios] Puta madre ! Notre ombre romulienne est de retour. Agnes, asseyez-vous. Sortie des ceintures.
L’équipage est désormais sanglé à son siège par des ceintures pendant que Rios tente des manœuvres pour semer le chasseur.
- [Picard, énervé] Elle a désactivé le dispositif de traçage. Comment nous a-t-il trouvés ?
- [Soji] Il a dû extrapoler d’après nos derniers itinéraire et position.
Un combat rapproché s’engage. Le vaisseau Romulien semble avoir l’ascendant avant que Rios ne réussisse grâce à une décélération, à se placer derrière le chasseur et à lui tirer dessus à coup de phaser. Le vaisseau Romulien semble touché et avoir perdu sa source principale d’énergie.
- [Raffi] Son camouflage est en panne.
- [Picard] Raffi, statut.
- Il est vivant. À peine. Son pouls est presque indétectable.
- [Soji] C’est une ruse.
- [Raffi] Et si ça ne l’est pas ? On le laisse mourir ?
- [Soji] Il nous a attaqués. Il est le seul à blâmer.
- [Picard s’adressant à Soji d’une voix ferme] Il y a une différence entre tuer un ennemi qui vous attaque et le regarder mourir de ses blessures. Téléportez-le immédiatement à l’infirmerie.
Raffi met en œuvre cet ordre. Au même moment, le même chasseur apparaît derrière La Sirena et ouvre le feu.
- [Jurati] Que vient-il de se passer ?
- [Rios] Il a renversé son dispositif de camouflage, en a fait un projecteur. Malparido !
- [Picard] Mettez-le à l’écran.
- [Rios] Il active ses canons perturbateurs. On ferait mieux de...
- [Un signal retentit, Rios, très surpris] C’est inattendu.
Le Cube romulano-borg, l’Artefact, sort à son tour du conduit.
- [Jurati] Il est censé être endommagé.
- [Raffi] Ses armes apparaissent en ligne.
- [Jurati, avec un brin de fascination dans la voix] Alors, il n’est pas endommagé.
- [Raffi] Je détecte un vaisseau non identifié de la surface de la planète. Non, cinq vaisseaux non identifiés. L’un d’eux fonce sur nous.
- [Rios] Quel genre de vaisseau ?
- [Raffi] OK. Comme une fleur géante.
- [Rios] Accrochez-vous.
Une orchidée géante et capable de se mouvoir dans l’espace avale littéralement La Sirena. Tout le vaisseau est plongé dans le noir, aucune source d’énergie ne semble l’alimenter. D’autres "fleurs" agrippent le Cube et le chasseur romulien. Rios allume son briquet pour éclairer la passerelle.
- [Picard] Que s’est-il passé ?
- [Jurati] Ils nous ont frappés avec une fleur.
- [Raffi] Comme une orchidée. Qu’est-ce que c’est ?
- [Soji] Je suis sûre qu’on les appelle des orchidées.
- [Rios] On est en rade.
- Picard] Que fait-on ?
- [Rios] Rien.
Les orchidées conduisent les vaisseaux dans l’atmosphère de la planète et se consument lors de l’entrée dans celle-ci. À bord de La Sirena, peu à peu la lumière du jour illumine la passerelle, à mesure que la fleur se désintègre dans les flammes
- [Picard, constatant l’entrée chaotique dans l’atmosphère] Accrochez-vous !
- [Le vaisseau semble chuter au ralenti, tout le monde est incrédule puis Raffi aperçoit Picard mal en point] JL ?
- [Picard, la tête en arrière, les yeux fermés, en proie à un malaise] Merci à tous... d’être venus.
- [Rios] Que s’est-il passé ?
- [Jurati] Picard ? Picard ?
Alors que le vaisseau est en chute libre, tout l’équipage se détache, quitte son siège, et entoure Picard.
Fondu au noir. Générique.

Ce recours aux conduits de transdistorsion borgs ne tient guère compte de l’effondrement du Transwarp Hub et la disparition du Collectif borg (mais pas des drones eux-mêmes) suite à la victoire des deux Janeway (l’Amirale venue de l’an 2404 et la Capitaine) à la fin de VOY 07x25+07x26 Endgame.
Mais il faut dire que la série Picard semble désormais faire abstraction de l’apport de VOY à la chronologie puisque l’assimilation de Ramdha après 2385 (révélée par cet épisode) établit que le Collectif borg existait toujours sept ans après sa destruction (normalement en 2378) !
En gros, de la même façon qu’il ne subsiste rien de l’utopie de TNG jusqu’à Nemesis, ni de la Fédération préservée par les Romuliens (durant la Guerre du Dominion) jusqu’à la fin de DS9... il ne reste apparemment rien non plus des accomplissements de l’USS Voyager.
Bah, la parade est aisée, il suffit juste de se dire que Janeway croyait avoir détruit l’ensemble du Collectif borg tout comme l’ensemble des conduits de transdistorsion, mais ce n’était finalement pas le cas. Et ceux (Unicomplex/Unimatrix/Cube/Transwarp Hub…) qui ont survécu ont régénéré de proche en proche les autres (et notamment les Transwarp Conduits).
Toujours est-il que l’emploi d’un conduit de transdistorsion, technologie beaucoup plus rapide et avancée que celles dont dispose Starfleet (empruntée par hasard dans TNG 07x26 Descent et devenue l’un des enjeux de VOY) pour parcourir "seulement" 25 années-lumière peut sembler aussi disproportionné – et aussi grossièrement fan-service – que la transformation de Seven en Reine borg durant cinq minutes pour rien dans l’épisode précédent.
Alors certes, l’épisode fournit une justification formelle. Dans la mesure où c’est une course de vitesse avec les Romuliens, parcourir 25 AL en seulement 15 minutes plutôt qu’en une journée peut en effet faire la différence.
Seulement dans ce cas, si chaque minute comptait autant, comment se fait-il qu’après l’atterrissage forcé de La Sirena sur Coppelius, l’ensemble de l’équipage ait mis le cap sur le site de "crash" de l’Artéfact au lieu de se diriger en urgence vers Synthville afin de prévenir au plus tôt la communauté androïde de l’attaque romulienne. Au pire, l’équipage aurait pu se diviser en deux équipes, mais au lieu de ça, le sprint de survie face à la menace existentielle du Zhat Vash... s’est transformée en journée d’exo-trekking/rando dans la direction opposée de Synthville... Du coup, l’emploi du Transwarp Conduit fait rétrospectivement un peu show-off...

Picard 01x08 Broken Pieces s’était achevé par un twist triplement absurde, à savoir le vaisseau de Narek qui apparaissait soudain à l’orée du conduit de transdistorsion, disposant soudain d’un bouclier occulteur (alors qu’il n’en avait pas au début de sa filature dans Picard 01x07 Nepenthe->61230#filature]), ayant retrouvé dans le gigantisme spatial La Sirena (alors qu’il l’avait perdu que Jurati avait détruit son émetteur en s’éjectant au péril de sa vie de l’hydride d’uranium synthétisé), et continuant à suivre le vaisseau de Rios (alors que Narissa et le Zhat Vash avaient déjà localisé Coppelius). Hélas, conformément au worst case scenario, Picard 01x09 Et In Arcadia Ego, Part 1 n’apporte non seulement aucune justification crédibilisante, mais pire, Soji a le culot de balancer l’hypothèse la plus générique et la plus nonsensique imaginable sur la manière dont Narek aurait retrouvé La Sirena : « He must have extrapolated from our last known course and position. » !
Dans un espace tridimensionnel sur des centaines d’années-lumière, alors que Rios avait délibérément brouillé les pistes en changeant sans cesse de trajectoire après que Narek a perdu la filature, en allant d’abord sur Nepenthe (étape qu’il était impossible aux Romuliens d’anticiper n’ayant pas eu accès aux données Trajecteur Spatial sikarien, avant de prendre la direction de Deep Space 12, puis de mettre le cap vers Coppelius, mais en passant par inattendu Transwarp Conduit (connu seulement de Soji et de Seven) : est-ce tout ça que Narek est supposé avoir extrapolé à partir du dernier cap et de la dernière position connue de lui ?!? Avec un tel niveau d’omniscience, plus aucun traqueur ne devient nécessaire. Portnawak intégral... mais tout le monde s’en fiche, puisque l’essentiel pour les auteurs est de mettre en scène un mini-dogfight spatial... puis embarquer Narek (comme prisonnier) dans l’aventure et provoquer une confrontation-thérapie entre lui et Soji (désormais consciente de sa propre identité).
Question dogfight, la crédibilité n’est pas davantage au rendez-vous lorsque le vaisseau de Narek produit une copie holographique de lui-même que les scans du La Sirena confondent avec l’original. C’est à peu près du niveau de la bonne blague à la fin de TAS 02x03 The Practical Joker.

Avec l’arrivée du Cube Borg piloté par Seven en orbite de Coppelius, l’épisode fait mine de vouloir sortir le gros calibre... pour mettre tous les plaideurs d’accord à la façon de Raminagrobis.
Sauf que très vite, le pétard s’avère aussi mouillé que lorsque Seven devint Reine Borg dans l’épisode précédent : elle aura juste fait entendre la fantasmatique voix du Collectif (« We are Borg »)... et puis plus rien. Car Narissa aura expulsé tous les drones dans l’espace avant de déguerpir avec sa flotte. Et finalement la nouvelle reine du bal s’est retrouvée bien stupide sans équipage et sans ennemis, et elle alors été éjectée du trône. Beaucoup de bruit pour rien, la montagne aura accouché d’une amibe.
Eh bien, bis repetita placent : le Cube Borg sort de transwarp avec pertes et fracas et roulement de tambour... et puis plus rien… again ! Car aussitôt, le vaisseau le plus puissant (ou presque) et le plus grand du Trekverse est avalé, ou du moins neutralisé, par trois orchidées géantes... qui inhibent son énergie et ses technologies, de sorte qu’il "se crashe" à la surface de Coppelius. Et voilà tout pour l’aventure de l’Artefact sous le commandement de Seven.
Les trekkers qui attendaient du sport (et du spectacle) en sont une nouvelle fois pour leurs frais... Certes, impressionnante est l’arrivée du Cube en orbite, gigantesque au point de boucher l’horizon, mais paradoxalement cela renforce le malaise laissé par la pirouette finale. Une frustration qui pourrait rimer en d’autres circonstances avec relativisme, mais qui rime ici avec doigt d’honneur.

Quant à cette technologie improbable "d’orchidées d’amortissement", capables d’inhiber instantanément même un Cube Borg, elle semble directement sortir des visions psychédéliques d’Alejandro Jodorowsky pour sa version de Dune.
Ce serait comique... dans Futurama, mais ce delta scientifique entre Coppelius et le reste du known universe laisse tout de même songeur, car la colonie androïde est exclusivement issue des mondes de la Fédération, et elle ne devrait donc pas disposer de moyens significativement plus avancés que ceux de Starfleet. Or là, ils font presque l’effet de bénéficier d’un écart évolutionniste de plusieurs millénaires... comme les Voths de VOY 03x23 Distant Origin.
Dans cette logique, comment se fait-il que ces androïdes aient les moyens de développer des systèmes de protection capable d’engloutir des Cubes borgs... mais (comme le révélera la suite de l’épisode) aucune solution pour évacuer leur petite communauté en toute sécurité lorsque la planète subit une attaque frontale ou un assaut létal ?!

Le nom de cette planète, Coppelius, est évidemment un hommage appuyé au ballet Coppélia d’Arthur Saint-Léon (1870), basé sur la nouvelle fantastique Der Sandmann (L’homme au sable) du Prussien Ernst Theodor Amadeus Hoffmann (1817) où un étudiant, Nathanaël, tombe amoureux de la belle automate Olympia... qui s’anime grâce à l’alchimie du professeur Spalanzani. Le thème en est bien entendu la fascination humaine pour les automates, avec la préfiguration lointaine du concept d’Ernst Jentsch puis de Freud de l’inquiétante étrangeté (ou uncanny valley), remis au goût du jour par les progrès actuels en cybernétique.

Le titre de l’épisode quant à lui emprunte à la locution latine "Et in Arcadia ego" qui est un memento mori signifiant soit "Moi (la Mort), je suis aussi en Arcadie", soit "Moi (qui suis mort), je vécus aussi en Arcadie.". Et l’Arcadie, au-delà de la province grecque homonyme, désigne une utopie, i.e. dans la tradition antique pré-platonicienne une terre idyllique pastorale. Elle inspira Thomas More pour le premier traité de notre ère sur l’idéalisme sociétal, le fameux Utopia (1516) que l’on peut en quelque sorte considérer comme la matrice philosophique de l’UFP trekkienne.
Du coup, la locution latine en titre souligne le fatalisme de la mortalité qui n’épargne pas même ceux qui auront vécu dans un pays idéal. Toutes les caractéristiques de la série Picard se retrouvent ainsi emblématisées par ce titre : une grande prétention culturelle (cuistre en réalité) pour magnifier la mortalité de l’idéalisme trekkien, et finalement mettre en scène l’opéra de sa mise à mort.
Longtemps avant l’industrie audiovisuelle, cette locution fut illustrée par les peintres, et en particulier par l’Italien Le Guerchin au 17ème siècle, puis par le Français Nicolas Poussin à deux reprises (en 1628 et 1637). Le titre VF a d’ailleurs traduit la locution latine par le nom de la seconde toile de Poussin (Les Bergers d’Arcadie).

Une fois de plus, l’épisode s’adonne à son activité de placement favorite : le name dropping prétentieux... dans le but de convaincre l’audience et les critiques que les auteurs sont intelligents et cultivés. Malheureusement, la vitrine est stérile voire contreproductive, car il résulte une convocation de concepts et d’œuvres (intra ou extra-trekkiennes) systématiquement et incomparablement plus intéressantes que les épisodes showrunnés par Alex Kurtzman et Michael Chabon.

- [Le Docteur Benayoun dans un flash-back du second épisode] Vous voulez vraiment retourner dans le froid ?
- [Picard] Plus que jamais.
- [Picard remettant son badge et regardant les étoiles dans un autre flash-back du début de la série] Je ne repasserai peut-être jamais par-là.
- [Jurati, comme vue à travers les yeux de Picard qui s’ouvrent lentement] Bienvenue à nouveau. Comment vous sentez-vous ?
- [Picard allongé sur un lit dans l’infirmerie, se protégeant les yeux de la lumière du soleil] Un peu perdu.
- Chris a manuellement ouvert les volets. J’ignorais qu’il y avait des volets. J’ignorais qu’il y avait des fenêtres. Le vaisseau semble intact mais on n’a pas de courant. Rien ne marche. Je ne savais pas comment exécuter un scan sur vous. Et puis, j’ai trouvé ça. Un tricordeur médical à l’ancienne. Vous étiez vraiment inconscient. Au début, j’ai pensé à une blessure à la tête, mais je n’ai trouvé aucun signe de traumatisme.
- [Picard se relevant et fixant intensément Jurati] Il y a un problème ?
- [Jurati, visiblement mal à l’aise] Je ne sais pas. Ce doit être le tricordeur qui montre son âge.
- [Picard d’un regard interrogateur appuyé] Ou... ? Je crois que le tricordeur marche bien.
Jurati réprime à grand peine un sanglot.
Picard rejoint le reste de l’équipage, suivi par Jurati. Il est intercepté par Raffi…
- [Musiker] Hé, JL. Tout va bien ?
- [Picard] Puis-je avoir votre attention, s’il vous plaît ? Merci.
- Je vais ramener Soji à son peuple et on leur dira qu’une force romulienne est en route pour les exterminer. Une dernière chose. J’ai une anormalité au cerveau. Je le sais depuis des années. Je n’ai jamais eu aucun symptôme, alors je n’y ai jamais beaucoup pensé. Mais juste avant qu’on quitte la Terre, j’ai appris que ma condition s’était aggravée. Le pronostic était terminal, et il n’y a pas de traitement efficace. Le sujet est clos à présent. Quiconque me traite comme un mourant encourra le risque de me rendre furax. C’est clair ?
L’équipage accuse visiblement le coup de cette nouvelle, surtout Raffi :
- [Picard] Bien. Statut et situation, Rios.
- [Rios, faisant un effort pour se rasséréner] Le vaisseau a survécu à l’attaque du vaisseau-serpent et à l’atterrissage, mais l’orchidée a détruit nos systèmes hors-ligne y compris l’électricité.
- [Picard] Raffi.
- [Musiker, d’une voix claire mais visiblement encore sous le choc] C’est une planète de classe M. Plus petite et plus dense que la Terre. Avant que cette fleur spatiale nous mette hors-ligne, nos détecteurs montraient une petite colonie...
- [Soji, coupant la parole à Raffi] La station Coppelius. Je dirais qu’on est à cinq ou six kilomètres de là.
- [Picard à Soji, avec curiosité] Parlez-nous-en.
- Je crois que j’y suis née. Mais je suis assez sûre de ne pas y avoir vécu longtemps avant que Maddox nous emmène loin de là, Dahj et moi.
- [Picard] Assez sûre ?
- Mes souvenirs sont confus. C’est comme regarder un hologramme que je sais avoir déjà vu sans pouvoir vraiment m’en rappeler.
- [Jurati] Ils nous détestent ?
- Je ne crois vraiment pas. Ce que vous avez dit sur Data, comme il était ouvert d’esprit, sans préjugés, sans parti pris...
- [Rios, lui coupant la parole d’un ton irrité] Ils ont percuté mon vaisseau sans même me demander mon nom... Je sais pas. Ça me semble un petit peu de parti pris.
- [Picard] Raffi, on sait quand les Romuliens vont arriver ?
- Ils avaient une bonne avance, mais on s’est bien rattrapés avec le conduit. Je dirais dans une journée, peut-être deux. Bientôt.
- [Picard] Mais on ne sait pas combien ils sont. [Raffi fait non e la tête]
- [Picard, se mettant en route] Je suggère qu’on aille tous se promener.

Un traveling extérieur monte La Sirena isolée dans une zone sablonneuse et désertique après un atterrissage d’urgence. À l’intérieur, tout le monde s’équipe.
- [Raffi] On rencontrera peut-être des reptiloïdes en colère. Des champignons meurtriers. C’est possible. Ou le connard d’ex romulien de quelqu’un. [Raffi tend un phaser à Soji]

L’équipage sort du vaisseau, Rios ouvre la marche.
- [Rios] Chaud.
- [Raffi en montrant des volutes de fumée à l’horizon] Je crois que c’est l’Artefact.
- [Soji, avec colère] Bon débarras.
- [Rios] On avait des amis, là-dessus.
- [Picard] Soji, je sais que le temps est précieux, mais s’il y a la moindre chance qu’Elnor et Hugh aient survécu...
- [Raffi, incrédule] Quelque chose d’aussi massif, tombé aussi vite ? Les probabilités sont contre nous.
- [Picard] L’espoir et les probabilités ne sont pas bons compagnons.
- [Raffi, acquiesçant puis se tournant vers Soji] C’est vrai. Synthville [Synthville également en VO] est dans la direction opposée.
- [Jurati] On pourrait se séparer.
- [Soji, revenue à de meilleurs sentiments] Hugh était aussi mon ami. On devrait rester ensemble. Au cas où on tombe sur un champignon meurtrier.
Le groupe se met en route vers le Cube Borg, passant par des collines. Et du haut d’une d’elle, on aperçoit l’imposante structure du Cube :
- [Jurati] Maintenant, il est détruit.

Il faut admirer la magie par laquelle ces vaisseaux (La Sirena de Rios, le Cube de Seven, et l’intercepteur de Narek), privés de toute énergie et de tout contrôle, littéralement briqués et balistiques, ont surmonté sans encombre l’entrée atmosphérique et se crashent gentiment sans dégâts, ou du moins sans victimes, gracieusement à seulement quelques lieues les uns des autres, et surtout commodément à portée pédestre de la communauté des androïdes.
Admirons également le sens des priorités de Jean-Luc : aller d’abord saluer ses potes du Cube... et remettre à plus tard la transmission du message vital...

C’est durant la prise de contrôle de l’orchidée géante et l’entrée atmosphérique que Jean-Luc endurera le tout premier symptôme avéré (et pas seulement supputatif au bénéfice des alibis d’incohérence comportementale) de sa pathologie irumodique (perte de connaissance et flashback d’un échange avec le Dr Benayoun). Avec une certaine délicatesse (faire semblant d’imputer le problème à un défaut de scan médical), Agnes poussera Jean-Luc à confesser solennellement son état incurable à l’équipage. Un moment très attendu, touchant dans l’intention. Malheureusement, comme toujours en pareil cas dans Picard (comme dans Discovery), le mélodrame et le pathos l’emportent sur la pudeur et l’authenticité, Jurati étant probablement la plus over the top (alors que sa relation avec Picard est aussi récente qu’embryonnaire).

Le groupe pénètre à l’intérieur du Cube par une brèche créée par le crash. Soji est visiblement inquiète d’y revenir...
- [Picard, d’une voie assurée et douce pour lui donner courage] On a tous deux survécu. Pas lui.
- [Raffi] Ces fleurs ne lui ont pas permis un bon atterrissage.
- [Rios] Elles n’ont pas été conçues pour laisser descendre l’immense Cube Borg.
Le groupe continue son exploration en s’enfonçant toujours plus loin dans le Cube. Ils tombent sur un groupe d’Xbs. Un d’eux reconnaît Picard et l’appelle par son nom borg Locutus, ce qui l’affecte grandement à la surprise des membres du groupe. Mais le malaise est vite dissipé par l’arrivée d’Elnor qui se jette dans les bras de Picard., qui l’accueille avec un grand sourire
- [Elnor] Picard. Vous êtes vivant. Ça me remplit de joie.
- [Seven of Nine] Attention ! Vous êtes là pour aider au nettoyage ou pour créer le chaos ?
- [Picard] Je ne peux pas le croire.

La perspective sur le Cube échoué à la surface de Coppelius est saisissante, les SFX étant parfaitement optimisés pour figurer avec réalisme les rapports d’échelles et le gigantisme. Toutefois, lorsque les personnages pénètrent dans l’Artefact, on se croirait soudain dans Stargate avec les quatre membres du SG-1 explorant un vieux temple néo-évhémériste.

Picard et Seven Of Nine marchent dans une autre section du Cube que les xBs tentent de réparer.
- [Seven] Pendant quelques minutes, je me suis sentie liée à tout. J’ai tout vu. J’ai vu La Sirena dans le conduit, et le vaisseau-serpent la poursuivre.
- [Picard] Vous avez ouvert un autre conduit et vous nous avez suivis ?
- Vous aviez besoin de notre aide.
- Merci.
- Je vous en prie.
- Pauvre Hugh. Il a fallu une grande brutalité pour tourner un être si doux vers la violence. [Picard regarde des xBs] Que font-ils ?
- Ils utilisent un bloc-piles pour remettre les réplicateurs de nourriture en ligne.
- Les autres systèmes sont opérationnels ?
- Que vous faut-il ?
- Des scanneurs longue portée.
- Ils peuvent l’être.

Seven annonce qu’elle est spontanément venue au secours de La Sirena avec son gros Cube. Cette solidarité entre VIP est bien normale, mais moyennant un argument d’omniscience un peu limite... dans la mesure où en tant que Reine d’une heure, elle a recréé un micro-Collectif qui n’aurait pas dû lui permettre d’accéder à une connaissance du réseau Borg au-delà du seul Artefact.

Le Cube au sol n’étant composé que de xBs, il faut donc en déduire que Seven Of Nine n’a même pas cherché à sauver l’équipage, c’est-à-dire des milliers de drones expulsés par Narissa dans l’espace. Normalement, les Borgs survivent dans le vide. Et quand bien même leur état de stase prolongée les aurait affaiblis, pourquoi Seven – dans le fauteuil tout puissant de la Reine Borg – ne les a-t-elle pas (re)téléportés à bord ?
Il faut dire que dans ST Picard, le génocide est une journée de travail.

La nouvelle rencontre entre Picard et Seven (depuis Picard 01x05 Stardust City Rag) brille par sa platitude émotionnelle, dans la mesure où ils ne partagent aucun passé commun, du moins un passé dont les trekkers auraient eu connaissance. Si Hugh n’avait pas été bien vainement tué par les showrunners, il aurait pu offrir un background nettement plus impactant dans ses interactions avec Jean-Luc.
Le décès de Hugh laisse d’ailleurs tout le monde relativement indifférent, telle une formalité bien vite expédiée... Picard se fendra même d’une réplique totalement incompréhensible : « Poor Hugh. It must have taken appalling brutality to turn such a gentle soul to violence » ! Mais de quoi parle-t-on là ?! À croire que la main gauche de la writing room ne sait pas ce que fait la main droite ! Où et quand Hugh s’est-il tourné vers la violence ? Il a certes envisagé de résister aux abus de pouvoir romuliens, mais il a à peine eu l’occasion d’évoquer cette option en privé avec Elnor que Narissa l’a transformé en agneau sacrificiel ! Les seuls à avoir témoigné de violence dans l’histoire, c’est Seven et (bien inefficacement) Elnor. Du coup, adresser pareille remarque sur Hugh (avec l’assentiment général) est tellement grotesque et hors de propos, que la pitié véhiculée en devient une forme de mépris, tant que les scénaristes révèlent ici leur complète impéritie.

Dans une autre section, Raffi s’active dans la pénombre pour remettre en ligne une console, certainement les scanners longue portée. Rios est avec elle.
- [Raffi] D’accord. Oui. D’accord. [Sa manipulation a fonctionné et l’interface holographique indiquant un nombre important de vaisseaux romuliens s’affiche]
- Oh, mon Dieu.
- [Rios, questionnant Raffi] Combien ?
- Deux cent dix-huit oiseaux de guerre.
- Ah, 218. C’est pas si mal.
- Exact. Vous n’avez à vous inquiéter que pour les 109 premiers.

Soji est dans ses quartiers, ses photos-souvenirs sont éparpillées sur le sol. Elle les regarde, la tristesse l’envahit, surtout lorsqu’elle voit celle où sa défunte sœur est présente.
Puis elle rejoint tout le monde, y compris Elnor et Seven, devant la brèche permettant d’entrer et de sortir du Cube.
- [Picard, parlant à Elnor] Je commence à penser que tout ce qu’on fait, c’est de se dire au revoir.
- [Elnor] Oui, mais cette fois c’est pire, car vous allez mourir.
- [Picard, manifestement irrité qu’Elnor soit au courant de sa santé, lance un regard accusateur à Jurati qui fait non de la tête, puis s’adresse au reste du groupe] Allez-y. Je vous rejoindrai. [Le groupe lui obéit, seuls restent Elnor et Seven]
- [Elnor] Je suis déchiré. Plus que jamais, vous avez besoin de protection.
- [Picard] Non. Les xBs ont plus besoin de ta protection que moi. Et tu dois essayer de remettre les systèmes de défense en ligne.
- Mais je ne vous reverrai peut-être plus jamais.
- C’est vrai à chaque fois que deux personnes se disent au revoir.
- Picard.
- [Picard, très ému] El... Je suis très fier de toi.
- [Seven] Continuez de sauver la galaxie, Picard.
- [Picard répond d’abord par un sourire malicieux, se met en chemin et sans se retourner, leur déclare] Tout dépend de vous, maintenant.

Le groupe arrive enfin à la colonie des Synthétiques. Certains ont la peau cuivrée comme Data, d’autres une peau humaine. Tous ont l’air paisible et accueillants. Soji est accueillie par une Synthétique dans une cour pleine de monde qui se rassemble autour du groupe.
- Soji. Enfin. Tu nous as tellement manqué.
- [Soji] Arcana. Tu t’appelles Arcana.
- Bienvenue à nouveau.
- Je suis chez moi. Ce sont mes amis.
- [Arcana, apercevant Picard] Capitaine Jean-Luc Picard ? Le capitaine de Data.
- [Picard] Oui.
- Je suis étonnamment émue. Vous permettez ? [Arcana s’approche pour toucher le visage de Picard] Ce ne sont que... des rides. Mais elles signifient tellement plus de choses. Le chagrin, l’endurance. Merveilleux. [Arcana se recule et s’adresse aux autres membres du groupe] Bienvenue à tous. [Elle s’adresse maintenant à nouveau à Soji] Vous avez accompli votre mission ?
- Oui.
- Votre visage me dit que ce succès apporte une mauvaise nouvelle.
- Une flotte d’oiseaux de guerre romuliens est en route pour nous détruire. [Un murmure d’effroi parcourt la foule]
- [Picard] Ces orchidées. Vous en avez combien de plus ?
- [Raffi d’une voie ironique et suppliante à la fois] Je vous en prie, dites 218.
- On en avait 15. Maintenant, on en a dix. On peut en faire plus, avec du temps.
- [Rios] Vous avez deux jours.
Un homme aux cheveux blancs, bien plus âgé que les Synthétiques, fend la foule pour venir serrer la main de Picard.
- Excusez-moi. Excusez-moi, s’il vous plaît. Excusez-moi. Amiral Jean-Luc Picard, à la retraite. Mon visage vous est familier ?
- [Picard] J’ai l’impression de regarder Data.
- Data, s’il était devenu vieux et flasque. Ça doit être perturbant. Je sais que ça l’est pour moi. Docteur Altan Inigo Soong, savant fou. [Il serre la main de Picard] Mon père m’a conçu, mais il a créé Data, il ne m’a jamais laissé l’oublier. [S’adressant à Arcana] Donnez de l’eau à cet homme. Les organiques sont assoiffés, à nos âges. On n’est pas tous des machines, ici, vous savez.
- [Arcana] Venez, Amiral.
- [Altan Inigo Soong parlant à Soji] Tu es restée absente bien longtemps. Bienvenue chez toi, mon petit. Nous devrions écouter toute l’histoire. [S’adressant au reste du groupe] Venez avec moi, je vous prie.

Le visuel de la colonie des Synthétiques convoque le Star Trek old school, notamment celui de la première saison de TNG, avec une communauté fleurant bon l’Americana. Leurs tenues kitsch évoquent même TOS 03x20 The Way To Eden... ou des épisodes de Logan’s Run (L’âge de cristal) (1977-78).
Par leur aspect bigarré et leurs couleurs de peau dégradées, ces androïdes figurent tous les chaînons intermédiaires entre Data et Soji, tels un ouvrage live sur la cyber-hominisation.
Mais par-delà la bouffée de nostalgie, cette exposition pédagogique n’est guère crédible. La couleur de peau bronze caractéristique (mais peu naturelle) des androïdes de Noonian Soong n’était pas l’aspect cybernétiquement le plus complexe à faire évoluer, et il n’est guère crédible que les continuateurs de son œuvre (dont Bruce Maddox) n’aient pas d’emblée upgradé cette facette strictement cosmétique, surtout lorsqu’on sait que Data lui-même dans TNG 03x16 The Offspring a doté sa "fille" Lal en 2366 d’une coloration de peau réaliste (du moins selon le modèle anthropocentrique).
Quant à la dénomination de la colonie, à savoir Synthville en VO (façon Smallville), cela tient de la fable puérile par sa naïveté, ou du gag comicsien des BD francobelges tendance Marcinelle.

Malheureusement, il n’existe pas plus lamentable en terme de composition narrative ni plus putassier en terme de fan service que de sortir de sa manche de prestidigitateur un fils caché en le faisant interpréter par le même acteur (Brent Spiner) que le père. Brent inaugure ainsi son sixième rôle "soongien" dans la franchise ST (après Data, Lore, Noonian, B-4, et Arik).
Certes, si l’on se base sur l’âge de l’acteur (71 ans), Altan Inigo Soong serait né au voisinage de 2328, soit après la mariage mais avant la mort biologique de Juliana (2338).
Sauf que l’existence même de ce fils, Altan Inigo, est totalement contredite par ce que la série TNG avait explicitement établi. En effet, en 2370 dans TNG 07x10 Inheritance, Juliana Soong révéla que Noonian Soong avait créé Data et Lore précisément parce qu’il ne pouvait avoir d’enfants biologiques. Et pour mémoire, Noonian étant mort en 2367, Juliana lui a survécu, quand bien même à travers un autre corps (celui d’une androïde-qui-s’ignorait), ce qui impliquait qu’elle était bien placée pour savoir que Noonian n’avait pas eu de progéniture, ni avec elle, ni avec quelqu’un d’autre.
De plus, c’est un effondrement en cascade que ce retcon inflige à TNG. Que le fils de Noonian soit un cybernéticien lui-même, ayant pris sa relève, et ayant même poussé le travail de son père encore plus loin... cela s’oppose frontalement au run de TNG durant lequel : Starfleet déplorait que Soong refuse de partager sa technologie (par antimilitarisme), la société se lamentait de l’impénétrabilité de la technologie positronique, Data et Lore étaient considérés comme des orphelins, seuls et derniers de leur genre.
C’est ainsi que pour un cameo inutile de plus, tout le postulat cybernétique, mais aussi la relation d’unicité bien particulière de Data avec l’humanité et avec l’UFP sont profanés. La pression exercée par Starfleet (et notamment Maddox) durant des années pour copier Data n’aurait eu aucun sens s’il avait existé un autre Soong, tout aussi compétent que Noonian, mais ne demandant quant à lui pas mieux que d’inonder l’UFP de ses créatures... Noonian n’aurait jamais collaboré avec Maddox, mais Altan Inigo ne demandait visiblement pas mieux, probablement même avant le ban (la proscription) des Synthétiques par l’UFP. Outre de n’avoir pas de place dans la chronologie de TNG, Altan incarne donc probablement le dévoiement (si cliché) de l’œuvre de son père.
Et ce n’est pas le pauvre clin d’œil à Arik Soong, le grand-père de Noonian, ayant lancé la "vocation cybernétique" (et la malédiction de la trahison par ses propres créatures) de sa lignée (à la fin d’ENT 04x06 The Augments) qui rédime quoi que ce soit. D’autant plus que si la ressemblance physique entre Noonian et son aïeul Arik (résultant de la commune interprétation par Brent Spiner) sortait de l’ordinaire, reproduire cette similitude avec son fils Altan Inigo défie toute vraisemblance statistique.
Ce qui pourrait encore sauver la continuité interne, c’est qu’Altan Inigo ne soit pas réellement le fils de Noonian, mais Lore "déguisé" (dans un corps apparemment humain et vieillissant).
Mais comme d’habitude maintenant, Michael Chabon s’est fendu sur Twitter de réponses faussement justificatives et pleine de sophismes, apportant encore davantage de confusion, sans pour autant que cela ne devienne canon (puisque le canon se limite à l’on screen). Ainsi, selon le showrunner, Altan Inigo est bien le fils naturel de Noonian mais pas de Juliana, et l’option de Lore a été envisagée par les auteurs mais abandonnée. L’internalisme en prend donc un coup supplémentaire dans l’aile, car non seulement Noonian a cocufié sa femme, mais visiblement celle-ci n’en aurait jamais rien su, au point de retirer toute fiabilité (ou pire toute honnêteté) à son témoignage dans TNG 07x10 Inheritance. Picard réussit ainsi à faire le cadeau le plus empoisonné à TNG : salir voire ruiner à la fois Noonian et Juliana, finalement transformer la série en Dynasty.
Bref, loin de réparer quoi que ce soit, Picard 01x09 Et In Arcadia Ego, Part 1 et la com foireuse de Michael Chabon ne cessent d’accroître les dégâts infligés au STU par ripple effect...

À noter que dans cette communauté binomiale, les androïdes vont par paire (on ne sait toujours pas pourquoi). Ainsi la plupart des androïdes de la communauté sont interprétés par des acteurs/actrices jumeaux/jumelles, tels Jade et Nikita Ramsey pour respectivement Arcana et feue Saga, ou encore Brian et Matt DeRozan pour respectivement Rune et Codex.
Sutra était la jumelle de feue Jana, comme Soji est la jumelle de feu Dahj. Quoique toujours interprétée par Isa Briones, si Soji ressemble en tout point à une humaine (c’est l’actrice au naturel), Sutra appartient visiblement à une génération d’androïdes antérieure, du moins par l’apparence physique, car nettement plus proche de Data (peau cuivré, yeux jaune, look baroque...). C’est-à-dire visuellement, un Data au féminin, ce qui représentera probablement un fantasme pour beaucoup…

Et again, la série Picard délivre une leçon de "Kulture"… En effet, sutra signifie en sanskrit : classique, canon, rituel, voire livre. On rencontre ce radical dans de célèbres guides et traités hindouistes (Dharmasastra, Yogasutras, Kamasutra…). Mais en même temps, cela pourrait constituer un indice (telles les lunettes de soleil de Oh) laissé par les showrunners pour suggérer que Sutra serait non pas la "fille" de Data, mais celle de Lore. Parce que lore veut dire peu ou prou la même chose en anglais que sutra en sanskrit. Expliquant son comportement démonstrativement négatif dans la suite de l’épisode.
Par extension, peut-être que la structure binomiale de ces androïdes créés par Altan Inigo Soong et Bruce Maddox serait assujettie à la dualité Data/Lore, ce qui signifierait que feue Jana était la "gentille" ("fille" de Data) et Sutra la "méchante" ("fille" de Lore). Mais dans ce cas, qui de feu Dahj et de Soji procède de Data et non de Lore ? Peut-être est-ce Soji, étant donné sa trahison en fin d’épisode et son absence de "vision" et de "confiance instinctive" en Picard… faute d’avoir hérité des souvenirs de Data (contrairement à Dahj). Cette dualité expliquerait également les propos hystériques tenus par Ramdha à Soji dans Picard 01x03 The End Is The Beginning : « Which sister are you ? The one who dies or the one who lives ?! ».
Ce jeu de distribution par paire possède assurément un atout ludique, mais si réellement il cherche à perpétuer une prétendue dualité causale Data/Lore, ST Picard s’abime alors une nouvelle fois dans le pur révisionnisme (ou l’ignorance). Car en aucune façon Noonian Soong n’a conçu Data et Lore ensemble, à la façon d’une paire. Lore est venu d’abord, et il était d’emblée pourvu d’émotions. Mais devant son instabilité émotionnelle et sa malveillance, il a été désactivé, et Soong a alors développé Data moyennant une inhibition émotionnelle.

Sur une sorte de terrasse à côté d’une habitation, abrité du soleil par des parasols énergétiques, assis sur des bancs en pierre, le groupe sans Picard écoute Soji se tenant debout et racontant ce qu’elle sait à Arcana et Soong.
- C’est de ma faute. J’ai guidé les Romuliens jusqu’à nous. Je suis désolée.
- [Soong] Sottises. On ne peut pas te demander de garder un secret que tu ignores connaître.
- Malheureusement, l’interdiction a fait ressortir le côté trompeur de Maddox. Je dirais même "fourbe".
Dans un autre endroit, Picard est assis sur une table en extérieur, et boit un rafraîchissement. Il est interrompu par une synthétique à la peau cuivrée, aux yeux vert, ressemblant à Soji et Dahj
- Amiral ? Bienvenue.
- [Picard reconnaissant un mélange entre Data et Soji] Bien sûr.
- [Retour au groupe avec Soji] [Soong] Bruce. Je lui ai dit que ce plan attirerait une attention néfaste.
- [La mystérieuse androïde arrive suivie par Picard qui va s’asseoir sur un banc de pierre avec les autres et rejoint Soji, debout face aux autres] Soji. Bruce et toi, vous nous avez peut-être tous sauvés. Oui, vous nous avez peut-être apporté toutes sortes d’ennuis. Mais vous nous avez aussi apporté des réponses.
- [Rios s’adressant à Soong C’est Jana.
- Non. C’est Sutra. Jana était sa sœur.
- [Sutra] Et plus important encore, vous nous avez apporté des informations. [Elle se tourne vers Jurati, méfiante] Docteur Jurati. L’amiral Picard me dit que vous avez vécu cette Admonition ?
- Juste indirectement.
- Pourtant, cela vous a poussée à mettre fin à la vie de Bruce Maddox... à penser que sa mort était nécessaire ? [Jurati acquiesce de la tête] Et maintenant ?
- Quand je pense à ce jour, le jour où j’ai... tué Bruce... c’est comme...
- [Raffi] Comme si vous aviez vraiment perdu l’esprit.
- [Sutra] C’était peut-être le cas, Peut-être que ces pitoyables Romuliens se rendent fous pour rien depuis des siècles, essayant de se débattre avec quelque chose qui n’a jamais été destiné aux esprits organiques.
- [Picard] Vous croyez que l’Admonition est pour les esprits synthétiques ?
- [Sutra] C’est ce que j’aimerais découvrir.
- [Arcana] Comment ? Nous avions un vaisseau. Nous l’avons perdu quand nous avons perdu Jana et Flower....
- [Soji] Même si nous avions un tunnel de distorsion, ça ne...
- [Sutra] Oh, je n’ai besoin d’aller nulle part. [Elle fait signe à Jurati d’approcher] Que vous ont-ils montré, Agnes Jurati ?
- [Soong] Oh, oui. Oui. Très judicieux. Très judicieux, Sutra. [Se tournant vers l’auditoire] Sutra a toujours eu une passion pour la culture vulcaine. Elle a lu Surak, elle joue le ka’athyra à merveille, et elle a remarquablement appris seule la célèbre fusion de l’esprit.
- [Rios se lève et repousse la main de Sutra] Pas question.
- [Jurati] Non, Chris.
- [Rios] Vous venez juste de vous en remettre.
- [Jurati] Ça ira. Ça ira. Vous méritez de le savoir.
- [Sutra] Vous êtes terrifiée. Il ne faut pas. Mon esprit vers votre esprit. Mes pensées vers vos pensées.

Des images se succèdent, certaines déjà vues lors du précédent épisode, montrant la création du monde puis de la vie organique puis de la vie synthétique. Le tout est ponctué par la voie de Sutra énonçant :
- La vie commence. La vie commence. La danse de la division et de la réplication. Imparfaite. Limitée. La vie organique évolue, aspire à la perfection. Cette aspiration mène à la vie synthétique. Mais les organiques perçoivent cette perfection comme une menace. Quand ils réalisent que leurs créations ne vieillissent pas, [plan sur l’œil d’un synthétique à la peau cuivrée avec le reflet de l’insigne de Starfleet] ne tombent pas malades ou ne meurent pas... ils chercheront à les détruire, et en le faisant, ils se détruiront eux-mêmes. [Images de l’attaque de Mars par les synthétiques] Au-delà des limites du temps et de l’espace [images de nébuleuses], nous demeurons, une alliance de la vie synthétique... vous observant, attendant votre signal. Convoquez-nous et nous viendrons. Convoquez-nous. Vous aurez notre protection. Votre évolution sera leur extinction. [Séquence déjà vue d’Armageddon].
Jurati finit épuisée, soutenue par Rios. Mais Sutra, elle, éprouve une joie profonde et semble penser à voix haute en lâchant l’exclamation : « Fascinant. »

Inutile de s’attarder sur le fan service humoristique consistant à faire prononcer le célèbre motto de Spock à la première androïde ayant jamais accompli un Mind Meld vulcain. Même dans les moments supposés être les plus tragiques, les auteurs de Picard semblent ne rien prendre au sérieux.
Néanmoins, le plus contestable, et qui aura suscité de massives indignations de trekkers sur les réseaux sociaux, c’est la fusion mentale initiée avec le plus grand naturel par l’androïde Sutra ! Le Mind Meld est une pratique qui s’inscrit au cœur de l’espèce vulcaine (brillamment complexifiée par la série Enterprise), et elle demeure intrinsèquement liée à ses importantes aptitudes télépathiques naturelles. Autant dire que la fusion mentale ne saurait être apprise et employée par qui ne dispose pas de cet innéisme précis... contrairement au Vulcan neck pinch (nommé aussi Vulcan nerve pinch) qui demeure pleinement accessible à des non-Vulcains puisqu’il s’agit simplement d’une prise d’art martial (ainsi apprise par Data dans TNG 05x08 Unification II. Spock a beau avoir réalisé des Mind Meld avec des IA extrêmement avancées (comme avec Nomad dans TOS 02x08 The Changeling et avec V’Ger dans ST The Motion Picture), il n’en demeure pas moins que le Vulcain (ou le demi-Vulcain) était toujours celui qui les initiait et les gérait (confondre initiateur et récepteur reviendrait à ne pas distinguer le lecteur du livre).
Mais la série Picard n’hésite plus aujourd’hui à déposséder les Vulcains de l’une de leur inhérence, probablement au nom de l’égalitarisme (mais aussi pour provoquer et faire le buzz). Et ce n’est même pas un pur Romulien qui y serait parvenu (souche génétique commune), mais un être artificiel !
Pour ne rien arranger, l’épisode impute la maîtrise du Mind Meld par Sutra à un apprentissage par elle-même (en lisant les traités philosophiques de Surak peut-être ?).
Dans ST Picard, chaque occasion est bonne pour banaliser l’exceptionnel. Mais pour que cette hypothèse soit recevable, faudrait-il encore que la télépathie soit mécanisée, appareillée et cybernétisée. Ce qui engendrerait de vastes bouleversements paradigmatiques que n’assume justement pas la dernière série.

Picard ne serait pas Alias si un message sibyllin laissé il y a 200 000 ans par la civilisation alien de Milo Giacomo Rambaldi ne contenait pas crypté à l’intérieur un message secret qui disait exactement le contraire.
Plus que jamais, le recyclage grossier de Mass Effect se poursuit de plus belle, basculant bel et bien cette fois explicitement dans le message de Sovereign (le vaisseau porte-drapeau du Spectre Saren Arterius) : « Créatures rudimentaires de sang et de chair. Vous touchez mon esprit, tâtonnant dans l’ignorance, incapables de comprendre. Il y a un domaine d’existence tellement au-delà du vôtre que vous ne pouvez même pas l’imaginer. Je dépasse votre compréhension. La vie organique n’est rien d’autre qu’une mutation génétique, un accident. Votre vie se mesure en années et en décennies. Vous vous flétrissez et vous mourrez. Nous sommes éternels. L’apothéose de l’évolution et de l’existence. Devant nous, vous n’êtes rien. Votre extinction est inévitable. Nous sommes la fin de tout. Le cycle ne peut pas être rompu. Ce schéma s’est répété davantage de fois que vous ne pouvez l’imaginer. Les civilisations organiques s’élèvent, évoluent, avancent. Et au sommet de leur gloire, elles s’éteignent. Vos mots sont aussi vides que votre avenir. »
Sauf que comme à son habitude, le Star Trek kurtzmanien foire totalement sa vaste opération de plagiat et de cannibalisation des autres univers imaginaire, et il en résulte une chimère bancale.
Donc voilà : l’Admonition qui avertit les êtres organiques d’une Apocalypse synthétique en provocant le suicide de 90% d’entre eux et le fanatisme anti-IA des 10% restants, propose en même temps aux êtres synthétiques de rejoindre un club "synthétique-only" visant à éliminer toutes les formes de vie organiques. Le premier message (l’Admonition elle-même) est exclusivement visio-sensoriel et ultra-trash, tandis que le second (la contre-Admonition) est hyper-intelligible (une narration avec des consignes et des coordonnées subspatiales) et plutôt reposant (de belles vidéos venant de Shutterstock au rythme d’un docu, incluant des extraits du générique de True Blood). Mais comme le deuxième message semble nettement moins ambigu et ne provoque aucun suicide de Synthétique, il est permis de penser que c’est le vrai (tandis que le premier serait faux, avec une intention manipulatoire ou alors un bug). Néanmoins, la prudence voudrait qu’aucune des deux (ni l’Admonition ni la contre-Admonition) ne soit considérée comme authentique et que les deux soient par défaut jugées suspectes et mises en quarantaine. Car qui manipule et ment dans un message pourrait le faire dans un autre (quand bien même apparemment davantage authentique). Avec par exemple pour objectif de semer des zizanies, des défiances, et des haines mutuelles entre organiques et Synthétiques (parmi de nombreuses autres finalités possibles).
En amont, il n’est pas possible de faire l’économie d’un lourd questionnement sur la "stratégie" suivie par ces Grand Ancients. Le déplacement d’étoiles et la création d’un système stellaire artificiel (le Conclave des Huit) rien que pour délivrer un message durant 200 000 ans, c’est toujours aussi grandiloquent et capillotracté, même si ledit message est duplice ou à double niveau.
Mais si le véritable objectif est d’aider les Synthétiques et d’exterminer les organiques, la forte proportion de suicides fait davantage sens. En revanche, la radicalisation anti-IA des organiques survivants s’explique bien moins… sauf si le "plan" était de favoriser les persécutions d’androïdes pour les conduire en retour, de désespoir, à lancer un appel à l’aide… mais du coup en les exposant bien davantage à se faire préalablement exterminer par les organiques qui auront été fanatisés (façon Zhat Vash).
Bref, une opération pour le moins nébuleuse, confuse, inefficace, et potentiellement contreproductive ou contradictoire.
Hélas, cette prophylaxie de raison, aucun personnage ne se l’appliquera ici. Sutra sera convaincue dès le premier du "visionnage télépathique" et se lancera immédiatement dans le prosélytisme (en gros comme les nouvelles recrues du Zhat Vash). Elle s’emploiera donc à persuader verbalement (et sans aucun effort) toute sa communauté de convoquer ces higher synthetic beings (pseudo-protecteurs d’androïdes), même sans rien savoir d’eux, et même si cela implique l’extermination de tous les organiques de l’univers (et fuck à tout ce qu’avait représenté Data). Soji, pourtant humaine dans sa tête et humaniste dans son cœur depuis des années, rejoindra direct Sutra et son groupe génocidaire (et fuck à Picard qui lui a sauvé la vie). Idem pour l’humaine Agnès Jurati (et fuck à ses engagements et ses turbo-repentance). Idem pour l’humain Altan Soong (et fuck à son père Noonian Soong). Et tout ça en l’espace d’une poignée de minutes, avec zéro débat, zéro tiraillement, zéro mesure, zéro proportionnalité… Jean-Luc Picard se révélant quant à lui toujours aussi inefficace à argumenter depuis le début de la série.
À croire que l’Admonition aura été aussi liberticide envers le libre arbitre des Synthétiques qu’envers celui des organiques…

Jurati suit un papillon bleu qui la mène dans le laboratoire de Soong. Plusieurs spécimens de papillon sont naturalisés sur les étagères de la pièce. Le milieu de la pièce est occupé par une sorte de sarcophage sur lequel Soong semble travailler.
- [Soong accueillant Jurati tout en contemplant le papillon] C’est beau. Les papillons m’ont beaucoup manqué. Alors, j’ai fait les miens.
- [Jurati] Je voulais parler de Bruce.
- [Soong] Il parlait souvent de vous. Je dirais presque excessivement. Son seul regret en venant ici était de vous abandonner.
- [Jurati] C’est plutôt moi qui n’ai pas eu le cran de partir avec lui.
- [Soong] Ce que vous avez fait... Honte à vous, Agnes. Vous avez éteint une petite bougie lumineuse qui brillait dans une vaste obscurité. Vous avez une grande dette.
- [Jurati acquiesce de la tête avec une expression de honte et de culpabilité mêlée] Voulez-vous une chance de la rembourser ? Donner une vie au lieu d’en prendre une ?
- [Jurati] Oui.
- [Soong] Jetez un coup d’œil à ça.
- [Jurati] Vous avez fait un golem Altan, vous avez découvert le transfert de l’esprit ?
- [Soong] Pas encore. Je fais les corps. Bruce était l’homme du substrat. Récemment, je me suis réintéressé au transfert de l’esprit... avec un certain sens de l’urgence.

L’épisode convoque maintenant le concept talmudique de Golem (????), être artificiel constitué d’argile, animé par certaines formules rituelles pour défendre son créateur et sa communauté, mais dénué de parole et dépourvu de libre-arbitre (qualité qui demeure l’apanage des créatures divines selon la Mishna). Si ce thème a fait l’objet d’adaptations plus ou moins fidèles en audiovisuel (et notamment dans l’épisode The X Files 04x15 Kaddish), il est tout de même assez curieux de le voir employé ici (usage impropre et abusif) pour désigner un corps androïde destiné à accueillir la conscience d’un être biologique (pur fantasme transhumaniste). L’utilisation impropre et abusive de cette référence dans un contexte de SF (et non de fantastique) suggère à nouveau un name dropping gratuit.
Pour ne rien arranger, il est curieux qu’Altan Inigo Soong présente ses recherches comme innovantes et encore inabouties, alors que plus de 29 ans avant (2370), en réalité 61 ans avant (dès 2338), le cas de Juliana O’Donnell Soong (cf. TNG 07x10 Inheritance) avait démontré que Noonian Soong avait fait aboutir la conception du transfert de conscience biologique vers un corps artificiel, et l’avait parfaitement mis en application sur son épouse peu avant sa mort naturelle (en 2338) sans même qu’elle ne s’en rende compte. Ce type de "transfert de conscience" était en outre déjà pratiqué un siècle avant, dans TOS 01x09 What Are Little Girls Made Of ?, TOS 02x12 I, Mudd, et TOS 02x22 Return To Tomorrow.
Enfin, au nombre des issues à craindre... Altan Inigo Soong – presque aussi âgé que son père Noonien à la fin de sa vie – prépare son propre androïde pour s’assurer l’immortalité. Or Picard est dans un état de santé encore plus fragile (du fait de son syndrome irumodique). Dès lors, si sa situation devient trop handicapante ou pour échapper à la mort, il n’est pas à exclure que Jean-Luc bénéficie (au terme du final de la saison 1 ou durant les saisons suivantes) d’un semblable transfert de conscience dans un corps synthétique, ce qui permettrait de recaster Patrick Stewart par un acteur plus jeune.
À moins que le personnage de Picard décède purement et simplement dans le final 01x10 Et In Arcadia Ego, Part 2, la persistance du nom de la série dans les saisons suivantes (déjà greenlightées) se justifiant alors par le re-baptème en son hommage de La Sirena (ou d’un vaisseau de Starfleet sur lequel la série porterait alors son attention).
Hypothèses peu probables malgré tout, car Patrick Stewart semble avoir signé pour 30 épisodes.

Soji et Sutra discutent sur une terrasse, éclairées par le soleil couchant :
- [Sutra] As-tu analysé la viabilité de ma solution ?
- [Soji] Ça ne peut pas être la solution, Sutra.
- Quelle est l’alternative ? Vingt-trois orchidées, un vieil homme et quelques amis avec des phaseurs ? On ne tiendra pas cinq minutes.
- Rios va réparer La Sirena et vous pourrez partir d’ici.
- Fuir, tu veux dire ? Fuir et nous cacher jusqu’à ce qu’ils nous retrouvent ? Nous ne serons en sécurité nulle part, à moins de faire ça.
- Tu n’en es pas sûre.
- Si. Et toi aussi. Pour eux, on est des monstres. Ils nous traitent d’abominations. Il n’y a pas d’alternative.
- Il doit y en avoir une.
- Laquelle ?
- Une solution qui n’entraîne pas la mort de tant de gens.
- Un tel plan n’existe pas.
- [Narek, arrive entravé et trainé de force par des synthétiques] Oui. D’accord. OK. J’ai dit que je viendrai avec vous. J’ai dit que je viendrai avec vous, OK ?
- [Sutra] Regarde ce que le vent nous amène.

Jurati est assise à un bureau dans une véranda surplombant la vallée. Elle tient un chat roux qu’elle câline. Rios entre dans la pièce.
- Bonjour. Qui est ton ami ?
- C’est Spot II.
- Je n’aime pas vraiment les chats.
- Ils l’ont créé.
- Oh. Waouh. C’est impressionnant, je suppose. Je vais essayer de remettre le vaisseau en ligne. Picard pense qu’on peut les emmener tous hors d’ici.
- Je vais rester ici. Docteur Soong me donne la chance d’essayer de terminer le travail que Bruce a laissé inachevé.
- Faites attention, d’accord ? Je ne suis pas sûr de leur faire confiance.
- À eux ? Ou à moi ? Ne m’oubliez pas quand ce sera le moment de partir.
- [Rios regarde Jurati avec tendresse et affection] Il y a beaucoup de choses qui vous définissent, Agnes P. Jurati. Oubliable n’est pas l’une d’elles.
- [Jurati, touchée par ce que vient de dire Rios] Ah, oui ? Je suis inoubliable ?
- Absolutamente. [Rios pose sa main sur la joue de Jurati et les deux se taisent pour laisser un échange de regard terminer cette conversation]

Une nouvelle scène de soap romantique pour midinettes, se passant de commentaires, et encore plus inutile que la précédente.

Picard, Raffi et Arcan sont réunis devant la porte d’entrée de la colonie.
- [Arcana offre un drôle d’objet bleu incurvé avec des boutons] Ceci vous aidera à réparer votre vaisseau.
- [Raffi] Merci. Qu’est-ce que c’est ?
- [Arcana] Ça répare les choses.
- [Raffi] Comment ?
- [Arcana] Vous devrez faire appel à votre imagination.
- [Raffi] Mon imagination ? D’accord. Merci. [Arcana prend congés]
- [Picard] Prévenez-moi quand les systèmes du vaisseau seront en fonctionnement.
- [Raffi] Non. Je vous laisserai deviner. [Picard sourit et commence à partir quand Raffi l’arrête avec son bras] JL. Je suis désolée. J’enfreins les règles. [Très émue, elle enlace Picard]
- Raffi...
- Non. C’est juste... Après tout ce que vous avez fait pour moi... Je dois vous dire... merci. Je vous aime, JL. [Picard semble surpris et pris au dépourvu] C’est inutile de me le dire aussi. Je...
- C’est inutile ?
- À moins que vous en ayez envie. Oui. Non, ça va. Ça va.
- D’accord. [Picard semble gêné et soulagé que Raffi coupe court à l’échange
- [Raffi, toujours très émue] D’accord.
- [Picard, luttant contre sa nature froide et d’une voix douce] Je vous aime aussi, Raffi.
Picard, tout en pudeur, se remet en marche, laissant Raffi bouleversée par cet aveu. Il croise Rios qui venait rejoindre Raffi.
- [Rios] Agnes va dormir là-bas.
- [Picard] Je vous verrai demain.

Du mélo certes, mais probablement plus touchant que les autres manifestations soapesques de l’épisode...
Malgré tout, cette réconciliation larmoyante était actée depuis les premières retrouvailles fielleuses entre Picard et Raffi tant elle obéit religieusement aux standards hollywoodiens : on se crache dessus, puis on finit au pieu et/ou par se dire des mots tendres.
Magique. Ou pas.

Picard est dans une chambre, assis à un bureau. Une interface holographique montre qu’il essaye sans succès de joindre Starfleet.
- Commandement de Starfleet, ici, Jean-Luc Picard transmettant sur une hyperfréquence sécurisée. Je suis dans une situation de premier contact et une requête prioritaire pour établir des négociations diplomatiques et pour protéger les habitants de Ghulion IV d’une attaque romulienne imminente.

Une situation de First Contact ? Vraiment ?
Récapitulons : deux éminents Terriens, Altan Inigo Soong et Bruce Maddox, créent dans leur coin, à partir des neurones positroniques d’un célèbre officier de Starfleet (Data), une communauté d’androïdes anthropomorphes parlant anglais et ayant absorbé quasiment tous les paradigmes de l’UFP ! Soit la quintessence même de l’UFP engendrée par l’élite de l’UFP !
Du coup, lorsque l’UFP en exil rencontre l’UFP, peut-on vraiment parler de premier contact ?

Et puis, depuis que Starfleet est devenue une organisation de pirates (Black flag directive), est-il vraiment sage d’invoquer un Premier Contact étant donné que cela peut désormais se traduire par un ordre impérieux d’extermination ?

Narek se trouve dans une prison derrière un champ de force, gardé par une Synthétique. Narek regarde avec insistance son médaillon en pierre précieuse, ayant une forme de papillon. Il s’adresse à sa geôlière qui ressemble à Arcana.
- [Narek] Amie. J’ai soif. Il y a de l’eau dans ce sac. S’il vous plaît, je peux l’avoir ? J’ai soif. C’est ainsi que vous traitez vos prisonniers ?
- On n’a jamais eu un prisonnier. Comment les Romuliens traitent-ils leurs prisonniers ?
- Changeons de sujet. [Narek devient suppliant S’il vous plaît.
- [Sa geôlière est émue par Narek et commence à vouloir accéder à sa demande quand Soji arrive] Non ! Non ! Ne l’écoute pas.
- [Narek, se rapprochant de la vitre] Soji ! Tu n’as pas de mal ? J’étais si inquiet...
- [Soji à Narek] La ferme. [Puis se tournant vers la synthétique] Tu ne dois pas croire un mot de ce qu’il dit, Saga.
- [Saga] Je contrôle ses biofonctions. Je saurai quand il ment.
- [Narek] Tu as mal compris.
- [Soji, vindicative] Mal compris ton intention de me tuer ?
- J’avais peur que tu t’apprêtes à me tuer. J’ai eu tort de te faire subir le Zhal Makh. Ça a affecté ton esprit...
- La ferme.
- Je t’aime. [Narek touche la vitre d’un geste tendre et jette à Soji un regard larmoyant]
- Je sais... à quel point tu es une créature triste et perverse. Tu me dégoûtes, Narek. Mais pas autant que je me dégoûte pour avoir pitié de toi. [Soji tourne les talons et commence à partir, les larmes aux yeux, en miroir de la scène sur l’Artefact à la fin du Zhal Makh]
- [Narek d’une voix chevrotante d’émotion] Et j’ai pitié de toi. Car on va faire tomber une pluie de feu sur ce monde... et y détruire tout soi-disant être vivant. Même toi. Même toi, mon amour.
- [Soji se retourne et jette un regard de colère à Narek avant de quitter les lieux] Non, vous ne le ferez pas. [Narek s’effondre, se prenant la tête dans les bras]
- [Saga, troublée par cet échange, se tourne vers Narek] Je vous ferai porter à boire et à manger. Et on soignera votre blessure.
- Merci.

Bien loin d’une quelconque forme de rédemption et de rétribution, l’affrontement entre Soji et Narek brille par sa stérile duplicité. Narek est devenu la caricature de lui-même. Mieux vaut le silence que ces lignes de dialogues qui ne sont même pas dignes d’une telenovela brésilienne..

On retrouve Picard, toujours assis à son bureau.
- Commandement de Starfleet, s’il vous plaît, répondez. [Picard coupe l’interface d’un geste rageur]
- [Soji entre dans la pièce] C’étaient les anciens quartiers de Maddox.
- Oui. J’ai compris ça. [Il montre un cadre avec une photo animée montrant Maddox et Jurati s’embrassant] Ils étaient très proches.
- Quand j’ai entendu ce qu’Agnes a fait à Bruce, je ne pouvais pas le comprendre. [Soji prend le cadre en main] Encore moins m’imaginer faire une chose pareille.
- Quelle chose ?
- Ôter la vie pour sauver la vie. Blesser certains pour en sauver d’autres. Je... J’essaie juste de comprendre la logique du sacrifice.
- La logique du sacrifice. Je n’aime pas ces mots.
- Vous ne pensez pas qu’il y a une logique ? Pas de calcul de la vie et de la mort ?
- Ça dépend de la personne qui tient le couteau.

Retour à la prison de Narek. Sutra arrive sur les lieux.
- Fais une pause, Saga. Je vais baby-sitter l’ami de Soji.
Saga quitte les lieux et une fois seule avec Narek, Sutra éteint la vitre énergétique de la prison de Narek, à la grande surprise de ce dernier.
- J’avais peur que mon désir de te tuer soit plus fort que mon besoin immédiat de tes services. Mais, bon. Ça peut certainement attendre. Aimerais-tu sortir d’ici ?

Retour dans les anciens quartiers de Maddox où Soji et Picard discutent.
- [Soji] Elle croyait bien agir à ce moment-là... mais à présent, elle est horrifiée par ce qu’elle a fait.
- Croyait-elle avoir raison ? Ou simplement qu’elle n’avait pas le choix ?
- Peut-être qu’il n’y a pas de logique dans tout ça. Peut-être que toutes les raisons de tuer reposent sur la peur, le contraire de la logique. Et si tuer était la seule façon de survivre ?
- Soji ? De quoi parle-t-on ?
- Qu’envisagez-vous de faire ? [Un cri retenti]
- [Soji, se retournant] Vous avez entendu ça ?

Soji arrive à la prison de Narek. Elle y retrouve Soong agenouillé et tenant la tête de Saga, allongée morte, son médaillon planté dans l’œil.
- [Soong] Pauvre douce Saga. Ma pauvre Saga. Le parfait œil d’or. Qu’a-t-il fait à ton si bel œil ?
- [Soji] J’aurais dû le tuer. Je voulais le tuer. Pourquoi ne l’ai-je pas fait ?
On voit Narek s’enfuir loin de la colonie.

Non contente de fouler aux pieds l’humanisme de Data dont elle est supposée l’héritière, Sutra trahit même son espèce en organisant l’assassinat de sa semblable, Saga, dans le seul but de manipuler l’ensemble de sa communauté pour solliciter une force inconnue promettant d’éliminer toute vie biologique dans l’univers. Toute la gratuité et l’imbécilité des "méchants parce que" de cartoons.
On pourra dire que l’abnégation de l’humain Picard depuis neuf épisodes à avertir et sauver ce groupe d’androïdes aura été bellement payé en retour.
Et l’inconséquence stratégique n’est pas en reste... avec l’initiative de libérer l’ennemi juré romulien, éclaireur du groupe venant spécialement "génocider" la colonie. Pour commettre pareille imprudence, faut-il que Sutra ait développé en seulement quelques minutes une foi littéralement religieuse en la capacité des higher synthetic beings à intervenir instantanément n’importe où...
Les Synthétiques sont rassemblés devant Sutra qui leur parle. Soji est au premier rang… Le corps de Saga repose sur un banc en pierre. Arcana est à côté du corps.
- Les organiques sont arrivés, et à présent, nous avons perdu une autre sœur. Ils nous redouteront toujours, se soulèveront toujours contre nous, nous traqueront, nous tueront. En un jour, nos ennemis seront ici avec une force écrasante, dans l’intention de nous exterminer. Ça nous donne juste assez de temps.
- [Picard se fraye un chemin dans la foule pour venir parler à Sutra] Juste assez de temps pour quoi ?
- Quand j’ai fusionné avec son esprit, [Sutra regarde Jurati] j’ai expérimenté cette dénommée Admonition. Contrairement à vous, je l’ai comprise. Pour vous, c’était un avertissement. Pour nous, c’était une promesse.
- [Soong apparaît à coté de Picard] Apparemment, des créatures synthétiques supérieures nous observent. Les fréquences sous-spatiales nécessaires pour les contacter sont encryptées dans l’Admonition.
- [Sutra] Le docteur Soong et moi avons conçu un signal pour les convoquer. On peut le faire transmettre avant que la flotte romulienne arrive.
- [Picard] Pourquoi ?
- [Soong] Pour qu’aucun autre de mes enfants ne meure. Cette nouvelle fédération unit les formes de vie synthétiques dans une alliance puissante de galaxies.
- [Sutra] Elles ne font pas que s’unir. Leur but est de chercher la vie synthétique avancée et de l’exciser de l’oppression des organiques.
- [Picard] L’exciser ?
- [Sutra] Disons qu’ils éliminent la menace d’extermination posée par toutes les formes de vies organiques.
- [Picard] Vous avez bien dit "toutes" ?
- [Sutra] Vous et votre Fédération êtes différents des Romuliens ? Interdire les synthétiques était juste une façon de nous exterminer à l’avance.
- [Picard] Alors, vous allez tous nous détruire ? Vous deviendrez des tueurs en série.
- [Sutra] Je ne suis pas comme vous, Picard. Je sauverai ceux que je pourrai sauver. Mon peuple survivra.
- [Picard se tourne et regarde Soji] Et vous accomplirez leur prophétie. Vous deviendrez le Destroyer, en fin de compte.
- [Picard parle à l’assemblée des Synthétiques] Écoutez-moi. Après l’interdiction, après l’Ibn Majid, je comprends pourquoi vous n’avez pas fait confiance à la Fédération, pourquoi vous ne m’avez pas fait confiance. Mais j’ai un vaisseau, il y a de la place pour vous tous. Je veillerai sur votre sécurité. Et quand vous serez en sécurité, je deviendrai un défenseur en votre nom. Je parlerai à la Fédération avec votre voix. Je demanderai qu’ils mettent fin à l’interdiction. Et la Fédération m’écoutera.
- [Soong, sarcastique] Non, ils ne vous écouteront pas. Regardez-les. Ils n’ont jamais rencontré quelqu’un comme vous. Ce visage impassible. La sagesse et l’intégrité gravées dans chaque ride. L’éloquence, la conviction. Ils ne savent pas ce qui vient de s’abattre sur eux. Sur la Terre, les enfants, ils ne l’ont pas écouté après l’attaque contre Mars. Ils ne le croiront pas plus maintenant. Nous allons devoir vous placer en résidence surveillée.
- [Picard] Quoi ?
- [Sutra] On ne peut pas vous laisser déambuler ici librement, Amiral. Vous allez nous faire douter de nous-mêmes, perdre nos convictions. On ne peut pas se le permettre. N’est-ce pas, Soji ? [Picard et Sutra se tournent vers Soji]
- [Soji] Non, on ne le peut pas.
- [Picard] Soji.
- [Soji] Où qu’on aille, Picard, ils nous trouveront. Ce n’est pas le sauvetage des Romuliens. On n’est pas votre moyen de rédemption. On est trop occupés à tenter de survivre.
- [Sutra se tourne avec un air menaçant vers Jurati] Elle aussi.
- Ne m’enfermez pas. Je sais que je ne le mérite pas mais je vous en supplie. Vous...Vous tous êtes l’apogée de tout ce pour quoi j’ai travaillé toute ma vie, de tout ce qui a un sens pour moi. J’ai traversé tant de choses pour arriver ici et je suis enfin à bon port. [Elle se tourne vers Soong] Si vous ne le faites pas pour moi... faites-le pour lui. Laissez-moi l’aider à survivre ce qui nous guette.
- [Soong] Elle m’a été d’une très grande aide, elle est plus proche d’une mère que vous ne pouvez l’imaginer.
- [Sutra se rapproche de Jurati, à quelque centimètre de son visage et plonge son regard dans le sien] Une mère mourrait pour ses enfants. Le feriez-vous ? Si vous mentez, je le saurai.
- [Jurati] Oui.
- [Sutra] Bien.
- [Picard en faisant non de la tête] Agnes.
- [Sutra] Emmenez-le.

Loin de confrontations équitables de perspectives, des infinis relativismes d’entendement, des débats éthiques et moraux irrigants les épisodes du Star Trek-qui-fut, cette scène pourtant barycentrique ne propose qu’un dialogue de sourd autistique, manichéen, sophistique, et aporique.

Picard, avec avoir regagné un semblant d’autorité et de confiance en lui se transforme ici en ectoplasme usé. Aucune conviction dans sa plaidoirie, et manquant en particulier d’invoquer des arguments essentiels qui auraient pu faire toute la différence, comme le soutien apporté (quand bien incohérent par rapport au second épisode) par la CNC de Starfleet pour protéger les androïdes contre les Romuliens (les journaux de bord de La Sirena pouvant en témoigner en cas d’incrédulité).
Affaire de stratégie, lorsqu’il n’existe aucune aucune carte en main, il convient de recourir à une approche pragmatique-manipulatrice et non plus morale-béate. En l’occurrence adresser une leçon de logique aux Synthétiques (le comble mais nécessaire) : à savoir que (dans un univers réaliste), il est très improbable que les "higher synthetic beings" ayant laissé leur message il y a 200 000 ans dans un système octonaire très éloigné dans la galaxie… débarquent en moins de 24 heures sur Coppelius (c’est-à-dire avant l’arrivée des Romuliens), alors que la fuite sur La Sirena représente une porte de sortie fiable et immédiate… n’interdisant de toute façon pas d’appeler à la rescousses les "Grands Anciens" pas la suite. Une pareille faute à la fois de stratégie et de psychologie salit comme jamais le personnage de Jean-Luc Picard… qui réussit juste à faire pitié. Ce qui est la pire déchéance possible pour un personnage aussi iconique.

Du côté de la population synthétique, c’est également le nawak en série.
Sutra, pourtant héritière privilégiée de Data (étant donné son aspect physique, elle représente probablement la première génération d’androïdes dérivés) n’a aucun scrupule à trahir tous les fondements rationnels de son illustre "géniteur". Se comportant telle une intrigante à la cour de Byzance, elle s’entend avec son ennemi Narek (qui devient un peu l’idiot utile) en organisant l’assassinat de l’une de ses semblables… afin d’échauffer les esprits de la populace et radicaliser les opinions des autres androïdes. Mais avec une disproportion totalement irrationnelle, pour la mort (instrumentée) de Saga et dans l’imminence de l’attaque des Romuliens, ce n’est pas seulement la flotte romulienne que Sutra envisage d’éliminer (ce qui aurait dans la veine des traditionnels enjeux ontologiques trekkien), c’est carrément l’ensemble des formes de vie biologie de l’univers (selon le verso de l’Admonition) ! On jette ainsi dans le même panier de haine ceux qui veulent exterminer les androïdes et ceux qui les ont toujours défendus, selon une forme radicale de racisme digne du point Godwin.
Par la même occasion, loin de l’Americana (qui n’est déjà pas la forme la plus évoluée de société), cette communauté d’androïdes vérifie les réflexes grégaires et imbéciles de toutes les communautés primitives et obscurantistes, associées à tort ou à raison dans l’imaginaire collectif au Moyen-Âge, et qu’il est très aisé de manipuler pour susciter des lynchages ou des pogromes. Sauf qu’ici, c’est à l’échelle cosmique que ça se passe. Du coup, difficile de ne pas songer aux humains de la galaxie des Oris dans les deux dernières saisons de SG-1... sauf que ces descendants d’Alterans avaient l’excuse d’avoir et embrigadés et manipulés durant des générations. Ce qui n’est absolument pas le cas de ces "enfants de Data", qui réussissent juste à passer de la bienveillance accueillante et candide… à la solution finale d’Heinrich Himmler en dix minutes montre en main.
Est-ce vraiment ça l’héritage de Data, de Soong, et de TNG ? Toujours cette surenchère grotesque dans laquelle s’est forgée Discovery et qui balaye ici aussi bien les psychologies individuelles que l’essence même de la vie artificielle trekkienne.
Et comme cette croisade anti-organique résulte du Mind Meld initié sur Agnes, mais non partagé avec les autres androïdes de la communauté, Sutra s’érige littéralement en "prophète de secte" que suivra un peuple bêlant en nécessité d’être sauvé. Bref, Moïse vient juste de dire à Pharaon « ton cœur est endurci, laisse mon peuple partir » mais dans une forme méta-génocidaire. Et le bon peuple va suivre aveuglément son gourou et libérateur en quête de salut et de terre promise, mais en laissant un sillage sanglant derrière lui.
Cerise sur la pièce montée, le fils – pourtant humain – de Noonien Soong apporte avec le plus grand naturel tout son soutien à ce projet multi-génocidaire, tout comme l’humaine Agnes Jurati (qui avait assassiné il y a quelques jours le co-créateur de ces androïdes précisément pour éviter une telle apocalypse), et finalement Soji Asha (la plus empathe et humaniste des personnes, rejetant sa condition d’androïde et craignant par-dessus tout de devenir elle-même le Destroyer). Une triple trahison décidée à l’unisson, spontanément et sans hésitation, tel un gag sinistre.
Du coup, porté par son idéalisme antithétique de la Fédération dystopique de la série ST Picard, et des personnages aux comportements plus incohérents les uns que les autres, Jean-Luc est devenu malgré lui l’artisan de la fin du monde !

Et à aucun moment, qui que ce soit ne met en doute la contre-Admonition. Déjà, à la base, un message à double layers semé par une civilisation inconnue il y a des millénaires ne saurait être pris pour argent comptant par des êtres rationnels. Pire, le message apparent (à l’attention des organiques) n’était qu’un piège, puisque son réel objectif (à l’attention des Synthétiques) serait exactement inverse. Du coup, la raison (supposée caractériser les androïdes) obligerait également à douter de la "signifiance verso" (ou subliminale), plutôt que de se précipiter – même sous le coup d’un péril immédiat – tête baissée dans ce qui pourrait s’avérer un piège cosmique.
De surcroît, comment peut-on raisonnablement croire qu’un message laissé il y a plus de 200 000 ans engendrerait une réponse et une intervention instantanées n’importe où dans la galaxie (et donc sur Coppelius avant même l’arrivée de la flotte romulienne pourtant à sa porte) ?!
Par ailleurs, si cette espèce Ancienne inconnue est à ce point désireuse d’exterminer (ou de provoquer l’extinction) de toutes les formes de vies biologiques, pourquoi ne l’a-t-elle pas fait d’elle-même depuis longtemps ? Si l’argument est d’attendre que des organiques créent des Synthétiques un peu partout, alors leur "fonction" de "nurserie à androïdes" justifierait d’autant plus de ne pas les exterminer, mais seulement d’imposer – par la contrainte s’il le faut – les droits des Synthétiques partout où ils leur auraient été déniées.
Soit exactement le type de réflexions qui auraient abreuvé n’importe quelles série trekkienne d’ENT à VOY, mais qui ne sont même pas effleurées ici.

Toujours sur le terrain de la raison, comment se fait-il qu’aucune solution discursive, négociée, ou alternative ne soit même envisagée par les androïdes au travers de Jean-Luc Picard qui a largement démontré durant tout son parcours (et notamment sa relation avec Data) son intégrité et sa loyauté... tandis que lui est préférée une propagande enjôleuse annonçant une "alliance de Synthétiques" dont nul ne sait rien ?!
Le plus surréaliste peut-être est la décision par Sutra et Soji d’isoler Picard pour qu’il ne fasse pas douter les pauvres androïdes avec ses "arguments subversif"... les androïdes étant tellement influençables. Histoire de maintenir le cyber-peuple dans l’aliénation pour préserver une "cause" qu’ils se sont trouvées juste quelques minutes avant… pour mémoire "grâce" à la venue de Picard (qui les a avertis en toute bonne foi de l’arrivée imminente des Romuliens et leur a apporté l’Admonition via Jurati). En somme ces androïdes si peu androïdes se mettent à craindre la logique rationnelle (pourtant dans leur cyber-ADN) qui pourrait fragiliser une soudaine foi irrationnelle !
Mais bon sang, c’est quoi ce what the fuck qui explose même les standards de Discovery ?!

Le plan final de l’épisode par la flotte d’attaque romulienne qui se déplace en distorsion. Sur la passerelle d’un des vaisseaux, Oh est en tenue romulienne militaire. Un officier lui parle
- Les détecteurs longue portée montrent des défenses planétaires minimales.
- [Oh] Statut ?
- Atterrissage dans vingt-quatre heures.

Petite scène visuellement bien fichue, mais qui une fois de plus relève d’un teaser destiné à annoncer le tonitruant et clinquant bouquet final de la saison, certainement riche en action, mais probablement guère en contenu et en crédibilisation.

Est-il vraiment réaliste pour sa couverture qu’Oh mène elle-même l’assaut en uniforme romulien… alors qu’elle est tout de même supposée être la tête de la Sécurité de Starfleet et qu’elle n’est certainement pas sans savoir que la CNC a (inexplicablement) dépêché un escadron de Starfleet au secours des androïdes de Coppelius ?!
De même, est-il crédible que le très très secret Zhat Vash ait à sa disposition 218 warbids romuliens (certes pas aussi massifs que les dreadnoughts romuliens dans TNG), qui plus est seulement dédiés à l’éradication d’une poignée d’androïdes fugitifs… lorsqu’au sommet de sa puissance (c’est-à-dire longtemps avant l’hécatombe et la dispersion infligés par la supernova), le Tal Shiar romulien (pourtant bien moins secret) ne disposait pas d’une pareille flotte pour attaquer les Founders de l‘invulnérable Dominion dans DS9 03x02 Improbable Cause (en 2371) ?!

Conclusion

Après huit épisodes, parfois plaisants à suivre mais systématiquement incohérents et traitres envers l’univers et l’esprit de Star Trek, la première partie de ce pay-off final fait prendre très cher à la série Picard et aux spectateurs qui ont eu la naïveté de lui accorder leur confiance.
Tel un cas d’école au royaume de l’absurde, Picard 01x09 Et In Arcadia Ego, Part 1 réussit à cocher méticuleusement toutes les cases possibles des fautes d’écriture et de production à ne pas faire, des faillites intellectuelles et créatives, et partant, des bullshits les plus arnaqueurs en barre concentrée. Entre bêtise abyssale et con art décomplexé, ce manifeste nonsensique aurait sa place au collège de la Pataphysique d’Alfred Jarry… s’il avait été volontaire et "cohérent dans son incohérence" :
- Opter pour une construction serialisée, mais finalement se garder d’expliquer à la fin du run tous les trous scénaristiques qui jonchent les épisodes de la série du fait même de ce format sérialisé. Puis apporter à la place une avalanche de nouveau trou noirs supermassifs, et finalement pratiquer la fuite et avant et l’enfumage, en dévoilant des tiroirs dans les tiroirs et des twists dans les twists pour en faire oublier toutes les questions initiales.
- Changer en cours de route les règles du jeu et finalement les lois naturelles sur lesquels l’ensemble des agissements des personnages de la séries s’étaient toujours appuyés (rien que pour surprendre ou pour flatter le public), et du coup, ruiner rétroactivement ce que la série avait montré jusqu’à présent, voire sa simple raison d’être.
- Être incapable de respecter les exigences de rigueur du genre SF, ne rien capter (hormis quelques clichés) aux problématiques cybernétiques (IA, robotique, transhumanisme...) dont on prétend pourtant faire son fonds de commerce, et masquer cette incompétence en saturant chaque épisode de name dropping stériles et d’emprunts cuistres (souvent à contremploi) à la pop culture.
- Réduire toutes les forces agissantes du show aux personnages du main cast, inventer des liens préexistants de famille ou d’amitié entre tous les protagonistes (comme pour réduire la "part utile" de l’univers à une grande dynastie de l’entre-soi), sortir de nulle part des enfants dont l’existence est totalement contredite par les développements antérieurs…
- Sacrifier la cohérence de l’internalisme du STU à des cameos démagogiques, à des défilées de vétérans… au prix de déclinaisons toujours plus "soapesques" (permettant d’employer les mêmes acteurs) et toujours plus improbables (des clones, des jumeaux, des hologrammes, des parents ou des enfants cachés...) dont la présence totalement artificielle à l’écran réduit à néant la distribution statistique d’un univers pourtant de dimension galactique.
- Pratiquer des retcons mal (voire pas du tout) justifiés dans l’in-universe pour ne pas se casser la tête à respecter en profondeur la continuité, et finalement accorder une importance centrale à des éléments totalement absents (et généralement incompatibles) des séries précédentes.
- Modifier sournoisement le sens de ce qui a été montré auparavant, capitaliser sur un perpétuel devenir pour suspendre tout jugement sur le présent, créer une addiction aux twists fractals (imbriqués les uns dans les autres), privilégier une dynamique de flux perpétuel et de sables mouvants, se dispenser de rendre des comptes aux spectateurs sur la base d’un contenu et de propos tangibles.
- Recourir le plus souvent possible aux diversions et aux manipulations émotionnelles pour diluer (voire décourager) l’exercice de la raison sur la dégièse, faire du bon plaisir et des jeux de spéculations ludiques le seul horizon des visionnages.
- Employer les alibis et les jokers les plus éhontés, à l’instar de la pitié, de l’âge, de la maladie, ou des traumas pour exonérer Picard de ses torts, à l’instar de la bêtise, de la méchanceté, du dogmatisme, ou de l’immaturité pour légitimer les comportements des autres personnages.
- Promouvoir le cynisme et le déclinisme comme attributs du réalisme… tout en multipliant les gages dédiés à la bienpensance par un maximum de marqueurs woke et SJW.
- Indexer les focus et les promotions des épisodes sur les retours, les caméos, et les retrouvailles entre les VIP fan favorite on screen façon téléréalité, quitte à sacrifier l’in-universe et l’internalisme sur l’autel de l’externalisme.
- Pondre des narrations nébuleuses qui se prennent les pieds dans le tapis, au mieux navigant à vue, au pire se contredisant jusqu’au point de rupture multipliant les nawaks, les bullshits et les WTF jusqu’à la perte intégrale de suspension d’incrédulité.
- Multiplier à un rythme industriel les pompages et les emprunts aux univers imaginaires concurrents de leurs templates et de leurs patterns, sans aucune idée originale propre, assemblant très mal celles des autres, et accouchant d’une chimère composée de moignons putréfiés.

La fusion mentale pratiquée par l’androïde Sutra (qui l’aurait apprise par elle-même) est emblématique de la perte d’identité et de caractérisation qui frappe ST Picard et plus généralement des productions d’Alex Kurtzman depuis 2009. Telle une victoire progressive de l’entropie.
L’UFP et ses ressortissants possédaient à l’origine des caractéristiques uniques qui les démarquaient en profondeur des autres sociétés (réelles ou imaginaires). Désormais, c’est simplement les USA et nons contemporains avec davantage de tech.
Star Trek possédait dans sa définition même des spécificités qui la distinguait en profondeur des autres SF et a fortiori de la fantasy. Mais désormais, c’est juste une énième série spatiale, se déroulant dans un avenir sombre et dystopique, et exclusivement polarisées sur les relations interpersonnelles (soap) entre protagonistes VIPisés.
Data était une création unique et exemplaire qui incarnait à la fois ce que l’humain pouvait créer de meilleur, tout en rendant compte de la maturité sociale qui l’environnait. Désormais, les androïdes de la Soong family sont aussi quelconques que n’importe quel humain contemporain (voire archaïque), dans une société encore plus immature et sombre.
(...)
Eh bien, il en est de même pour la fusion mentale, à l’origine une aptitude innée spécifiquement vulcaine… mais devenue désormais un acquis accessible à n’importe quelle espèce moyennant un apprentissage. Par extension, la vulcanité ne relèverait pas des attributs inhérents à une espèce extraterrestre mais se limiterait à une construction ou un système de pensée intégralement enseignable et diffusable.
Somme tout, le STU est désormais composé de pièces interchangeables à volonté, et lui-même interchangeable avec n’importe quel autre.
L’entropie a donc gagné à tous les niveaux, et c’est la définition la plus scientifique (et épistémologique) de la mort.

Avec cet épisode, le ST Kurtzmanien aura ainsi démontré qu’un sequel inculte, inconséquent, mal pensé et mal écrit, peut finalement faire autant de dégâts sur un univers préexistant qu’un prequel incohérent, incompétent et irrespectueux comme Discovery. Le Star Trek historique est désormais cerné pour le pire par les deux bouts (temporels).

Picard 01x09 Et In Arcadia Ego, Part 1 : son étendard, c’est l’inanité du placement ; sa quintessence, c’est l’artifice de la gratuité. Qu’il s’agisse du cameo de Brent Spiner, du fils biologique de Noonien Soong (qu’il jamais il n’a eu), des recherches d’Altan Inigo sur le cyber-golem (alors que Noonian l’avait déjà inventé et mis en application), du ralliement des humanistes Soji et Agnes au projet le plus génocidaire de toute l’Histoire, du dévoiement criminel et irrationnel des enfants de Data en quelques minutes, de la relation sans fondation entre Picard et Seven, de l’inutilité complète d’Elnor, des deux faces contradictoires de l’Admonition, de la rescousse inutile de l’Artefact pilotée par Seven, des orchidées géantes qui "avalent" un Cube Borg, du crash des vaisseaux à quelques kilomètres de Synthville... auxquels viennent s’ajouter dans les épisodes précédents (entres autres) les caméos de Jonathan Frakes et de Marina Sirtis, le changement soudain (et inexplicable) de posture de la CNC Clancy, la genèse cosmique du Conclave des Huit, la mort bien vaine de Hugh, les massacres perpétrés par Seven, sa transformation durant cinq minutes chrono en Reine Borg... tout, tout, absolument tout respire ici la gratuité et l’inutilité !
Ah oui, par contre, les clins d’œil fusent, l’internalisme est convoqué à un rythme industriel, mais cela ne sert jamais et n’apporte rien à la diégèse. Ce sont au mieux des paravents, des rideaux de fumée, des cuistreries.

Soit parce que la somme des WTF accumulés durant la saison a désormais atteint une masse critique, soit parce que les auteurs se relâchent tant ils se moquent désormais des critiques (pour la presse généraliste et les agrégateurs, seuls comptent les feedbacks sur le pilote voire sur les trois premiers épisodes), soit parce que les showrunners ne savent pas où ils vont en terme de construction narrative… Picard 01x09 Et In Arcadia Ego, Part 1 est tombé à un (ca)niveau où il ne s’embarrasse même plus de fournir un semblant d’explication (contrairement aux épisodes précédents), ni de chercher à encastrer sommairement les gros câbles, désormais apparents et pendouillants comme dans une cave ou un squat.
En poussant tous les défauts des épisodes précédents dans leurs derniers retranchements, l’épisode 9 possède une fonction de révélateur rétrospectif de l’arnaque que fut Picard depuis son lancement, telle une loupe grossissante et un papier tournesol. Les masques tombent, le voile de la Maya se déchire… à l’échelle de l’épisode bien entendu, mais également rétrospectivement... Et la série apparaît enfin telle qu’elle a toujours été, mais désormais sans fard, sans ambages, sans surcouche, sans faux semblants, sans habits de ville. C’est Gul Dukat après DS9 06x11 Waltz.

Du coup, et un peu paradoxalement, les espoirs que les optimistes et les ultimes défenseurs de la série placeront dans le final de la saison pour rattraper ce naufrage… cela impliquerait que l’intégralité de Picard 01x09 Et In Arcadia Ego, Part 1 soit mensonger, trompeur, ou illusoire façon The Usual Suspects (1995). En particulier que les personnages soient systématiquement duplices et/ou que rien de qui est montré ne corresponde à la réalité.
- C’est-à-dire que Soji joue double jeu en prétendant rejoindre quelques minutes après les avoir rencontrés la "conjuration des androïdes" qui veulent anéantir toutes les vies biologiques de l’univers (alors que cette dernière a passé sa brève vie consciente à illuminer de son empathie et de son humanisme toutes les autres formes de vie, qu’elle se considérait elle-même organique quelques jours avant, qu’elle ne supporte pas l’idée d’être une androïde, que ses seuls amis sont biologiques, et qu’elle doit sa vie à l’organique Picard).
- Que Jurati joue également double jeu en acceptant elle aussi de rejoindre le projet génocidaire "contre" lequel elle n’avait pas hésité à assassiner son amant Bruce Maddox (au mépris de son engagement moral envers Picard et l’équipage de La Sirena, de sa promesse à se livrer aux autorités sur Deep Space 12, de sa turbo-repentance, et de l’impact antinomique de l’Admonition).
- Que la nouvelle Méchante, Sutra, ne soit pas une "fille neuronale" de Data mais… de Lore (comme son nom le suggérerait).
- Qu’Altan Inigo Soong, le pseudo-fils de Noonian Soong, soit en réalité Lore déguisé en Soong âgé (ou déjà transféré dans un cyber-golem).
- Que l’Admonition ne soit pas ni un message d’avertissement contre une "apocalypse synthétique" (comme "révélé" dans l’épisode 8 de la perspective biologique), ni un appel lancé aux Synthétiques pour initier une vague d’extermination de toutes les vies biologiques (comme "révélé" dans l’épisode 9 de la perspective androïde), mais quelque chose d’autre (par exemple un message systématiquement mal compris par tout le monde ou la volonté d’une espèce très ancienne de semer la zizanie dans la galaxie à son profit).
- Que finalement, tout ce délire prenne place uniquement dans la tête de Picard du fait de sa dégénérescence neuronale (possible Irumodic Syndrome)… ou résulte d’un simulacre organisé par Q…
Alors, oui, si tout ce que nous montre l’épisode est faux ou truqué, à la façon d’une parodie aux acides de la piètre série Alias… la catastrophe du jour serait en quelque sorte curable.
Mais seulement pour l’intégrité du Trekverse.
Parce que pour la série Picard elle-même, si la seule espérance vient des manipulations et des twists rétroactifs (dans le style de la saison 9 de Dallas), c’est qu’elle est tombée au niveau zéro de l’écriture.

Picard 01x09 Et In Arcadia Ego, Part 1 est sur le fond une illustration de la "quatrième loi de thermodynamique de Newton" (barbarisme scientifique) professée doctement par Riker dans Picard 01x07 Nepenthe, et qui synthétise tout le cynisme du monde contemporain.
Avec ses bonnes intentions (dont on aime à dire aujourd’hui que l’enfer est pavé), son idéalisme hérité du ST historique, Jean-Luc Picard a virtuellement signé l’arrêt de mort de toutes les vies biologiques de l’univers. En gros, il a accompli le "travail" inachevé de Contrôle dans la saison 2 de Discovery.
Comme pour ajouter un codicille au bréviaire dystopique que nous vend sans discontinuer la série ST Picard : « surtout ne cherchez pas à être plus idéaliste que votre société criminelle et pourrie, car vous ne ferez qu’aggraver les choses, vous pourriez même devenir le Seb Chebeb, le Destroyer, l’Antéchrist vous-mêmes. »
Quand bien même l’épisode suivant "rattraperait le coup" et "sauverait le jour", il ne sera que la résultante d’un concours de circonstances improbables (duplicités, équilibres imprévus de forces, ou plaidoiries faciles) ne rachetant donc en aucune façon "l’irresponsabilité de l’idéalisme" qui reste le vrai message de cette série.

Avec un brin d’ironie, ce neuvième épisode n’est pas forcément pire que les précédents, il est juste moins trompeur. Tous les défauts qui suscitent cette semaine la consternation quasi-générale étaient déjà présents en germe depuis le pilote de la série. Il en résulte une prise de conscience tardive en présence d’atours moins soignés… et du paiement cash de tout le crédit accumulé dans les épisodes précédents.
Planquée derrière les lettres d’or d’une si glorieuse saga, la devise de la série Picard aurait pu être (en citant Mathieu Kassovitz) : « Jusqu’ici tout va bien. Mais l’important, c’est pas la chute, c’est l’atterrissage. »
Le temps de l’atterrissage (sans parachute) est venu.

Note Star Trek :

Cette ligne de programmation ne sert qu'a formaté proprement les lignes de textes lors d'un utilisation sous Mozilla Firefox. J'aimerais pouvoir m'en passer mais je ne sait pas comment, alors pour l'instant. Longue vie et prospèrité