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Projet Dédale
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Critique
Par Frank Mikanowski

Alors que le Discovery, rejoint par l’Amiral Cornwell, décide d’aller se confronter à la Section 31, l’équipage va vivre en son sein un moment dramatique.

Jonathan Frakes, c’est juste un synonyme de réussite. Déjà à l’origine d’un des deux épisodes les plus formidables de cette saison, New Eden, le réalisateur nous donne à nouveau un opus extrêmement bien produit dans ses moments intimes autant que dans ses scènes d’actions.

Que ce soit la confrontation de Michael et Spock autour de l’échiquier vulcain, la relation particulière qu’on découvre entre Tilly et Airiam, les échanges entre Pike et Cornwell, Frakes arrive à trouver le bon rythme et extraire le meilleur des acteurs pour mettre en valeur le scénario. Et celui-ci a bien besoin de la maestria du réalisateur pour décoller.

J’admets que pour un téléspectateur lambda, nos récriminations sont totalement ésotériques, mais, si j’ai encore une fois aimé cet épisode dans sa globalité, je n’ai pas pu m’empêcher d’avoir mon sourcil gauche se redresser encore plus souvent que celui de Spock.

Après la sonde toute droite sortie de Matrix dans Light and Shadows, la production a révisé son Terminator avec une sorte de Skynet du pauvre qui cherche très maladroitement de s’éveiller à la conscience et qui aurait besoin pour ça de l’ensemble des connaissances de la sphère de An Obol for Charon. Et c’est quoi cette histoire comme quoi les amiraux de Starfleet auraient besoin d’un Ok Google hébergé par la section 31 pour prendre leurs décisions ? Et que dire de cette révélation finale d’Airiam sur un lien entre Burnham et l’Ange rouge, ça sort comme d’habitude de nulle part... Pour le coup, le premier scénario de Michelle Paradise m’a fait la sensation d’une douche froide, en tout cas sur sa gestion de la ligne scénaristique principale de cette saison.

Par contre, sur les relations humaines, j’ai trouvé que la scénariste a fait un sans-faute. Déjà sur les échanges entre Spock et Michael, oublié mon problème de sourcil, c’est avec un grand sourire jubilatoire que j’ai accueilli leurs débats rhétoriques. J’attendais quelques épisodes pour jauger la prestation d’Ethan Peck, et il est particulièrement bon le bougre.

Ensuite, j’approuve qu’enfin le reste de l’équipage soit utilisé à sa juste mesure. Une des choses qui me manquait le plus dans Discovery par rapport aux autres Star Trek, c’était le sentiment, qu’au delà du casting principal, qu’un équipage dans un vaisseau, ce plus qu’un ensemble de collègues, c’est une famille. Et sur ce coup-là, Michelle Paradise apporte enfin à Discovery un élément indispensable. Je regrette juste que cela n’arrive que maintenant, car le destin d’Airiam aurait été beaucoup, mais vraiment beaucoup plus émotionnellement fort pour le public si au cours de la série, on avait pu apprendre à la connaitre.

Un bon épisode donc, mais qui me laisse méfiant sur la suite de l’histoire de l’Ange rouge.

Cette ligne de programmation ne sert qu'a formaté proprement les lignes de textes lors d'un utilisation sous Mozilla Firefox. J'aimerais pouvoir m'en passer mais je ne sait pas comment, alors pour l'instant. Longue vie et prospèrité

Analyse
Par Yves Raducka

L’USS Discovery est désormais un vaisseau fugitif, mais également celui de la dernière chance pour le salut de la galaxie. Et en réunissant à son bord tous les personnages "positifs" de la série y compris Spock et l’amirale Katrina Cornwell (seuls manquent à l’appel Sarek, Amanda, et peut-être le Lorca non Mirror), DIS 02x09 Project Daedalus propulse littéralement son Arcadia (Captain Harlock) dans un univers ouvertement dystopique voire apocalyptique. Les liens entre ces combattants de la liberté devenus compagnons d’infortune sont dès lors supposés se renforcer pour émuler une famille. Mais si les relations à bord sont largement pacifiées, et ici articulées autour de plusieurs pôles rhétoriques (Pike & Cornwell, Burnham & Spock, Stamets & Spock, Tilly & Airiam…), il ne serait pas possible de parler pour autant d’alchimie tant les câbles de cette configuration contextuelle demeurent artificiellement amenés. L’épisode joue donc une nouvelle fois sans retenue la carte du soap, mais il est vrai avec un peu plus de "maîtrise" qu’en début de la saison. Faut-il y voir la marque de Michelle Paradise au scénario, le talent de Jonathan Frakes à la réalisation, des dialogues psychologiquement moins simplistes, l’absence à l’écran des très cartoonesques Leland & Mirror-Georgiou (mais ça ne saurait hélas durer), et une unité d’objectif qui rapproche les protagonistes ? La combinaison de tous ces facteurs probablement.
Malheureusement, l’épisode ne se donne guère les moyens de sa politique tant il accumule les aberrations factuelles. Or à partir d’un certain seuil d’invraisemblances, les expressions émotionnelles apparaissent pour ce qu’elles sont : de vulgaires artifices dans un jeu d’illusions.

Personnage familier de la série depuis la première saison, l’amirale Katrina Cornwell débarque, impromptue, sur l’USS Discovery. Difficile de comprendre comment cela aura été possible et si vite, étant donné que le vaisseau étant devenu fugitif, et s’employait à échapper aux radars et aux communications.
Toujours est-il que l’arrivée du personnage qui aura jusqu’à maintenant représenté le visage le moins inhumain de Starfleet dans la très dystopique Discovery provoque un renversement de perspective, voire de paradigme. Loin de chercher à sanctionner ou arrêter les vaillants résistants, elle se joint littéralement à eux… à la façon de l’ultime représentant d’un gouvernement (ou plus exactement ici d’un commandement) en exil. En effet, Starfleet a été compromis, la Section 31 a pris le pouvoir… ou plus exactement Control… qui s’avère être une I.A. spécialisée dans le threat assessment ! Déjà dans l’épisode précédent, Mirror-Georgiou se plaignait de devoir obéir à une I.A. mais sans plus d’explication. Mais voilà qui vient confirmer que les showrunners ont pompé sur Section 31 : Control de David Mack (roman de l’univers étendu) non seulement la dénomination "Control" mais également sa nature.
Il n’y a dès lors plus qu’un pas à franchir pour en déduire que c’est là que se love le péril planant sur la galaxie, un pas que l’épisode franchira sans hésiter. Empruntant dès lors son ressort à I Am Become Death de Franklin Thatcher (cette fois une nouvelle de l’univers étendu), mais sans parvenir à la cheville de sa densité et de sa profondeur.
Tous les échanges suivants avec Cornwell révéleront l’état général d’impéritie, d’incurie, et d’incompétence du Starfleet discoverien…
DIS 02x09 Project Daedalus scelle à nouveau une complète incompatibilité de timeline, car c’est seulement en 2268 (et non en 2257) dans le prophétique TOS 02x24 The Ultimate Computer (diffusé dès mars 1968 donc avant 2001 et aussi avant Colossus : The Forbin Project) que la première expérience de contrôle décisionnel par une I.A. sera expérimentée par Starfleet. Le caractère pionnier du M-5 multitronic unit (de Richard Daystrom) fut explicitement établi dans l’épisode The Ultimate Computer, et ce fut aussi le seul cas de la dialectique "Kirk contre la tyrannie des ordinateurs" à avoir été endogène.
Project Daedalus vient surtout confirmer les pires appréhensions distillées par les opus précédents de Discovery : il est en effet stupéfiant de constater que Starfleet a progressivement abandonné toute son autorité à la Section 31, et plus précisément à une créature artificielle de celle-ci (Control)… au point que le réel Q.G. de Starfleet se confond avec celui du badge noir, sis dans une ancien pénitencier spatial fortifié, et sur lequel l’USS Discovery met le cap sur ordre de l’amirale… juste dans le but de reseter Control et non de le désactiver (visiblement aucune leçon n’est tirée de l’expérience).
L’argument passe-partout invoqué est celui de la guerre contre les Klingons (qui a déjà pris fin il y a plusieurs mois), ce qui prouve que la philosophie conductrice de Discovery est exactement celle de l’amiral Marcus dans Star Trek Into Darkness : dès que la guerre s’annonce ou se déclare, c’est la Section 31 qui prend le pouvoir... mais moins à la façon du despotisme éclairé athénien qu’à la manière d’un putsch militaire de faucons ! Entre le cynique "la fin justifie les moyens" et le naïf "on n’a rien vu venir", Kelvin-Discovery réussit à cumuler les deux trophées en même temps ! En somme, la belle utopie trekkienne est encore plus fragile et encore moins utopique que n’importe quelle démocratie occidentale contemporaine. Mais c’est bien là toute l’expression de la "vision politique" d’Alex Kurtzman depuis 2009, de Kelvin à Discovery.
Finalement, devant l’indignation de Pike envers les justifications amorales de Cornwell toujours davantage frappées au sceau de la Section 31, celle-ci lui révèle que si l’USS Enterprise avait été écartée durant la terrible guerre contre les Klingons, c’était pour que "survive le meilleur de Starfleet, c’est-à-dire Pike" ! Belle pirouette rhétorique, mais qui confirme désormais explicitement l’idéologie au cœur du reboot 2009 : la glorification du personnage d’exception ou du super-héros est telle, que la société et les structures utopiques trekkiennes se réduisent à un seul individu, au maximum à un équipage.
Il apparaît en outre que l’amirale Patar, l’une des détentrices du pouvoir décisionnel à la tête de Starfleet, et plus particulièrement au sein de la Section 31, est une Vulcaine logic extremists, n’ayant donc jamais caché ses sympathies terroristes ! C’est proprement surréaliste qu’il n’y ait eu aucun obstacle de sécurité à sa promotion jusqu’au sommet de la pyramide légale. Et là, il n’est pas question de realpolitik ou de désespoir en pleine guerre contre les Klingons, mais d’une irresponsabilité structurelle bien antérieure. Mais en même temps, comment s’en étonner lorsque ce même Starfleet discoverien n’hésite pas à incorporer dans son personnel une méga-Hitler cosmique en la personne de Mirror-Georgiou et utiliser les technologies perverses ramenées par elle de l’univers miroir ?
Durant l’assaut du Q.G. fortifié de la Section 31, la communication de l’amirale Patar démet l’amiral Cornwell de ses fonctions pour s’être jointe à des hors-la-loi. Mais il faudra ses yeux-rayons-X de super-héros pour que Saru découvre la supercherie : il n’y a aucune variation émotionnelle chez Patar, donc c’est un hologramme ! L’exploration du bunker spatial lui donnera raison : tous les amiraux en charge de Control ont été tués, au même titre que tout le personnel de la station (c’est bel et bien la révolte des machines, façon Terminator 3). Suivant le même procédé, Saru résoudra l’énigme de l’enregistrement vidéo du triple meurtre prétendument perpétré par Spock (et invalidé par les souvenirs partagés avec Burnham dans l’épisode précédent) : là encore, il s’agissait d’un hologramme vraisemblablement créé par Control pour compromettre Spock. Mais s’agissait-il d’une enregistrement holographique immatériel... ou carrément d’hologramme matériel (comme au 24ème siècle) ayant réellement assassiné les trois médecins ? Car dans ce second cas, l’anachronisme technologique battrait un nouveau record !
Bravo à Saru pour ces déductions. Seulement, comment se fait-il que depuis le début de la saison, aucun expert de Starfleet n’ait détecté ce fake… finalement grossier, puisqu’il suffisait d’analyser le spectre infrarouge de la vidéo ? C’est là une signature Kurtzman : seuls les personnages vedettes du show possèdent des compétences, le reste du micro-univers est peuplé d’imbéciles.

Sylvia Tilly inflige encore une fois aux spectateurs un échantillon de son puant narcissisme. Cependant, DIS 02x09 Project Daedalus franchit un nouveau seuil… en tentant de faire croire que le personnage le plus exaspérant jamais mis en scène sous le label "Star Trek" depuis 1964… serait en fait le plus populaire en in-universe ! Sauf à vouloir ridiculiser l’humanité de Starfleet ou à chercher à convaincre les spectateurs par une forme d’incantation performative, comment expliquer que Sylvia soit la "meilleure amie" de tous les membres d’équipage, que les souvenirs de moments passés avec elle soient des collectors, que tout le monde s’arrache en toute situation sa présence ?! Sérieux ? Un tel parti pris de subjugation collective upside down ne pourrait se justifier que dans une parodie, mais bien plus barrée que ne l’a jamais été The Orville. Ou alors dans une charge ponctuelle et intentionnelle… à l’instar de SG Atlantis 03x03 Irresistible où l’inénarrable Lucius avait réussi à "gouroutiser" tout l’équipage à l’aide d’une drogue.
Mais DIS 02x09 Project Daedalus sombre dans l’indécence avec le plus grand sérieux, il inflige même aux spectateurs une parade de foire :
- Sylvia se targue de disposer naturellement des mêmes capacités cérébrales qu’un être "cybernétiquement amélioré" (qualifié même de "moitié-robot" dans l’épisode) en mémorisant toutes les combinaisons de Kadis-kot (un jeu apparu à dix reprises dans VOY), c’est-à-dire comme Airiam et comme… Seven Of Nine ! Rien que ça !
- Tilly est tellement éprise de sa propre personne qu’elle ne doute pas une seule seconde que "l’humaine cybernétique" Airiam sauvegarde en priorité tous ses souvenirs d’interaction avec elle.
- Aussitôt que l’amirale Katrina Cornwell débarque sur la passerelle, son naturel fayot est tel que Sylvia se désolidarise de tout l’équipage et de son capitaine (violant au passage la chaîne de commandement) pour claironner qu’elle est la seule à bord à ne pas être fugitive ! De ce comportement proprement surréaliste d’égotisme, non seulement personne ne s’indigne, mais c’est à peine si cela ne décuple pas la cote de Tilly auprès de l’équipage ! Prouvant que l’invraisemblance ne tient pas seulement à la cadette, mais à la société entière qui gravite autour d’elle.
- C’est bien entendu une nouvelle fois Sylvia qui découvre le pot aux roses, c’est-à-dire la compromission ou corruption d’Airiam par un programme extérieur, réussissant ainsi à empêcher la catastrophe, à savoir que l’intégralité de la base de données de la sphère rouge sentient ne soit transmise à l’I.A. Control. Cette gamine immature et infatuée est-elle vraiment la seule tech compétente à bord de l’USS Discovery ?
- Lorsque Airiam est sous l’emprise de l’I.A. Control, quels sont les souvenirs que Sylvia lui uploade en priorité pour tenter de la re-humaniser ? Eh bien, pas ceux avec son défunt mari… non, non, ceux avec Sylvia ! Normal dans un univers Sylvia-centré, cette dernière n’omettant pas de clamer que Airiam "l’adore" (un verbe nettement plus fort en anglais qu’en français).
- Finalement, le pouvoir capiteux et subjuguant de Tilly est tel... que la simple vision de ses vidéos provoque une illumination dans le cerveau cybernétique d’Airiam ! Cette dernière échappe alors suffisamment à l’emprise de l’I.A Control (et/ou du virus venu du futur) pour supplier qu’on l’achève ("mercy kill"). "L’effet Tilly" dans toute sa splendeur et son immanence.
En réalité, ce n’est pas tant que des narcisses incontinents comme Sylvia existent (notre époque forgée dans le paradigme du paraître regorge d’épigones de Kim Kardashian), mais c’est qu’ils reçoivent une place aussi royale dans le Starfleet du lointain futur trekkien. Alors que la seule ambition de Tilly tient à une quête maladive de popularité et de reconnaissance à la façon d’une starlette de télé-réalité, et que sa soif de commandement porte sur les privilèges et non les responsabilités (ce qui devrait être rédhibitoire)... on ne cesse de lui dérouler le tapis rouge, de la placer sur un podium. Les crédibilités relationnelle et militaire les plus élémentaires lui sont sacrifiées pour tout leur passer (ce qui devrait être sanctionné est en fait encouragé), pour flatter sans vergogne son égo, voire même pour la vénérer.
Pire, Discovery tente de faire passer ses caractéristiques humaines les plus laides et les plus triviales... pour les attributs du génie !
La "purge Sylvia Tilly" n’a eu jusqu’à maintenant qu’une seule "vertu" (mais qui n’est hélas en rien rédimante) : elle aura réussi à montrer rétrospectivement à quel point Wesley Crusher était un personnage trekkien et crédible en comparaison.

DIS 02x09 Project Daedalus répond au nombreuses spéculations relatives à la nature de la lieutenante-commander Airiam : elle n’est pas une androïde, elle n’est pas une extraterrestre… mais elle est une Terrienne "cybernétiquement améliorée" (sic) ! Sur des images d’archive au fort potentiel affectif qu’Airiam passe en revue, celle-ci apparaît sous son apparence humaine (l’actrice Hannah Cheesman non grimée) au côté de son mari sur une plage, après avoir convolé en elopement avec lui… et juste avant qu’il ne décède dans un accident de navette.
Cherchant une fois de plus à coller au plus près des modes les plus saillantes et les plus éphémères de son époque de production, à la manière des écrans translucides et autres collimateurs tête haute, il fallait bien que Discovery porte à l’écran les fantasmes de Ray Kurzweil. Et tant pis pour le respect de la cohérence chronologique, puisqu’un siècle plus tard, aussi bien dans TNG 01x15 11001001 (avec les Bynars) que dans TNG 02x16 Q Who et VOY 04x01 Scorpion, Part II (avec les Borgs et plus particulièrement Seven Of Nine), le personnel de Starfleet ne cachera pas son étonnement et même son malaise devant la découverte de ce qui apparaît alors comme un nouveau paradigme d’existence (à savoir l’amélioration du biologique par le technologique). Or Airiam n’est pas seulement la ressortissante d’une espèce extraterrestre cybernétiquement améliorée qui se serait restée unique dans tout le 23ème siècle de Starfleet, elle est carrément une humaine ayant subi (apparemment volontairement) une modification cybernétique dans sa nature même par les autorités terriennes, et suffisamment légale voire normative pour ne pas être incompatibles avec une carrière dans Starfleet ! De toute évidence, les préventions juridiques envers les humains génétiquement augmentés depuis les Eugenic Wars (cf. notamment ENT 04x06 The Augments et DS9 05x16 Doctor Bashir, I Presume) ne s’appliquent pas aux humains cybernétiquement augmentés.
Néanmoins, la divergence de timeline entre DIS et les séries ST historiques est une réalité de plus en plus assumée par Discovery au fur et à mesure des vaticinations apocalyptiques du Red Angel (i.e. une timeline sans avenir et donc à "corriger"). Et peut-être que cette expérience transhumaniste des années 2250 de Discovery participent des nombreux éléments supposés conduire à l’éradication des espèces sentients de la galaxie. Après tout, au regard des évolutions du monde réel, il est possible que la composante la plus utopique (pour ne pas dire la plus irréaliste) de la proposition trekkienne soit simplement une humanité qui ait conservée son intégrité physique et mentale – c’est-à-dire qui ne se soit pas elle-même upgradée en crypto-Borgs – avant même de pouvoir voyager dans l’espace en FTL (warp). Il ne serait donc pas virtuellement inintéressant d’explorer une timeline où l’idéalisme trekkien se soit heurtée à son antithèse, mais endogène cette fois (auto-évolutionniste). À supposer bien sûr que telle soit l’intention de la saison 2 de Discovery...

Toujours est-il que l’illumination en rouge des yeux artificiels d’Airiam, survenue pour la première fois sous l’effet de la sonde upgradée revenue du futur dans DIS 02x07 Light And Shadow, correspond à une forme de "possession cybernétique" ou "contrôle de son amélioration", matérialisant ainsi de façon hautement sémiotique (mais pour le moins simpliste) les moments où le libre-arbitre d’Airiam se voit dominé et téléguidé par une force – en l’occurrence un programme – extérieur(e). Un programme qui aura contraint Airiam dans DIS 02x08 If Memory Serves à téléverser par morceaux (de plusieurs pétaoctets !) à Control une partie des gigantesques bases de données de 100 000 ans d’Histoire pluri-civilisationnelles galactique léguées par la sphère rouge sentient dans DIS 02x04 An Obol For Charon. Et cette emprise parasite sur Airiam ne fait que croître...
Or dans la mesure où Control est désormais identifiée dans la série comme une I.A. d’analyse stratégique des menaces (threat assessment system), il devient intuitif de supposer que c’est sa forme futuriste (500 ans plus tard) qui aura modifié la sonde envoyée par Pike à travers la faille temporelle pour prendre le contrôle de la seule humaine cybernétiquement améliorée de l’USS Discovery en 2257 afin que celle-ci transmette 100 millénaires de connaissances à Control dans le but d’accentuer ou d’accélérer l’émergence d’une singularité sentient… appelée à anéantir toute vie sentient dans la galaxie. En somme, un paradoxe temporel de prédestination (ou Pogo paradox dans le langage trekkien) directement sorti de la saga Terminator, et mettant de nouveau en opposition l’humanité et la pire menace pour son existence même, à savoir un ersatz de Skynet. À moins qu’il s’agisse en réalité d’une nouvelle attaque des vrais Borgs du futur (dans un univers VIP-only) après la tentative ratée de Star Trek First Contact...
À chacun de se réjouir ou de s’indigner devant l’actualité ou la resucé de ce ressort scénaristique.

Mais il n’en demeure pas moins navrant que nul n’ait détecté à bord de l’USS Discovery depuis la fin de DIS 02x07 Light And Shadow la compromission d’Airiam… à commencer par la principale intéressée elle-même. En effet, chaque fois que Data fut exposé au 24ème siècle à un virus cybernétique nettement plus avancé (comme dans TNG 02x11 Contagion et TNG 07x17 Masks), il fut au minimum capable d’en avertir l’équipage à défaut de pouvoir en stopper la progression… Et DIS 02x09 Project Daedalus aura lui-même montré qu’au pic de la prise de contrôle, Airiam était parfaitement lucide sur sa propre situation et sur ce qu’elle a été amenée à faire malgré elle… mais a aucun moment elle n’a même tenté d’en avertir sa "meilleure amie" Tilly. C’est bien entendu cette dernière qui sera la seule à comprendre le double-jeu d’Airiam, mais seulement lorsque celle-ci sera à bord du Q.G. fortifié de la Section 31 (histoire de ne rien pouvoir faire d’autre que la tuer pour provoquer à peu de frais l’émoi du public).
Parallèlement, comment se fait-il que nul n’ait détecté sur l’USS Discovery les données qu’Airiam continuait à uploader en tout impunité après l’emprisonnement de Tyler ? En outre, était-il logique qu’Ash Tyler ait envoyé des pétaoctets de donnée uniquement pour informer Leland des activités de Pike ? Pourquoi fallait-il une nouvelle fois que Burnham soit la seule à voir l’évidence (à savoir que ce scénario ne collait pas)… mais qu’une nouvelle fois sa hiérarchie (Pike) ne la croit pas et demeure aveugle ? Discovery est-il un univers où seule la parfaite Mary-Sue (Burnham) et la cadette "moi et mon nombril" (Tilly) détiennent le monopole de l’intelligence et de la compétence ?
Finalement, dès lors que Sylvia aura démasqué Airiam, s’ensuivront à nouveau (comme à la fin de DIS 02x07 Light And Shadows) des combats à la John Woo, quoique non plus entre Burnham et Mirror-Georgiou mais entre Burnham (décidément) et la créature cybernétiquement modifiée.
Mais aussitôt que Tilly lui aura envoyé quelques vidéos d’elle (le "bonheur Tilly" ou la panacée universelle à toutes les psychopathologies) et aura tenté de "convaincre le robot qu’il n’en est pas un", Airiam se confondra en attrition, s’enfermera dans un sas du Q.G. de la Section 31, et suppliera Michael de l’expulser dans l’espace pour l’empêcher de parachever sa mission (à savoir transmettre à Control les derniers fragments du savoir immémorial légué par la sphère). Un choix d’intérêt général transformé en ordre formel par le capitaine Pike, l’amirale Cornwell, et même Spock… mais auquel ne se résoudra pas Burnham, étouffant de douleur et désespoir, et gesticulant bien vainement dans l’espoir de stopper l’action d’Airiam sans la tuer. Celle qui a été élevée dans la Vulcanité privilégie donc l’émotion à la raison, puisque la survie d’une amie semble avoir préséance sur le salut de toutes les formes de vie de la galaxie.
Nhan viendra alors solutionner l’indécision langoureuse de Burnham en appuyant elle-même sur le bouton d’éjection.
Et c’est devant les mines déconfites de chaque membre d’équipage (filmés les uns après les autres en gros plan) et sous les auspices des pleurs de Michael (qui a décidément la larme facile), puis dans le vide de l’espace et face au cyber-trépas silencieux d’Airiam que s’achèvera l’épisode.
Une illusion de sobriété, de courage, et de stoïcisme qui dissimule en vérité une énorme prestidigitation émotionnelle, tentant de faire oublier aux spectateurs que si le commandement de l’USS Discovery avait vraiment voulu éviter cette mort, il lui aurait suffi de téléporter à bord Airiam (sous bonne garde). Car les téléporteurs fonctionnaient, ils auront même permis la matérialisation du détachement (composé de Burnham, d’Airiam, et de Nhan) à l’intérieur du Q.G. fortifié de la Section 31 ! Et même si la téléportation n’avait pas été possible depuis l’intérieur du sas où s’était enfermée Airiam, elle l’aurait au minimum été depuis l’espace où celle-ci fut expulsée. Bref, un meurtre… à peine masqué sous des strates de pathos.
C’est hélas dans l’épisode même où la nature d’Airiam sera révélée (un vrai potentiel exploratoire quand bien même irrespectueux de la chronologie) qu’elle sera assassinée gratuitement ! Car comment qualifier autrement l’abandon de la lieutenante-commander dans l’espace alors qu’elle était à portée de téléportation ?
Les spectateurs sont donc invités aux féralies d’Airiam, et vertement priés de communier ensemble à la grand-messe émotionnelle de la mort en direct d’un personnage du main cast. Pourtant, la triste réalité est que derrière les justifications morales de son sacrifice au nom de l’intérêt général, derrière les sanglots longs de tous les personnages, derrière la fausse pudeur de la caméra, derrière la minute de silence d’un générique final sans musique (porté par le seul bruit des vagues du souvenir)… DIS 02x09 Project Daedalus met ni plus ni moins en scène une exécution totalement vaine… avec la bénédiction des héros ! Que les personnages soient des tartuffes qui se cachent derrière leur mélo et leurs bons sentiments, ou des imbéciles qui ont oublié l’existence du téléporteur sous le coup de l’émotion, DIS se révèle ici sous son vrai visage : au mépris de toute cohérence, on assassine… juste pour faire pleurer Margot !
Libre à d’aucuns de trouver cela "touchant" et même "bouleversant". Mais il est également permis de trouver cela indigne et même obscène.
Le procédé n’en apparaît que plus artificiel ici dans la mesure où l’épisode prétend accorder à la mort de d’Airiam la grandiloquence (et la place affective) que Star Trek II The Wrath Of Khan avait accordé à la mort de Spock. Le problème, c’est que quoique crédité depuis le début de la série, Airiam faisait surtout office de figurante. Elle aura certes gagné un supplément d’attention depuis trois épisodes… mais se limitant seulement à quelques secondes dans chaque. Autant dire qu’aussi scandaleuse voire criminelle que soit sa mort, elle n’affectera pas davantage le spectateur que la victime d’une murder party dans un épisode d’Alfred Hitchcock Presents.
Et puis au besoin, Discovery étant ce qu’elle est, la série pourra toujours ressusciter Airiam par la suite, au moyen d’un quelconque artéfact magique (genre réseau mycélien) créé pour l’occasion.
Plus simple encore, à la façon de Kirk-Pine mort et aussitôt ressuscité à la fin de Star Trek Into Darkness, il suffirait d’imputer aux multifonctions du cybernetic enhancement d’Airiam une résilience au vide spatial... pour la régénérer tel un drone borg dès l’épisode suivant, ce qui permettrait au Star Trek kurtzmanien d’appliquer une nouvelle fois sa plus fameuse recette, à savoir le cumul du beurre, de l’argent du beurre, et des charmes de la crémière à la fois.

DIS 02x09 Project Daedalus confirme ce que DIS 02x01 Brother avait suggéré : la commander Nhan (ingénieure de l’USS Enterprise de Pike) est une Barzane, espèce humanoïde rencontrée dans TNG 03x08 The Price, et caractérisée notamment par un système de respiration faciale (comme les Benzites) lui permettant d’évoluer dans l’atmosphère terrestre.
Les Barzanes constituent quasiment la seule forme de vie extraterrestre déjà mise en scène dans le Star Trek historique dont l’aspect physique aura été respecté par DIS ! Si ce n’est que l’épisode tente de faire passer le respirateur artificiel de Nhan pour un implant facial relevant de l’augmentation cybernétique… afin de normaliser voire de banaliser le cas d’Airiam. Un procédé de "crédibilisation internaliste" qui, non content d’être loin de la finesse de ceux de la série Enterprise, n’est tout simplement pas convaincant du tout tant il entre en contradiction avec la posture de l’UFP des 23ème et 24ème siècles envers le transhumanisme – une posture participant peut-être directement de l’utopie trekkienne.
En outre, l’intégration sociologique demeure incertaine : selon DIS, une Barzane sert dans Starfleet au 23ème siècle... mais au 24ème, la Barzanian Planetary Republic ne sera non seulement pas membre de l’UFP, mais aura une relation bien peu privilégiée avec elle.
Le plus choquant toutefois est la manière dont Burnham – et finalement l’épisode – se désintéressera du sort de Nhan à bord des Section 31 Headquarters. Après l’avoir frappé et lui avoir arraché son implant respiratoire, la Barzane se retrouvera à agoniser au sol… dans l’indifférence de Burnham qui sera uniquement préoccupée par le sort d’Airiam, en développant des théories assez stériles et en contemplant son propre mélo. Soit la marque d’une série très VIP-oriented, mais à géométrie variable selon les épisodes et les rapports d’affinités des héros. Et il ne s’agit pas là du "syndrome red shirt", non parce que Nhan n’est pas de rouge vêtue, mais parce qu’il ne s’est jamais trouvé qu’un officier de Starfleet soit indifférent à l’agonie en direct de l’un de ses subordonnés ou collègues.
Finalement, Nhan survivra de justesse, mais c’est à elle seule qu’elle le devra. Et elle trouvera encore la force de se relever pour expulser dans l’espace Airiam sans se laisser submerger par l’émotivité (au contraire de Mary-Sue).
L’ironie est que ce personnage négligé se révèle pourtant l’un plus crédibles de la série Discovery dans le rôle d’officière, car Nahn ne "se la joue" tout simplement jamais.

Prolongeant la séance de lying entamée dans DIS 02x08 If Memory Serves (on se doutait bien qu’un seul redemption episode ne suffirait pas), Michael tente d’éprouver les capacités logiques de son frère (à peine sorti du "tunnel mental" dont il fut si longtemps prisonnier) au travers d’une partie d’échec 3D (il faut sans doute y voir un clin d’œil à TOS 01x14 Court Martial lorsque Spock avait employé la même méthode pour tester l’intégrité de l’ordinateur de bord). Cette partie d’échec sera bien entendu un dérivatif et en même temps un support allégorique pour les nombreux comptes non soldés entre les deux personnages, mais également pour les interrogations inassouvies de Spock-Peck quant à sa relation avec le Red Angel et la mission salvatrice corollaire qui lui incomberait. Le jeu lui-même s’avérera plus émotionnel que logique – Spock s’employant surtout à contrarier Michael par une stratégie illogique (ou du moins ne correspondant pas aux attentes de sa sœur), quitte à compromettre sa victoire.
Initialement entamée en salle des machines devant un Stamets interloqué (autour d’une carte galactique sur écran translucide faisant le départ entre les red bursts et les apparitions pas forcément synchrones du Red Angel)… la joute oratoire ira crescendo et culminera dans les quartiers spartiates de Burnham (qui ne pourraient pas être davantage "communs" selon son frère) au moment où Spock-Peck renversera dans un geste rageur et exutoire le plateau 3D des échecs... en clamant éprouver pour la première fois (et "grâce" à Michael) une jouissance à exprimer ses émotions ! Si cette posture singulière est appelée à marquer les esprits, ce sera par son seul caractère iconoclaste et inédit, mais en aucun cas par sa substance et sa cohérence. Car pareille "explosion émotionnelle" ne vient conclure aucune nécessité, aucune évolution, aucune maïeutique, aucune thérapeutique, ni aucune réflexion d’aucune sorte... tout en s’accordant bien mal au Spock de TOS 01x06 The Naked Time (quand bien même à neuf ans d’écart).
Plus généralement, si cet affrontement verbal autour d’un tablier d’échec ne véhicule guère de fond ni même de sens (pour une narration donc très faible), son écriture (quoique très très loin du niveau d’un dialoguiste comme Ronald D. Moore) pourra faire illusion sur la forme, en convoquant avec un intellectualisme prétentieux la métaphore du jeu, avec ses tactiques, ses duplicités, ses confrontations, et ses simulations. À tel point que cette scène sera probablement perçue comme l’acmé de l’épisode par nombre de spectateurs. En somme, l’art de bien parler... pour finalement ne pas dire grand-chose. Soit la rhétorique du trivium dans sa forme la plus péjorative et caricaturale.

Le diagnostic que Spock-Peck établit sur le compte de Michael… se contente de placer des mots sur ce que les spectateurs endurent depuis le début de DIS. L’arrogance de l’héroïne est de proportion cosmique, puisque même enfant, elle se considérait coupable de tout et/ou seule à même de pouvoir sauver les autres : lors de l’attaque par les Klingons dans les années 2230, elle se juge responsable de la mort de ses parents… au motif qu’elle avait initialement demandé à venir sur Doctari Alpha pour assister à la transformation d’une étoile en supernova. Sur Vulcain, elle avait fugué tant elle était convaincu d’être la cause de l’hostilité des logic extermists… alors que pourtant ceux-ci visaient la famille de Sarek seulement du fait de Spock (métis Vulcain-Terrien). La suite des aventures de Burnham-l’infaillible, les fidèles de Discovery ne la connaissent que trop, dans le temps de la série ou à travers des pesants flashbacks.
Cette charge argumentaire (« on ne se parlera en égaux lorsque tu cesseras de vouloir porter tout le fardeau tout seule ») de Spock-Peck aurait pu constituer une courageuse autocritique de la série envers sa Mary-Sue, au minimum à la façon dont Pike-Greenwood dressait un portrait sans complaisance et sans appel de Kirk-Pine le temps d’une réplique de ST Into Darkness. Mais il n’en est finalement rien : ladite charge est invalidée par le "réel" de Discovery, et se voit donc éconduite dans un classique psychodrame de soap forgé dans les triviales rancœurs et jalousies des familles dysfonctionnelles contemporaines. Car l’univers discoverien a été tant customisé par les showrunners, ses lois naturelles furent tellement courbées… que les événements n’ont jamais cessé de légitimer objectivement le complexe messianique de Michael Burnham depuis son âge adulte. Elle fut toujours la seule à avoir raison… contre ses capitaines successifs, contre l’amirauté, contre Starfleet, contre l’UFP.
Et la fin de DIS 02x09 Project Daedalus en rajoute une (très pesante) couche lorsqu’une seconde avant d’être expulsée dans l’espace, Airiam révèle que son "marionnettiste" voulait qu’elle tue Michael (« everything is because of you ») ! Ce qui suggère donc que l’Élu du Red Angel n’est pas Spock… mais Burnham ! Se trouve-t-il encore un spectateur dans la salle que cette révélation étonne ?
Manifestement, en dépit de l’agacement de Spock, les excès de zèle autocentré de sa sœur adoptive durant son enfance n’étaient qu’une initiation préparatoire à sa prédestination cosmique, et rarement l’auto-culpabilisation n’aura réussi à rimer à ce point avec la prétention (alors que traditionnellement, l’auto-culpabilisation est plutôt un signe d’humilité). Peut-être est-ce d’ailleurs là la principale signifiance de l’affrontement rhétorique entre Spock et Michael : le complexe du saint ou du héros représenterait la vanité ultime… sauf si l’univers – c’est-à-dire les auteurs – la cautionnent. Auquel cas, ce sera juste un alibi narratif, voire la marque du super-héroïsme ordinaire… chez DC ou Marvel.

Quant au surjeu de Sonequa Martin-Green, il est toujours au rendez-vous, dans ce type de scène à la vocation ultra-émotive. Malgré tout, il faut bien reconnaître que l’actrice ne manque vraiment pas d’expressivité, et son retour sur la passerelle (après le psychodrame avec Spock) atteste aussi de son sens de la nuance (du moins lorsque l’écriture lui en donne l’occasion).
Contre toute attente, l’échange ultérieur en salle des machines entre Stamets (cherchant toujours à réparer le spore drive mais également l’impulsion et la distorsion endommagées par les mines protectrices du Q.G. de la Section 31) et Spock-Peck sera moins spectaculaire mais davantage fondé psychologiquement. L’ingénieur l’assurera de l’amour de Michael (ayant risqué sa vie) pour lui, tandis que le Vulcain montrera que la prise de distance de Culber témoigne moins d’une perte de sentiment envers son amant qu’envers sa propre (nouvelle) personne. Comme les spectateurs pouvaient s’en douter, la relation entre Stamets et Culber est loin d’être close, c’est même à cette seule fin que ce dernier a été ressuscité par les showrunners.

Sur le terrain factuel, la série accumule une densité rare d’absurdités tactiques et comportementales, qui viennent compléter le tableau de chasse des nombreuses incohérences inventoriées ci-avant :
- Si Starfleet Command a conscience que Control – et les amiraux de la Section 31 (dont le massacre n’est pas encore connu d’eux – sont devenus dangereux, pourquoi continuent-ils à obéir à leurs ordres ? La guerre contre les Klingons est terminée depuis longtemps, et les ressources de Starfleet demeurent forcément supérieures (par les effectifs et la puissance de feu) à celles de la Section 31… Et pourtant l’amirale Cornwell se retrouve à devoir faire seule du vessel-stop auprès d’un vaisseau réputé hors-la-loi ! Est-il crédible qu’elle soit la seule décisionnaire de tout Starfleet à entériner officiellement la menace de la Section 31 et/ou de Control ? Mais bien entendu, il s’agit là de l’habituel syndrome de l’univers de poche kurtzmanien : comme à la fin de Star Trek Into Darkness, même en orbite de la Terre (capitale de la Fédération et centre de commande de la flotte), seul le vaisseau des héros est opérationnel pour affronter l’USS Vengeance.
- Nul ne s’interroge sur les raisons qui pousseraient une technologie de pointe (Control) développée par Starfleet et/ou par l’UFP à manifester soudain une intention exterminatrice et à vouloir éradiquer toutes les vies sentient de la galaxie. La superficialité de Discovery est ici portée à son paroxysme : aucune réflexion ni aucun questionnement d’aucune sorte sur LE grand enjeu de la saison ! L’irresponsabilité à développer une technologie capable de pareilles outrances n’a d’égale que le naturel avec lequel tous les personnages tiennent cette perspective pour acquise.
- L’amirale Katrina Cornwell concentre sur elle toute l’arrogance et la mauvaise foi des showrunners de Discovery. Dans la première saison, elle s’était fait rouler dans la farine (et dans le pieu) par Mirror-Lorca, mais lorsqu’elle a découvert que celui-ci provenait de l’univers miroir, elle s’était bien gardé de tout examen de conscience. Eh bien, rebelotte : après avoir cautionné le cynisme et l’amoralité de la Section 31, elle retourne aujourd’hui sa veste mais en se gardant bien de toute remise en question systémique. Soit la quintessence du Star Trek kurtzmanien en un personnage.
- Davantage encore que dans les épisodes précédents, DIS 02x09 Project Daedalus exhibe ostentatoirement l’illumination en rouge (façon Brainiac) des yeux d’Airiam lorsque celle-ci est manœuvrée par le virus du futur et/ou par Control (il subsiste une incertitude sur la causalité exacte). La série tient manifestement à s’assurer que les spectateurs ont bien compris. Mais forcer ainsi le trait décrédibilise les héros qui semblent du coup bien peu éveillés (limite à la ramasse) pour n’avoir strictement rien détecté.
- Airiam annonce elle-même que, quoique cybernétiquement améliorée, ses capacités de stockage restent limitées (ou du moins finies). Elle réussit pourtant à stocker en quelques secondes dans son cerveau artificiel – mais de proportion néanmoins humaine – la totalité du savoir galactique accumulé par la gigantesque sphère rouge durant 100 000 ans ! Mais Tilly explique qu’il lui a fallu vider au préalable tous ses souvenirs personnels. Sérieux ? Les souvenirs personnels d’un seul être humain (et pas bien âgé) se comparent-ils en volume à 100 millénaires d’archives galactiques pluri-civilisationnelles ?!
- Les Headquarters super-secrets de la Section 31 sont bien entendu accessibles en quelques minutes à distorsion maximale. Il n’y a plus même besoin de propulsion mycologique pour faire le tour du bocal.
- Ce Q.G. de la Section 31 n’est curieusement protégé par aucun vaisseau intercepteur. Il est "seulement" entouré par un champ de mines incapacitantes et mobiles (se collant aux boucliers des vaisseaux), bien sûr illégales dans Starfleet. Mais lesdites mines n’en demeurent pas moins visibles et identifiables (contrairement à celles déployées autour du wormhole dans ST DS9 05x26 Call To Arms). Comment se fait-il alors qu’à aucun moment l’USS Discovery n’ait cherché ni même songé à leur tirer dessus pour les détruire (sa capacité de feu l’aurait pourtant permis), en particulier lorsque la tactique d’assaut prétendument "discrète" (c’est-à-dire boucliers inactifs) de Cornwell s’est avérée inefficace et que les mines ont frontalement chargé l’USS Discovery (de la façon dont les drones automatisés se crashaient sur le Destiny dans SG-U 02x20 Gauntlet) ?
- Michael Burnham a une illumination : la stratégie suivie par les mines obéirait à la ludologie. C’est donc par les sciences du jeu qu’il serait possible de les vaincre (probablement un clin d’œil à la partie d’échecs avec Spock-Peck). Mais au bout de compte, cette belle assertion intellectuellement haut perchée ne se traduit pas rien de concret.
- L’intérieur de Q.G. de la Section 31 se révèle fantomatique (référence évidente à l’arrivée de Kirk sur Regula I après le passage de Khan dans Star Trek II The Wrath Of Khan), et les couloirs sont jonchés de cadavres (notamment ceux des amiraux) sans que nul ne détermine la cause matérielle de leur mort, tandis que l’hostilité de l’I.A. Control a été établie avant même la téléportation du détachement. Comment se fait-il alors que les explorateurs retirent leur casque d’EV suits à la seconde même où les générateurs de gravité artificielle et d’oxygène sont rétablis ? A fortiori dans le cas de Nhan, dont la vulnérabilité respiratoire est accrue ? C’est d’une irresponsable insouciance dans un environnement aussi miné (au propre comme au figuré).
- Lorsque Pike donne l’ordre à Burnham et Nhan de neutraliser Airiam, elles restent toutes deux tétanisées, ce qui donne la possibilité à l’humaine cybernétiquement augmentée de prendre l’avantage. Ainsi, les rituelles bastons "good versus evil" vont pouvoir durer plus longtemps...
- Alors que la compromission d’Airiam a été révélée, que celle-ci s’est attaquée de façon potentiellement létale aux autres membres du détachement, et qu’elle se révèle largement invulnérables aux tirs de phasers, Pike donne et répète l’ordre à Airiam de se rendre ! Vraiment ?
- Sachant que l’objectif des héroïnes (clairement annoncé de vive voix et par radio) est de neutraliser Airiam et d’interrompre son téléversement, comment se fait-il que Control ne prenne aucune mesure pour se débarrasser des "importunes" (Burnham et Nhan) qui nuisent à son projet de domination galactique voire de Maître de l’univers… alors que cette même I.A. n’eut pourtant aucun difficulté (ni aucun scrupule) à se débarrasser de tout le personnel du Q.G. de la Section 31 ?
- Et en amont, même si la finalité de Control était de faire venir Airiam sur sa station (au bénéfice du téléchargement), comment se fait-il que cette I.A. – pourtant spécialisée dans la stratégie – ait laissé intact l’USS Discovery alors que les intentions de son équipage ne faisaient aucun doute ?

DIS 02x09 Project Daedalus ne manque pas de qualités formelles : de superbes VFX/SFX, une mise en scène moins agitée et respirant davantage (la marque de Jonathan Frakes), un peu de temps accordé au temps, des dialogues "100% pur soap garantis" mieux écrits (mais ne rendant pas moins exaspérants certains personnages telle Miss Tête-à-claque), et une avancée efficace du fil rouge, qui à défaut de donner une réelle substance offre au moins un os à ronger.
En bonus, se profile toujours la promesse d’un reboot… ou au minimum d’un ajustement de timeline, ce qui ne se refuse pas.
Malheureusement, le rhème est une fois de plus totalement bancal (rien ne tient debout dans cette histoire), et l’émotion induite repose sur la manipulation la plus éhontée (on laisse mourir donc on assassine celle qui aurait pu être sauvée et que les spectateurs connaissaient de toute façon à peine).
En outre, les showrunners témoignent de leur paresse en se contentant de combiner (et à la baisse) les intrigues de plusieurs publications antérieures de l’univers étendu.
Enfin, plus que jamais, Discovery fait l’effet d’être le Burnham & Tilly show.

En faisant significativement avancer le fil rouge (la menace est désormais identifiée, c’est Skynet, pas follement original, mais restons ouverts…), DIS 02x09 Project Daedalus procurera fatalement un orgasme d’assouvissement à tous ceux dont l’intérêt pour la série Discovery tient surtout d’un perpétuel jeu de spéculations et de paris : Michael va-t-elle se réconcilier avec Spock ? qui est l’Ange rouge ? quelle est cette menace qui veut détruire toute vie sentient dans la galaxie ? (...)
Ce public-là éprouvera fatalement une intense jouissance en découvrant cet épisode. Mais pareille dynamique de "gratification" tout en artificialité atteste de la manière dont CBS sera parvenue à redéfinir selon les normes Lostiennes les attentes et finalement la démographie des trekkers. Aux Easter eggs toujours aussi pléthoriques et gratuits (le faux prequel du pauvre quoi), s’ajoutent un déroulement factuel outrageusement inconséquent, un pathos larmoyant hautement manipulatoire, et une capitalisation boursière sur des conjectures ludiques sans fin...
Signe que l’étant ne suffit guère, le devenir semble avoir bien davantage d’attrait... à l’image du titre (Project Daedalus) qui ne s’applique en rien au contenu de l’épisode lui-même, mais seulement à la suite du jeu de piste sur laquelle ouvre la fin de l’épisode...

Cette ligne de programmation ne sert qu'a formaté proprement les lignes de textes lors d'un utilisation sous Mozilla Firefox. J'aimerais pouvoir m'en passer mais je ne sait pas comment, alors pour l'instant. Longue vie et prospèrité