Analyse
Par Yves Raducka
Difficile de ne pas souscrire cette fois pleinement au verdict de Frank.
"Rien à ajouter" sera donc le libellé de cette seconde critique.
En quelque sorte.
Car la parfaite synthèse qui précède... appelle un focus.
Servi par de beaux effets spéciaux et une mise en scène plus académique qu’à l’accoutumée, au carrefour (partiellement conclusif) de tous les fils rouges et verts de la saison, réunissant tout le main cast de la série (hormis Sarek et Amanda), DIS 02x10 The Red Angel est un épisode charnière... tout en texte ! On y parle énormément... en monologue, en dialogue, en trialogue, en conférence, en débat.
Cette caractéristique semble être un pas vers la sémantique cérébrale du trekkisme, qui se définissait par son sens, son verbe, sa verve.
Oui, mais parler et dire ne sont pas synonymes...
Soit une occasion de passer à la loupe toutes les lignes de dialogue autour desquelles l’épisode se déploie et s’articule... pour jouer au script doctor.
Veuillez noter que la transcription qui suit n’est ni issue de la VF, ni des sous-titres français de Netflix, mais d’une retraduction littérale par mes soins des dialogues anglais originaux.
À l’aimable attention des (nombreux) trekkers qui, d’indignation, de résignation, ou de désintérêt, ont cessé de suivre Discovery...
[Fondu enchaîné élégant combinant de nombreuses séquences présentant le démantèlement du corps semi-synthétique d’Airiam, ses funérailles officielles et divers rites funéraires, entrecoupés d’éloges panégyriques par les principales figures de l’équipage de l’USS Discovery.]
- Pike : « La commander Airiam nous rappelle que la résilience est une inaltérable vertu. Elle était loyale envers nous et Starfleet. Et dans ses ultimes moments, elle s’est sacrifiée par loyauté. Gardons ce souvenir d’elle. »
- Tilly : « Certains vivent leur vie comme si rien n’était miraculeux. Airiam s’est battue pour vivre, alors tout était un miracle. Tout ce qu’elle voyait, ressentait. Ses souvenirs formaient pour elle une constellation. Je... Je la remercie pour cette leçon. C’était mon amie. »
- Stamets : « Elle a dit un jour, sans une once d’apitoiement, que la trajectoire de trilliards de particules avait varié à jamais, du simple fait qu’elle avait souri à son mari. Elle était heureuse du fait qu’ensemble, ils avaient mis un peu de désordre dans l’univers. »
- Detmer : « Je ne voyais que ce que j’avais perdu. Elle m’a montré que l’augmentation ne m’avait pas transformée en ersatz de moi-même. C’était une renaissance pour elle comme pour moi. Et il pouvait y avoir un futur. Elle avait raison. »
- Burnham : « Il y a tant de raisons de s’enrôler dans Starfleet. On cherche à atteindre les étoiles, on cherche à atteindre le meilleur en nous-mêmes. Mais surtout, on cherche à se rejoindre les uns les autres. On cherche à faire ce qu’on aime faire, auprès de collègues qui deviennent des amis, qui deviennent une famille. On fait face, côte à côte, dans ces moments cruciaux. Et la perte est immense. Je suis tellement navrée, Airiam. »
- Saru : « Sur Kaminar, les chants du souvenir honorent ceux qui sont partis trop tôt. Voici un chant du souvenir pour Airiam... »
[Saru entame alors une mélopée a capella exotique et mélancolique, accompagnent les derniers hommages à la lieutenante commander Airiam devant l’équipage rassemblé en ordre militaire dans le vaste hangar à navette de l’USS Discovery, puis sa dépouille est expulsée dans l’espace selon la tradition trekkienne.]
Formellement, cette scène d’ouverture est belle. La mise en scène et le montage sont élégants, les nécrologies bien écrites, le chant kelpien singulier.
Malheureusement, le spectateur n’est pas invité à la cérémonie funèbre. Il reste au mieux sur le pas de la porte… faute d’avoir pu s’attacher au personnage d’Airiam, faute même de l’avoir simplement connue – elle qui ne fut qu’une figurante jusqu’à DIS 02x08 If Memory Serves, pour n’être propulsé sur le devant de la scène que dans DIS 02x09 Project Daedalus, avant de disparaître tout aussi vite. Signe révélateur, celle qui resta une silhouette durant dix-neuf épisodes fut en réalité interprétée par deux actrices différentes (Sara Mitich puis Hannah Cheesman) sans que nul ne remarque ce recast sauvage. Hommage à Norm Peterson de la très belle sitcom Cheers (co-produite par Rick Berman), le pilier de bar Morn avait réussi à davantage marquer (et toucher) le spectateur qu’Airiam, alors qu’il n’avait pourtant pas prononcé un seul mot durant les sept saisons de DS9.
Comme pour enfoncer un clou dans l’indignité ayant conclu l’épisode précédent, l’USS Discovery a bien récupéré le corps d’Airiam… mais pour être démonté tel un vulgaire pantin en bois (comme le montrent certaines scènes du teaser) et finalement vidé de ses données (cf. une réplique dans une scène suivante). C’est bien de son vivant qu’Airiam aurait dû être téléportée – l’humain (a fortiori physiquement à moitié robotique) pouvant survivre plus d’une minute dans le vide spatial (et cela a justement été pratiqué sur Ash Tyler dans DIS 01x11 The Wolf Inside).
Bien entendu sans sa mort, réunissant toutes les conditions de l’artifice, il n’aurait pas été possible de mettre en scène un décalque (potentiellement anti-trekkien tant il sonne contemporain) des funérailles militaires étatsuniennes jusqu’à y inclure le rituel du pliage du drapeau étoilé à la façon de l’U.S. Army. Il n’aurait pas non plus été possible de mettre en scène Burnham fondant en larmes durant son discours encomiastique à la tribune, les showrunners espérant probablement que les larmes appelleraient les larmes.
Discovery a visiblement voulu se payer sa propre version de la fin de Star Trek II The Wrath Of Khan, mais sans s’en donner les moyens. Et le problème avec les grandiloquences émotionnelles, les effets mélodramatiques, et les dithyrambes visant à faire passer les défunts pour des saints… c’est que seule une thin blue line séparer le poignant du ridicule, selon que l’on y croie ou pas, selon que les émotions soient partagées ou non, selon que l’on se sente concerné ou pas… au risque permanent de sombrer dans le théâtreux et le mauvais goût.
Pour ne rien arranger, l’oraison de Michael Burnham pourrait être perçue tel un écho distant de son discours moralisant (et hautement manipulatoire) à la fin de DIS 01x15 Will You Take My Hand ?.
Ces élégies auront néanmoins eu le mérite d’apporter quelque éclairage sur les augmentations cybernétiques pratiquées par l’humanité de DIS. Qu’il s’agisse des références de Sylvia Tilly au combat pour la vie… ou du parallèle en terme d’augmentations établi avec son propre cas par Keyla Detmer (ayant quant à elle subi un accident entre DIS 01x02 Battle At The Binary Stars et DIS 01x03 Context Is For Kings lui ayant valu la pose d’implants faciaux dont un œil artificiel), il en ressort qu’Airiam n’a pas choisi – e.g. par idéologie transhumaniste – de subir cette transformation... celle-ci ayant en fait résulté d’un accident qui l’aurait sinon laissé handicapée, probablement le crash de la navette dans lequel son mari avait trouvé la mort. Ce qui rend virtuellement son cas assez touchant, tout en ne faisant pas de l’hybridation synthétique une nouvelle norme positiviste.
Malgré tout, la simple existence de cette pratique (qui logiquement aurait dû susciter avec le temps des adoptions proactives...) continue à mal s’accorder avec le manque de familiarité – et même le malaise – du personnel de Starfleet plus d’un siècle après dans TNG et VOY envers ce paradigme (les Bynars, les Borgs, Seven Of Nine…). En outre, les discours laissent ici transparaître un besoin de reconnaissance des handicapés ayant subi une augmentation cybernétique… ce qui implique une forme d’affirmative action ayant quelque chose d’anachronique dans une société supposée aussi mature et inclusive. Enfin, il est probable que cette reconstruction synthétique des grands mutilés soit une manière pour les auteurs de faire référence au "destin" qui attend le capitaine Christopher Pike en 2267 dans TOS 01x15+01x16 The Menagerie… mais renforçant du coup l’incompatibilité de timeline (car autant il serait réaliste que Pike ait laissé des dispositions pour s’opposer par choix personnel à une reconstruction semblable à celle d’Airiam après avoir été exposé aux Delta rays, autant il n’est guère crédible que cette possibilité n’ait pas été simplement évoquée dans TOS, notamment lorsque Spock s’est exposé à la peine de mort pour offrir une autre forme "d’augmentation" à son précédent capitaine).
[Tyler et Burnham se croisent par hasard dans un turbo lift.]
- Tyler : « Tu as parlé magnifiquement. »
- Burnham : « Merci. »
- Tyler : « Je suis tellement désolé. »
- Burnham : « Moi aussi, que tu aies été mis aux arrêts si longtemps. J’ai dit à Pike que tu n’étais pas responsable. »
- Tyler : « Ce n’est rien. J’aurais fait pareil à sa place. J’aurais juste voulu que ça finisse autrement. »
- Michael : « Oui. »
- Ash : « Michael. »
- Michael : « Je vois ce que tu essaies de faire. Vraiment. Mais la Section 31 a créé Contrôle. Une version future est venue, et ça a coûté la vie à Airiam. »
- Ash : « Tu crois que j’étais au courant ? »
- Michael : « Bien sûr que non. Mais tu travailles toujours pour eux. Alors... »
La compromission d’Airiam a donc exonéré Tyler, il est juste permis de s’étonner que ce fût si long… Ash fut préventivement enfermé, tandis que les si nombreux amis d’Airiam n’avait pas remarqué son "infestation", ni ses yeux de rouge illuminés si fréquemment.
Visiblement, Ash Tyler demeure le love interest de Burnham. Leur relation tient de la romance de soap, avec ses hauts et ses bas, cherchant à concilier vie sentimentale et obligations professionnelles divergentes (entre les "gars de la flotte" et ceux "de la section").
[Une réunion stratégique se tient dans le ready room du capitaine Pike.]
- Pike : « Faisons le point en commençant par tout ce que nous savons. »
- Burnham : « L’I.A. vient du futur. Elle a infecté Airiam puis l’a obligée à copier les données de la Sphère dans Contrôle pour qu’il évolue. On l’a arrêtée avant que cela ne se produise. »
- Cornwell : « Comment un programme conçu pour éliminer les menaces en est-il devenu une ? »
- Spock : « Le voyage temporel. C’est la seule variable imprévisible : le futur. Et clairement, cette I.A. du futur est bâtie sur une technologie dont nous n’avons aucune compréhension. »
- Cornwell : « Comment l’arrêter ? »
- Saru : « D’après ce que l’on sait, l’I.A. future n’a infecté qu’Airiam et Contrôle. Le système neural d’Airiam a été effacé avant les funérailles. Quant à Contrôle, il n’était utilisé que par la Section 31. On a détruit la station où se trouvait Contrôle. Et comme recommandé par l’amiral, nous avons conseillé tous les vaisseaux de la Section 31 de mener des diagnostics. Il est apparu que tout était propre. »
- Pike : « Ne nous réjouissons pas trop vite. L’I.A. qui a infecté Contrôle a pu se transférer ailleurs, hors de la station. Nous ne pouvons qu’assumer qu’elle est en sommeil à l’heure actuelle, mais qu’elle peut refaire surface à tout moment. »
- Cornwell : « On doit trouver comment la détruire. »
- Tilly (entrant sans crier gare dans la ready room) : « Salut. Pardon, capitaine, tout le monde, j’aurais dû frapper. Même si les portes s’ouvrent un peu toutes seules…
- Pike : « Avez-vous besoin de quelque chose, enseigne ? »
- Tilly : « En fait, j’ai quelque chose. Enfin, je veux dire que j’ai trouvé quelque chose. Alors que je parcourais les données du système d’Airiam, j’ai trouvé un code étrange. J’ai cru d’abord à un déchet datant d’une mise à jour. Puis j’ai découvert que c’était en fait un fichier mis en place par un parasite digital. Il s’appelle Projet Daedalus. »
- Burnham : « C’était les dernières paroles prononcées par Airiam ! »
- Tilly : « Le dossier contient également la signature bioneurale de l’Ange rouge. Michael, c’est vous ! »
[Fondu au noir et générique.]
Même si c’est un peu tard et un peu court, l’amirale Katrina Cornwell pose enfin les questions qui auraient dû la saisir à la gorge dès le début de DIS 02x09 Project Daedalus. Celle-ci ambitionnait au départ de seulement reseter Contrôle, mais la découverte des objectifs d’Airiam (et des cadavres de l’amirauté) aura conduit l’USS Discovery à carrément détruire la station QG de la Section 31.
Malheureusement, ces dialogues se gardent bien d’expliquer comment ce fut possible, sachant déjà qu’il est peu vraisemblable que Contrôle ait laissé Nahn et Burnham expulser Airiam dans l’espace à la fin de l’épisode précédent, puis ait laissé l’USS Discovery la détruire alors qu’elle n’avait eu aucune difficulté à assassiner juste avant tout l’état-major du département le plus belliqueux et parano de l’UFP.
Cette scène résout une ambiguïté qui subsistait encore dans l’épisode précédent : le système qui avait pris possession du cerveau cybernétiquement modifié d’Airiam n’était pas Contrôle lui-même, mais bien une I.A. du futur (à travers la faille temporelle de DIS 02x07 Light And Shadows) au moyen d’un fichier… portant le titre de l’épisode précédent : Project Daedalus. Mais si la transmission fatale des données de la sphère sentient à Contrôle fut empêché, comment se fait-il alors que Contrôle ait au préalable changé de comportement (par exemple en assassinant les amiraux) ? Certes, il est possible que cette I.A. du futur ait contaminé Contrôle dès les volumineuses transmissions de données à distance par Airiam dans DIS 02x08 If Memory Serves.
Toutefois, comment expliquer alors la falsification holographique forgée par Contrôle pour compromettre Spock, c’est-à-dire dès DIS 02x03 Point Of Light, donc longtemps avant la contamination d’Airiam ? En toute logique, cela devrait impliquer une autre voie de contact entre l’I.A. du futur et Contrôle (du moins si l’I.A. du futur est bien à l’origine de "l’éveil" de Contrôle), un point essentiel mais qui n’a pourtant pas du tout été considéré durant la réunion ! Une stratégie préventive aurait également impliqué de ne pas seulement soumettre à un diagnostic (facultatif qui plus est d’après les dialogues) les vaisseaux de la Section 31, mais également de s’assurer qu’aucun humain cybernétiquement augmenté n’avait subi la même compromission qu’Airiam…
Visiblement, l’amiral Cornwell a recouvré son autorité au sein de Starfleet après avoir été frappée de déchéance par Contrôle personnifiant l’amirale Patar. Ce happy-end est en soi rassurant, mais étant donné le degré de compromission institutionnel, il aurait tout de même été utile que la série s’attarde sur ce renversement de situation, et questionne la facilité avec laquelle le Starfleet discoverien bascule à la moindre occasion dans une dystopie de cauchemar. Mais visiblement, DIS préfère ne pas se pencher trop prêt sur les inconséquences de ses hypothèses de départ.
Peut-être que Contrôle n’était utilisé que par la Section 31, mais dans la mesure où celle-ci possédait une position dominante au sein du Starfleet discoverien, un rapport de transitivité aurait dû être envisagé...
Cette scène inflige une nouvelle démonstration du narcissisme de la "diva" Tilly : elle débarque dans la ready room en pleine réunion, sans frapper, se prenant pour une star, faisant son show comme d’hab, et se laissant submerger par sa propre logorrhée stérile (supposée être un comic relief mais n’amusant en fait personne). Et bien entendu, sur ce vaisseau dernier cri consacré à la recherche scientifique (l’USS Discovery), Sylvia est une fois de plus la seule à découvrir ou à comprendre ce qui échappe aux autres...
Le twist par lequel s’achève le teaser semble confirmer l’hypothèse favorite (V.I.P et autocentrée) des fans depuis le début de la saison : le Red Angel serait Michael elle-même…
[Après le générique, belle plongée spatiale sur le Discovery, conduisant à travers les hublots jusqu’à l’infirmerie du vaisseau.]
- Pike : « Bien que Culber ne soit pas officiellement réintégré à son poste, je lui ai demandé de superviser l’analyse des données trouvées par Tilly. »
- Spock : « Et les résultats sont-ils concluant ? »
- Culber : « Eh bien, tous les examens que j’ai conduits sur la commandeur Burnham correspondent à 100 % à la signature bioneurale trouvée dans le fichier Project Daedalus sur Airiam. »
- Cornwell : « Il faut prendre en compte la source. Airiam était compromise. L’I.A. a pu implanter de fausses informations pour nous induire en erreur. »
- Spock : « Je ne vois aucune raison logique ou stratégique pour que l’I.A produise des faux positifs. »
- Culber : « Et même si c’était le cas, ce serait trop parfait. L’humain a une part neurologique aléatoire qu’aucune I.A. ne peut répliquer. Je l’aurais vu. »
- Pike (ironique) : « Alors donc, Michael, notre Michael Burnham, va se réveiller un beau jour et utiliser une technologie qui n’existe pas encore pour prendre l’initiative d’aller sauver la galaxie. »
- Spock (à peine ironique) : « Cela correspond très précisément à son profil psychologique, en particulier son besoin d’endosser la responsabilité de situations qu’elle ne peut contrôler. »
- Burnham (mal à l’aise) : « Merci de partager ça avec tout le monde, Spock. »
[Tout le monde sourit.]
- Spock : « Il faut également présumer que les cataclysmes dont j’ai eu la vision lorsque l’Ange m’est apparu résulteront de l’évolution de Contrôle vers la conscience. »
- Burnham : « Disons que je suis l’Ange rouge et que je suis au courant pour l’Apocalypse, pourquoi ne pas simplement le dire. »
- Spock : « Peut-être parce que tu as simplement un penchant pour le spectaculaire. Cette combinaison émet des radiations tetryoniques, qui limitent les communications traditionnelles. C’est ce qui explique ma difficulté à établir une fusion mentale. »
- Pike : « Et pourquoi avoir mis sept signaux dans le ciel ? Il essayait peut-être d’attirer l’attention de Starfleet, de nous avertir. »
- Burnham : « Les trois premiers signaux sont apparus sur l’astéroïde, Terralysium, et Kaminar. Quatre doivent encore se révéler. Si je mène Starfleet à des endroits précis, c’est une sorte de chemin. Pourquoi ? Qu’est-ce que ces lieux ont en commun. »
- Saru (via l’intercom) : « Amirale, capitaine, on signale qu’un vaisseau de la Section 31 approche. »
Lorsque Culber exclut l’impossibilité d’une falsification par une I.A. de la signature bioneurale humaine (en raison de sa part aléatoire) contenue dans le fichier Project Daedalus, il confond le sujet et l’information… sauf à prétendre qu’une signature bioneurale serait d’ordre quantique (a priori impossible). En outre, puisqu’il est établi que l’I.A. vient du futur, il est très aventureux d’affirmer quoi que ce soit face à un écart totalement indéterminé de moyens et de technologies. La fin de l’épisode invalidera la validité de tous ces protocoles, sauf si l’on suppose que les signatures bioneurales sont d’une unicité moindre que de simples empreintes digitales (distinctes même entre jumeaux monozygotes, et a fortiori entre parents et enfants).
Cette séquence peut néanmoins se prévaloir de plusieurs belles répliques, auto-ironiques (un peu dans un style d’humour que cultivait Stargate SG-1), brisant en quelques sorte le quatrième mur.
D’une part, lorsque Pike raille en une phrase le fil rouge de la seconde saison (« Alors donc, Michael, notre Michael Burnham, va se réveiller un beau jour et utiliser une technologie qui n’existe pas encore pour prendre l’initiative d’aller sauver la galaxie. »). Une remarque qui n’est pas sans rappeler les perpétuelles objections ironiques et incrédules de T’Pol envers le voyage temporel dans la série ENT. Malheureusement, cela tiendra ici du one shot. Toutefois, étrangement et sans autre explication, Pike affichera une mine ironique durant toute cette scène et plusieurs autres (comme si l’acteur ne prenait rien de tout ça au sérieux, remarquez il y a de quoi…).
D’autre part, lorsque Spock profilera publiquement avec un ton très docte les compulsions auto-culpabilisantes et sacrificielles de Mary-Sue (« Cela correspond très précisément à son profil psychologique, en particulier son besoin d’endosser la responsabilité de situations qu’elle ne peut contrôler. »). À ce moment-là (et plus généralement durant le reste de l’épisode), par son ton pince-sans-rire et son ironie indéfinissable, Ethan Peck fera la démonstration de sa capacité à composer un Spock qui, quoique trop bavard, renvoie aux oubliettes Zackary Quinto.
Malheureusement, ce soudain éclair de lucidité des scénaristes envers leur Mary-Sue – par la voix de Spock – ne se traduira par aucune inflexion dans l’écriture du personnage dans la suite de l’épisode, à l’instar de Star Trek Into Darkness où un autre Pike avait asséné ses quatre vérités à Baby-Kirk pour que celui-ci puisse récidiver de plus belle dans la suite du film. Les lanterns de scénaristes peuvent être de savoureuses marques de connivence avec le public, mais elles peuvent aussi devenir des facteurs aggravants lorsque utilisées comme blancs-seings.
En outre, les scénaristes perdent vite le sens de la mesure, car dans une réplique suivante, Spock n’aura aucune vergogne à imputer l’inintelligibilité des méthodes de "communication" du Red Angel à un prétendu goût pour le spectaculaire de Burnham, ce qui tient de la pirouette saugrenue pour évacuer un authentique problème de crédibilité. En effet, pourquoi se manifester aux quatre coins de la Voie Lactée (très loin des territoires de la Fédération, à des distances où les red bursts n’auraient pas dû pouvoir être détectés par Starfleet si DIS avait été cohérente, et physiquement inaccessibles sans l’improbable spore drive), plutôt que de transmettre directement des informations stratégiques et des directives exploitables à quelques décisionnaires bien placés pour éviter des catastrophes cosmiques (comme le faisait pragmatiquement l’agent spatiotemporel Daniels dans la série ENT) ?
Les emplacements des sept red bursts étant parfaitement connus depuis le début de saison, et le caractère humain du Red Angel étant désormais établi, il est particulièrement curieux que Burnham emploie un langage biblique – ou à la Neon Genesis Evangelion – pour annoncer quatre futures "révélations", présentées en outre avec un degré de certitude messianique.
[Dans la salle de téléportation de l’USS Discovery où se téléportent Leland et Mirror-Georgiou.]
- Cornwell : « La Fédération a blanchi le Discovery, Spock, et le commandeur Burnham. Si vous venez arrêter quelqu’un, c’est une perte de temps. »
- Leland : « Nous sommes au courant, Amirale. »
- Leland (s’adressant à Pike) : « Chris, toutes mes condoléances. »
- Leland : « Nous protégeons la Fédération d’une menace future. »
- Cornwell : « Nous travaillions déjà à une stratégie. »
- Mirror-Georgiou : « En d’autres termes, vous vous contentez d’accumuler des données qui ne conduisent qu’à des débats... »
- Cornwell : « Sans débat, pas d’innovation. »
- Mirror-Georgiou : « Je préfère l’efficacité du totalitarisme. Mais ça, c’est moi. »
- Leland : « Amirale. Nous avons une solution. »
- Cornwell : « Je la redoute déjà. »
- Leland : « L’Ange est le seul à avoir les réponses sur l’avenir, l’I.A., et il saura peut-être l’arrêter. »
- Pike : « Mais nous ne pouvons pas prédire quand et comment il apparaîtra. »
- Leland : « Exact. Donc on tend un piège pour le capturer et on l’oblige à travailler pour nous. »
Par la façon dont l’amirale Cornwell prévient les possibles intentions coercitives du capitaine Leland lorsqu’il débarque sur l’USS Discovery, la Section 31 monte encore d’un cran dans la chaine alimentaire de l’UFP. Les Chemises noires font presque figure de police militaire, voire de police politique. Et lorsqu’un plus gradé se retrouve à rendre arbitrairement des comptes à un moins gradé, c’est le spectre de le Sainte Inquisition romaine et universelle qui se rappelle au bon souvenir des spectateurs, une institution que les papes eux-mêmes en étaient arrivés à craindre...
L’ex-impératrice du Terran Empire se considère désormais en terrain conquis et en situation de totale impunité pour avoir le culot de vanter le totalitarisme devant l’amirale, qui plus en uniforme et au titre de capitaine. C’est une forme de défi ouvert voire de sédition envers les institutions et les structures qu’elle est supposé servir ; or sachant d’où elle vient, Mirror-Georgiou devrait logiquement ne pas la ramener, publiquement surtout. Mais c’est tout l’inverse qui se produit, et nul n’ose la remettre à sa place...
C’est à partir de ce point, c’est-à-dire de la rencontre "constructive" et collaborative entre l’USS Discovery et la Section 31 (de Leland et Mirror-Georgiou) que la plus absurde des stratégies temporelles va se mettre en place. Et elle ne pourra "fonctionner" que parce que les auteurs auront une fois de plus tordu les lois naturelles et les probabilités pour le permettre…
[Dans le ready room de Pike sur l’USS Discovery.]
- Pike : « La signature bioneurale de l’Ange était dans les données d’Airiam, dans un fichier nommé Projet Dédale. »
- Mirror-Georgiou (qui semble très préoccupée voire contrariée) : « Êtes-vous absolument certain qu’elle correspond réellement à Michael ? »
- Burnham : « C’est bien moi. »
- Saru : « Quand l’Ange voyage dans le temps, il ouvre un trou de ver, et permet potentiellement à l’I.A. de le suivre. »
- Leland : « Nous ne pouvons laisser cela se produire à nouveau. »
- Burnham : « Bien d’accord. C’est pour ça que nous devons l’empêcher de continuer ses allées et venues dans le temps. On doit la capturer, me capturer. »
- Pike (qui semble toujours ne rien prendre au sérieux) : « Alors… Comment proposez-vous qu’on l’attrape elle ? »
- Leland (après avoir été poussé à "tout avouer" par un regard insistant de Mirror-Georgiou ) : « Il y a vingt ans, les Klingons menaient des recherches sur le voyage temporel. De toute évidence, une menace critique. Une race belliqueuse capable de modifier le passé et remodeler le futur ? Ils nous auraient annihilés avant même que l’on sorte de la soupe primitive. »
- Leland (s’adressant à Ash) : « Ne le prenez pas mal. »
- Tyler : « Pas de souci. C’est vrai, c’est ce qu’ils auraient fait. »
- Leland : « Nous nous sommes retrouvé entrainés dans une course à l’armement. Donc pour y gagner un avantage stratégique, nous avons développé le Project Daedalus. C’est de nous. »
- Mirror-Georgiou (faisant une présentation du Red Angel sur un écran translucide) : « Voilà le concept de la Section 31 pour le voyage temporel. »
- Burnham : « Vous avez créé l’Ange rouge ? »
- Leland : « On était sur le point de tester la combinaison quand des espions klingons l’ont détruite. On pensait qu’ils avaient renoncé au projet de façon définitive. »
- Spock : « Jusqu’au moment où les signaux sont apparus. »
- Leland : « Quand la combinaison est apparue, on a commencé à élaborer un piège. Une sorte de piège à souris, si vous voulez, pour récupérer notre création. »
- Saru : « Et l’individu qui se sert cette technologie ? »
- Mirror-Georgiou : « Elle ne sera pas blessée. »
- Burnham : « Il y a des trous dans votre histoire qui me semblent préoccupants... »
- Leland : « Je vous ai dit tout ce que vous avez à savoir. »
- Burnham : « Pas si je suis concernée. »
- Cornwell (d’un ton d’institutrice sanctionnant une élève) : « Burnham ! »
- Mirror-Georgiou : « J’ai les spécifications techniques et la liste du matériel requis. J’emprunte vos esprits les plus vifs pour le bâtir. »
- Pike : « Prenez Stamets, c’est est un des meilleurs. »
- Spock : « Même si ça marche, comment prédire les apparitions de l’Ange ? Il n’arrive pas toujours avec un signal. »
- Burnham : « Signal ou pas, il y a forcément une logique dans mes sauts. Lorsque nous la trouverons, nous pourrons me trouver. »
- Leland : « Je trouverai comment fermer le trou de ver lorsqu’elle arrivera ici. Les rayons de gravitons de notre vaisseau devraient être assez puissants. »
- Saru : « Je serais heureux de pouvoir vous assister pour les calculs, capitaine Leland. »
- Pike : « Amiral ? »
- Cornwell : « Allons construire notre piège à souris. »
Avec cet échange, nous entrons dans le vif du rhème de DIS 02x10 The Red Angel.
Il fallait donc que, comme Milo Giacomo Rambaldi dans Alias et le Dr Walter Bishop dans Fringe (deux séries typiquement kurtzmaniennes), la Section 31 ait tout inventé avant les autres, en secret. Et tant pis si cela marginalise totalement les personnages préexistant du même univers. Ainsi, 20 ans avant DIS 02x10 The Red Angel, soit 30 ans avant Scotty dans TOS 01x06 The Naked Time, la Section 31 s’était lancée dans le développement du voyage temporel… pour tenter de contrer les propres travaux en la matière de l’Empire Klingon dont il fut présumé que leur premier usage serait d’anéantir l’humanité avant même qu’elle ne sorte du limon originel. Cette appréhension coule en effet de source dès lors que l’on projette sur l’univers entiers les paradigmes de la Section 31 discoverienne, mais également le comportement caricatural des Klingons updatés…
Toujours est-il qu’Alex Kurtzman se réapproprie avec une bonne dose de cuistrerie (i.e. sans vraiment en comprendre les implications) le concept de SF high concept développé par Brannon Braga pour ENT, à savoir celui de la Temporal Cold War impliquant que le voyage temporel était inéluctablement destiné à devenir tôt ou tard un enjeu stratégique majeur entre puissances ennemies (thématiques banalisées depuis par des séries comme Travelers, 12 Monkeys, Timeless…).
Exit bien entendu les considérations internalistes héritées de la série ENT, à savoir que si les Klingons effaçaient l’humanité de la timeline, ils effaceraient en même temps le Klingon Augment Virus dont tous les événements de leur Histoire post-2154 découlent...
Loin de crédibiliser l’articulation de DIS par rapport à TOS, ces révélations aggravent en fait les choses, car Spock étant mis au courant, cela frappe rétrospectivement de duplicité son personnage iconique dans TOS 01x06 the Naked Time, alors réputé incapable de mentir... mais qui aurait faisant semblant – devant son capitaine et ami – de découvrir la possibilité du voyage temporel !
La leçon d’Histoire de Leland comporte par ailleurs une double contradiction. D’une part, quel est le rapport causal entre la destruction de la combinaison par des espions klingons… et la conviction que l’Empire avait abandonné ses recherches temporelles ? La première prémisse aurait dû plutôt invalider la seconde. D’autre part, si la combinaison créée par la Section 31 a été détruite par les Klingons, en quoi est-il logique de la retrouver employée par un voyageur du futur ? La Section 31 avait-elle eu l’impéritie il y a vingt ans de ne pas s’assurer que la combinaison fût réellement détruite, et non volée ou copiée par les Klingons ?
Lorsque Burnham fera la remarque qu’il y a des trous dans l’explication de Leland, des trous qui curieusement ne portent pas sur lesdites contradictions évoquées ci-avant mais sur une prescience de dissimulation à caractère personnel (que pourtant rien ne suggère dans cet échange), l’amirale Cornwell la reprendra comme s’il n’était pas même permis de douter de la Section 31 (le comble au regard des tragiques compromissions récentes).
Visiblement, Leland aura eu besoin d’un regard de connivence (voire d’aval) de Mirror-Georgiou pour "se mettre à table" devant l’amirale Cornwell, Pike, et Burnham ! C’est tout de même le comble que cette psychopathe multi-génocidaire ait ainsi eu accès à tous les secrets de l’UFP au point de donner désormais le la. Ce sont en fait avec de discrètes piqûres de rappel de ce genre que l’on mesure à quel point la société de Discovery est encore bien moins crédible que celle de Kelvin. Car même si l’amiral Marcus – traumatisé par la destruction de Vulcain et la crainte de la guerre avec les Klingons – avait commis l’erreur (qu’il a finalement payée de sa vie) de faire travailler de force Khan pour la Section 31, il s’était tout de même assuré de le "contrôler" par la prise en otage de ses 72 compagnons Augments. Alors que dans Discovery, c’est comme si la Section 31 avait donné directement les clés de la boutique à Khan, voire à pire que lui, car tout tyran que Khan ait été, il n’a jamais été considéré par l’Histoire comme un méga-Hitler génocidaire.
En dépit de l’angle mort complet du passé sur l’avenir (lorsque l’inverse n’est pas du tout vrai), en dépit de l’infériorité technologique, en dépit de la non-maîtrise du voyage temporel… les protagonistes ne doutent de rien lorsqu’ils prétendent pouvoir capturer un visiteur de futur (qui plus est réputé pour ses interférences ultra-chirurgicales jusque-là), puis le faire travailler pour eux (à la façon dont l’amiral Marcus a tenté de faire travailler Khan 2.0 pour lui ?).
Les vaillants protagonistes semblent également ignorer dans leur raisonnement que sans les avertissements du Red Angel, ils n’auraient même pas conscience de la menace qui pèse sur leur avenir. Et même, si d’aventure, ils réussissaient à emprisonner le Red Angel, quel moyen de coercition et de contrôle auraient-ils sur lui pour savoir si ce voyageur dit vrai ? Et ne songent-ils pas que par cet acte d’ingérence aveugle de leur part, c’est toute la causalité qui les a conduit à savoir et à agir, mais aussi le salut de Michael dans son enfance, l’existence de la colonie de Terralysium, la survie des Kelpiens… qu’ils prennent le risque d’effacer de la timeline ?
Mais pas à un instant, ils ne se posent la question des causalités, à croire qu’aucun d’eux n’a mesuré les véritables implications du voyage temporel et que leur compréhension de cette mécanique n’a pas dépassé la série The Time Tunnel (1966). Littéralement des Homo erectus qui joueraient avec l’arme atomique. Mais aucune importance n’est-ce pas, puisque les deus ex machina que sont les showrunners veillent sur eux...
En parallèle, si le Red Angel est bel et bien une Burnham plus âgée comme tous le pensent à ce stade de l’épisode, alors les héros s’exposent par leur stratégie à une rupture directe de causalité circulaire. Car tous les événements du présent, une Burnham future les aura vécu, et une tentative de la piéger ne peut qu’être vouée à l’échec... sauf si l’on raisonne en terme de Pogo paradox (paradoxe de prédestination), mais cela supposerait alors que les protagonistes aient une vieille expérience de la mécanique temporelle (ce qui n’est pas le cas, même en considérant les balbutiements temporels de la Section 31).
[Dans une coursive de l’USS Discovery.]
- Burnham : « Georgiou, attendez. Que me cachez-vous ? »
- Mirror-Georgiou : « Vous n’en avez pas marre de me poser cette question ? »
- Burnham : « J’aimerais ne plus avoir à le faire. Je sais qu’il y a davantage que ce que vous me dites. »
- Mirror-Georgiou : « On vous a dit ce qu’il fallait. Moi, en tout cas. »
- Burnham : « Philippa. Je vous confie ma vie. Vous m’aviez demandé ma confiance. C’est l’occasion de la mériter.
- Mirror-Georgiou : « Ce n’est pas à moi qu’il faut parler, Michael. »
- Burnham : « Leland ? »
- Mirror-Georgiou : « D’après mon expérience, les meilleures intentions mènent aux pires dégâts. Surtout pour nos proches. »
Burnham s’adresse désormais à l’ex-impératrice de l’Empire Terran comme si elle ne l’avait jamais été et qu’elle était devenue par magie sa contrepartie honorable de l’univers non miroir. Le glissement est en train de s’accélérer, et les auteurs s’imaginent que le public – réputé amnésique – a déjà en partie oublié à qui il avait vraiment affaire, l’actrice Michelle Yeoh aidant.
Le basculement épistémologique se produit ici, lorsque Mirror-Georgiou se met à tenir avec une apparente sincérité un authentique discours d’officière de Starfleet, mais aussi de mère aimante et charitable, soucieuse de ne faire de mal à personne.
C’est une blague ? Eh bien non, car nous assistons en direct à une négation subreptice de tout ce qui été montré en première saison. Et l’opération de substitution axiologique n’en est qu’à son début...
[En ingénierie, devant un hologramme du Red Angel en combinaison.]
- Stamets : « Voici l’Ange Rouge. Sa combinaison permet de voyager dans le temps par micro-trous de ver. Ces trous de ver sont instables, et l’Ange doit les maintenir ouverts s’il veut rentrer chez lui. Je pense avoir compris que pour ça, la combinaison génère une membrane protectrice qui le suit (qui voyage avec elle). Une extrémité est attachée à son point de départ. Une ancre. Quand il veut rentrer, ça le ramène comme un élastique. »
- Tilly : « Nos discriminateurs de phase utiliseront un champ de stase pour bloquer la membrane. On le déposera sur une plateforme où une impulsion électromagnétique neutralisera le cristal temporel qui alimente la combinaison. »
- Stamets : « Une fois le champ de confinement en place, il sera coincé, autant qu’on le voudra. Et alors, on pourra l’interroger. »
- Stamets (s’adressant à Mirror- Georgiou) : « Et aucune force future ne pourra intervenir, n’est-ce pas ? Pourquoi cette tête ? »
- Mirror-Georgiou (aguicheuse) : « Vous êtes peut-être plus intelligent que le Stamets que j’ai connu. Mais aussi bien plus névrosé. Suivez un traitement. »
- Stamets : « D’après mes calculs, les discriminateurs de phase devraient marcher convenablement. Le problème... »
- Annonce : « Attention : le hangar à navettes est hors service. »
- Culber (qui vient d’entrer) : « L’amiral Cornwell est là ? Je me disais... »
- Tilly : « Quoi ? Non, elle n’est pas là. Mais c’est tellement chouette de vous voir... »
- Mirror-Georgiou : « Allons. Votre tentative de rompre cette tension virile est désolante. Vous n’avez pas appris à savourer la gêne, Rouquine ? Qui vous a élevée ? »
- Tilly : « Ma mère. Elle était très absente... »
- Mirror-Georgiou (à Tilly) : « Silence ! »
- Mirror-Georgiou : « Vous parliez d’un problème, Paul ? »
- Stamets : « Les discriminateurs de phase. Il faudrait douze réacteurs de distorsion pour générer l’énergie requise. Et même si on trouvait ce qu’il faut, on ne pourrait pas le contrôler. »
- Mirror-Georgiou : « Pas vous. En fait, nous n’avons pas besoin de réacteurs. Un des sites d’essais du Projet Dédale était sur Essof IV. »
- Stamets : « J’ai lu à propos de cet endroit. Ça regorge de deutérium. On pourra créer un réacteur plasma qui alimentera nos discriminateurs de phase. Et alors, on capturera notre souris. »
- Mirror-Georgiou (sensuelle et très aguicheuse) : « Vous êtes vraiment plus malin que lui. »
- Culber : « Vous savez qu’il est gay ? »
- Mirror-Georgiou : « Ne soyez pas si binaire ! Dans mon univers, il était pansexuel et nous nous sommes énormément amusés. Pareil pour vous, papi. »
- Culber : « J’ai bien entendu "papi" ? »
- Stamets : « Dans mon univers, et dans tous ceux que je peux imaginer, je suis gay. Et lui aussi. »
- Mirror-Georgiou : « Bien entendu. C’est bien, on voit tous l’évidence. Veuillez m’excuser, je vais dire à Pike de mettre le cap sur Essof IV. »
- Tilly (après le départ de Mirror-Georgiou et à son propos) : « Qu’est ce qui vient de se passer ? »
Un technobabillage toujours aussi nébuleux, digne héritier de celui relatif au mycelium network, et dont la crédibilité est d’autant plus basse ici qu’il est question de battre des voyageurs du futur avec des technologies et des sciences du passé. Une telle configuration aurait davantage eu sa place dans un épisode décalé de la très bristish Red Dwarf...
Lorsque Mirror-Georgiou donne des ordres aux membres d’équipage de l’USS Discovery, qui savent pourtant qui elle est vraiment, et d’où elle vient (pour avoir enduré la première saison), eh bien ils lui obéissent le plus naturellement... Dans le monde réel, des officiers de l’armée d’un état de droit n’auraient jamais accepté d’obéir à un criminel de guerre ou contre l’humanité. Celui-ci se serait très vite retrouvé devant la Cour pénale internationale de la Haye. Mais pas dans l’univers dystopique et inconséquent de Discovery...
Et l’ex-impératrice ne manque jamais une occasion d’en remontrer sur son univers et sur ses anciennes fonctions… ce qui la rend d’autant plus illégitime pour commander dans Starfleet et s’y faire obéir. Elle compose une Cruella d’enfer avec tout le personnel de Starfleet, dont elle semble faire ses jouets personnels. Ce n’est certes qu’une posture, mais rien que ce comportement provocateur dans le cadre du port de l’uniforme aurait nécessité une mise à pied. La criminalité originelle de Mirror-Georgiou se voit en somme réduite à des gimmicks, un goût pour la provocation, et des petits jeux SM.
Par ses réponses nonchalantes aux recherches de Stamets, Mirror-Georgiou réussit presque à le faire passer pour un sandbox, vu que la Section 31 semblait déjà disposer de tout ce dont a besoin Stamets, et comme si elle savait déjà tout de ce que Stamets croit mettre au point. Quel est donc le sens de ce petit jeu, tout en flattant grossièrement Stamets sur son intelligence ?
Et pourtant, pourtant, Mirror-Georgiou sera la première depuis le début de la série à s’être fait l’interprète de l’exaspération du public envers Tilly, en lui assénant un très joussif « Silence ! ».
Pire, c’est Mirror-Georgiou qui donne une leçon de maturité sexuelle lorsque le script confine Culber et Stamets dans un rôle étriqué de gays "revendicatifs", c’est-à-dire totalement contemporains. Le comble est que Star Trek Beyond – seul opus Star Trek depuis 2009 auquel n’a pas participé Alex Kurtzman – avait eu la finesse de dépasser le communautarisme sexuel (et de toutes les formes de militantismes corollaires) pour figurer une véritable société inclusive où les orientations et les choix ne se définissaient plus par des fiertés identitaires mais uniquement par des actes performatifs.
Hélas dans Discovery, la régression sociologique est telle que nous nous retrouvons avec deux officiers de Starfleet gays aux réflexes tokenistes (entre l’affirmative action et le désir de justification du persécuté), ressentant la nécessité de proclamer haut et fort leur identité sexuelle (cataloguante et discriminante) aussitôt qu’une femme s’approche un peu trop près d’eux, et qui auraient pu tout aussi bien militer dans les mouvements LGBT d’aujourd’hui voire défiler revendicativement dans une gay pride. Donnant une confirmation de plus que Discovery réussit à faire pire que Kelvin, ou du moins à annuler ses quelques "réussites". Et tout comme dans la première saison, à l’instar de Mirror-Lorca envers Burnham, ce sont des personnages de l’univers miroir qui donnent des leçons de trekkisme à la prétendue "utopie" discoverienne, preuve de Discovery n’est qu’un upside down outrageusement "contemporano-morphe".
À ce titre, il peut être instructif de prendre connaissance de ce paragraphe (hélas tristement "prophétique") de ma critique de Star Trek Beyond écrite en 2013
[Dans un couloir de l’USS Discovery.]
- Nahn : « Commandeur. »
- Burnham : « Bonjour. »
- Nahn : « Je voulais... Écoutez. Mon boulot, c’est de protéger le maximum de vies. Coûte que coûte. Mais votre discours aux funérailles... C’est dur d’oublier. »
- Burnham : « Vous avez bien agi. Je suis reconnaissante que vous ayez été là. »
- Nahn : « Étrange manière de découvrir quelqu’un, mais en vous voyant vous battre si fort pour elle, la vraie Airiam... Juste pour dire que je suis heureuse que vous ayez été là aussi. »
[Et elles se serrent la main.]
Les excuses de Nahn sont largement sans objet. Devait-elle s’excuser d’avoir obéi aux ordres de Pike et de l’amirale Cornwell lorsque Burnham en fut incapable, d’avoir accordé la primauté à toute vie sentient dans la galaxie plutôt qu’à la seule Airiam ?
Mais il fallait bien entériner le bénéfice édificateur des panégyriques pompeux du début de l’épisode, du caractère messianique de Burnham, et aussi offrir aux spectateurs des attributs de contentement pour des réconciliations d’autant plus vaines qu’elles ne concluent aucune brouille.
[Sur le vaisseau de la Section 31, dans le ready room du capitaine Leland.]
- Saru : « Le trou de ver utilisé par l’Ange finirait par se refermer seul. Mais on doit arriver à le clore immédiatement. Au risque sinon de risquer une nouvelle infiltration de l’I.A. Malheureusement le rayon de gravitons de l’USS Discovery n’est pas assez fort. »
- Leland : « C’est pour ça qu’on le fera depuis mon vaisseau. Tyler m’y aidera. Nous le fermerons vite. Est-ce le capitaine Pike qui a décidé ce chaperonnage ? C’est pour ça que vous êtes là ? »
- Saru : « C’était mon idée, car je veux vous évaluer moi-même. La Section 31 a récemment eu des pratiques douteuses. Puisqu’on doit collaborer et que les vies d’êtres qui me sont chers sont entre vos mains, je dois savoir si vous êtes digne de confiance. »
- Leland : « Si vous arrivez à trancher, je ne fais pas mon boulot très bien. »
- Saru : « Même sans mes ganglions, je continue à avoir des réactions instinctives fortes face aux situations dangereuses et aux individus dangereux. »
- Leland : « Et ? »
- Saru : « Je pense que vous ferez tout pour protéger nos équipages de votre mieux. Je crois aussi qu’il y a beaucoup de choses que vous ne dites pas. »
- Burnham (entre dans la pièce) : « Pardon. M. Saru, puis-je dire un mot au capitaine Leland ? »
- Saru : « Certainement, commandeur. »
[Saru quitte le ready room, laissant Burnham et Leland seuls.]
- Burnham : « Capitaine, nous montons un plan pour me capturer moi. J’ai le droit d’en savoir autant que vous. À tous les égards. Vous avez une grande souplesse morale. C’est votre travail. Mais je vous laisse une chance de tout m’expliquer, à votre façon. »
- Leland (après un long silence) : « J’ai connu vos parents. Ils travaillaient sur le Projet Dédale pour la Section 31. Je les avais postés sur Doctari Alpha. »
- Burnham : « Non. Nous étions stationnés là-bas car mes parents avaient envie de changement. On serait partis, mais je voulais voir une étoile devenir supernova. »
- Leland : « Vous y étiez... à cause de moi. Vos parents... Ils ont été tués là-bas… à cause de moi ! »
- Burnham : « Mes parents... étaient scientifiques. Mon père était xénoanthropologue. Ma mère était astrophysicienne. Ils n’auraient pas été impliqué dans la Section 31. »
- Leland : « Elle était aussi ingénieure. Brillante. On avait pour théorie que certains bonds technologiques, à travers diverses cultures, étaient dus au voyage temporel. »
- Burnham : « Non. Ils devaient savoir que certains bons, y compris ces avancées technologiques, peuvent s’expliquer... »
- Leland : « Je n’étais pas non plus convaincu, jusqu’à ce qu’ils construisent la combinaison. »
- Burnham : « Non, ils ne m’ont jamais parlé de ça. »
- Leland : « C’était secret. Et dangereux. »
- Burnham : « Qu’est-ce que vous aviez à avoir avec ça ? »
- Leland : « Il manquait un élément clé. Le cristal temporel. Qui permet les sauts temporels. On a appris d’un agent sur Qo’noS qu’un de ces cristaux était en vente sur le marché noir d’un avant-poste Orion. J’ai fait en sorte qu’on le vole. Je pensais qu’on avait couvert nos traces. »
- Burnham : « Mais Les Klingons l’ont traqué jusqu’à Doctari Alpha… »
- Leland : « … où une supernova allait naître, libérant une décharge massive d’énergie. »
- Burnham (indignée et en larmes) : « Tout ce temps... J’ai cru... Nous y étions à cause de vous ? Pour un cristal temporel ? Vous avez laissé les Klingons le trouver ? »
- Leland : « J’étais jeune, ambitieux. J’ai été imprudent. J’aurais dû mieux protéger vos parents. Je sais combien il vous en a coûté. Et je suis si profondément navré. »
- Burnham (assénant successivement deux violents uppercuts à Leland, sous l’emprise de la colère et des larmes) : « Pour ma mère. Pour mon père. Ce n’est pas fini. »
On passe vraiment directement d’un extrême à l’autre en quelque minutes. Devant l’amirale Cornwell, il fallait dire pieusement "amen" à tout ce que sortait Leland. Mais seule, en sa présence, Burnham ne témoigne pas du moindre respect pour le grade de Leland ! Alors certes, bien des officiers de la Section 31 auraient dû être démis de leur fonction, ou au minimum encadrés par l’amirauté de Starfleet au regard de tous leurs abus de pouvoir. Mais puisqu’il n’est est (presque) rien et que le capitaine Leland est toujours en poste, Burnham ne peut se permettre se comporter comme un chef de gang qui en intimide un autre. Du style : « Je vous ai fait une proposition que vous ne pouviez refuser » !
Si l’on fait abstraction des incohérences relatives aux Project Daedalus et à la prétendue destruction de la combinaison par les Klingons (qui ne seront de toute façon pas résolues ou expliquées dans le cadre de cet épisode), rien dans le comportement initial de Leland ne laissait paraître qu’il cachait spécifiquement des informations impliquant Burnham... confirmant donc que ce n’est pas son comportement ou ses propos qui induisent la méfiance de Michael, mais le seul bon vouloir des scénaristes.
Cette scène, véhiculant une forte prégnance de twists, multiplie les erreurs tonales. Jusque-là, DIS avait tenté de faire du capitaine Leland l’équivalent d’Arvin Sloan dans Alias. Mais depuis qu’il a basculé en mode "aveux" sans même y être contraint – sauf à prendre Burnham pour une mafieuse délivrant des ultimatums qu’il ne serait pas possible d’ignorer (« je vous laisse une chance ») – Leland semble à son tour frappé de la même pathologie auto-culpabilisatrice que Michael elle-même, à savoir s’accuser abusivement de tout. Non seulement, personne (et en tout cas pas Leland) n’a obligé les parents de Michael à travailler pour la Section 31, mais ce sont eux qui l’on gratifiée de la combinaison temporelle de leur invention. Ils n’avaient aucune raison de révéler des données hautement classifiées à leur fille encore gamine (donc Michael n’est pas fondée à s’indigner de ne pas l’avoir su). Enfin, Leland n’a de toute évidence pas sciemment provoqué la mort des parents de Michael (c’est une mission qui s’est mal terminée et où les Klingons se sont révélés plus performants que prévu...). Mais visiblement, après avoir fait de Leland le croque-mitaine de la seconde saison (prêt à lobotomiser le cerveau de Spock avec en engin du Terran Empire...), on lui fait maintenant artificiellement endosser une omni-responsabilité (qui ne lui revient pourtant pas) pour en faire le bouc émissaire et le punchingball de Burnham, gratifiant ainsi l’épisode d’une catharsis en toc. Une fois de plus, les interactions et les psychologies de Discovery se décident aux dés et se dessinent à la truelle.
Le grand secret/déballage sur les parents de Burnham représentait depuis le début de la saison un levier de chantage de Mirror-Georgiou envers Leland. Mais elle n’a pas hésité aujourd’hui à sacrifier cet atout… en veillant à mettre Burnham sur la voie, c’est-à-dire à dénoncer Leland à demi-mot. Une autre façon pour les auteurs d’insister sur l’attachement affectif de Mirror-Georgiou pour Burnham – leur argument biaisé étant probablement que l’amour pour une personne rachèterait des milliards de crimes et des rivières de sang (conformément à l’idéologie conclusive de SW VI The Return Of The Jedi...).
Mais le plus problématique ici est la façon dont la série formalise la technologie temporelle. Certes, en généralisant l’emploi de temporal crystals, l’épisode semble rétrospectivement résoudre (ou du moins assumer) l’anachronisme du générateur portable de boucles temporelles employé par Mudd dans DIS 01x07 Magic To Make The Sanest Man Go Mad. Mais ce faisant, il ne fait plus reposer la technologie temporelle (qui pour mémoire n’est pas supposée avoir été inventée avant 2266) sur une construction scientifique ab initio, mais sur l’existence d’un objet mystérieux à la provenance indéterminée (le temporal crystal) qui ferait l’objet d’un trafic et qui permettrait de voyager dans le temps (DIS 01x07 Magic To Make The Sanest Man Go Mad était même allé jusqu’à supposer que Mudd se serait procuré ce MacGuffin auprès d’une espèce quadridimensionnelle !). En somme, un "objet magique" de fantasy au propriétés jokers, c’est-à-dire à géométrie variable selon les besoins des scénaristes (exactement comme le mycelium network qui permet selon les cas de se matérialiser n’importe où dans l’univers, d’aller dans des mondes parallèles, et de ressusciter), et cible de toutes les convoitises. Permettant du coup de transformer le prométhéisme trekkien... en une vulgaire chasse au trésor galactique des artefacts de Milo Giacomo Rambaldi sur fond d’espionnage parano à la mode d’Alias ! Introduisant qui plus est une nouvelle incompatibilité systémique avec la chronologie historique trekkienne (mais une de plus ou une de moins…), car les voyages temporels y furent si fréquents et si stratégiques qu’il n’est pas davantage explicable que de pareils cristaux temporels n’y aient pas davantage été mentionnés que le spore drive.
Et toutes ces twists n’expliquent pas davantage qu’une combinaison (seule vestige des recherches temporelles de la Section 31) ait été détruite 20 ans avant pour être considérée le plus naturellement par tous (y compris par la même Section 31) comme l’attribut d’un voyageur ou d’une voyageuse temporel(le) venu(e) du futur.
[Dans une coursive de l’USS Discovery.]
- Ash : « J’ai chargé les données de la Section. »
- Burnham (furax) : « Tu savais ? »
- Ash : « Quoi ? »
- Burnham : « Que Leland était responsable de la mort de mes parents ? Tu le savais, n’est-ce pas ? »
- Tyler : « Non. »
- Burnham : « Ne me mens pas. »
- Tyler : « Je ne sais pas de quoi tu parles. »
- Burnham : « Chaque jour passé à la Section révèle ta nature profonde. Tu as dit que c’est ta boussole ? Tu peux vivre avec ça ? »
- Tyler : « La Section a une mission précise. Je ne suis pas sûr d’être d’accord avec leurs tactiques, mais je crois en la mission. »
- Burnham : « Peu importe qui paie le prix ? »
- Tyler : « C’est n’est pas blanc ou noir. Ils font aussi beaucoup de bien. »
- Burnham : « Je prends ça pour un oui. »
Voici une petite séquence exutoire et hystérique davantage digne d’un soap ado que d’un Star Trek. Si quelqu’un était au courant de ce que vient d’apprendre Burnham, c’est Mirror-Georgiou, mais Michael se gardera bien de le lui reprocher vraiment. En revanche, elle s’en prend gratuitement à Tyler en le rendant comptable de faits vieux de deux décennies alors que c’est un bleu dans la Section 31… et quitte à présumer que l’ensemble des missions, des actions, et des opérations passées, même les plus secrètes, seraient parfaitement connues de tous les agents ! Naïve et puérile, Mary-Sue finit elle-même par avoir des réflexes d’univers de poche. Alors que paradoxalement, Tyler, tente d’introduire quelques nuances de gris (certes en 2-bits)…
[Dans les quartiers de l’amiral Cornwell sur l’USS Discovery.]
- Cornwell : « Entrez. »
- Culber : « On m’a dit que vous étiez là. On peut parler ? »
- Cornwell : « Oui. »
- Culber : « Vous étiez psy. »
- Cornwell : « Oui, je sais. Qu’est-ce qui vous amène, docteur ? »
- Culber : « Docteur… »
- Cornwell : « Je comprends à quel point cela doit vous paraître étrange. Tout doit vous sembler étrange, j’imagine. Votre expérience transcende tout notre savoir sur l’identité. »
- Culber : « Je ne me suis jamais senti si seul dans ma vie. Même en ce moment. »
- Cornwell : « Le commandeur Stamets est celui qui vous connaissait le mieux. »
- Culber : « Vous utilisez le passé. »
- Cornwell : « Vous êtes tout neuf. »
- Culber : « Je me souviens de Paul. Je me souviens de l’avoir aimé. Mais cela même fait l’effet d’un rêve. C’est la vie de quelqu’un d’autre. Je ne sais pas ce que je ressens pour lui maintenant. »
- Cornwell : « Vous sentez-vous obligé de ressentir quelque chose pour lui ? »
- Culber : « Je ne peux lui donner ce dont il a besoin. Et je ne veux pas le blesser. »
- Cornwell : « Très bien. Vous savez ça, vous savez que vous ne voulez pas le blesser. »
- Culber : « C’est insuffisant. »
- Cornwell : « Insuffisant pour quoi ? »
- Culber : « Insuffisant pour l’homme que je sais m’aimer. Et que j’ai aimé un jour. »
- Cornwell : « L’amour est un choix, Hugh. On ne le fait pas qu’une fois. On le refait sans arrêt. »
[Un signal d’appel retentit.]
- Culber : « Je vous laisse. »
- Cornwell : « Docteur. La seule façon de tracer un nouveau chemin, c’est de marcher. »
- Culber : « Merci, amiral. »
Un échange qui confirme ce qu’avait déjà établi DIS 01x09 Into the Forest I Go, à savoir que l’amirale Katrina Cornwell était à la base une psychologue (coutumière du traitement des PTSD). Mais c’est néanmoins la première fois que la série met en scène pour ainsi dire une "séance" dirigée par elle. Faut-il rire ou pleurer que le personnage possiblement le plus arrogant et le plus intellectuellement malhonnête de DIS, n’ayant cessé de multiplier les erreurs stratégiques et psychologiques sans le reconnaitre depuis le début de la série... sont une psy ?! Un coup à crédibiliser rétrospectivement Deanna Troi dès la première saison de TNG, au même titre que Wesley Crusher sous "l’effet" Sylvia Tilly...
Bien que cette scène ait le mérite d’être assez introspective, tout en assumant le trouble existentiel de Culber (quoique déjà largement dissipé par rapport aux épisodes précédents...), elle survient à contre-emploi du crescendo narratif, sans avoir la densité d’une vraie histoire B, tout en véhiculant davantage de bons sentiments convenus que de véritable psychologie. Finalement, elle contribue juste à renforcer l’effet déjà très prononcé de soap de l’épisode...
[Dans une salle de sport de l’USS Discovery où Burnham fait de la boxe comme Charles Bronson dans Death Wish.]
- Spock : « Le capitaine Leland doit apprécier que tu préfères la mousse à son cartilage nasal. »
- Burnham : « Spock, ne le prends pas mal, mais tu es la dernière personne à qui j’ai envie de parler en ce moment. »
- Spock : « Tu es en colère, une réaction compréhensible. Tu as perdu ton amie. L’inéluctabilité de sa mort n’est d’aucun réconfort. Tu as appris que tu es l’Ange, ce qui est illogique même si ça correspond à ton profil. »
- Burnham : « Spock. »
- Spock : « Enfin, tes parents sont morts à cause de la négligence de Leland, mais leur mort n’en est pas plus acceptable. J’aurais aimé être là au moment où tu l’as frappé. Je pense que j’aurais trouvé le moment satisfaisant. »
- Spock (s’asseyant à côté de Michael qui a cessé de boxer) : « Tu as vécu une série d’événements où à la fois la logique et les émotions t’ont causé du tort. D’après mon expérience, c’est... inconfortable. »
- Burnham : « Très. Quand tu as dit... que je me culpabilisais pour tout. Tu avais raison. J’ai fait entrer ma culpabilité dans ta maison. Je regrette. »
- Spock : « Tu étais une enfant, avec une compréhension partielle d’un événement complexe même pour un adulte. Cependant, si ça soulage ta peine, j’accepte tes excuses. »
- Burnham : « Merci d’être venu me parler. C’est inattendu et utile. »
- Spock : « Je n’avais pas anticipé cet échange non plus. Mais je l’apprécie aussi. »
- Burnham : « Alors pourquoi venais-tu me voir ? »
- Spock : « En ton absence, j’ai fait une découverte. J’ai compris la variable de la logique des signaux. Ce qui conduit le Red Angel à apparaître à certains moments à non à d’autres... »
- Burnham : « Et ? »
- Spock : « La variable, c’est toi, Michael. »
Ainsi vient la péroraison du fil rouge le plus soapy de la seconde saison, mais finalement pour un suspens de polichinelle. Michael et Spock se réconcilient, grâce à la convergence entre une circonstance et une intention, et comme il est d’usage en pareil cas en se reconnaissant mutuellement quelques torts, et en donnant respectivement raison aux reproches de l’autre. C’est 100% soap, mais aux normes du soap, la scène est plutôt bien écrite sur le plan émotionnel, potentiellement touchante par plusieurs répliques, et elle procurera une gratification certaine aux spectateurs qui l’attendaient depuis si longtemps.
Hélas dans cette exaltation d’anthropomorphisme, il ne subsiste presque rien de la vulcanité, qui de toute façon avait été progressivement enterrée depuis le début de série.
Sur le terrain factuel en revanche, il est plutôt curieux que Spock connaisse d’emblée la prétendue "responsabilité" de Leland alors qu’il n’avait visiblement pas encore parlé à Michael. Car aussi choquante qu’ait été cette révélation pour Burnham, elle demeurait une info classifiée qui n’aurait logiquement pas dû sortir (du moins pas aussi vite) de la "boucle" Leland/Mirror-Georgiou/Burnham... du moins si Discovery ne confondait pas les secrets militaires avec les psychodrames de soap. Ainsi, il est peu probable que Tyler ait diffusé l’information étant donné sa loyauté de "nouveau converti" envers la Section 31. Et au sein d’un Starfleet qui condamne à perpétuité la moindre désobéissance (cf. le sort de l’héroïne dans la première saison), si les violences physiques de Burnham ayant molesté Leland – un supérieur en grade – ont été rendues publiques (alors qu’il n’était de l’intérêt d’aucune des parties de le faire), cela aurait normalement dû exposer Michael à des sanctions ou au minimum à des réprimandes (sauf si celle-ci bénéficie désormais d’un régime d’impunité), mais également embarrasser en retour la Section 31 (quitte à devenir encore plus improbable que dans les épisodes précédents) ! Faut-il alors supposer que Mirror-Georgiou ait joué les Alexis Carrington Colby en allant propager à travers le vaisseau ce qu’elle refusait de directement révéler à Michael ? Cela s’inscrirait finalement plutôt bien dans l’esprit putassier de la série, qui s’appuie de toute façon sur le joker passe-partout du "hors champ" pour laisser aux fans le soin de colmater (et plutôt mal que bien) ses innombrables trous et nids-de-poule...
[Dans le vaste hangar à navettes de l’USS Discovery.]
- Burnham : « N’attendons pas. Tendons notre piège sur Essof IV. »
- Pike : « Le plan était de créer le piège ici. »
- Burnham : « On misait sur les signaux car on cherchait un lieu. Mais il fallait chercher une raison. Pourquoi apparaît-il ? »
- Spock : « Chaque signal a mené à un lieu où le Discovery a sauvé des vies. L’Ange n’est apparu que dans certains de ces lieux. Ses venues semblaient aléatoires. Mais la logique de ses apparitions en cas d’absence de signal est claire. »
- Burnham : « Quand Spock était petit, il l’a averti car j’étais en danger. Il m’est apparu sur l’astéroïde car j’étais blessée. J’ai su que les secours arrivaient. J’ai repris courage. »
- Pike : « Vous avez sauvé votre propre vie. »
- Spock : « Le paradoxe du grand-père. La Burnham future n’existe pas si celle du présent meurt. »
- Mirror-Georgiou : « Quand la vie de Michael est en danger, son Ange gardien rouge intervient. »
- Burnham : « Ce qui signifie que je dois servir d’appât. »
- Pike : « Ce qui veut dire exactement ? »
- Burnham : « L’atmosphère d’Essof IV est irrespirable. On tend le piège. Je descends. Vous me laissez suffoquer. »
- Mirror-Georgiou : « Vous êtes folle ? »
- Pike : « Hors de question ! »
- Spock : « L’Ange la protègera. Sans quoi ses efforts pour sauver la galaxie seront vains. »
- Burnham : « Si le plan déraillait d’une quelconque façon, le Dr Culber sera juste là pour me ressusciter. »
- Spock : « Mais nous ne pensons pas ce sera finalement nécessaire. »
- Burnham : « Ça ne me réjouit pas. Loin de là. Mais nous ne voyons pas d’autre solution. »
- Pike : « Vous me demandez d’autoriser un plan qui bafoue mon serment d’officier de Starfleet. »
- Burnham : « Je comprends. Mais sauf votre respect, entre me risquer moi et risquer toute vie sentient, il n’y a pas d’hésitation. Pour capturer l’Ange Rouge, laissez-moi mourir. »
Les résurrections font désormais partie du quotidien des DIS (du moins selon le bon vouloir des scénaristes, Airiam n’ayant pas bénéficié de ce régime de faveur), au point qu’elles deviennent des éléments de tactique et de spéculation !
L’équipe inter-agences Starfleet + Section 31 (façon DoD aux USA), désormais combinée, planifie le plan concocté par Spock et Michael "je me sacrifie" Burnham, à savoir provoquer la mort de cette dernière pour faire sortir l’Ange rouge de son trou à rat... enfin de son trou de ver pour pouvoir ensuite l’enfermer dans un piège énergétique afin de l’interroger sur l’Apocalypse. Mais l’ironie est que c’est en tentant d’exploiter la causalité (le Red Angel sauve Burnham dans le passé pour sauver son existence dans le futur) que les héros tentent d’attraper la voyageuse temporelle, alors que c’est justement cette même causalité qui invalide la cohérence de ladite stratégie. En effet, si l’Ange rouge est bien une version plus âgée de Michael Burnham future, alors tout ce qui est entrepris en 2257 sera anticipé par elle dans la mesure où elle l’a déjà vécu et en fut même l’instigatrice (le piège serait éventé puisque sa cible ultérieure serait aussi son auteur antérieur). On pourrait alors imaginer le stratagème de faire de Michael un appât malgré elle, en lui dissimulant intégralement l’opération (pour que sa version future ne fasse pas le lien), mais la probabilité qu’elle découvre la vérité tôt ou tard (au minimum lors de sa "réanimation" si elle survit) resterait très élevée (ce qui pourrait compromettre rétroactivement le processus). Et si d’aventure, la capture du Red Angel entrait en contradiction avec son passé (cas d’altération de timeline), c’est son existence rétroactive dans le futur et son capital précognitif qui pourrait être irréversiblement compromis.
En réalité, les scénaristes révèlent une "compréhension" de la mécanique temporelle qui n’est ni en 4D, ni même en 3D, mais seulement en 2D. Autant dire une incompréhension intégrale. Car ils supposent une forme de "synchronisation" entre le présent de l’épisode et le futur du Red Angel... qui pourtant a démontré être libre de sa matérialiser à n’importe quelle époque de son passé. Dès lors, pourquoi faudrait-il que le Red Angel intervienne au moment et à l’endroit précis ou les héros de la série l’ont décidé ? Le piège tendu résulte d’une ligne causale pouvant être altérée à n’importe quel point antérieur par le Red Angel pour empêcher les événements conduisant à la mort de Burnham dans cet épisode sans pour autant devoir tomber dans la souricière. L’effet précédant la cause est une des nombreuses propriétés complexes de la mécanique temporelle que maîtrisait Brannon Braga à la perfection dans tous les épisodes de Star Trek qu’il avait scénarisés, à l’exemple d’ENT 02x16 Future Tense représentant une déconstruction infaillible des pièges de logique dans lesquels est méthodiquement tombée DIS (ainsi que tant d’autres œuvres comme par exemple Looper de Rian Johnson...). Il ne suffit pas de convoquer d’un air sentencieux dans les dialogues le paradoxe du grand-père (devenu d’ailleurs aujourd’hui un poncif) pour fournir aux connaisseurs un quelconque gage de compréhension de la mécanique temporelle.
La "moralisation" de l’ex-impératrice du Terran Empire progresse à pas de géants à chaque scène. Désormais, de tous les protagonistes de Starfleet, c’est Mirror-Georgiou qui fera le plus grand cas de la vie humaine (au moins celle de Michael). C’est aussi elle qui requalifiera symboliquement le Red Angel d’ange gardien de Michael... avec un connoté religieux – ou guimauve – manifeste.
[Réunion au sommet dans la ready room de Pike, entrecoupés de flashforwards quant à la mise œuvre du plan sur la base oxygénée à la surface de la toxique Essof IV.]
- Spock : « Dire qu’Essof IV est inhospitalière est un doux euphémisme. Variations thermiques extrêmes, atmosphère riche en monoxyde et perchlorate qui est rapidement fatale pour toute vie respirant de l’oxygène. »
- Stamets : « Mais le site, lui-même, aura de l’oxygène. »
- Spock : « Exact. »
- Mirror-Georgiou : « On descend au neuvième cercle de l’Enfer pour piéger un Ange. J’apprécierais cette ironie si c’était moins risqué. »
- Pike : « Commandeur Stamets, la précision est cruciale. Le premier essai doit être le bon, car nous n’aurons pas de seconde chance. Une fois Burnham ligotée, le toit se repliera. Elle sera exposée à l’atmosphère toxique. Elle aura exactement deux minutes à vivre. »
- Mirror-Georgiou : « Puis, ce sera la suffocation. Douloureuse. »
- Pike : « Dr Culber, tenez-vous prêt à intervenir en urgence pour procéder à la réanimation. »
- Culber : « Comptez sur moi. Ne vous inquiétez pas. »
- Spock : « Mais si vous la réanimez trop tôt, l’Ange ne viendra pas. Et là... nous perdrons bien plus que Michael Burnham. Toute vie sentient s’éteindra. »
Spock saute directement plusieurs étapes logiques en considérant que si le Red Angel ne tombe pas dans le piège tendu, cela provoquera obligatoirement la disparition de toutes les vies sentients de la galaxie. Outre l’expression d’une arrogance narcissique bien peu vulcaine, cela revient à présumer que l’Ange ne disposerait d’aucune stratégie propre… alors que le fait d’avoir interféré avec autant de détermination et de précisions à diverses époques ainsi que d’avoir révélé à Spock le péril à venir... prouve exactement le contraire !
Par surcroît, Contrôle ayant été détruit, la menace a très bien pu être écartée ou avoir changé de nature, et il est particulièrement hasardeux de prendre des initiatives d’interférences temporelles sans compétence, sans expérience, sans visibilité… et dans une timeline de toute évidence mouvante. Au mieux, les héros de DIS jouent à la mouche du coche, au pire aux apprentis sorciers, dans tous les cas avec une vanité, un aplomb, et une incontinence stupéfiantes.
En outre, Spock inverse les priorités en ne se préoccupant guère des garanties de réanimation de Michael. Car si elle devait mourir définitivement (i.e. sans possibilité d’être réanimée), c’est l’Ange rouge qui disparaîtrait aussi (en supposant que leur hypothèse de travail soit valide, c’est-à-dire qu’il s’agisse bien de Michael). Et avec sa disparition, le risque de cataclysme serait considérablement accru.
De nouveau, Mirror-Georgiou convoquera une symbolique religieuse avec les cercles de l’enfer pour capturer un ange. Décidément, la seconde saison de DIS en est jonchée.
[Scène d’adieux dans les quartiers de Tyler.]
- Tyler : « Salut. »
- Burnham : « Je peux entrer ? »
- Tyler : « Oui. »
- Burnham : « Je suis content de te voir. »
- Tyler : « Ce qui est arrivé à tes parents... »
- Burnham : « Ne t’excuse pas. Ce que je t’ai dit était injuste. J’étais en colère et je me suis défoulée. »
- Tyler : « Tu savais que je pouvais l’encaisser. »
- Burnham : « Je ne voulais pas qu’on se quitte là-dessus, si jamais... »
- Tyler : « N’y pense même pas. Ça va marcher. Tout l’équipage sera là pour te sauver. Et moi aussi. »
- Burnham (après avoir embrassé Tyler, elle fond en larme) : « J’ai peur. »
- Tyler : « Moi aussi. »
Bien entendu, la perspective de devoir mourir fait peur. Et la scène aurait pu être touchante, déchirante, tragique même… si elle s’était intégrée dans un récit crédible, avec une vraie nécessité (au lieu d’une stratégie irresponsable), avec une vraie incertitude (étant donné que Discovery est le Burnham show, il ne subsiste pas une once de doute quant à l’issue), avec un vrai risque (dans une série où la résurrection ne ferait pas partie du quotidien), et sans le surjeu quasi-perpétuel de Sonequa Martin-Green.
Mais l’une des constances de DIS 02x10 The Red Angel, ce sont les larmes de Mary-Sue – la belle poupée qui pleure sur commande. Principe de capillarité qui gouverne la grammaire du soap… mais également aveu d’impuissance lorsque faute de confiance dans la force des scènes, les auteurs recourent à un(e) Cicérone pour encadrer l’état émotionnel du spectateur. À la façon du mauvais comique qui rit de ses propres blagues (espérant que le public suivra..), il y a maintenant l’entraineuse-pleureuse-larmoyante qui conditionne au pathos...
[Sur la passerelle de l’USS Discovery.]
- Saru : « Le site est prêt, capitaine. L’équipe est sur place. »
[Entrée en scène lourde de symbole de la remplaçante de feue Airiam à son poste, à savoir la lieutenante Nilsson déjà entraperçue dans la série.]
- Pike : « Bienvenue, lieutenant Nilsson. »
- Nilsson : « À vos ordres, capitaine. »
[Dans le complexe à la surface d’Essof IV.]
- Stamets : « Discriminateurs de phase activés. »
- Culber : « On n’a pas pu se parler aux funérailles. Je suis sincèrement désolé. »
- Stamets : « Merci. »
- Culber : « Paul. »
- Stamets : « Pas maintenant. Et jamais, peut-être... »
- Mirror-Georgiou : « Prête ? »
- Burnham : « Disons que oui. »
- Mirror-Georgiou (avec estime) : « Michael Burnham, toujours prête à se sacrifier pour autrui. On surveillera la durée d’exposition dès l’ouverture du toit. »
- Burnham : « Il fallait me parler de mes parents. »
- Mirror-Georgiou : « Ce n’était pas mon rôle de te l’apprendre. Mais j’ai fait en sorte que tu l’apprennes. »
- Burnham : « J’y vais. »
- Saru : « Espérons que l’Ange soit à la hauteur. »
- Pike : « Leland, Tyler et vous êtes prêts ? »
- Leland : « Oui, on refermera le trou de ver. »
- Pike : « Agissez vite. »
- Leland (sur le vaisseau de la Section 31) : « Oui. Je n’ai pas envie d’une nouvelle infection de nos systèmes. »
[Au sol sur Essof IV, tandis que Burnham se dirige dépitée vers son fauteuil de torture et de trépas…]
- Ash (à travers le communicateur) : « Michael... »
- Burnham (à Ash) : « Je sais, Ash... »
- Burnham (à Spock) : « Et si ça échoue ? »
- Spock : « Si tu mourais, je serais accusé du meurtre d’un officier. Encore. Il serait donc souhaitable que tu survives. »
- Burnham : « Toujours aussi poète. »
La dernière réplique de Spock est tellement équivoque qu’elle se retrouve au cœur de nombreuses conjectures. Bien entendu, il serait possible d’y voir simplement du second degré ou de l’humour (façon action heroes de blockbusters), pour réduire la tension pré-mortem. À l’inverse, il s’agit possiblement d’une incohérence de plus, dans la mesure où Spock met en œuvre une stratégie collective et avalisée par ses supérieurs (dont il ne pourrait donc être tenu pour responsable individuellement). Mais à la lumière de la scène suivante (où Spock désobéira Pike), il est permis de se demander s’il n’y a pas eu préméditation, moyennant une connivence conclue entre le Vulcain et Michael hors champ pour mener l’opération mortifère jusqu’au bout coûte que coûte, même si la hiérarchie devait se rétracter à partir d’un certain point. Le hic, c’est que laisser vraiment mourir Burnham a bien été la stratégie vendue à Pike, et la présomption d’une nécessité de désobéissance (et donc en amont d’un double jeu) pour appliquer un plan pourtant officiellement adopté, cela témoignerait d’une narration forcée, correspondant en somme à un passage scripté de jeu de rôle.
L’impératrice Terran adresse ici à Michael un authentique témoignage d’affection maternelle. Oui, décidément, à chaque séquence où elle apparaît, Mirror-Georgiou est de moins en moins "mirror" et de plus en plus "trekkienne", multipliant les signes de charité, de compassion, et d’altruisme. Mais ce qui aurait tenu du progressisme et de rédemption dans un autre cas, relève de la triche et de l’indécence ici.
Faut-il vraiment croire que l’appétence de Michael pour le sacrifice christique est tellement édificatrice que, comme dans les bonnes hagiographies, elle devrait provoquer la contrition de la psychopathe génocidaire, pour la convertir et faire d’elle une bonne chrétienne... enfin en bonne trekkienne ?
Burnham, quant à elle, descend dans l’arène avec le stoïcisme d’un gladiateur. Elle marche avec gravité dans le couloir de mort que tant d’autres héros tragiques ont empruntés avant elle. Et au bout de cet ultime chemin : une guillotine, un peloton d’exécution, une chaise électrique. Ici un fauteuil de supplicié, où elle sera entravée pour suffoquer jusqu’à ce que mort s’ensuive.
C’est en musique, en requiem, en pleurs que l’épisode exacerbe la traversée du jardin de Gethsémani, le sacrifice éternel, et la Passion de Mary-Sue "priez pour nous", morte en martyre pour racheter les péchés de l’humanité discoverienne.
Quant à la réconciliation (sur l’oreiller ou pas) de Stamets et Culber, elle ne fait désormais plus aucun doute. Mais c’est une invariance soapesque appelée à durer, car l’approche est toujours plus orgasmique que l’arrivée...
[Perspective croisée au sol sur Essof IV, à bord de l’USS Discovery, et à bord du vaisseau de la Section 31.]
- Pike : « À votre signal. »
- Burnham : « Prête. »
- Stamets : « Coupure des systèmes de survie. »
- Mirror-Georgiou : « Chrono lancé. »
- Pike : « Deux minutes. »
[Ouverture du toit de la base d’Essof IV, pénétration de l’atmosphère toxique, tandis que Burnham se met à hurler de douleur.]
- Culber : « Oxygène à 85 %. Chute rapide. En dessous de 40, elle meurt. »
- Cornwell : « Enseigne Tilly, mise à jour des tachyons ? »
- Pike : « Enseigne, aucun pic de tachyons ? »
- Tilly (absorbée par le spectacle morbide des tourments de Michael) : « Pardon. Non. Et s’il ne vient pas ? »
- Culber : « Oxygène à 62 %. Rythme cardiaque élevé. »
- Mirror-Georgiou : « Elle veut sortir. On vient, Michael. »
- Spock : « Attendez. Elle dit quelque chose. »
- Burnham (balbutiant à travers la douleur) : « Variable. »
- Spock : « Elle dit "variable". »
- Mirror-Georgiou : « Je me fous pas mal de ce qu’elle a dit. Prenez l’oxygène. Suivez-moi… »
- Spock (mettant soudain en joue Mirror-Georgiou pour l’empêcher d’aller secourir Burnham) : « Michael dit qu’elle est la "variable". Elle crée une situation où l’Ange n’aura d’autre choix que de la sauver. »
- Mirror-Georgiou : « Cette chose ne vient pas et Michael fait "non" de la tête. »
- Spock : « Car elle ne veut pas d’intervention. Il faut continuer la procédure. »
- Culber : « L’oxygène est tombé à 42 %. Si je ne la récupère pas, elle va mourir. »
- Spock : « Oui, docteur. C’est l’idée. »
[Michael se tord de douleur de plus belle.]
- Cornwell : « Rapport ? »
- Tilly : « Pas de variation du niveau tachyonique. »
- Rhys : « C’est stable de mon côté. Aucun signe de l’Ange. »
- Cornwell (s’adressant à Pike) : « À vous de décider. »
- Pike : « Cette mission est finie. Sortez-la de là. »
- Culber : « On ne peut pas. Le Lieutenant Spock nous menace d’une arme. »
- Pike : « Spock, laissez-les. »
- Spock : « Désolé, capitaine. Impossible. »
- Pike : « Laissez-les faire, c’est un ordre. »
- Spock : « Désolé. Impossible. »
[Et alors Michael décède sur un fond de musique à forte connotation religieuse.]
- Pike : « Téléportez Burnham directement à l’infirmerie maintenant. »
- Owosekun : « Impossible, il y a trop d’interférences pour verrouiller sur elle. »
- Cornwell : « Interférence de quelle origine ? »
- Tilly : « Je détecte un pic massif de radiations tachyons. »
[Un red burst apparaît en orbite d’Essof IV, non loin des deux vaisseaux.]
- Tyler (sur la passerelle du vaisseau de la Section 31 et montrant du doigt le red burst) : « Capitaine. »
- Leland : « On y va. Vite. »
- Pike (sur la passerelle de l’USS Discovery : « Activation des boucliers. Alerte rouge. Tenez-vous prêt, Spock. »
- Spock : « Il arrive. »
- Pike : « Besoin d’un visuel. »
- Bryce : « J’y travaille. »
- Tyler (sur la passerelle du vaisseau de la Section 31) : « Il faut plus d’énergie pour le faisceau. »
- Leland (quittant la passerelle) : « Continuez. Je récupère l’énergie ailleurs. Fermez-moi ça au plus vite. »
[Descendant en lévitation vers le corps désormais inerte de Burnham à travers l’atmosphère toxique, le Red Angel émet un rayon magique rouge également et ressuscite instantanément Burnham.]
- Mirror-Georgiou : « Maintenant. »
[Sur le vaisseau de la Section 31, Leland a rejoint une section technique pour affecter de l’énergie supplémentaire à la fermeture du trou de ver.]
- Leland : « Autorisation de reroutage. »
- Ordinateur du vaisseau de la Section 31 : « Système désactivé. »
- Leland : « Tyler, j’ai besoin… »
- Ordinateur (présentant comme un premier signe de dysfonctionnement) : « Système activé. »
- Leland : « Peu importe. Autorisation de reroutage. »
- Ordinateur : « En cours. »
- Leland : « Allez, c’est facile. »
- Ordinateur (comme frappé de psittacisme) : « Allez. Allez, c’est facile. »
[Du système de contrôle oculaire dont se servait Leland pour rerouter l’énergie, surgit une pointe qui transperce son lobe occipital au niveau de l’œil gauche. Le capitaine s’écroule au sol, inconscient, tandis qu’une métamorphose semble s’amorcer…]
- Ordinateur (probablement infesté par l’I.A. du futur, et imitant la voie de Leland pour s’adresser à Tyler) : « Vous devriez avoir ce qu’il faut. »
[Tyler lance un faisceau de gravitons en direction du red burst, et le trou de ver se ferme aussitôt.]
- Tyler : « Trou de ver fermé. »
- Stamets (au sol) : « Restauration de l’atmosphère. »
[Les vantaux horizontaux de la base se referment, tandis que l’atmosphère irrigue à nouveau le gigantesque hangar où se trouve Burnham.]
- Detmer (sur la passerelle de l’USS Discovery) : « Systèmes rétablis. »
- Pike : « On peut récupérer Burnham ? »
- Stamets (au sol) : « Pas encore. Ce n’est pas sécurisé. »
[À la surface de Essof IV, le Red Angel est happée par plusieurs faisceaux lumineux (les discriminateurs de phases), puis une impulsion électromagnétique (EMP en anglais ou IEM en français) est émise (pour neutraliser le cristal temporal), et finalement un champ de force se déploie (pour capturer la voyageuse du futur).]
- Stamets : « Je lance l’IEM. »
- Stamets : « On tient l’Ange. Champ de confinement activé. »
[La voyageuse temporelle est comme expulsée ou plus exactement dissociée de sa combinaison. D’abord recroquevillée et à genoux, elle relève la tête, et se révèle être... la mère biologique de Michael… que cette dernière reconnaît après quelques secondes d’hésitation !]
- Burnham : « Maman !? »
Un projet de résurrection en cache un autre. Tout technologique qu’il soit, en possession d’une combinaison du lointain futur prétendument inventé vingt ans avant dans le passé, le Red Angel n’en dispose pas moins d’un "rayon de la vie" qui permet de ressusciter instantanément les morts. C’est aussi impressionnant qu’une intervention de Yahvé au Mont Sinaï.
Lorsque Spock lit sur les lèvres le vocable "variable" que Michael balbutie, il peut sembler incohérent que cela le conduise soudain à changer de tactique ou d’attitude. Car outre la possible expression d’une détermination accrue à aller jusqu’au bout (ou d’une volonté martyrologique personnelle) sous l’effet de la douleur, cela pourrait accréditer l’existence d’une stratégie établie au préalable (mais hors champ) entre Burnham et Spock pour aller jusqu’au terme du processus (par exemple sur un signe/trigger convenu au préalable et/ou si les autres devaient "se déballonner"). Néanmoins à la base, Michael n’a apporté là aucune information nouvelle dont Spock n’avait pas déjà initialement connaissance, puisque toute cette opération a été collectivement entreprise précisément du fait que Burnham était considérée comme la variable d’apparition du Red Angel. Et cette opération impliquait bel et bien la mort de Mary-Sue pour provoquer une intervention autocorrective du Red Angel, comme en témoignent explicitement plusieurs lignes de dialogues antérieures.
Pour que le jusqu’au-boutisme – phaser à la main – de Spock fasse sens au titre de "réorientation stratégique" soudaine, il faudrait partir du principe que c’est toute l’équipe de soutien (Pike, Culber, Mirror-Georgiou...) qui n’avait pas vraiment compris que Michael devait mourir (du moins en intention déterministe et donc en risque réel sans filet) pour que le plan fonctionne (tant que Culber conservait la certitude médicale de pouvoir sauver Burnham de la mort, le Red Angel n’avait aucune raison de rappliquer). En fait, il semblerait (?) que Pike & co l’aient bien compris, mais ils n’ont probablement pas eu le "cran" d’aller jusqu’au terme de la procédure, c’est-à-dire d’assumer la mort potentielle de Michael.
À moins que Spock estime que sa sœur adoptive ait reçu durant son agonie des informations extérieures, ce qui impliquerait qu’elle dispose d’aptitudes parapsychologiques ou télépathiques (ce qui n’est pas le cas étant donné qu’elle est génétiquement 100% humaine), ou alors qu’elle ait eu une "vision mystique" à l’approche de la mort (lui annonçant la venue effective et salvatrice du Red Angel)...
Néanmoins, en faisant camper à Spock une posture infléchissable au nom de la logique (quand bien même à la cohérence douteuse en amont) et le rendant apparemment insensible au sort de Michael, les scénaristes réussissent – le temps d’une scène – à rétrocéder aux Vulcains leur implacabilité et leur force originelles. En comparaison de quoi, tous les autres officiers (y compris ceux de la Section 31) révèlent une handicapante émotivité voire fragilité en situation opérationnelle... à moins que ladite fragilité soit seulement réservée à la "star" Burnham (pour qui l’attachement de l’équipage prendrait le pas sur la déontologie professionnelle et l’intérêt du plus grand nombre).
Dans tous les cas, ce contraste au regard du pic de vulcanité soudaine de Spock profite surtout à "l’entreprise de réhabilitation" de l’impératrice Terran défroquée... qui n’en apparaît que plus sensible et empathe – une vraie maman poule ! Le diable se serait-il fait ermite ?
Si Pike avait la possibilité technique de téléporter Burnham directement à l’infirmerie de l’USS Discovery, pourquoi s’est-il obstiné à parlementer avec Spock pour tenter en vain de le convaincre de laisser passer (au sol) Mirror-Georgiou et Culber ? Et pourquoi a-t-il attendu, interdit, jusqu’à ce que Burnham décède ? Si au titre de décisionnaire opérationnel, Pike était vraiment désireux d’interrompre l’opération avant le terme initialement prévu, alors nonobstant le barrage au sol de Spock, il aurait pu d’emblée sauver Burnham en la téléportant avant l’issue létale... plutôt que de tenter de le faire seulement après. À la façon d’un anti-héros de Team America : World Police de Trey Parker, lui fallait-il plusieurs longues minutes fatales pour trouver la présence d’esprit de songer aux téléporteurs (finalement comme pour Airiam dans l’épisode précédent) ? (Le caractère in fine inutilisable de la téléportation n’ayant résulté que de l’apparition ultérieure du red burst.)
Il est probable que l’I.A. du futur ait réussi à traverser le trou de ver avant que celui-ci ne soit refermé par Tyler, pour se loger dans l’ordinateur de bord du vaisseau de la Section 31 voire dans le corps de Leland. À moins que ce ne soit là le fait de Contrôle qui aurait réussi à échapper à la destruction de la station QG et/ou à se dupliquer dans l’ordinateur le vaisseau de la Section 31. En tout état de cause, la transformation physique qui s’amorce sur le visage de Leland évoque étrangement l’effet des nano-sondes borgs ! L’hypothèse d’un péril borg du futur est donc désormais sur la table...
Toujours est-il que c’est par sa stratégie d’apprentis-sorciers, en tentant de forcer des événements qu’elle ne maîtrisait en rien et ne comprenait même pas (en somme précisément ce que Spock reprochait à Burnham mais qu’il a pourtant lui-même mis en branle avec un étonnant acharnement) que la "ligue des héros réunis" vient probablement de provoquer ce contre quoi elle prétendait lutter. Dans DIS, la somme des intelligences collectives n’offre guère de plus-value à l’intelligence individuelle. Mais heureusement, les showrunners ont "tout prévu", et il ne fait aucun doute que dans les épisodes suivants, l’issue heureuse s’emploiera à donner raison à l’inconséquence et à l’irresponsabilité.
L’épisode s’achève par THE twist-de-la-mort-qui-tue de la saison, à savoir l’identité du Red Angel. Même si Discovery a tenté de faire le buzz en poussant à la spéculation sans fin des fans (soit une capitalisation sur l’inexistant), aucune des hypothèses (Pike, Picard, Lorca, Burnham, Spock, Kirk…) formulées par les trekkes n’étaient inspirantes tant elles étaient affligées du "syndrome micro-univers" (VIP-oriented) ou du "ludisme whodunit" (de la murder party). Mais Alex Kurtzman aura réussi le "tour de force" de créer la surprise en proposant... pire que tout ça, à savoir une option soapissime : la seconde venue de môman Burnham !
Serait-ce la tentation d’un freudisme de bazar ?
À croire qu’il n’y avait pas assez de Michael Burnham dans Discovery, cette super-héroïne pour le seul bénéfice de qui la série a été créée. La seule à être en toute circonstance intelligente, morale, et intègre, lorsque sa société est composée d’imbéciles, de salauds, ou de vendus. La seule à avoir raison contre tous. La seule à avoir un courage inextinguible. La seule à perpétuellement se sacrifier. La seule à maîtriser tous les domaines théoriques et pratiques, intellectuels et physiques. La seule à prodiguer en offrande ses violons longs et ses larmes généreuses à tout le monde, presque dans chaque scène.
Burnham se conjuguait et se déclinait aussi de façon népotique, par une famille qui envahissait progressivement l’écran : Spock – le héros de TOS – n’est plus que le frère et faire-valoir de Michael, Sarek son père adoptif, Amanda sa mère adoptive, la capitaine Philippa Georgiou sa seconde mère adoptive, Mirror-Georgiou sa troisième mère adoptive, Mirror-Lorca son (presque) père adoptif (et amant de l’autre côté du miroir), Pike un autre père potentiel, Saru son frère symbolique, Leland l’ami de ses parents biologiques décédé, Tyler son boyfriend. Michael est en outre progressivement devenue la chouchoute, l’enfant bénie, la fille prodigue, la princesse vénérée par tout l’équipage de l’USS Discovery, et au centre de toutes les attentions de la Section 31, mais aussi de l’I.A. du futur... et bien entendu du Red Angel deus ex machina professionnel (et sauveur de civilisations entières).
Eh bien, aussi incroyable que cela puisse sembler, ce Burnham-centrisme cosmologique ne suffisait pas ! La Burnham family accueille donc désormais en sus la maman biologique de Michael, venue du futur, et veillant sur elle depuis son enfance tel un ange gardien (sic) anxiolytique ! Quitte à contredire au passage les assertions de Tilly puis de Culber sur la parfaite identité infalsifiable des deux signatures bioneurales, et sans rattraper pour autant rétrospectivement d’un iota les illogismes temporels dirimants sur lesquels toute la stratégie de l’épisode a reposé. Tout au plus pourrait-on considérer avec une ironie méchante que le plan temporel absurde de la "ligue unie des héros" a "fonctionné" (malgré lui) uniquement parce que leur hypothèse de départ était totalement foireuse, à savoir que le Red Angel n’était pas une version plus âgée de Michael, évitant donc au piège tendu par la Michael plus jeune de s’invalider lui-même sur le terrain causal. Pour autant, même sans cette évidente contradiction causale, l’issue n’est pas davantage crédible, car comment un voyageur du futur aussi expert pourrait aussi grossièrement tomber dans la souricière tendue par des bricoleurs du passé. Par ailleurs, il n’est pas totalement exclu à ce stade du récit que le Red Angel soit multiple (ou du moins appelé à la devenir), et qu’il en existe une version pilotée par une Michael future.
À force de décliner Burnham en posters, en cartes postales, en broches, en pin’s, en goodies, mais également en parfum, en déodorant, en lotion capillaire, en dentifrice, en papier hygiénique… on frise l’overdose. Ce n’est plus la logique du micro-univers, ni même celle de l’univers de poche, c’est carrément celle du bocal, façon Flat Earth Society.
Il devient urgent d’aller chercher un peu d’air frais et d’espace du côté de The Orville...
DIS 02x10 The Red Angel apporte la démonstration éclatante qu’il ne suffit pas d’empiler une succession de scènes parfois de qualité (si si !) pour accoucher d’un bel épisode. Faut-il encore qu’icelles s’inscrivent de manière naturelle (et non pas artificielle) dans un contexte (l’univers préexistant), servent une histoire cohérente (c’est-à-dire à laquelle il soit possible de "croire" sans en être mentalement expulsé toutes les cinq minutes), et suscitent une véritable résonance émotionnelle chez les spectateurs (ce qui nécessite une finesse de dosage pour que jamais l’expression ne se révèle une manipulation décomplexée et tire-larme, boursouflée de câbles apparents). Et sur ce dernier point, DIS 02x10 The Red Angel mérite désormais aussi un carton... de la même couleur que les bursts, l’ange, la sphère sentient, le "rayon ressuscitant".
Car pour une forme en nette amélioration (lisibilité, rythme, photographie, SFX/VFX), une vocation prequelle un peu moins trahie (à la marge), et une densité d’incohérences factuelles peut-être légèrement en baisse (quoique toujours très nombreuses) depuis l’arrivée de Ted Sullivan et Michelle Paradise... DIS s’engouffre à corps perdu dans l’abîme sans fond du soap ! Mais pas le soap du soir hebdomadaire, non, carrément le soap de l’après-midi quotidien, navigant selon les scènes entre The Young And The Restless (Les feux de l’amour), General Hospital (Hôpital central), et Dark Shadows, jusqu’à flirter parfois avec les télénovelas brésiliennes. Toute l’écriture semble désormais dédiée aux seules interactions émotionnelles voire sentimentales entre tous les personnages, virtualisant ainsi toute base dramaturgique, et réduisant l’argument SF à un décor... certes luxueux, mais factice et interchangeable.
Et faut-il en effet que la SF ne soit plus qu’un habillage en carton-pâte pour que l’épisode ait témoigné d’une aussi profonde incompréhension et d’une méconnaissance aussi crasse de la mécanique temporelle, cumulant toutes les écueils logiques possibles. C’est d’autant plus méprisant envers les trekkers... au regard du niveau de cohérence (et de complexité) inégalée atteint par les problématiques temporelles dans Star Trek jusqu’en 2005 (notamment sous la plume de Brannon Braga).
Triste constat... où même lorsque Discovery réussit à devenir meilleure, elle n’en est finalement que pire. Symptomatique d’une poule aux œufs d’or de la SF… confiée non pas à des architectes mais à des promoteurs, dont l’objectif est moins de bâtir un univers que d’exploiter une marque.
Cette ligne de programmation ne sert qu'a formaté proprement les lignes de textes lors d'un utilisation sous Mozilla Firefox. J'aimerais pouvoir m'en passer mais je ne sait pas comment, alors pour l'instant. Longue vie et prospèrité