Analyse
Par Yves Raducka
DIS 02x12 Through The Valley Of Shadows s’était achevé par la plus irresponsables des stratégies : tandis que les héros étaient encerclés par l’intégralité de la flotte de la Section 31 (une trentaine de vaisseaux), et alors que l’USS Discovery disposait d’un spore drive pleinement fonctionnel lui offrant toute liberté pour mettre totalement hors de portée de Contrôle les archives si convoitées de la Sphère en faisant un saut n’importe où dans les multivers (par exemple à l’autre bout de la galaxie dans le quadrant bêta ou delta à plus d’un siècle de distorsion, ou dans l’univers miroir où l’équipage était déjà allé)... c’est pourtant à un unique vaisseau conventionnel (donc pas mieux pourvu que les vaisseaux téléguidés par l’I.A.) – à savoir l’USS Enterprise – que Pike fera appel !
L’objectif étant alors d’évacuer l’USS Discovery avant de le détruire. Une perspective exutoire pour nombre de trekkers.
Comment se fait-il alors que davantage de vaisseaux n’aient pas apporté leur soutien et leur support aux protagonistes, sachant que Starfleet en compte 7 000 en activité (dixit DIS 02x11 Perpetual Infinity), sachant que la chancelière L’Rell était venue assister Pike sur Boreth à la demande de Tyler (elle aurait donc pu fournir un vaste contingent de vaisseaux de guerre klingons), et sachant que la lutte contre Contrôle et contre Leland est une priorité vitale pour la Fédération et l’ensemble des autres civilisations connues (tout l’avenir des vies sentients de la galaxie est supposé en jeu) ?
L’alibi que DIS 02x13 Such Sweet Sorrow avance d’entrée de jeu tient à des relais subspatiaux que Contrôle aurait commodément infiltré pour que Starfleet ne puisse plus être directement contacté… mais sans pour autant priver les vaisseaux de la flotte de se contacter entre eux (selon l’épisode). Dès lors, l’argument ne tient plus : car même si la perte de centralisation des communications peut représenter une perte en efficacité, à partir du moment où les vaisseaux peuvent communiquer entre eux, une coordination de la défense face aux vaisseaux de Contrôle devient possible... par simple transitivité ! Lorsque Pike a contacté l’USS Enterprise visiblement commandée par l’amirale Cornwell, cette dernière aurait dû faire à son tour appel à un maximum de vaisseaux (et ainsi de proche en proche), au même titre que la chancelière L’Rell de son côté. En outre, que l’intégralité des vaisseaux de la Section 31 échappent à toute supervision des autorités (plus aucun dialogue ni check-in) pour converger vers l’USS Discovery… aurait dû mettre d’emblée en alerte Starfleet Command.
Pire, le piratage des relais par Contrôle n’empêche nullement l’ambassadeur Sarek et Amanda de communiquer tout naturellement depuis Vulcain – et par voie holographique qui plus est (impliquant donc une bande passante nettement supérieure) – avec Michael, mais personne ne songe à leur demander de contacter Starfleet Command ou au minimum d’appeler à l’aide un maximum de vaisseaux de Starfleet ! Cela fait beaucoup penser à la fin de Star Trek Into Darkness où Spock-Quinto contactait sans difficulté Spock-Nimoy sur New-Vulcan (à des années-lumière) pour chater... mais se gardait bien de solliciter l’aide de Starfleet Command alors qu’il était en orbite de la Terre !
C’est à croire qu’au seuil d’une extinction de masse, les échanges phatiques et roboratifs (soapy quoi) ont priorité sur les communications opérationnelles dans le Star Trek kurtzmanien. Et qu’à l’instar des films Kelvin, toute la charge salvatrice doit être exclusivement portée par les VIP, au mépris de la vraisemblance et quitte à faire passer pour attardée ou incompétente l’ensemble de la société à laquelle ils sont supposés appartenir.
Depuis son entrée en scène, et alors qu’elle n’est pas présentée comme pleinement sentient (afin de justifier la traque des données de la Sphère), DIS ne cesse de prêter à Contrôle une suprématie technologique et stratégique sur le personnel le plus pointu de la Fédération (dont elle est pourtant la création directe). Ainsi, en toute impunité, cette IA aura réussi à massacrer tout le personnel (amirauté compris) du QG de la Section 31, à manipuler Starfleet en émulant à la perfection les comportements anthropomorphes, à exploiter des armées de nanites (se confondant absurdement avec des réplicateurs) pour assimiler (reconstruire) n’importe quel humain, à s’emparer de tous les vaisseaux furtifs (une trentaine) de la Section 31, à les téléguider à distance (sans l’assistance d’un quelconque personnel à bord), d’infiltrer les systèmes de communication subspatiaux de la Fédération… et tout ça alors que cette dernière prétend traquer de toutes ses forces Contrôle non sans avoir vérifié/purgé tous les systèmes informatiques de la flotte. Un tel écart de ressources et de puissance est difficilement crédible dans un cadre strictement endogène…
Et les épisodes ont beau s’enchaîner, les motivations exterminatrices de Contrôle demeurent toujours aussi nébuleuses dans la mesure où il s’agit à la base d’un threat assessment program destiné à prévenir les guerres… et qui pourtant cherche désormais lui-même à provoquer la plus criminelle de toutes. Soit un profil kelvinien de "méchant parce que".
Pire, l’IA ne cesse de démontrer à quel point elle a atteint une pleine sentience tant par sa supériorité intellectuelle et stratégique sur l’ensemble des intelligences synergiques de la Fédération, que par la manifestation d’une volition et d’une autodétermination sans l’aide des données de la Sphère… que pourtant la série continue à vendre comme essentielles pour lui permettre d’accéder à la pleine sentience. Soit un cas d’école de sophisme circulaire.
La (nouvelle) rencontre entre l’USS Discovery et l’USS Enterprise sera l’occasion pour l’épisode de mettre en scène une "grande messe" spectaculaire destinée à flatter les fans du Star Trek historique : grandes manœuvres de synchronisation spatiale puis d’arrimage entre les deux vaisseaux où l’USS Enterprise se révèle plus petit que l’USS Discovery (malgré tout, l’écart de taille entre eux demeure bien faible au regard de l’arboretum à perte de vue où le mycélium était cultivé et aux espaces vides de cube borg traversés par les turbolifts de l’USS Discovery), déploiement de quatre passerelles/tunnels télescopiques/pliants d’évacuation de 100 m de long entre les deux vaisseaux, scènes déchirantes d’adieu (pour de faux) au vaisseau éponyme de la série, vaste mouvement de personnel façon métro de Tokyo…
Evidemment, cette grandiloquence demeure bien vaine, car le personnel de l’USS Discovery se limite peu ou prou à 136 individus (trois fois moins que l’USS Enterprise du temps de Kirk), et quelques sessions de téléportation auraient donc suffi, ou mieux, plusieurs voyages en navettes auraient été le mode d’évacuation à la fois le plus rapide et le plus logique (notamment pour ne pas sacrifier ces ressources mobiles) si le réalisme avait prévalu (oui, mais dans le Star Trek kurtzmanien, c’est toujours le spectaculaire qui prévaut).
Autant le dire tout de suite, les trekkies en seront pour leurs frais, leur attente fébrile ne sera pas satisfaite, l’audace de TNG 06x04 Relics, DS9 05x06 Trials And Tribble-ations, et ENT 04x18+04x19 In A Mirror, Darkly n’est plus à l’ordre du jour. En effet, l’intérieur de l’USS Enterprise n’a strictement rien de commun avec celui de TOS 00x01 The Cage (sis trois ans avant) ni avec celui de TOS 01x01 Where No Man Has Gone Before (sis huit ans après), il ne pourrait même pas constituer un hypothétique "chaînon manquant" entre 2254 et 2265. Le lien symbolique avec TOS tient au plus affligeant des alibis holographiques (l’abandon de cette technologie sur le seul USS Enterprise pour des raisons d’incompatibilité avec ce seul vaisseau et avec le goût de Pike) et à quelques inserts kitschs (comprendre "aux couleurs vives") dans les coursives du vaisseau et sur la passerelle… Mais cette dernière se révèle (notamment par ses interfaces et sa forme d’écran) aussi – voire davantage – tape-à-l’œil et désincarnée (high tech diraient certains) que dans l’USS Enterprise rebootée des trois films Kelvin.
Et lorsque l’USS Enterprise de DIS bascule en red alert, elle se transforme quasiment en discothèque ! Après, on pourra pas dire que Disco, ce n’est pas cool.
Ultime confirmation (s’il en fallait encore une) que DIS ne prend pas davantage place dans la timeline de TOS (en dépit des extraits de TOS 00x01 The Cage au début de DIS 02x08 If Memory Serves et des pesantes références chroniques à la future paralysie de Pike…).
Le plus douloureux peut-être est de se dire que c’est ici bien moins un parti pris intentionnel des auteurs qu’une vulgaire lâcheté envers le conformisme de la vogue. L’univers de SF si célèbre entre 1964 et 2005 pour sa cohérence interne et pour son respect envers lui-même se voit aujourd’hui damer le pion par la light SF Doctor Who (où par exemple le Christmas Special DW 36x14 Twice Upon A Time sut reproduire à la perfection le First Doctor de 1963 et la forme originelle du TARDIS), mais aussi par la fantasy Star Wars (où Rogue One reconstitua de façon millimétrée le visuel de la trilogie lucasienne historique).
Bien entendu, l’autodestruction de l’USS Discovery (téléguidée depuis l’USS Enterprise) ne fonctionnera pas, pas plus que les torpilles à photons lancées par Pike. Les archives – sentients elles aussi – de la Sphère ont désormais pris le contrôle des systèmes de défense de l’USS Discovery afin de s’auto-préserver. Mais nul à bord ne se demande comment ce noyautage des systèmes a-t-il été possible (aucune mise en quarantaine des données n’a été effectuée à défaut de pouvoir les effacer ?). Nul non plus ne songe à entrer en contact avec cette nouvelle forme de vie (l’esprit trekkien est décidément mort). Nul n’a le réflexe militaire le plus classique (c’est-à-dire bourrin) de simplement continuer à bombarder l’USS Discovery de torpilles jusqu’à ce que ses boucliers lâchent. Nul enfin n’envisage une tactique bien plus radicale consistant à téléporter à bord de l’USS Discovery (à défaut y placer manuellement par navette ou via les passerelles amovibles) des torpilles ou autres charges utiles afin de faire exploser le vaisseau de l’intérieur (exit alors le problème du bouclier) ! Et bien entendu, comme évoqué plus haut, l’USS Enterprise demeure absurdement seul, sans soutien de quiconque alors que l’avenir galactique est en jeu… En somme, un vrai Starfleet de bac à sable.
En lieu et place, DIS 02x13 Such Sweet Sorrow privilégiera des options aberrantes – par leur degré d’incertitude et par leur infaisabilité dans le délai imparti – comme... fabriquer un chronoscaphe et s’embarquer pour le futur !
Mais surtout, en lieu et place, l’épisode inondera le spectateur de mysticisme et de magie, une tendance déjà amorcée avec l’exploration du "royaume mycélien" en milieu de seconde saison et exacerbée comme jamais dans DIS 02x12 Through The Valley Of Shadows.
En quête de guidance, Burnham touchera la Gemme du Temps (copyrighté Marvel) et se laissera pénétrer par son omniscience. Mais lorsque les orbes des Prophets de DS9 se contentaient d’offrir une expérience circonscrite et hautement causale (donc science-fictionnelle), Mary-Sue y gagnera ici un super-pouvoir permanent, celui de la précognition, lui laissant entrevoir des futurs tragiques possibles… afin de les éviter. Autant dire que le principe actif est ici antinomique de celui en vigueur dans l’épisode précédent où Pike avait été confronté à son destin personnel tragique… non pour l’éviter mais pour l’accepter (contractuellement). C’est là l’illustration de la seule logique que suit DIS : celle de la féerie, où tout MacGuffin sorti du chapeau possèdera des propriétés élastiques et flexibles selon le bon vouloir des auteurs/showrunners.
Ainsi, c’est durant la tentative infructueuse de destruction de l’USS Discovery que la nouvelle acuité de Michael se manifestera par un long flashforward : les vaisseaux de la Section 31 auront défait l’USS Enterprise, et tel un Terminator T-1000 invulnérable, Contrôle-Leland assassinera un par un chaque membre d’équipage, jusqu’à finir par Burnham avec une gourmandise perverse. Quoique déclinée au conditionnel, cette vision du futur n’est en pas moins affligée des mêmes invraisemblances que le "présent" de la série. Ainsi, comme dans DIS 02x11 Perpetual Infinity, nul officier de Starfleet n’a pensé à utiliser le téléporteur pour disperser les atomes de Contrôle-Leland, pas plus que qui que ce soit n’a songé à mettre en application à grande échelle le talon d’Achille découvert par Spock dans DIS 02x12 Through The Valley Of Shadows (à savoir les vulnérabilités des nanites aux champs magnétiques) ! Il est question ici de vie ou de mort de civilisations entières, mais l’impéritie gouverne Starfleet.
Du coup, ce flashforward qui avait pourtant vocation à choquer et émouvoir apparait juste… ridicule !
Qu’importe, cette séquence irréaliste n’avait d’autre objectif que de conduire bien vite les héros à ré-investir l’USS Discovery (quelqu’un en avait-il vraiment douté ?). Autant dire que tout le show de l’évacuation relevait d’une séance d’esbroufe et de remplissage, et qui n’avait même pas l’excuse de satisfaire le fan service au regard de l’irrespect des designs de TOS.
Malheureusement, la suite de l’épisode ne sera pas moins du remplissage, puisqu’elle consistera pour l’essentiel à composer un interminable opéra des adieux mutuels entre personnages… derrière le prétexte d’adapter en quelques minutes – via un technonawak intégral – le cristal temporel pour fabriquer une machine à voyager dans le temps. En l’occurrence, pour créer une nouvelle combinaison Red Angel, mais à l’usage de Mary-Sue cette fois, afin de conduire l’USS Discovery dans le futur. Les héros persistent obsessionnellement à vouloir envoyer les données de la Sphère dans un lointain futur (auquel ils ne connaissent rien et d’où la version Judgment Day de Contrôle semblait provenir). Alors qu’il aurait été probablement moins irresponsable d’envoyer les données de la Sphère vers le lointain passé (où Contrôle n’existe pas encore). Mais aussi stratégiquement absurde que cela soit, les showrunners ne manqueront évidemment pas de donner raison à cette initiative, inscrite dans le marbre depuis Short Treks 02 Calypso (et dont il est possible que Zora soit finalement le nom de l’IA sentient née de la fusion entre l’ordinateur de bord de l’USS Discovery et des archives de la Sphère rouge).
Déjà, l’univers maladivement Burnham-centré de DIS prépare en douce (et en dur) une nouvelle surcouche de Michael. Après Spock le frère de Michael, Sarek son père adoptif, Amanda sa mère adoptive, la capitaine Philippa Georgiou sa seconde mère adoptive, Mirror-Georgiou sa troisième mère adoptive, Mirror-Lorca son (presque) père adoptif (et amant de l’autre côté du miroir), Pike un autre père potentiel, Saru son frère symbolique, Tyler son boyfriend, et finalement l’archange Gabrielle (sa mère biologique et gardienne du futur), DIS 02x13 Such Sweet Sorrow annonce sans ambages que les red bursts (signaux messianiques, dei ex machinae, et sauveurs de civilisations entières) sont en fait le fruit de… Michael Burnham (depuis le futur et au moyen d’une seconde combinaison Red Angel) ! La reductio ad Burnhamum vire tellement à l’overdose que c’est à se demander si la série ne se dirige pas involontairement vers All You Zombies de Robert A Heinlein.
L’USS Discovery ne pouvant être détruit par l’USS Enterprise, la flotte de Contrôle-Leland approchant inéluctablement (avec compte à rebours à l’écran comme dans 24 s’il vous plait), et les 7 000 autres vaisseaux de Starfleet ayant tout de même bien mieux à faire que de s’occuper de pareilles peccadilles (soyons sérieux)… c’est une réunion au sommet qui se tient dans le ready room (circulaire) de Pike sur l’USS Enterprise (ni Pike ni Kirk n’en avaient dans TOS, mais ici ce n’est clairement pas le même vaisseau ni le même univers). La seule solution de l’avis général serait de récréer un Red Angel suit au moyen des plans de la Section 31 pour envoyer l’USS Discovery et ses données dans le futur. Malheureusement alimenter le cristal temporel nécessite la puissance de l’explosion d’une supernova. C’est au cours du brainstorming que Mirror-Georgiou - suscitant l’indignation de tous - propose alors le plus grand naturel de lancer un missile d’antimatière dans une nova pour engendre une explosion de supernova… quitte à détruire toute vie à des dizaines d’années-lumière ! Passons sur la crédibilité scientifique du procédé. Il est surtout piquant de constater que l’ex-impératrice multi-génocidaire du Terran Empire est bel et bien devenue un comic relief cartoonesque.
Toutefois, le plus invraisemblable, c’est que pas un seul membre du staff n’a songé à mettre à profit le spore drive pour trouver dans la Voie Lactée (voire au-delà) une étoile de type nova (elles sont pourtant nombreuses) suffisamment éloignée de toute vie pour réaliser cette opération afin d’alimenter le cristal. C’est à se demander pourquoi les auteurs ont développé une technologie aussi improbable (et contradictoire envers le Trekverse historique) que le "propulseur mycologique" pour ne finalement pas le mettre stratégiquement à profit dans les moments les plus critiques.
C’est hélas vers une option plus "magique" encore que les showrunners vont se tourner. Jusqu’à maintenant, le deus ex machina en chef, à savoir le red burst, avait tendance à être à la hauteur de sa hiératique omnipotence : il avait notamment guidé les héros vers le dark matter asteroid ayant ensuite permis de sauver Terralysium, il avait sauvé les Kelpiens de l’extermination que l’irresponsabilité de l’équipage de l’USS Discovery allait provoquer... Mais dans DIS 02x13 Such Sweet Sorrow, le cinquième signal (des sept prévus selon "la Prophétie") se contente de guider le vaisseau vers Xahea, dont la gamine de reine déjà rencontrée dans Short Treks 01 Runaway, Me Hani Ika Hali Ka Po, a inventé en un claquement de doigt le Graal de la science trekkienne qui n’existe même pas une décennie après dans TOS (c’est-à-dire comme d’habitude), à savoir un recristalliseur de dilithium.
Bon, soyons francs, le deus ex machina déçoit un peu là, car ses interventions deviennent triviales. La si géniale Sylvia Tilly aurait tout de même pu d’elle-même penser à sa copine non moins géniale Me Hani Ika Hali Ka Po pour alimenter le cristal temporel, vu qu’apparemment ce qui n’existe pas dans TOS mais qui fonctionne sur les cristaux de dilithium marche également avec ce qui n’existe pas dans le Trekverse historique, à savoir les cristaux temporels. Au lieu de révéler solennellement l’emplacement d’une nova susceptible de recevoir de l’antimatière pour devenir supernova (ou même mieux une supernova en passe d’exploser), le red burst se borne désormais à être un pense-bête. Pour la sixième Révélation, ce sera quoi ? Le rappel des dates pour les prochaines vacances sur Risa ?
Bref, c’est donc pour aller dévotement sur Xahea que l’USS Discovery utilisera son spore drive. Ambitieux. Mais un vrai gâchis de ressource lorsqu’on voit que cela n’aura fait gagner qu’une seule heure sur l’USS Enterprise et à peine plus sur les vaisseaux de Contrôle pourtant limités par la distorsion conventionnelle.
Toujours est-il que les fans de Miss Narcisse vont pouvoir se réjouir : elle s’est désormais dupliquée par mitose, et elles sont maintenant deux dans le même "style" à bord !
Privilège régalien oblige, la reine Po s’incruste à bord de l’USS Discovery, pour devenir direct un membre de l’équipage ! Copinage, népotisme, et ou privilège du sang, qu’importe finalement, le principal est de rester cool. Et c’est ainsi, avec plein de crème glacée en bouche, de postures archétypales sorties de Beverly Hills 90210, de pures dialogues de midinettes girly, et d’un langage kikoolol... que la punkette californienne Me Hani Ika Hali Ka Po va émuler en quelques minutes l’énergie d’une supernova avec son incubateur à dilithium portable personnel et le joker passe-partout de l’énergie noire !
Le plus édifiant peut-être, c’est de découvrir que lorsqu’on croyait naïvement que Discovery avait atteint les tréfonds de la déchéance... eh bien non, il s’avère qu’elle pouvait tomber plus bas encore, toujours plus bas ! Tilly avait réussi à rétrospectivement rendre crédible et attachant Wesley Crusher. Et voilà que débarque Po… qui parvient quant à elle à rendre Sylvia presque supportable. Un relativisme proprement vertigineux !
Et quelle incontinence voire indécence dans la promotion idéologique de la cool attitude, du jeunisme, et de la seule gent féminine détenant le monopole du génie, du savoir, et du courage.
Le bullshit technique et scientifique explose ici le précédent Guinness World Record détenu par DIS (en gros dans chaque épisode précédent). Il tient tout d’abord à la "leçon" de mécanique quantique en version Teletubbies délivrée avec une nonchalance branchouille par Po : « I can modify my dilithium incubator to trigger an ongoing cascade of energy within the crystal by combining it with dark energy. It’ll replicate the power of a supernova. And charge your crystal. I get to make a supernova. Today rocks. I will need energy, though. Like, Planck-level. That’s a little more than the EPS grid normally allows. ». En gros, la gamine tatouée et percée prétend fabriquer tout en rigolant une supernova avec de l’énergie du niveau de Planck !!! Ce serait faire insulte aux sciences les plus élémentaires que de simplement chercher à répliquer et étriller ce WTF innommable que même un Futurama n’aurait pas eu d’indécence de déféquer sur le ton de la parodie.
Toute l’insulte scientifique de Discovery est finalement emblématisée par une réplique hautement symbolique de Jett Reno : « E = mc squared stuff (E=mc² et tout ça) ».
Cela fait tout même mal quelque part de découvrir ce qu’il reste désormais d’une SF dont la rigueur avait inspiré des scientifiques du monde réel (tel Miguel Alcubierre par exemple) et suscité le respect des autres (tels Stephen Hawking et Neil deGrasse Tyson).
Aujourd’hui, la "science-pour-rire" de Star Trek, ce sont deux gamines qui fabriquent en bocal de la supernova concentrée entre une blagounette et une sucette à l’anis.
Alors magie pour magie, la grande prêtresse adolescente des sciences discoveriennes permettra à Burnham et au Discovery de voyager vers le futur, mais pas d’en revenir ! Ben oui, faut comprendre, la cascade d’énergie noire supernova-wannabe va charger le cristal temporel, mais ce sera une régénération continue (why & how ?) qui finira par consumer la Gemme du Temps !
Bah, peu importe le technoblabla-qui-ne-veut-rien-dire, ce qui compte, c’est que Discovery puisse mettre en scène avec un maximum de grandiloquence son « Ave Caesar morituri te salutant ».
Avec bien entendu Michael Burnham toujours en première ligne proactive pour se sacrifier, suivi par tous les VIP historiques de DIS (Spock, Nhan, et Tyler compris) qui lui sont loyaux jusqu’à la mort, telle une garde prétorienne, quand bien même le capitaine officiel de l’USS Discovery n’est pas annoncé pour le moment (quel faux suspense artificiel...). Ce sera probablement Saru par charité et aussi... par tokenisme (une pratique anti-trekkienne tant elle demeure une affaire de visibilité et non de pouvoir réel...).
Et tandis que l’USS Discovery – avec un équipage réduit à ses seuls VIP (les lower decks demeurant des figurants aussi expandables que facultatifs) – se prépare stoïquement à embarquer pour le futur où la série DIS aurait dû d’emblée prendre place, l’équipage de l’USS Enterprise (Pike et "Number One" dont c’est à la fois le titre et le patronyme) se reconstitue.
Inutile donc de préciser que les mouchoirs et les kleenex sont appelés à être des accessoires de visionnage à part entière, car les adieux de Fontainebleau représentent une bonne moitié de l’épisode. Et dans cette fontaine de larmes, seul Anson Mount joue à peu près sobrement (il manquera au main cast).
Mais cela ne serait pas vraiment du Discovery sans une petite manipulation à la clef : ceux qui se sacrifient vraiment ne sont pas forcément ceux qui vont accéder au "belvédère temporel du futur", mais ceux qui restent pour affronter une IA n’ayant pas du tout besoin des archives de la Sphère pour être un péril galactique.
L’épisode s’achève par une multi-Picard Maneuver des vaisseaux de la Section 31 contrôlés par Contrôle autour des USS Discovery et Enterprise (dépossédant au passage la figure principale de TNG de sa paternité) pour un cliffhanger space op’ de-la-mort-qui-tue...
Depuis le pilote de Discovery, la télépathie vulcaine s’est elle-même orientée vers un artefact magique au fur et à mesure qu’elle a été promue en "super-katra", à la façon d’un succédané de la Force de Star Wars, qui plus est dans la version abramsienne – c’est-à-dire extensible à l’infini – de la postlogie.
Dans DIS 02x13 Such Sweet Sorrow, Sarek marche sur les pas de Luke Skywalker dans Star Wars Episode VIII The Last Jedi, et il dévoile des pouvoirs de projection mentale à des centaines d’années-lumière, quasiment dignes des Talosians de DIS 02x08 If Memory Serves...
Mais là encore, quitte à retconer les aptitudes vulcaines sous l’égide de la magie, Discovery aurait pu en faire un usage nettement plus constructif et stratégique afin de lutter contre la menace galactique, ne fut-ce qu’à la façon de Star Wars…
Eh bien, même pas ! La Force des Jedis vulcains n’a dans le Star Trek discoverien qu’une seule fonction, qu’une seule vocation : le soap familial, si possible pour faire pleurer Margot.
Soap aussi du côté de la relation "je t’aime moi non plus" de Stamets et Culber, l’un des fils verts les plus décevants de la saison. En faisait abstraction de la magie de la résurrection (et des incohérences envers ce qui fut montré dans la première saison), la renaissance de Hugh dans un nouveau corps au prix d’un dépossession d’identité offrait un vrai potentiel philosophique à défaut d’être forcément science-fictionnel. Mais hormis quelques fulgurances dans les deux épisodes ayant suivi le retour du médecin dans le main cast, la problématique larger than life s’est sagement commuée en une banale histoire de couple, arrivant en outre de plus en plus en souvent tel un cheveu sur la soupe. Par exemple, alors que chaque seconde opérationnelle est comptée pour survivre à la menace Contrôle et tandis que l’ingénieur met la pression sur ses subordonnés, il s’accorde tout de même le loisir de discuter cœur & cul avec son ex-amant.
La pause Caméra Café, quoi, entre deux apocalypses...
Désormais, le problème majeur de Discovery, ce n’est pas de fouler aux pieds quarante années (1964-2005) de parfaite cohérence trekkienne (cette cause est depuis longtemps perdue en dépit des roulements de tambours des showrunners pour l’épisode suivant depuis deux ans).
Le vrai problème de Discovery n’est même plus d’avoir totalement abandonné l’épistémologie de la science au profit de la facilité de la magie (TGCM), ni d’avoir fait progressivement glisser le paradigme de la SF vers le celui de la fantasy. Nous n’en sommes hélas plus là non plus aujourd’hui… Car pour filer la métaphore fantasy des Infinity Gems (Gemmes de l’infini) de Marvel Comics, si le cristal temporel est la Gemme du Temps (verte)… alors le réseau mycélien est la Gemme de l’Espace (violette), Contrôle et ses super-nanites/réplicateurs sont la Gemme du Pouvoir (rouge), le super-katra vulcain est la Gemme de l’Esprit (bleue), et les résurrections en série (de Culber mais aussi de Burnham) correspondent à la Gemme de l’Âme (orange). Il ne manque finalement que la Gemme de la Réalité (jaune), ce qui est plutôt révélateur, puisque celle-ci est garante de la consistance et de la suspension d’incrédulité dont n’est pas dispensée toute fantasy qui se respecte.
Du coup, il appert que le problème de Discovery est de ne même plus être capable d’assumer ses propres hypothèses de fantasy ! Par accumulation, la série a dorénavant une panoplie de pouvoirs et d’objets magiques à sa disposition, mais elle fait jouer ses personnages d’une façon contreproductive et anti-tactique, prenant les voies les plus improbables et les moins crédibles pour les faire triompher, quitte à recourir sans retenue aux passages scriptés (le pire écueil des jeux de rôles), quitte même à tricher en courbant les règles du jeu fixées au départ par les showrunners eux-mêmes. Ces derniers espérant probablement que les torrents de larmes versés sur les tombes de la pudeur trekkienne et de la dignité vulcaine par Mary-Sue généreront une couche suffisamment épaisse et gluante de mélo pour apporter un sentiment de gratification émotionnelle aux spectateurs.
Jamais Discovery n’aura encore proposé un épisode aussi illogique, aussi irrespectueux, aussi inconséquent, et aussi vide de contenu (nous sommes littéralement à l’échelle de Planck qu’ironiquement le "WTF scientifique" de l’épisode s’est employé à crucifier).
45 minutes d’adieux et de violons longs, 45 minutes pendants lesquels Mary-Sue "la poupée qui pleure" larmoie dans (presque) chaque scène, 45 minutes où les VIP des milieux autorisés se congratulent ostentatoirement entre eux, 45 minutes où des gamines immatures prétendent solutionner les plus grandes questions scientifiques de l’univers à coup de punchlines ados et de crème glacée, 45 minutes où la SF a cédé la place à la fantasy et la science à la magie, 45 minutes où même la grammaire de la magie ne suffit plus.
Cette fois, pas une seule ligne de dialogue, pas une seule idée, pas une seule truculence ne vient rédimer cette purge… Une purge supposée pourtant être l’antichambre de toutes les explications si longtemps promises et teasée par Alex Kurtzman… pour deux saisons d’outrages envers la chronologie, la cohérence, et la philosophie trekkiennes.
Avec 02x13 Such Sweet Sorrow, Discovery est devenue sa propre caricature.
Mais tout va bien, une grande bataille épique sous un déluge botoxé de SFX/VFX à la mode de Kelvin devrait pouvoir faire taire (sous le bruit et le buzz) les grincheux, les rabat-joies, et les pisse-vinaigres. Et les promesses politiciennes feront probablement le reste...
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