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L'étoile la plus brillante
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Critique
Par Frank Mikanowski

S’il existe un personnage qui m’a immédiatement plu et fasciné dans la proposition de Discovery, c’est bien Saru. Son look, sa présence, sa démarche, sa psychologie et bien entendu la prestation exceptionnelle de son interprète Doug Jones, en a fait pour moi l’ingrédient principal à mettre au crédit de la décriée série. Du coup, des quatre Short Treks, c’est bien The Brightest Star que j’attendais le plus.

Au programme, ce mini-épisode nous propose de découvrir à quel point Saru diffère de ses congénères. Et en effet, les Kelpiens sont historiquement conditionnés à accepter leur sort, celui d’être appelé à être périodiquement récolté. Merci donc aux traditions et aux religions non contestées et donc non-contestables d’envoyer docilement à l’abattoir les membres d’un peuple. Sauf que le désir de Saru d’autre chose, sa curiosité innée si absente de son peuple va l’emmener là où aucun Kelpien n’est jamais allé...

On a donc là une thématique trekienne traditionnelle, ce qui fait du bien à la série qui en manquait tellement. L’épisode durant seulement une quinzaine de minutes, on a tout de même un sentiment de trop peu, mais les scénaristes ont promis que les questions restées en suspens dans cet épisode trouveront réponse au cours de la saison 2 de Discovery.

Je vous laisse découvrir sans spoilers qui va accueillir Saru dans le doux monde de Starfleet et la Fédération. On va dire que c’est une scène agréable à voir, même si c’est bien trop logique pour être honnête. Après, la situation m’a fait bien rire dans le sens, qu’une nouvelle fois, c’est la preuve que la Prime Directive n’existe dans les séries Trek que pour être constamment violée.

Visuellement, on sent que cet épisode a eu plus de budgets que les 2 premiers Short Treks avec un tournage en extérieur et un nombre conséquent d’acteurs et figurants en costumes.

Après mon personnage préféré, les Short Treks vont faire, le mois prochain, un focus sur celui que j’ai le plus détesté en saison 1, Harry Mudd. Va falloir mettre le paquet pour me faire décrocher un sourire...

Cette ligne de programmation ne sert qu'a formaté proprement les lignes de textes lors d'un utilisation sous Mozilla Firefox. J'aimerais pouvoir m'en passer mais je ne sait pas comment, alors pour l'instant. Longue vie et prospèrité

Analyse
Par Yves Raducka

Pour faire honneur à la vocation dialectique de nos critiques croisées by Unif, après la thèse ci-dessus (et à laquelle j’adhère en soi), voici maintenant l’antithèse...

Effectivement, comme l’a bien exposé Frank, Short Treks 01x03 The Brightest Star semble l’opus de Discovery le plus en prise (à ce jour) avec une thématique trekkienne traditionnelle. À tel point qu’il pourrait même s’apparenter – en matière d’articulation narrative – à un remake (quoique abrégé) du très emblématique épisode Star Trek TNG 04x15 First Contact (à ne pas confondre avec le film homonyme non moins emblématique), moyennant un (plus) jeune Kelpien Saru dans le "rôle" de la Malcoriane Mirasta Yale... et une Philippa Georgiou (encore lieutenant à l’époque) dans celui du capitaine Jean-Luc Picard.
Et donc oui, si l’on s’en tient à la note d’intention, et surtout si l’on considère cet épisode isolément (i.e. hors de toute intrication internaliste)... ce serait plutôt une belle réussite, possiblement le moment le moins anti-trekkien depuis 2006 (jusqu’à la BO finale empruntée directement au Star Trek bermanien). Avec de surcroît un petit bonus à l’usage des geeks : un traducteur universel qui - comme dans le film Beyond - fait entendre (moyennant un léger décalage temporelle) la VO anglaise et sa traduction kelpienne (belle marque de crédibilité).

Cependant, dès lors qu’un épisode (même court) ou un film porte un label d’appartenance et prétend ainsi procéder d’un univers connexe plus vaste que lui, il devient impossible de le mettre en quarantaine pour le juger in abstracto ou in vitro.
Et malheureusement, depuis 2009, les trop rares moments d’inspirations du Star Trek abramso-kurtzmanien sont systématiquement assortis de facilités, de triches, d’inconsistances, d’inconséquences, ou de manipulations. The Brightest Star n’y fait hélas pas exception.
Par-delà le capital sympathie suscité par personnage de Saru et la qualité d’interprétation de Doug Jones, le postulat sociologique et xéno-anthropologique introduit par la première saison de Discovery avait de quoi laisser – à l’instar du moteur sporique – particulièrement dubitatif à l’aune des sciences réelles. La planète Kaminar fut ainsi présentée comme dénuée de chaine alimentaire naturelle, tandis que ses deux espèces sentients – les Ba’uls et les Kelpiens – se répartiraient binairement les "fonctions" respectives de prédateurs et de proies, élevant ainsi Saru et ses semblables à la dignité peu enviable de "super-proies" affligées d’un état de terreur perpétuelle (quoique paradoxalement plus puissantes et plus résilientes que n’importe quelle espèce connue de la Fédération). Or les notions de proie et de prédateur ne possèdent dans le règne du vivant que des valeurs relatives et jamais absolues (cf. ma critique de Discovery 01x08 Si Vis Pacem, Para Bellum).
Malgré tout, ce concept bord cadre se prêtait à un champ expérimental pour une science-fiction ambitieuse, au bénéfice d’un constructivisme original et innovant… à défaut d’être vraiment crédible.
Au minimum, un épisode flash-back consacré à l’origine de Saru pouvait apporter un éclairage sur le fait qu’un personnage à la si grande vulnérabilité/précarité émotionnelle ait pu être embauché par Starfleet, du moins à des postes de responsabilité décisionnelle aussi élevés.

Or quelle n’est pas la déception de découvrir que Short Treks 01x03 The Brightest Star n’aura non seulement tenu aucune de ces/ses promesses, mais aura même réussi à se prendre totalement les pieds dans le tapis !
Parce que ce mini-épisode réalisé par Douglas Aarniokoski (ayant naguère commis le médiocre Highlander : Endgame) se contente de recycler à contre-emploi la proposition – certes subversive à la fin 19ème siècle mais pour le moins parodique aujourd’hui – de l’humanité future de la Machine à explorer le temps de H.G. Wells ! Il ressort ainsi finalement que les Kelpiens sont simplement de naïfs Eloïs… s’offrant rituellement (et avec enthousiasme ou résignation) en pâture aux cruels Morlocks... alias Ba’uls ici.
En 2018, pareille dichotomie sociale – tenant d’une pauvre caricature-clichée de la lutte des classes marxiste – est devenue le niveau zéro de la SF transpositionnelle... a fortiori depuis que le vaste univers Stargate a exploré (de 1994 à 2011) toutes les facettes possibles des asservissements politiques et religieux avec incomparablement plus de nuances et de complexité.

Pire, l’explication assénée par Short Treks 01x03 The Brightest Star contredit frontalement tout ce que la première saison de Discovery avait laissé entrevoir de la biologie et de la culture kelpienne !
- Il était question d’un incurable état de terreur primale inhérent à la condition de proie ultime (bien que combinée à des "super-pouvoirs")... Or The Brightest Star pose à l’inverse un état de soumission et de fatalisme confortable dans le cadre d’un discours religieux écolo-panthéiste comme fabrique du consentement. En d’autres termes, les Ba’uls conditionnent les Kelpiens depuis leur naissance pour que les "sacrifices humains" (nommés "récoltes" comme dans Stargate Atlantis) soient pacifiquement consentis et perçus par eux comme la balance (sic) ou l’équilibre nécessaire d’une condition naturelle. Autant dire qu’il s’agit là d’une exploitation décomplexée, organisée, auto-entretenue (par les Kelpiens âgés eux-mêmes) et probablement millénaire qui vérifie en tout point le paradigme de la soumission tel qu’identifié par Alexis de Tocqueville, ne générant donc aucune forme de terreur puisque le bonheur y est alors un malheur qui s’ignore. La proie est donc artificiellement construite, l’inné troublant suggéré par la saison 1 se révèle un acquis bien quelconque. En renfort, il faut souligner l’extrême trivialité des échanges entre le fils rebelle, Saru, et son père, gardien rigide des dogmes sacrificiels de son peuple : la prédation des Kelpiens par les Ba’uls ne serait ainsi qu’une religion ordinaire, anxiolytiques comme les autres.
- Dans la première saison de Discovery (via l’univers miroir), les Kelpiens étaient supposés se ressembler tous, à tel point que Burnham n’y voyait que des Mirror-Saru... Mais dans The Brightest Star, les Kelpiens sont physiquement tous très différents les uns des autres, et Saru est même présenté comme unique parmi les siens...
- Le jeune Saru se révèle curieux, insoumis, et technologiquement ingénieux (ce qui aura attiré l’attention extrasolaire de la lieutenante Georgiou)... lorsque ses compatriotes Kelpiens préfèrent s’abandonner à la béatitude insouciante des animaux parqués et engraissés... Mais que reste-t-il ici de cette espèce que Saru décrivait dans Discovery par « We were biologically determined for one purpose, and one purpose alone – to sense the coming of death » ? Une incompatibilité conceptuelle crasse... comme celles qui opposent Star Trek à Discovery !
- (...)
- The Brightest Star réussit en outre à déposséder rétroactivement Discovery 01x08 Si Vis Pacem Para Bellum de tout son sens, et Saru... de ses circonstances atténuantes.

Et c’est sans évoquer l’aporie absolue voire insultante envers le troisième roman de l’univers étendu de Discovery et consacré à Saru, à savoir Fear Itself (de James Swallow), sorti pourtant il y a seulement six mois aux USA (le 5 juin 2018), et carrément vendu par Alex Kurtzman (et les autres boutiquiers de CBS) comme semi-canon...

Quant à la Prime Directive, nombre d’opus trekkiens historiques se sont certes intéressés à ses exceptions et à ses dérogations, mais moins au motif d’un MacGuffin ayant pour seul finalité d’être violé... que parce que le principe d’une narration attractive est de porter en priorité son attention sur ce qui s’écarte de la norme (plutôt que sur ce qui la renforce). Or l’épisode The Brightest Star ne se contente pas de mettre en scène un énième contournement du General Order 1, il suggère en réalité un mode de recrutement systémique qui entérinerait les antithèses sociétales de l’idéalisme trekkien comme autant d’opportunités de sélections naturelles individuelles (au mérite quoi) ! Et ainsi, ce qui relevait périodiquement à l’origine de la dérogation... flirte désormais ici avec la dénaturation.

Bref, derrière de bien beaux atours si envoûtants aux fragrances si délicieusement trekkiennes, Short Treks 01x03 The Brightest Star se révèle être une flamboyante arnaque (de plus) : non seulement, ce minisode confirme que la "machine infernale" Discovery ne respecte pas la cohérence des 40 années historiques (1964-2005) de Star Trek (une cause désormais perdue comme chacun le sait…), mais il montre aussi et surtout que Discovery n’est même pas fichue de respecter sa propre cohérence interne de série TV !
Visiblement, il ne lui faut pas plus de 18 épisodes au compteur (soit moins de l’équivalent d’une saison à l’ère du Star Trek roddenberro-bermanien) pour que Discovery se contredise elle-même grossièrement (et répétitivement), ce qui en fait non seulement une série ultra-médiocre selon les standards actuels, mais également le pire prequel possible – en somme l’antithèse de ce qu’avait été la référentielle Enterprise.
De quoi être très pessimiste quant au devenir de Discovery qui - comme les autres séries "je me fous de la gueule du monde" kurtzmaniennes - est déjà un château de cartes branlant. Quid lorsqu’elle atteindra une masse critique (du moins pour elle) de deux ou trois saisons ?

Cette ligne de programmation ne sert qu'a formaté proprement les lignes de textes lors d'un utilisation sous Mozilla Firefox. J'aimerais pouvoir m'en passer mais je ne sait pas comment, alors pour l'instant. Longue vie et prospèrité