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Calypso
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Critique
Par Frank Mikanowski

Second épisode des courts métrages Trek censés occuper l’espace entre 2 saisons de Discovery, Calypso se passe un millénaire dans le futur. Une capsule de survie passe à coté d’un Discovery abandonné à la main de Zora, une IA. Celle-ci va trouver, dans Craft, l’occupant de la capsule, la compagnie qui lui manquait.

La grande réussite de ce mini-épisode se trouve dans l’émotion légitime que les scénaristes et les interprètes arrivent à créer en moins de 10 minutes. Et ce d’autant plus que les deux personnages sont inconnus du public et que du coup, il y a très peu de temps pour faire connaissance avec eux.

On a souvent reproché à Discovery de ne pas développer de thématiques trekkiennes pour ne pas se réjouir de voir ce Short Treks s’emparer de la possibilité pour une IA d’avoir des sentiments. Alors oui, 10 minutes, c’est peu pour parcourir toutes les possibilités de cette thématique, mais cela reste très bien construit.

Reste une chose que ne m’a pas du tout gêné avec Calypso, mais qui peut vous laisser dubitatif. Déjà, si ce court-métrage est canon par rapport à la série, on connaît donc la destinée du vaisseau : être abandonné par son équipage alors que celui-ci semble en total état de marche. Le Discovery serait donc resté depuis 1000 ans sur ses positions sans que Starfleet ait cherché à le récupérer et sans être repéré par d’autres vaisseaux alors que celui-ci est juste dans l’espace, même pas coincé dans une singularité. Bref, si on réfléchit deux secondes, comme souvent avec Star Trek Discovery, on a envie de crier WHAT THE FUCK...

Cela n’enlève rien au plaisir de visionnage de l’épisode et à la performance d’Aldis Hodge (Craft) et à celles de Annabelle Wallis et Sash Striga, respectivement voix et corps holographique de Zora.

Personnellement, j’attends d’apprendre beaucoup de choses sur Saru dans The Brightest Star, le prochain Short Trek, qui sera centré sur notre Kelpien préféré.

Cette ligne de programmation ne sert qu'a formaté proprement les lignes de textes lors d'un utilisation sous Mozilla Firefox. J'aimerais pouvoir m'en passer mais je ne sait pas comment, alors pour l'instant. Longue vie et prospèrité

Analyse
Par Yves Raducka

Suite de la cession de farming pour le "jeu video" Discovery...

Dans l’inépuisable vivier conceptuel de la Science-Fiction, il existe une tradition narrative à haute valeur ajoutée : la distanciation temporelle ! Une figure qui consiste à sortir soudain du timeframe attitré de la série pour se projeter dans un lointain futur inconnu, à une ère où les protagonistes – voire leur société – ont disparu depuis longtemps tandis que leur nom a été oublié ou à l’inverse est devenu légende.
En Histoire télévisuelle, Babylon 5 aura été la première série à ouvrir ce bal en 1997 avec l’exceptionnel B5 04x22 The Deconstruction of Falling Stars… sis des millions d’années dans le futur au moment précis où notre Terre allait être avalée par le soleil devenu nova.
Puis vint en 1998 ST Voyager 04x23 Living Witness où une copie du Docteur holographique fut ranimée par une civilisation extraterrestre 700 ans après le passage traumatique de l’USS Voyager.
En 2005, la série prequelle osait conclure tout le run historique de la franchise avec ST Enterprise 04x22 These Are The Voyages…… où Archer et l’équipage du NX-01 n’étaient plus qu’un holoprogramme fantasmatique au sein de l’Enterprise D deux siècles après !
Finalement, Battlestar Galactica 2003 04x21 Daybreak Part 3 s’achevait en 2009 par un bon de plusieurs millénaires dans le futur de la série… qui se révélait être notre époque contemporaine.
Il serait même possible de détecter cette approche dans Doctor Who durant les quelques épisodes flirtant avec la fin des temps et/ou de l’univers… quoique le "terrain de jeu" du Docteur ne se limite pas à un timeframe spécifique.
Autant d’ambitions qui auront offert à la SF quelques-uns de ses plus beaux morceaux d’anthologie, en osant déporter le regard porté, s’affranchir des héros en titre, et relativiser le présent à la mesure de la grande Histoire.

Oui. Sauf que pareille ambition se veut un aboutissement en soi, postulant dès lors son lot de préalables et d’exigences, i.e. impliquant que la série touche à son terme, au minimum qu’elle soit très avancée dans son développement, ou alors qu’elle soit confrontée à des voyages temporels et à une timeline mouvante.
Parce que dans le cas contraire, une telle initiative est un irresponsable spoiler, ayant pour effet de dévoiler prématurément le destin ultime de la série et de ses personnages, ce qui revient à rechercher impatiemment le bénéfice de l’effet sans en assumer vraiment les causes et les conséquences, soit une autre façon de chercher à avoir le beurre et l’argent du beurre.
Or Short Treks 01x02 Calypso déplace le curseur carrément 1 000 dans le futur (au voisinage de l’an 3257 au 33ème siècle), au sein d’un USS Discovery fantôme, mais sous le contrôle d’une I.A., Zora, attendant désespérément le retour de son capitaine ! De solitude, elle recueillera à bord un soldat humain rescapé, Craft alias Quarrel, issue de la colonie Alcor IV en guerre durant une décennie avec les V’draysh.
Mine de rien, ce mini-épisode prétend représenter ainsi le point le plus avancé de la chronologie trekkienne – toutes timelines confondues – laissant loin dans le passé le vaisseau temporel USS Relativity de ST Voyager (29ème siècle)… et même l’USS Enterprise J (26ème siècle), le Future Guy (28ème siècle), le point d’origine de la Temporal Cold War (29ème siècle), et l’ère de l’agent spatio-temporel Daniels (31ème siècle) de ST Enterprise.
Non seulement ce parti pris implique que dans une prochaine saison de Discovery, le vaisseau en titre – pourtant supposé technologiquement le plus avancé de la flotte - soit définitivement abandonné par son équipage pour devenir un vulgaire rebut spatial (une perspective assez démotivante pour la plupart des spectateurs).
Mais en sus, ledit parti pris introduit une kirielle d’incohérences, ou du moins de trous scénaristiques béants :
- Comment l’I.A. du vaisseau a-t-elle pu évoluer (au sens évolutionniste) vers la sentience en vase clos, sans aucune interaction avec l’extérieur, au point de devenir la "persona" Zora (contredisant tout ce que nous savons des systèmes experts aussi bien dans le monde réel que dans les sciences trekkiennes) ?
- Comment est-il possible que le vaisseau supposé technologiquement le plus avancé de la flotte du 23ème siècle – détenant notamment la révolution copernicienne du displacement-activated spore hub drive – ait pu voguer à la dérive dans le cosmos durant un millénaire (et au voisinage de la Fédération puisque Alcor IV était déjà connue au 23ème siècle) sans que Starfleet ne le localise ni ne le récupère ? (Tout son équipage a-t-il été exterminé avant de pouvoir transmettre un quelconque message ?)
- Faut-il supposer que le sort encalminé de l’USS Discovery soit en fait lié à l’abandon général de la technologie du spore drive (absente dans les Star Trek chronologiquement ultérieurs) ? Mais dans ce cas, il est d’autant plus irresponsable d’avoir laissé ce vaisseau expérimental dériver dans l’espace si longtemps (le vaisseau n’ayant pas accidentellement disparu corps et biens sans équipage, puisque l’IA attend toujours le retour du capitaine).
- Comment se fait-il que l’I.A. de Discovery – devenue sentiente et ayant ainsi accédé au libre-arbitre (étant donné les initiatives qu’elle prend pour aider puis pour séduire Craft) – continue à obéir aveuglément à l’ordre immobiliste d’attendre le dernier capitaine du vaisseau au lieu d’entrer en contact d’une façon ou d’une autre avec Starfleet ? (Zora ne peut ignorer que l’ordre reçu a perdu sa raison d’être tandis que le capitaine est forcément mort depuis des siècles.)
- Pourquoi Craft ne fait-il jamais allusion à la Fédération et à Starfleet, alors qu’il est un humain du 33ème siècle qui se sait accueilli par une I.A. du 23ème ?
- Même si le vide spatial est réputé conserver, il est curieux que les mille ans écoulés n’aient pas du tout altéré le caractère flambant neuf et flashy de l’USS Discovery... lorsque quelques années seulement auront suffi à patiner et user l’USS Enterprise de Kirk dans TOS...
- Quand bien même ces mille ans d’idle constituent une extension hors du timeframe exploré de Star Trek, autant de disparités avec les éléments connus de la chronologie suggèrent de nouveau une timeline alternative, à moins que l’USS Discovery ait lui-même basculé dans un univers parallèle sans que Zora ne le sache…

Mais il est probable qu’une de fois de plus, les scénaristes se moquent bien du contexte et des implications méta-trekkiennes de leurs hypothèses de départ. Ce qui au passage n’augure rien de bon en terme de respect internaliste du Trekverse lorsqu’on sait que Short Treks 01x02 Calypso est le baptême du feu pour Michael Chabon, appelé à présider à la destinée de la future série kurtzmanienne consacrée à Jean-Luc Picard…
De toute évidence, l’intention ici est d’être à tout prix en prise avec la Doxa, en l’occurence les assistants vocaux à la mode (Google Assistant, Siri, Alexa, Cortana…) des GAFAM qui sont au cœur de l’actu tech, tandis que l’éveil des I.A. nourrissent tous les débats éthiques. Etabli pourtant dans un lointain futur, avec ses propres codes, sa propre Histoire, ses propres causalités, Star Trek a pourtant de plus hautes ambitions que de commenter au jour le jour la politique de Donald Trump et/ou la technologie de Mountain View...
Mais davantage encore, le but évident visé par les auteurs de l’épisode est de se payer sans trop d’effort un petit rip-off télévisuel de l’excellent Her de Spike Jonze (2013), avec Craft dans le rôle de Theodore et Zora dans celui de l’OS1 Samantha, tentant de guérir leur déréliction mutuelle par une semblable autosuggestion sentimentale en dépit de la barrière physique qui les sépare. Tout comme l’OS1 Samantha, l’I.A. de l’USS Discovery devenue Zora s’apparente à une version fantasmatique et érogène de HAL 9000 (2001 de Stanley Kubrick), ou plus exactement de SAL-9000 (2010 de Peter Hyams)... dans un univers culte de Hard-SF qui accueille un autre Discovery, bien plus crédible. L’occasion d’adresser une pensée émue à la mémoire de feu Douglas Rain, voix mythique de HAL 9000, et qui s’est éteint aujourd’hui (12 novembre 2018).

Curieusement, aussi bien les V’draysh (humains ou extraterrestres du 33ème siècle en guerre contre Craft et la colonie d’Alcor IV) que Zora (produit cybernétique du 23ème siècle ayant auto-évolué vers la sentience en un millénaire)... tous fétichisent les référents audiovisuels étatsuniens du milieu du 20ème siècle (nommé d’ailleurs dans l’épisode "The Long Ago") : Snow-White de Dave Fleischer (un anime pionnier de 1933 mettant en scène la capiteuse Betty Boop) dans le cas des premiers, et Funny Face (Drôle de frimousse) de Stanley Donen (un classique de la comédie musicale de 1957 avec Audrey Hepburn et Fred Astaire) dans le cas de la seconde. Soit un bien curieux USA-centrisme culturel venant d’un monde supposé aussi éloigné du nôtre par le temps et par l’espace !
Mais qu’importe, l’objectif patent des auteurs est de gagner les faveurs de la critique, toujours très sensible à ce type de "placement culturel" prétendument poétique, surtout pour mettre en musique le pathos inusable d’une romance.
Short Treks 01x02 Calypso nous gratifie même d’une projection holographique d’extraits du film de Stanley Donen sur la passerelle de l’USS Discovery, dans le cadre d’un rituel de séduction par identification (après les classiques phases de la dissimulation puis du non-dit) entre Craft et Zora - cette dernière le baptisant d’ailleurs discrètement "Funny Face" lorsqu’il quittera le vaisseau à destination d’Alcor IV dans une navette SPT 21 (que l’I.A. lui offrira à la fois en signe d’émancipation et comme cadeau d’adieu).
Au mépris de la chronologie trekkienne, la première saison de Discovery avait révélé que Starfleet disposait déjà de la technologie des holodecks dès 2257 (dans le cadre de simulations de combat). Mais le mini-épisode Calypso va encore plus loin en montrant que n’importe quelle section du vaisseau (y compris la passerelle) peut carrément être transformée en holodeck, qui plus est avec "projections substitutives" ! Or l’USS Discovery n’a pas été abandonné à une ère technologiquement plus avancée que dans la série puisqu’il est encore pourvu des navettes SPT 21 (présentes dans la première saison de DIS mais absentes de ST TOS). Bah ! il suffira de se convaincre qu’il s’agit-là d’un upgrade holographique post-ST TNG réalisé en solo par Zora…

À l’instar de toutes les productions abramsiennes/kurtzmaniennes depuis 2009, Calypso tente de tirer un supplément de légitimité d’une saturation de clins d’œil aux productions ST antérieures, d’in-jokes, et de référents geeks. Du name dropping à gogo à défaut de compréhension réelle du sujet... La "génération Big Bang Theory" en somme.
Ainsi, outre bien entendu la nymphe de la mythologie grecque, le titre de l’épisode renvoie au yacht du capitaine sur l’USS Enterprise D.
L’alias Quarrel pourra évoquer l’expérimentation sentimentale de Data avec Jenna D’Sora dans ST TNG 04x25 In Theory.
Quant au nom de Zora, il est homonyme de la criminelle historique recréée pour la "représentation" des Excalbians dans ST TOS 03x22 Savage Curtain.
(…)

Et pourtant, oui pourtant, en dépit de l’éventement narratif (mise en abyme temporelle largement prématurée), en dépit de l’absurdité crasse du postulat (l’USS Discovery abandonné durant 1 000 ans à proximité de l’UFP et jamais retrouvé par Starfleet), en dépit de la transposition facile (limite démago) du contemporain (des assistants vocaux aux I.A.), en dépit d’un pompage peu scrupuleux (de Her), en dépit d’un recours paresseux au clip-show (que le "bon goût" des emprunts à Dave Fleischer et Stanley Donen rédime à peine)… Short Treks 01x02 Calypso est probablement l’épisode le plus authentiquement SF – ou pour être plus juste : le moins grossièrement anti-SF – depuis le lancement de Discovery en 2017 !
C’est certes fort peu, mais cela demeure mieux que rien. Parce qu’aux antipodes de la dynamique stérile des blockbusters, des guerres ineptes, des drames artificiels, des psychologies immatures, des "twists pour le twist"… Calypso ose s’entrouvrir – ne fut-ce qu’un zeste – sur l’introspection, sur la solitude, sur l’attraction, sur le temps, sur le cosmos. Quelques – trop rares – scènes réussiront même à distiller une empathie exogène : par exemple lorsque Zora tentera de simuler l’écosystème familier de Craft sur Alcor IV, en imitant le son de la créature aviaire sorrowhawk... ou encore lorsque l’I.A. laissera couler une larme (aussi virtuelle que digne) au départ de Craft (paradoxalement moins expressif qu’elle)... témoignant ainsi discrètement de sa sensience et de sa capacité de sacrifice altruiste (outre d’être un potentiel harmonique de la mémorable larme de Spock dans Star Trek The Motion Picture).
Même s’il est permis d’y voir – là encore – une de ces manipulations émotionnelles dont est si coutumier Alex Kurtzman, en même temps, il serait possible de détecter en filigrane – avec certes un bonne dose d’autosuggestion – dans Short Treks 01x02 Calypso le lointain écho des magnifiques épisodes ST VOY 04x25 One et ST ENT 03x16 Doctor’s Orders, voire de l’exceptionnelle (mais incomprise) série Stargate Universe.

Appelons ça le "miracle" (tout relatif) de la dèche ou du petit budget.
Autant dire que cela ne devrait pas durer...

Cette ligne de programmation ne sert qu'a formaté proprement les lignes de textes lors d'un utilisation sous Mozilla Firefox. J'aimerais pouvoir m'en passer mais je ne sait pas comment, alors pour l'instant. Longue vie et prospèrité