Critique
Par Frank Mikanowski
Toujours lié à l’Enterprise période Pike, The Trouble with Edward nous propose de revenir sur l’origine de ces envahissants Tribules. Et avec ce mini épisode, l’équipe en charge de Star Trek nous propose à nouveau une explication à un des éléments marquants les plus connus de La Série Originale, c’est-à-dire la propension de ces petites boules de poils à se dupliquer frénétiquement.
Avait on vraiment besoin de le savoir ? Pourquoi l’explication doit être Fédération-centrée ? Si votre réponse est non à la première question et si vous répondez à la seconde que c’est l’absence d’imagination des scénaristes de l’équipe de Discovery, je pense qu’il y a toutes les chances que ce Short Treks vous sorte par les yeux comme la plupart des propositions de l’équipe Kurtzman. Mon sentiment est que la face de Star Trek ne va pas s’en trouver changée. Cela ne remet nullement en cause, selon mes connaissances, la continuité de la Franchise. Et même si c’était le cas, Discovery ayant tellement fait pire, franchement, il est hors de question pour moi ici d’en faire un argument pour ne pas voir les qualités de cet épisode. Il y a, à mon sens, deux façons de regarder The Trouble with Edward. On peut y voir une simple comédie très bien exécutée et somme toute assez jubilatoire. Au programme des comédiens très expressifs, de bons dialogues ainsi que des situations visuellement bien vues. Mais, on peut aussi y voir une réflexion sur la dictature des normes comportementales. La Capitaine Lynne Lucero, pourtant brillante si on en croit l’introduction de l’épisode, est dans l’incapacité de voir au-delà de l’attitude du scientifique Edward Larkin. La notion d’intelligence n’est acceptée pour un individu que si celui-ci se conforme aux règles strictes de la vie en société. Or, c’est rarement le cas des génies, souvent des inadaptés sociaux. A noter l’excellente prestation de Rosa Salazar, enfin en chair et en os après avoir joué numériquement dans Alita : Battle Angel et en animation dans l’excellente série Prime Video Undone. The Trouble with Edward est donc à nouveau un épisode très sympathique à regarder et avec plus de fonds que le premier Short Treks de cette seconde saison. Pour l’instant du tout bon... PS : Allez jusqu’au bout du générique de fin pour une dernière petite surprise Cette ligne de programmation ne sert qu'a formaté proprement les lignes de textes lors d'un utilisation sous Mozilla Firefox. J'aimerais pouvoir m'en passer mais je ne sait pas comment, alors pour l'instant. Longue vie et prospèrité |
Analyse
Par Yves Raducka
Sortis de l’imagination de David Gerrold en 1967, Star Trek et les Tribbles (Tribules en français ou Tribleustes ventricosus en latin), c’est une vieille et longue histoire… que des générations d’auteurs et de trekkers n’ont cessé de perpétuer. À tel point que ces petites créatures extraterrestres poilues devinrent l’un des symboles de la franchise, au carrefour de l’idéalisme trekkien (des êtres pacifiques) et du réalisme de sa SF (car vérifiant en tout point l’amoralité des lois biologiques), ouvrant des perspectives narratives à la fois humoristiques et tragiques, parfois décalées, mais jamais grotesques ou irréalistes. Il y eut d’abord TOS 02x13 The Trouble With Tribbles (par lequel le mythe est né), puis TAS 01x05 More Tribbles, More Troubles (léger et anecdotique), DS9 05x06 Trials And Tribble-ations (un exceptionnel opus méta), et finalement ENT 02x21 The Breach (un vrai prequel sans complaisance). Il était donc prévisible que les reboots de 2009 puis de 2017 s’approprient cet incontournable pilier de la culture Trek. Mais cela se cantonnait jusqu’à lors à des placements iconiques, en l’occurrence quelques Tribules qui se rencontraient au coin d’une scène ou d’une réplique, entre le goodie et le clin d’œil, mais au prix d’un degré d’intégration à la chronologie pour le moins douteux. Dans ST 2009, un Tribble trônait aux côtés de Keenser dans le bestiaire privé du Scotty rebooté sur la Delta Vega vulcaine. DIS 01x01 The Vulcan Hello laissait entrevoir un bouquin nommé The Trouble With Tribbles, comme si l’épisode éponyme de TOS avait été écrit en intradiégétique avant d’être vécu. Dans DIS 01x03 Context Is For Kings, le capitaine Mirror-Lorca exhibait fièrement un spécimen poilu et ronronnant sur son bureau. Et dans DIS 02x01 Brother, Tilly employait un locution vernaculaire (« to cry like a baby tribble »), comme si les Tribules étaient déjà de notoriété publique au sein de l’humanité trekkienne avant leur découverte par l’équipage de Kirk…
Pour ce faire, le minisode déploie un mini-spin off à l’intérieur du spin off, en focalisant l’attention sur l’équipage du vaisseau scientifique USS Cabot, dont Lynne Lucero (une très jeune officière de l’USS Enterprise de Pike), prend le commandement durant la décennie 2260 (donc plusieurs années après le départ de l’USS Discovery pour le 32ème siècle). La mission de la gamine-promue-capitaine est de porter assistance à la civilisation affamée de Pragine 63, à la frontière de l’Empire klingon. Mais au sein de son nouvel équipage, elle se heurtera à l’ingénieur-expert en protéines, Edward Larkin, génial mais asocial (et déprécié par se collègues). Celui-ci tentera d’imposer son projet pour solutionner le problème planétaire d’inanition, à savoir modifier génétiquement les Tribules, une espèce inoffensive originaire de Geminorum IV, riche en viande comestible (apparentée à de l’escalope), mais ayant le défaut de se reproduire très très lentement (!!!).
Short Treks 02x02 The Trouble With Edward renoue en force avec l’inclination abramsienne pour les gamin(e)s directement promu(e)s capitaines au berceau. Mais Rosa Salazar n’étant pas Chris Pine, Short Treks 02x02 The Trouble With Edward s’apparente comme jamais à un fan-épisode, avec des amateurs prépubères cherchant à imiter ou émuler (sans y parvenir) des personnages bien plus âgés qu’eux (l’excellent H. Jon Benjamin relève un peu le niveau, mais pas au point de dissiper l’impression de gros fake qui émane de ce minisode).
Allons droit au but : les showrunners de Short Treks ont-ils seulement vu l’épisode ENT 02x21 The Breach ? Il y a de quoi en douter ! Car en 2153 (donc plus d’un siècle avant), le Dr Phlox disait exactement ceci des Tribbles : « C’est un Tribble, extrêmement difficile à acquérir. Ils sont généralement interdits dans la plupart des mondes. (…) Ils sont juste capables de manger et de se reproduire. Le problème, c’est qu’ils se reproduisent prodigieusement. (…) La seule chose qui restreint leur population, c’est le nombre de reptiles sur leur planète.
Par-delà l’incompatibilité totale de ce minisode avec ENT, TOS, et DS9, le postulat (avancé par Edward) d’une reproduction lente des Tribules à l’état naturel n’est en aucune façon biologiquement vraisemblable. Car la survie de cette espèce, proie naturelle de prédateurs sur sa planète originelle, aurait été impossible en l’absence naturelle de toute capacité de défense (déplacement très lents, mort au moindre choc...) si cette dernière n’était pas naturellement compensée par une vitalité reproductrice record.
Lorsque l’équipage perd le contrôle de la situation, l’épisode gratifie le spectateur d’une vue externe plongeante sur le vaisseau USS Cabot. Et à travers la rangée horizontale de hublots de la soucoupe, se dévoile une marée de Tribbles, agités comme des vagues, montant à vue d’œil, se multipliant tels des bactéries, et remplissant les locaux jusqu’au plafond. Non seulement, c’est du jamais vu dans la longue histoire des Tribbles (ils se multipliaient discrètement sans que nul le détecte de prime abord). Mais c’est surtout une confusion grossière entre les reproductions par méiose (sexuée) et par mitose (division), ignorant pêle-mêle les questions de diversité génétique et les considérables ressources matérielles/énergétiques intervenant dans le métabolisme/catabolisme des êtres vivants.
Par ailleurs, si les Tribbles avait eu un taux de reproduction réaliste (en relation avec les lois de la biologie et non de la magie), c’est-à-dire comme dans le Star Trek historique, ils auraient en effet pu constituer une source viable de nourriture pour Pragine 63, à condition toutefois que l’environnement de cette planète fournisse suffisamment de nutriments aux Tribbles. Mais cela aurait été un fair trade pour les autochtones à seule condition que les sources alimentaires fournies aux Tribbles ne fusent pas directement assimilables par les humanoïdes (telle l’herbe qui nourrit les vaches mais pas directement les hommes), et/ou dans une perspective de diversification des denrées alimentaires. Il n’aurait alors jamais été nécessaire d’évacuer toute la population de la planète... Mais au fait, comment cette évacuation a-t-elle été possible ? Le Starfleet du 23ème dispose-t-il des ressources pour évacuer une civilisation planétaire entière… lorsque le Starfleet du 24ème n’y parvenait que bien difficilement (TNG 03x02 The Ensigns Of Command, TNG 07x13 Homeward…).
En outre, comment les Tribbles génétiquement modifiés (quoique supposés être ceux de TOS) ont-ils gagnés par eux-mêmes Pragine 63 ? L’USS Cabot avait beau être en orbite de cette planète, la fin de l’épisode a bien précisé que le vaisseau n’a pas été détruit (donc il ne s’est pas crashé au sol). Du coup, comment ces Tribbles – dépourvus de toute intelligence (ils n’ont même pas de tête dixit Edward) – ont-ils fait ? Ils disposaient de navettes ? Ils savaient les piloter ? À moins qu’ils faille croire qu’ils survivent au vide de l’espace, ainsi qu’au stress thermique d’une rentrée atmosphérique (2 800° minimum alors qu’une simple chute de table les achève) !?!
S’il fallait maintenant accréditer la version officielle et le mantra d’Alex Kurtzman (une timeline commune, ben voyons...), ce fatras de "révélations" nonsensiques n’aurait qu’un seul corollaire : faire passer les héros de TOS pour de fieffés imbéciles, totalement incompétents ! Non seulement, ils n’ont jamais entendu parler des Tribbles dans TOS 02x13 The Trouble With Tribbles (c’est l’escroc Cyrano Jones qui fait les présentations) alors que ces derniers ont tout de même causé quelques années avant rien de moins que la perdition d’un vaisseau de Starfleet, l’évacuation d’une planète entière, des complications diplomatiques avec Klingons… mais en sus le Dr McCoy qui les étudie de près n’est même pas fichu de détecter une énorme manipulation génétique et la présence d’ADN humain (en l’occurrence celui d’Edward) !
Ou alors, faudrait-il considérer de nouveau (comme à la fin de la saison 2 de Discovery) que tous les événements mis en scène ici ont été ensuite classifiés secret défense. Pourtant rien de tel n’a été suggéré à la fin du minisode, mais peut-être que cette parade hautement sophistique suremployée par DIS (pour tenter de recoller à la schlague les morceaux de la chronologie qu’elle aura elle-même éventrée) est devenue la nouvelle norme kurtzmanienne par défaut.
L’abandon final de l’USS Cabot par l’équipage est une ineptie tactique, car il aurait suffi de quitter le vaisseau en navette seulement temporairement (au lieu de rejoindre une base de Starfleet la queue entre les jambes) pour vider l’atmosphère du vaisseau (i.e. baisser la pression ou simplement la proportion d’oxygène) et/ou expulser les Tribbles dans le vide spatial. Mais nul n’y a songé. Pas même les auteurs.
Le minisode copie-colle des scènes de TOS mais en les vidant de leur sens originel (par exemple une équipière reçoit sur le crâne un tombereau de Tribbles en ouvrant une trappe au-dessus d’elle, mais ici il n’y a aucun réservoir de grains comestibles pour l’expliquer) tout en leur ajoutant une dimension gore-pour-le-fun (façon Invasion des tomates tueuses de John de Bello). Et dans l’espoir de distiller un décalage tonal, les premières phases de "lutte" contre les Tribules (que l’équipage empile dans des marmites et des casseroles) s’accompagnent en BO du célèbre Johnny Appleseed de Bing Crosby ! Décidément, comme dans 01x02 Calypso avec Snow-White de Dave Fleischer et Funny Face de Stanley Donen, ainsi que dans 02x01 Q&A avec I Am The Very Model Of A Modern Major-General de Gilbert & Sullivan, Short Treks aurait désormais tendance à exhiber un name-dropping rétro-musical. Serait-ce là une quête désespérée de légitimité ou le signe d’un complexe culturel freudien ?
Comme c’est festival aujourd’hui, allez, une ultime friandise en rab : la stardate énoncée au début du minisode par un Pike grisonnant est 1421,9 !
Voilà donc un minisode à ranger dans la catégorie des arnaques comme Short Trek 01x04 The Escape Artist, tentant poussivement d’émuler l’humour slapstick de certains opus de la série originale, mais en raison d’une incompréhension systémique mâtinée du dogme de la surenchère, la ponte est une chimère anachronique, inconséquente aussi bien envers elle-même qu’envers l’univers dont elle brandit le label.
Eh oui, il y a humour et... "humour".
En prétendant réécrire (rétroactivement) l’Histoire et frelater l’essence de l’une des créatures extraterrestres les plus emblématiques du Trekverse rien que pour se payer une poilade bien grasse, Short Treks 02x02 The Trouble With Edward accouche d’un pathétique révisionnisme-du-pauvre sans queue ni tête (au propre comme au figuré).
Cette ligne de programmation ne sert qu'a formaté proprement les lignes de textes lors d'un utilisation sous Mozilla Firefox. J'aimerais pouvoir m'en passer mais je ne sait pas comment, alors pour l'instant. Longue vie et prospèrité |