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La fuguese
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Critique
Par Frank Mikanowski

Sept mois de disette et encore 4 mois d’attente avant de voir le retour de Star Trek Discovery. Difficile à avaler pour les clients de CBS All Access qui se sont massivement abonnés quand la série a débarqué en septembre 2017. La locomotive du service SVOD américain n’étant pas encore prête, voici en guise d’apéritif 4 mini-épisodes qui seront distillés un par mois.
Et on commence par un épisode centrée sur la jeune Tilly qui se pose beaucoup, beaucoup de questions sur son avenir dans Starfleet et sur sa capacité à accéder un jour à un poste de commandement, particulièrement quand sa famille ne l’aide pas franchement psychologiquement. Rien de mieux alors que de trouver et de discuter avec une tierce personne dans le même cas pour reprendre confiance en soi, même si cette personne est une extraterrestre montée à bord sans autorisation.
Le grand défaut de Discovery pour sa première saison, en dehors de son respect aléatoire des 50 précédentes années de la franchise, était pour moi l’absence de réel développement des personnages. Tous concentrés à raconter sur l’ensemble de la première saison la guerre avec les Klingons, puis l’univers miroir, les scénaristes ont oublié que Michael Burnham n’était pas seule à bord du Discovery.
Et c’est flagrant avec ce premier mini-épisode où on a l’impression d’en apprendre plus sur Tilly en 15 minutes qu’en 15 épisodes. Elle était loin d’être mon personnage favori en première saison, et il a fallu attendre les épisodes Miroir pour que je commence à changer d’avis sur elle et sur l’actrice qui l’incarne. Mary Wiseman continue ici de construire son rôle, mais j’en attend plus en seconde saison.
Alors oui, les esprits chagrins pourront dire que découvrir un intrus à bord et ne pas appeler immédiatement la sécurité n’est pas franchement une attitude qui sied à un futur officier gradé de Starfleet. On dira que, militairement parlant, c’est une erreur de jeunesse.
Runaway est donc un mini-épisode sympathique qui donne envie de jeter un coup d’œil au prochain qui sera disponible le 8 novembre sur CBS All Access et pas sur Netflix qui a décidé, pour l’instant, de ne pas les diffuser.

Cette ligne de programmation ne sert qu'a formaté proprement les lignes de textes lors d'un utilisation sous Mozilla Firefox. J'aimerais pouvoir m'en passer mais je ne sait pas comment, alors pour l'instant. Longue vie et prospèrité

Analyse
Par Yves Raducka

La question – rhétorique bien sûr – qui se pose est la suivante : n’est-il pas quelque peu ubuesque – et en même temps masochiste – de revisiter par une poignée de court-métrages l’une des pires saisons de l’Histoire des séries télévisées ? À la fois irrespectueuse de l’univers auquel elle prétend appartenir, incohérente envers elle-même, inconséquente et invraisemblable par son propos, emplie de personnages plus inintéressants ou antipathiques les uns que les autres... la série Discovery est bien la dernière à pouvoir se prêter - dans le langage des jeux vidéo - au farming !
Signe révélateur, en pleine stratégie commerciale mondialiste, CBS n’a cette fois pas cherché à diffuser et distribuer Short Treks hors du territoire étatsunien, et son arrivée sur All Access est si peu relayée par les médias-attachés-de-presse qu’il serait presque permis de parler de "sortie confidentielle". L’objectif évident est de faire patienter à peu de frais jusqu’à janvier 2019 les clients du SVOD de CBS qui s’étaient abonnés uniquement pour Star Trek – clients dont le nombre demeure d’ailleurs aussi indéterminé que le "succès" de Discovery est incertain puisque le business model inventé par Netflix autorise la plus grande opacité en termes d’audience et de parts de marché…

Et pourtant, en théorie, le concept du webisode – dans lequel s’était par exemple spécialisée Battlestar Galactica 2003 – est susceptible de favoriser l’essentialisme qui résulte de la sous-enchère (visuelle et financière). En effet, avec moins de moyens, il devient possible de renouer avec la vocation historique minimaliste du format série TV, en délaissant le temps de quelques séances les démos de showroom (blockbuster-wannabe) pour se focaliser sur les problématiques intimistes. Ce qui, dans le contexte précis de la SF space opera, se traduit souvent par l’exploration des lower decks (en mémoire d’un inoubliable épisode de ST The Next Generation), portant ainsi l’attention des spectateurs sur les héroïques anonymes - ces personnages non moins méritants qui gravitent dans l’ombre des vedettes.

Malheureusement, avec Short Treks 01x01 Runaway, aucun "miracle" ne s’est produit. Même avec moins de moyens (mais néanmoins un format d’image en cinémascope vers lequel tend l’industrie série TV), moins de personnages à l’écran, moins d’arrogance, et davantage d’intimité, Discovery reste Discovery ! La "signature Kurtzman" y est toujours aussi pesante et émétique.

En focalisant le premier épisode de cette "série de traverse" sur Sylvia Tilly, l’intention était de lever davantage le voile sur ce personnage réputé ludique tout en appelant à l’empathie des spectateurs. Mais visiblement, les scénaristes se projettent tellement dans leurs scripts que ce sont leurs propres traits narcissiques – et ceux d’Hollywood – qui transparaissent à l’écran. Plus que jamais Tilly fait ici figure d’enfant gâtée, se contemplant le nombril, et dont le seul horizon se limite à sa propre personne, qu’il s’agisse de ses communications holographiques avec sa moralisante mère Siobhan… ou de sa rencontre prétendument initiatique avec l’extraterrestre Xahean.

Cette dernière, nommée Me Hani Ika Hali Ka Po (abrégée en Po), encore adolescente, et future reine de Xahea, aura pris la fuite pour se mêler anonymement aux "manants" avant son couronnement. Ce qui l’aura conduit à embarquer comme passagère clandestine (dans un container) à bord de l’USS Discovery, dissimulée derrière un bouclier occulteur individuel.
Thème ô combien classique (remontant à Hâroun ar-Rachîd dans les Milles et Une Nuits…) mais qui se réduira ici à un prétexte narratif pour délivrer une leçon écologiste de patronage ("ma planète est ma sœur jumelle", ben voyons !), mais surtout pour mirrorer (et relativiser) les propres problèmes psychologiques de Sylvia (à savoir sa relation contrariée d’abord avec sa famille, puis avec Starfleet dans le cadre du Command Training Program).
Le plus navrant est que par-delà les prothèses de convenance et les marqueurs sensationnalistes d’altérité extraterrestre (épines dorsale extractibles, grognements divers…), la Xahean Po et Tilly noueront en quelques minutes des échanges hautement girly, tout droit sortis des épisodes les plus communs de Dawson’s Creek et de Beverly Hills, 90210 !
Prétendre voyager si loin dans l’espace et le temps pour infliger finalement un pareil surplace… aurait de quoi rendre nostalgique de Wesley Crusher... dont la candeur roddenberrienne sera toujours plus dépaysante et plus gratifiante – au sens SF – que la trivialité californienne.

Et que serait un scénario d’Alex Kurtzman sans son avalanche de nawaks et d’incohérences ? Le nouvel homme fort de CBS, présidant augustement au destin du label Star Trek, s’est surpassé sur ce plan dans le cadre d’une vignette de seulement 13’30 (hors génériques et bandes-annonces). Ainsi donc :
- Sylvia Tilly, l’enfant prodigue du Starfleet 2.0, se lie d’emblée avec la passagère clandestine sans jamais songer à en avertir sa hiérarchie. Bah ! elle avait probablement besoin à ce moment-là d’une confidente…
- Me Hani Ika Hali Ka Po, gamine de seulement 17 ans, et appartenant à une civilisation (Xahean) ayant juste franchi le "cap évolutionniste" de la distorsion, a découvert from scratch comment recristalliser le dilithium (ce que Scotty ne réussira à faire que 30 ans plus tard, après une vie entière d’expérience) ! Ou comment DIS prétend faire rimer le génie avec la science infuse...
- Alors que Spock et Kirk n’en avaient jamais rencontré ni même entendu parler en 2266 dans TOS 01x08 Balance Of Terror, les boucliers occulteurs sont décidément aussi communs en 2257 que les tricordeurs, entre le Sarcophagus klingon (la Fédération ayant même failli disparaître sous leur impénétrabilité) et maintenant les modèles portables individuels…
- Les humanoïdes de Xahea seraient apparus en même temps que leur planète, faisant d’elle leur sœur jumelle à tous ! La proposition est si absurde que même Tilly eut le réflexe de s’en étonner... Qu’importe, pourvu que cette "poésie" animiste de bazar fasse son office...
- Me Hani Ika Hali Ka Po provient de Xahea, planète supposée très lointaine. Mais il suffit à Tilly de la téléporter depuis l’USS Discovery (qui plus est au nez et à la barbe de Starfleet) pour la renvoyer directement chez elle ! La timeline de Discovery aurait-elle hérité du transworp beam de celle de Kelvin ?
(...)

Ce mini-épisode, Runaway, appelle sans doute en lui-même la note la plus basse. Mais au royaume des "tournantes kurtzmaniennes", il serait virtuellement possible de pondre infiniment pire... à telle enseigne qu’il devient prophylactique de ré-étalonner le barème, voire de définir de nouvelles échelles...

Cette ligne de programmation ne sert qu'a formaté proprement les lignes de textes lors d'un utilisation sous Mozilla Firefox. J'aimerais pouvoir m'en passer mais je ne sait pas comment, alors pour l'instant. Longue vie et prospèrité