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The Trouble with Edward
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Critique
Par Frank Mikanowski
Toujours lié à l’Enterprise période Pike, The Trouble with Edward nous propose de revenir sur l’origine de ces envahissants Tribules. Et avec ce mini épisode, l’équipe en charge de Star Trek nous propose à nouveau une explication à un des éléments marquants les plus connus de La Série Originale, c’est-à-dire la propension de ces petites boules de poils à se dupliquer frénétiquement.
Avait on vraiment besoin de le savoir ? Pourquoi l’explication doit être Fédération-centrée ? Si votre réponse est non à la première question et si vous répondez à la seconde que c’est l’absence d’imagination des scénaristes de l’équipe de Discovery, je pense qu’il y a toutes les chances que ce Short Treks vous sorte par les yeux comme la plupart des propositions de l’équipe Kurtzman.
Mon sentiment est que la face de Star Trek ne va pas s’en trouver changée. Cela ne remet nullement en cause, selon mes connaissances, la continuité de la Franchise. Et même si c’était le cas, Discovery ayant tellement fait pire, franchement, il est hors de question pour moi ici d’en faire un argument pour ne pas voir les qualités de cet épisode.
Il y a, à mon sens, deux façons de regarder The Trouble with Edward. On peut y voir une simple comédie très bien exécutée et somme toute assez jubilatoire. Au programme des comédiens très expressifs, de bons dialogues ainsi que des situations visuellement bien vues. Mais, on peut aussi y voir une réflexion sur la dictature des normes comportementales.
La Capitaine Lynne Lucero, pourtant brillante si on en croit l’introduction de l’épisode, est dans l’incapacité de voir au-delà de l’attitude du scientifique Edward Larkin. La notion d’intelligence n’est acceptée pour un individu que si celui-ci se conforme aux règles strictes de la vie en société. Or, c’est rarement le cas des génies, souvent des inadaptés sociaux.
A noter l’excellente prestation de Rosa Salazar, enfin en chair et en os après avoir joué numériquement dans Alita : Battle Angel et en animation dans l’excellente série Prime Video Undone.
The Trouble with Edward est donc à nouveau un épisode très sympathique à regarder et avec plus de fonds que le premier Short Treks de cette seconde saison. Pour l’instant du tout bon...

PS : Allez jusqu’au bout du générique de fin pour une dernière petite surprise

Cette ligne de programmation ne sert qu'a formaté proprement les lignes de textes lors d'un utilisation sous Mozilla Firefox. J'aimerais pouvoir m'en passer mais je ne sait pas comment, alors pour l'instant. Longue vie et prospèrité

Analyse
Par Yves Raducka

Sortis de l’imagination de David Gerrold en 1967, Star Trek et les Tribbles (Tribules en français ou Tribleustes ventricosus en latin), c’est une vieille et longue histoire… que des générations d’auteurs et de trekkers n’ont cessé de perpétuer. À tel point que ces petites créatures extraterrestres poilues devinrent l’un des symboles de la franchise, au carrefour de l’idéalisme trekkien (des êtres pacifiques) et du réalisme de sa SF (car vérifiant en tout point l’amoralité des lois biologiques), ouvrant des perspectives narratives à la fois humoristiques et tragiques, parfois décalées, mais jamais grotesques ou irréalistes. Il y eut d’abord TOS 02x13 The Trouble With Tribbles (par lequel le mythe est né), puis TAS 01x05 More Tribbles, More Troubles (léger et anecdotique), DS9 05x06 Trials And Tribble-ations (un exceptionnel opus méta), et finalement ENT 02x21 The Breach (un vrai prequel sans complaisance).

Il était donc prévisible que les reboots de 2009 puis de 2017 s’approprient cet incontournable pilier de la culture Trek. Mais cela se cantonnait jusqu’à lors à des placements iconiques, en l’occurrence quelques Tribules qui se rencontraient au coin d’une scène ou d’une réplique, entre le goodie et le clin d’œil, mais au prix d’un degré d’intégration à la chronologie pour le moins douteux. Dans ST 2009, un Tribble trônait aux côtés de Keenser dans le bestiaire privé du Scotty rebooté sur la Delta Vega vulcaine. DIS 01x01 The Vulcan Hello laissait entrevoir un bouquin nommé The Trouble With Tribbles, comme si l’épisode éponyme de TOS avait été écrit en intradiégétique avant d’être vécu. Dans DIS 01x03 Context Is For Kings, le capitaine Mirror-Lorca exhibait fièrement un spécimen poilu et ronronnant sur son bureau. Et dans DIS 02x01 Brother, Tilly employait un locution vernaculaire (« to cry like a baby tribble »), comme si les Tribules étaient déjà de notoriété publique au sein de l’humanité trekkienne avant leur découverte par l’équipage de Kirk…
Mais avec Short Treks 02x02 The Trouble With Edward, le Star Trek kurtzmanien franchit un Rubicon... dévoilant la double "ambition" de renouer avec l’humour inimitable de TOS et de "prequeliser" les Tribules, c’est-à-dire de lever le voile sur la secret backstory que tous les trekkers attendaient...
Attendaient ? Euh, en fait pas du tout... car en 2005, l’origine, le genèse, et l’histoire des Tribbles étaient déjà complètes et cohérentes. Tout comme celles des Vulcains, des Klingons, des Andorians, du Mirror Universe, etc.

Pour ce faire, le minisode déploie un mini-spin off à l’intérieur du spin off, en focalisant l’attention sur l’équipage du vaisseau scientifique USS Cabot, dont Lynne Lucero (une très jeune officière de l’USS Enterprise de Pike), prend le commandement durant la décennie 2260 (donc plusieurs années après le départ de l’USS Discovery pour le 32ème siècle). La mission de la gamine-promue-capitaine est de porter assistance à la civilisation affamée de Pragine 63, à la frontière de l’Empire klingon. Mais au sein de son nouvel équipage, elle se heurtera à l’ingénieur-expert en protéines, Edward Larkin, génial mais asocial (et déprécié par se collègues). Celui-ci tentera d’imposer son projet pour solutionner le problème planétaire d’inanition, à savoir modifier génétiquement les Tribules, une espèce inoffensive originaire de Geminorum IV, riche en viande comestible (apparentée à de l’escalope), mais ayant le défaut de se reproduire très très lentement (!!!).
Baptisant l’épisode de son prénom, Edward en sera bien entendu le comic relief, essentiellement par son décalage envers les bienséances sociales (il ose parler sans complexe d’exploitation industrielle et d’altération génétique des Tribbles à des fins carnassières), et aussi par sa rancune envers la nouvelle baby-capitaine (bien trop sensible pour greenlighter son projet). S’ensuivra une campagne de dénigrement anonyme contre Lucero auprès du commandement Starfleet… dont Edward sera bien entendu soupçonné, puis une éviction (mutation) de ce dernier à titre de sanction (mais sans preuve aucune), et finalement des représailles de sa part lorsque l’indomptable Larkin désobéira aux ordres directs en lançant tout de même son projet génétique sur un Tribule (auquel il combine son propre ADN humain à des créatures destinées à la consommation, impliquant symboliquement une forme de cannibalisme qui indignera tout le personnel).
Dès lors, selon la tradition ultra-clichée des savants fous, rien n’ira plus à bord. Les Tribbles se multiplieront comme des bactéries au point de remplir l’USS Cabot telle une boîte de sardine, obligeant l’équipage à fuir... tandis qu’Edward succombera sous l’avalanche de ses propres créatures pour tenter de démontrer qu’il n’était pas "dumb" (un qualificatif dont il n’a paradoxalement jamais été affublé, mais qu’il avait en revanche employé contre Lynne durant sa campagne de diffamation).
Par la suite, Lucero se retrouvera devant un conseil de discipline de Starfleet (mirrorant dans une version plus light le tribunal devant lequel avait comparu Burnham à la fin de DIS 01x02 Battle At The Binary Stars). Il lui sera reproché : #1 d’avoir "perdu" le vaisseau dont elle a reçu le commandement en seulement deux semaines, #2 la mort d’un équipier (Edward), #3 l’essaimage des Tribbles génétiquement modifiés sur Pragine 63 (ayant alors nécessité son évacuation complète) et #4 même dans l’Empire klingon (engendrant une crise diplomatique). Pour sa seule défense, la baby-captain arguera alors que le responsable de cette tragédie-en-chaîne était un "idiot" (sic) - pour un beau pied de nez qui conclura l’épisode. Rideau.
Pas tout à fait. Car le générique final est suivi d’une vignette-bonus prenant la forme d’une publicité totalement barrée (USS Ravenous, Stardate : Breakfast) pour des petits-déjeuners de "céréales-Tribbles", animées par des Tribules flanqués de smileys et tous impatients d’être dévorés par des enfants (humains) ivres de joie. Sur fond de vaisseau de Starfleet, ce spot va même jusqu’à vanter les vertus nutritives du produit grâce à la présence d’ADN humain (celui d’Edward) ! Difficile de savoir dans quel univers improbable (l’UFP n’étant pas une société capitaliste ni marchande) cette parodie de pub étatsunienne d’un goût douteux est supposée prendre place...

Short Treks 02x02 The Trouble With Edward renoue en force avec l’inclination abramsienne pour les gamin(e)s directement promu(e)s capitaines au berceau. Mais Rosa Salazar n’étant pas Chris Pine, Short Treks 02x02 The Trouble With Edward s’apparente comme jamais à un fan-épisode, avec des amateurs prépubères cherchant à imiter ou émuler (sans y parvenir) des personnages bien plus âgés qu’eux (l’excellent H. Jon Benjamin relève un peu le niveau, mais pas au point de dissiper l’impression de gros fake qui émane de ce minisode).
Et de toute façon, la comparaison s’arrête là, tant les créations de fans sont en général respectueuses de l’univers auquel elles s’efforcent de rendre hommage.
Parce que Short Treks 02x02 The Trouble With Edward vient – mine de rien – de battre un nouveau (double) record Guinness typiquement discoverien, à la fois d’absurdité propre (envers lui-même) et d’incompatibilité trekkienne (envers la franchise historique).

Allons droit au but : les showrunners de Short Treks ont-ils seulement vu l’épisode ENT 02x21 The Breach ? Il y a de quoi en douter ! Car en 2153 (donc plus d’un siècle avant), le Dr Phlox disait exactement ceci des Tribbles : « C’est un Tribble, extrêmement difficile à acquérir. Ils sont généralement interdits dans la plupart des mondes. (…) Ils sont juste capables de manger et de se reproduire. Le problème, c’est qu’ils se reproduisent prodigieusement. (…) La seule chose qui restreint leur population, c’est le nombre de reptiles sur leur planète.
Est-il alors possible, même au prix des contorsions causales les plus imaginatives et les plus capillotractées, de trouver une once de compatibilité entre ce que ENT 02x21 The Breach avait explicitement établi... et ce que Short Treks 02x02 The Trouble With Edward tente de nous vendre aujourd’hui ?
Aucune !
Il s’agit donc là d’un vrai flag de méconnaissance éhontée de l’univers Star Trek par les PTB actuels de CBS/Paramount.
À telle enseigne qu’il devient même superflu de convoquer les nombreuses lignes de dialogues d’humains et de Klingons émaillant TOS et DS9 (où les Tribbles étaient formellement définis comme naturellement hyper-féconds et écologiquement dangereux uniquement hors de leur habitat naturel) pour comprendre que Discovery ne se borne pas à diverger de la ligne temporelle de TOS en un point ultérieur à ENT, mais qu’elle n’appartient carrément pas au même univers !
On progresse (en quelque sorte) dans le divorce (ou dans l’involution).

Par-delà l’incompatibilité totale de ce minisode avec ENT, TOS, et DS9, le postulat (avancé par Edward) d’une reproduction lente des Tribules à l’état naturel n’est en aucune façon biologiquement vraisemblable. Car la survie de cette espèce, proie naturelle de prédateurs sur sa planète originelle, aurait été impossible en l’absence naturelle de toute capacité de défense (déplacement très lents, mort au moindre choc...) si cette dernière n’était pas naturellement compensée par une vitalité reproductrice record.
Les Tribbles originels étaient une création hautement originale, mais qui réussissait pourtant à respecter en tout point les lois naturelles de la biologie. Tandis que le retcon qu’en propose Short Treks constitue un non-sens évolutionniste. Après l’anti-Vulcain de Short Treks 02x01 Q&A, voici venu l’anti-Tribble de Short Treks 02x02 The Trouble With Edward.

Lorsque l’équipage perd le contrôle de la situation, l’épisode gratifie le spectateur d’une vue externe plongeante sur le vaisseau USS Cabot. Et à travers la rangée horizontale de hublots de la soucoupe, se dévoile une marée de Tribbles, agités comme des vagues, montant à vue d’œil, se multipliant tels des bactéries, et remplissant les locaux jusqu’au plafond. Non seulement, c’est du jamais vu dans la longue histoire des Tribbles (ils se multipliaient discrètement sans que nul le détecte de prime abord). Mais c’est surtout une confusion grossière entre les reproductions par méiose (sexuée) et par mitose (division), ignorant pêle-mêle les questions de diversité génétique et les considérables ressources matérielles/énergétiques intervenant dans le métabolisme/catabolisme des êtres vivants.
Parce que les scénaristes semblent ici totalement oublier que la procréation n’est pas une magie de dessin animé, pas plus que ne l’est la croissance d’une progéniture. Et "naître déjà enceinte" – comme le brandit la lieutenante Sarah (en écho à McCoy) – ne constitue en aucun une exception à ce principe de Lavoisier.
Toute vie biologique implique de convertir de la matière par voie digestive. Or dans la mesure où Short Treks 02x02 The Trouble With Edward prétend révéler l’origine réelle (i.e. artificielle) des Tribules hyper-féconds de TOS, ceux-ci se nourrissaient justement de matière organique comestible (pour mémoire le quadrotriticale, un hybride génétique du blé et de seigle) et non de fils électriques et de métal (comme le prétend ce minisode) qui aurait alors fatalement mis en danger l’USS Enterprise ou la station K-7.
Dans tous les cas, les Tribbles doivent convertir un poids supérieur ou égal d’aliments comestibles pour vivre, croître et multiplier… et devenir aliments comestibles à leur tour. Ce qui signifie que la marée ininterrompue de Tribbles remplissant chaque cm3 de l’USS Cabot ne pouvait provenir que d’une masse équivalente d’aliments… Or ce n’est clairement pas le cas, sans quoi ce vaisseau scientifique n’aurait pas été habitable et se serait borné à être dès l’origine un entrepôt alimentaire.
En outre, la vitesse de reproduction – détectable à l’œil nu (contrairement à ce que la franchise historique avait toujours montré) – obéit à une suite mathématique, variante de celle de Fibonacci (et non factorielle comme le prétend la lieutenante Sarah). Spock avait d’ailleurs estimé numériquement la progression de la population Tribble à partir d’un seul spécimen (exactement comme sur l’USS Cabot), dans un environnement confiné comparable, sur une période de trois jours (donc bien davantage que le court timeframe tragique de The Trouble With Edward), et il parvenait à un total cumulé de 1 771 561 individus. Considérant leur volume moyen, il y avait de quoi remplir au maximum quatre salles, mais en aucun cas l’intégralité d’un vaisseau de la taille de l’USS Cabot, et moyennant toujours un poids de nourriture préalable au moins équivalente (rien de tel ici).
Avec un tel niveau de bullshit scientifique, les auteurs ont involontairement transformé l’impossible Edward en... Dieu ! Mieux encore que le fantasme du mouvement perpétuel, avec ses Tribules qui se multiplient à partir de rien, il a manifestement inventé la genèse de l’être à partir du néant, la barbaque qui sort de nulle part.

Par ailleurs, si les Tribbles avait eu un taux de reproduction réaliste (en relation avec les lois de la biologie et non de la magie), c’est-à-dire comme dans le Star Trek historique, ils auraient en effet pu constituer une source viable de nourriture pour Pragine 63, à condition toutefois que l’environnement de cette planète fournisse suffisamment de nutriments aux Tribbles. Mais cela aurait été un fair trade pour les autochtones à seule condition que les sources alimentaires fournies aux Tribbles ne fusent pas directement assimilables par les humanoïdes (telle l’herbe qui nourrit les vaches mais pas directement les hommes), et/ou dans une perspective de diversification des denrées alimentaires. Il n’aurait alors jamais été nécessaire d’évacuer toute la population de la planète...

Mais au fait, comment cette évacuation a-t-elle été possible ? Le Starfleet du 23ème dispose-t-il des ressources pour évacuer une civilisation planétaire entière… lorsque le Starfleet du 24ème n’y parvenait que bien difficilement (TNG 03x02 The Ensigns Of Command, TNG 07x13 Homeward…).
Et quid de la Prime Directive dans tout ça ? Bah, on s’en fout visiblement.

En outre, comment les Tribbles génétiquement modifiés (quoique supposés être ceux de TOS) ont-ils gagnés par eux-mêmes Pragine 63 ? L’USS Cabot avait beau être en orbite de cette planète, la fin de l’épisode a bien précisé que le vaisseau n’a pas été détruit (donc il ne s’est pas crashé au sol). Du coup, comment ces Tribbles – dépourvus de toute intelligence (ils n’ont même pas de tête dixit Edward) – ont-ils fait ? Ils disposaient de navettes ? Ils savaient les piloter ? À moins qu’ils faille croire qu’ils survivent au vide de l’espace, ainsi qu’au stress thermique d’une rentrée atmosphérique (2 800° minimum alors qu’une simple chute de table les achève) !?!
Et comment ces Tribbles ont-ils réussi à parcourir par eux-mêmes des années-lumière en distorsion (FTL) à travers l’espace pour atteindre l’empire Klingon ?

S’il fallait maintenant accréditer la version officielle et le mantra d’Alex Kurtzman (une timeline commune, ben voyons...), ce fatras de "révélations" nonsensiques n’aurait qu’un seul corollaire : faire passer les héros de TOS pour de fieffés imbéciles, totalement incompétents ! Non seulement, ils n’ont jamais entendu parler des Tribbles dans TOS 02x13 The Trouble With Tribbles (c’est l’escroc Cyrano Jones qui fait les présentations) alors que ces derniers ont tout de même causé quelques années avant rien de moins que la perdition d’un vaisseau de Starfleet, l’évacuation d’une planète entière, des complications diplomatiques avec Klingons… mais en sus le Dr McCoy qui les étudie de près n’est même pas fichu de détecter une énorme manipulation génétique et la présence d’ADN humain (en l’occurrence celui d’Edward) !
En gros, c’est un pauvre bis repetita de l’histoire des boucliers occulteurs dont Kirk et Spock n’ont jamais entendu parler, mais qui avaient technologiquement conféré un tel avantage aux Klingons sur la Fédération que celle-ci fut mise à genoux quelques années avant (à la fin de la saison 1 de DIS).
Merci Short Treks 02x02 The Trouble With Edward d’avoir, une fois de plus, apporté ce beau cadeau à TOS.

Ou alors, faudrait-il considérer de nouveau (comme à la fin de la saison 2 de Discovery) que tous les événements mis en scène ici ont été ensuite classifiés secret défense. Pourtant rien de tel n’a été suggéré à la fin du minisode, mais peut-être que cette parade hautement sophistique suremployée par DIS (pour tenter de recoller à la schlague les morceaux de la chronologie qu’elle aura elle-même éventrée) est devenue la nouvelle norme kurtzmanienne par défaut.
L’alibi des tricheurs : s’autoriser tous les anachronismes, toutes les incompatibilités, pour ensuite les dissimuler derrière des omertas dictatoriales, comme d’autres cachent la poussière sous le tapis. Mais en oubliant au passage que le capitaine (Kirk) du vaisseau amiral de Starfleet (l’USS Enterprise) possède forcément le niveau d’habilitation maximal et a donc accès aux informations classées...

L’abandon final de l’USS Cabot par l’équipage est une ineptie tactique, car il aurait suffi de quitter le vaisseau en navette seulement temporairement (au lieu de rejoindre une base de Starfleet la queue entre les jambes) pour vider l’atmosphère du vaisseau (i.e. baisser la pression ou simplement la proportion d’oxygène) et/ou expulser les Tribbles dans le vide spatial. Mais nul n’y a songé. Pas même les auteurs.
Certes, pour une fois, il est mentionné explicitement que les téléporteurs sont HS (ou plus exactement ont été mis HS par les Tribbles dès lors que leur population a échappé à tout contrôle), afin d’expliquer que cette technologie ne soit – comme à l’accoutumée – jamais utilisée à des fins utiles. Mais d’un côté, Short Treks 02x02 The Trouble With Edward s’emploie à faire passer les protagonistes de TOS pour des imbéciles, et de l’autre, ses personnages ne réussissent pas à faire ce que ceux de TOS firent sans effort, à savoir se débarrasser des Tribbles simplement en les téléportant – du moins tant que cela était possible – hors du vaisseau. Dans TOS 02x13 The Trouble With Tribbles, ils ont été matérialisés dans le vaisseau klingon, et ici ils auraient d’emblée pu l’être directement dans l’espace (mais finalement dans les deux cas avec un résultat final semblable).
Au fait, comment l’équipage de l’USS Cabot a-t-il réussi a fuir au complet (excepté Edward) dans une seule navette ? Sont-elles plus grandes à l’intérieur qu’à l’extérieur comme les USS Discovery et USS Enterprise discoveriens ?!

Le minisode copie-colle des scènes de TOS mais en les vidant de leur sens originel (par exemple une équipière reçoit sur le crâne un tombereau de Tribbles en ouvrant une trappe au-dessus d’elle, mais ici il n’y a aucun réservoir de grains comestibles pour l’expliquer) tout en leur ajoutant une dimension gore-pour-le-fun (façon Invasion des tomates tueuses de John de Bello). Et dans l’espoir de distiller un décalage tonal, les premières phases de "lutte" contre les Tribules (que l’équipage empile dans des marmites et des casseroles) s’accompagnent en BO du célèbre Johnny Appleseed de Bing Crosby ! Décidément, comme dans 01x02 Calypso avec Snow-White de Dave Fleischer et Funny Face de Stanley Donen, ainsi que dans 02x01 Q&A avec I Am The Very Model Of A Modern Major-General de Gilbert & Sullivan, Short Treks aurait désormais tendance à exhiber un name-dropping rétro-musical. Serait-ce là une quête désespérée de légitimité ou le signe d’un complexe culturel freudien ?
Malheureusement, la crédibilité ne progresse pas d’un iota, car tandis que le vaisseau est pris d’assaut par les envahisseurs poilus, la moitié de l’équipage ne fout strictement rien (à commencer par Edward), se prélassant tranquillement dans le mess...
Ah l’équipage de l’USS Cabot (un vaisseau au design inédit), supposé représenter la crème de la crème des scientifiques de Starfleet... De vrais bras cassés, oui !
Comment une moujingue infantile et infatuée comme Lynne Lucera (qui par exemple sanctionne son subordonné sans preuve et sur la seule base de rumeurs) a-t-elle pu hériter d’un commandement dans Starfleet ? Le Starfleet kurtzmanien produit-il des Sylvia Tilly en batterie ?
Et comment un psychotique autocentré comme Edward Larkin a-t-il pu intégrer un poste à responsabilité dans Starfleet ?
C’est une fois de plus la crédibilité du Star Trek 2.0 que cet épisode questionne, hélas bien malgré lui. Aucun doute, nous sommes bien dans la société faussement utopique qui a promu une super-Hitler galactique et multi-génocidaire (Mirror-Georgiou) au sein de la surpuissante Section 31.

Comme c’est festival aujourd’hui, allez, une ultime friandise en rab : la stardate énoncée au début du minisode par un Pike grisonnant est 1421,9 !
Là, nous entrons dans une nouvelle forme de surréalisme poétique. Car si les stardates de TOS n’étaient pas toujours linéaires (contrairement à celle des séries ST du 24ème siècle), elles étaient néanmoins homogènes par période.
Or la stardate de Short Treks 02x02 The Trouble With Edward appartient au champ de la première saison de TOS, et elle réussit même à être supérieure à celle de TOS 01x01 Where No Man Has Gone Before, à savoir 1312.4 (correspondant à l’année 2265).
Autant dire que voilà une preuve de plus (s’il en fallait encore) qu’Alex Kurtzman se moque sans complexe des trekkers, car si son leitmotiv unitarien était vrai, cela inférerait une ubiquité : il y aurait simultanément deux USS Enterprise, d’un côté celui de Pike, et de l’autre celui de Kirk ! Oups, la belle gaffe.
Bah, suffit de se convaincre qu’il y a des rotations périodiques de commandements entre Pike et Kirk pour se partager le même vaisseau... (lol)

Voilà donc un minisode à ranger dans la catégorie des arnaques comme Short Trek 01x04 The Escape Artist, tentant poussivement d’émuler l’humour slapstick de certains opus de la série originale, mais en raison d’une incompréhension systémique mâtinée du dogme de la surenchère, la ponte est une chimère anachronique, inconséquente aussi bien envers elle-même qu’envers l’univers dont elle brandit le label.
D’aucuns pourront certes se consoler sur le coup avec quelques fragments d’humour volé, des non-sens se succédant aux non-sens, et une autoparodie faisant même mine d’abattre le quatrième mur... Mais finalement, tout y est tellement artificiel, de mauvais goût, illogique, invraisemblable, incohérent (un peu las de devoir répéter ces qualificatifs dans chaque critique de Discovery...) que même un épisode de Futurama ou de Tripping The Rift n’aurait pas osé construire une farce d’une telle ampleur galactique sur une pareille collection de nawaks.
Faut-il voir dans cet épisode un galop d’essai, un mock-up de la future série animée Lower Decks ? Encourageant si tel est le cas...

Eh oui, il y a humour et... "humour".
D’une part, l’humour qui joue finement et virtuose avec les codes de l’univers, ses enjeux, ses personnages, mais sans jamais les trahir, ni ridiculiser l’univers lui-même. Le Star Trek historique débordait de ces morceaux de bravoures, décalés et inénarrables (TOS 02x20 A Piece of the Action, TNG 06x08 A Fistful of Datas, DS9 04x08 Little Green Men, VOY 05x12 Bride Of Chaotica !, ENT 02x05 A Night in Sickbay… et tant d’autres).
Et d’autre part, "l’humour" qui se paye la tête de l’œuvre, qui révèle l’étendue du mépris (ou de l’ignorance) porté à ses fondements, qui en massacre toute la crédibilité... juste pour tenter d’arracher avec démagogie quelques fou-rires railleurs et se mettre les rieurs de son côté. Short Treks 02x02 The Trouble With Edward en est le parfait spécimen : il viole toutes les lois physiques et naturelles (la science la plus rigoureuse a désormais fait place à une magie qui dispense de toute contrainte), il respire la (fausse) fanproduction misérable avec des personnages n’ayant pas la moindre légitimité au sein de Starfleet, il fucke profond ce que les véritables séries ST avaient explicitement établi, il échaffaude son humour forcé et irrespectueux sur le dos de l’équipage de TOS (qu’il tente de faire passer pour minable) et celui d’ENT (qu’il tente de faire passer pour apocryphe)... et finalement il se trahit grossièrement lui-même autant que sa vocation prequelle. Bref, un fake !
Alors oui, il est possible d’en rire. Mais rire DE l’épisode et non AVEC lui ! Sauf à avoir déjà franchi le quatrième mur depuis longtemps, et ne plus du tout prendre Star Trek au sérieux. Auquel cas, oui, cela peut être drôle, mais façon Mystery Science Theater 3000...

En prétendant réécrire (rétroactivement) l’Histoire et frelater l’essence de l’une des créatures extraterrestres les plus emblématiques du Trekverse rien que pour se payer une poilade bien grasse, Short Treks 02x02 The Trouble With Edward accouche d’un pathétique révisionnisme-du-pauvre sans queue ni tête (au propre comme au figuré).
Dès lors, c’est un flagrand délit de l’inculture crasse de la "bande à Kurtzman", c’est un étron que le snobisme hollywoodien jette à la face des trekkers, c’est la somme de toute la morgue que la doxa inflige à l’univers trekkien.
Mais ironiquement, ces "Tribules OGM" composent une saisissante allégorie-bilan du Star Trek kurtzmanien lui-même, cette île du Docteur Moreau où sont perpétrées les expériences les plus perverses, les plus irresponsables, et les plus indignes. Après la créature de Frankenstein de la saison 1 de Discovery, puis l’usine Tricatel de la saison 2, voici John Wayne Gacy qui annonce l’homme qui rit.
Et Edward Larkin, c’est tout simplement Alex Kurtzman - quelque part entre l’acte manqué, le mécanisme de projection, et le plaisir sadique de narguer les fans (tout en se faisant applaudir d’eux).
Disons la triste histoire... non pas de la mort des rois, mais d’un prequel minable qui se tape l’incruste à mort... non pour consolider l’édifice existant (comme le fit si magistralement Enterprise), mais seulement pour le ruiner en profondeur et le piétiner.
Bah, dès lors que c’est sous couvert de fun et d’humour, tout est pardonné n’est-ce pas ?
Alors rions, oui, rions de découvrir aujourd’hui que Discovery, ses pompes et ses œuvres ne prennent pas "juste" place dans une timeline distincte de TOS-TNG-DS9-VOY (dont ENT resterait comme pour Kelvin le tronc commun), mais ont carrément métastasé dans un univers foncièrement distinct d’ENT-TOS-TNG-DS9-VOY ! Qui plus est, un univers de fantasy gouverné par les jokers WTF et TGCM.

Cette ligne de programmation ne sert qu'a formaté proprement les lignes de textes lors d'un utilisation sous Mozilla Firefox. J'aimerais pouvoir m'en passer mais je ne sait pas comment, alors pour l'instant. Longue vie et prospèrité