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Le Loup de Feu
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Critique
Par Frank Mikanowski

Deuxième épisode dans l'Univers Miroir, Michael continue de découvrir, à son corps défendant, les us et coutumes de l'Empire Terrien. Justice expéditive, élimination des ennemis en mode destruction massive, trahison à chaque coin de coursive. Ça ne donne décidément pas envie d'y passer ses vacances ! N'étant pas aussi boute en train que sa colocataire Tilly, cela ne me semble pas si difficile que ça pour Burnham de donner le change à l'équipage du Shenzhou. Cette humanité déviante est, en tout cas, toujours aussi agréable à suivre pour le téléspectateur.
C'est également toujours aussi intéressant de voir les versions alternatives des personnages de la série. J'ai toujours trouvé que le bouc allait terriblement bien au Spock Miroir de TOS. C'est également le cas pour la version Miroir du Sarek interprété par James Frain. La version esclave de Saru est également signifiante, même si la scène du bain avec Burnham est bien too much à mon goût.
Se retrouver devant sa contrepartie est fatal à la couverture du Lieutenant Tyler. Voir un Voq, leader de la résistance, allié des vulcains et parlant dans la langue des Terriens fait sauter les derniers verrous de la conscience enfouie du Klingon infiltré. Si j'ai apprécié le fait que cette révélation arrive tôt, et pas dans l'épisode final de saison, la multiplication de scènes nauséeuses à base de déformation stroboscopique de l'image m'a profondément fatigué.
En vrac, j'ai également aimé revoir les antennes andoriennes bouger comme dans Star Trek Enterprise. Rien à voir, j'ai également apprécié voir Jason Isaacs interpréter un Lorca épuisé par les longues tortures qu'il subit. Le début de résolution du cas Stamets me permet de continuer à modifier mon avis sur la cadette Tilly. Franchement, au départ, je détestais ce personnage, et j'admets, qu'au fil des épisodes, j'aime de plus en plus sa personnalité et son interprète.
Reste la révélation finale de l'épisode qui concerne, comme je l'espérais, Philippa Georgiou. Outre le plaisir de revoir à l'écran Michelle Yeoh, je n'avais pas franchement réfléchi à sa destinée dans le Miroir. La réponse apportée par la série m'a semblé totalement logique. La douce, compréhensive et humaine capitaine de l'univers "normal" ne pouvait être ici que la saloperie incarnée. J'envisage un gros kif la semaine prochaine quand, en guise de retrouvailles, Queen Yeoh donnera la fessée à Michael.

Cette ligne de programmation ne sert qu'a formaté proprement les lignes de textes lors d'un utilisation sous Mozilla Firefox. J'aimerais pouvoir m'en passer mais je ne sait pas comment, alors pour l'instant. Longue vie et prospèrité

Analyse
Par Yves Raducka

Visiblement, cette intrusion dans le Mirror Universe est partie pour durer, et s’étendre jusqu’à la fin de la première saison. Auquel cas, fort de six épisodes consécutifs, il s’agira du plus long arc jamais consacré à cette tarte-à-la-crème du Trekverse (ENT s’étant limitée à un diptyque mémorable et DS9 à cinq épisodes disséminés entre sa seconde et sa septième saison). En somme, Discovery prétend "innover"… moins en intégrant la trame miroir au sein de la trame générale (DS9 l’ayant déjà fait) qu’en cherchant à battre des records de taille, de longueur, et d’endurance.

Discovery 01x10 Despite Yourself avait planté le décor – à la fois nouveau et familier – du Miroir. Sa suite directe, Discovery 01x11 The Wolf Inside, porte son attention sur la psychologie des personnages durant l’épreuve morale consistant à prendre la place de leurs sinistres alter ego sans éveiller le moindre soupçon au sein d’une société qui ne partage en rien l’éthique trekkienne. Telle la torture indicible de l’homme civilisé condamné à devoir agir en barbare pour assurer sa propre survie, celle de sa famille, et même de son univers de provenance… mais si possible sans y perdre son âme au passage. Car à force, une société perverse finit par affecter même les personnages les plus vertueux, et les actes par définir l’être.
Même si cette thématique n’a rien de foncièrement nouvelle, puisque qu’elle est au cœur des nombreuses œuvres au long cours consacrées aux infiltrations underground dans les services d’espionnage ennemis, dans les organisations terroristes, ou dans la mafia (de Wiseguy il y a trente ans à Hatufim & Homeland aujourd’hui), The Wolf Inside monte assurément d’un cran sur le terrain de l’écriture et des dialogues. Peut-être faut-il y voir la plume de Lisa Randolph, contribuant pour la première fois à la scénarisation d’un épisode de Discovery, et ayant dans le passé signé plusieurs épisodes de la remarquable série The Shield…
Certes, l’essentiel de l’enjeu psychologique était déjà contenu dans des épisodes trekkiens comme TOS 02x10 Mirror, Mirror mais davantage encore TNG 06x14 Face Of The Enemy et DS9 06x15 Honor Among Thieves. Malgré tout, la narration à la première personne, centrée autour des ressentis de Michael Burnham, favorise l’expression empathique, introspective, et même poétique. Avec cette idée obsédante en filigrane qui accompagne chaque contribution active aux crimes quotidiens du Terran Empire et même chaque tolérance passive envers eux : « jusqu’où puis-je aller au nom de l’intérêt supérieur de la mission sans me renier moi-même et sans franchir un point de non-retour ? » (comme lorsque la "capitaine" Michael Burnham se retrouve à devoir entériner la mise à mort - par téléportation dans l’espace sans combinaison - de trois rebelles qui pourtant partageaient probablement avec elle bien davantage de valeurs que "ses" subordonnés de l’ISS Shenzhou).

Même s’il est légitime de percevoir ce procédé narratif comme une forme de complaisance autocentrée destinée à émouvoir artificiellement les spectateurs... voire comme une forme de manipulation émotionnelle au regard des inconséquences générales de l’épisode (cf ci-après)... les confidences initiales de Michael sonnent plutôt justes dans leur "subjective objectivité" (et c’est bien la toute première fois dans Discovery) : « Every moment is a test. Can you bury your heart ? Can you hide your decency ? Can you continue to pretend to be one of them ? Even as, little by little, it kills the person you really are ? ».
Ou encore : « My eyes open and it’s like waking from the worst nightmare I could imagine. Even the light is different. The cosmos has lost its brilliance. And everywhere I turn, there’s fear. »

De son côté, tout comme Jean-Luc Picard sous la torture des Cardassiens dans TNG 06x10+06x11 Chain Of Command et Jonathan Archer sous la torture des Xindis dans ENT 03x18 Azati Prime, Gabriel Lorca révèlera de façon assez convaincante les séquelles psychologiques des séances de supplices non-stop auquel il aura été soumis dans les agony booths, au point d’avoir du mal à s’exprimer et au point d’inciter Burnham à s’abandonner aux mœurs du Terran Empire (signe d’une contagion réaliste par la violence, même si cela pourrait également accréditer l’hypothèse d’un Gabriel Lorca provenant depuis l’origine de l’univers miroir...).

Mais c’est surtout en matière de forme que Discovery 01x11 The Wolf Inside surprend ! La réalisation de T.J Scott (à qui l’on doit notamment le pilote de l’intéressante série Dark Matter) est presqu’un sans-faute. Certes, les nombreux flashbacks qui émaillent la seconde partie de l’épisode sont inutilement pesants et démonstratifs. Mais cette faiblesse exceptée, la mise en scène bénéficie d’une inhabituelle fluidité et élégance de montage, d’une largeur de cadrage (enfin des plans larges qui respirent !), d’une expressivité visuelle (certaines scènes ont un sens graphique), et surtout d’une sérénité de rythme et de ton (favorables en soi à l’introspection et à l’exploration des sujets de fond)… Autant dire qu’il s’agit du tout premier épisode de Discovery à hériter du style visuel cultivé avec tant de maestria par le Star Trek historique (notamment Enterprise qui avait réussi à parfaitement marier dynamisme & contemplation).

Malheureusement, oui malheureusement, la vraisemblance et l’intégration contextuelle (tant internaliste que logique et géostratégique) laissent toujours autant à désirer…
Les showrunners ont décidé que la série s’attarderait plus longtemps que jadis dans l’univers miroir, mais les astuces scénaristiques employées pour se faire sont malheureusement bien trop voyantes. Loin d’une mission d’infiltration éclair sur l’ISS Shenzhou pour y récupérer des données stratégiques relatives à l’USS Defiant (afin de regagner au plus tôt "notre "univers), Michael Burnham s’installe confortablement dans son nouveau fauteuil de Mirror-Captain ! Pourtant, son manque de familiarité envers le Mirror Universe (elle vient de le découvrir même si c’est une bonne élève crypto-vulcaine qui sait apprendre par cœur les bases de données), son manque de naturel à jouer les ordures (non, une personne civilisée ne saurait camper du jour au lendemain une ordure contrairement à ce que suggère la série !), le système hiérarchique ultra-prédateur (où à tout moment un subordonné ou un supérieur peut vous assassiner en toute légalité), et la paranoïa générale du Terran Empire (où les véritables objectifs des héros pourraient à tout moment être découverts)… auraient dû la conduire à y abréger au maximum son "séjour".
Au-lieu de cela, Michael prend du bon temps à copuler avec Ash Tyler (l’argument de "sexe roboratif" voire du "sexe désespéré" à la façon de Battlestar Galactica 2003 n’est pas du tout convaincant ici), à se faire servir et dorloter par l’esclave Mirror-Saru (supposé émouvant par son degré d’humilité)… Peut-être qu’à un niveau inconscient, Burnham prend goût à la "liberté", au grade, et aux responsabilités dont elle fut scandaleusement dépossédée par la fort peu utopique Fédération mais que l’ultra-dystopique univers miroir lui a en quelque sorte rendus de la plus ambivalente des manières, tel l’appel irrésistible d’une corruption inavouable par laquelle elle se sent aimantée. Et c’est ainsi qu’elle se voit imperceptiblement entraîner et progressivement impliquer dans les affaires courantes (mais néanmoins criminelles) du Terran Empire... jusqu’à ce que l’épisode plonge finalement Michael Burnham dans un vulgaire rip-off de l’enjeu principal de TOS 02x10 Mirror, Mirror… où Kirk s’efforça – au péril de sa vie
– de ne pas exécuter l’ordre de l’empereur, à savoir exterminer tous les Halkans. Dans Discovery 01x11 The Wolf Inside, Harlak remplace Halkan, et l’alliance rebelle les Halkans eux-mêmes. Mais une nouvelle fois, l’ordre génocidaire de l’empereur est le même (quoique renommé ici "Terran General Order Four" et édicté comme suit : « Any exotic species deemed a threat to the Imperial Supremacy will be extinguished without prejudice »). Et comme Kirk, Burnham va tenter de trouver une parade pour ne pas avoir à engager l’extermination programmée...

Quelle est cette "parade" ? Eh bien invoquer le seul argument que les serviteurs zélés du Terran Empire connaissent pour ne pas assassiner : torturer d’abord et faire ainsi durer le plaisir de l’assassinat. En l’occurrence, "se salir les mains" (sic) en se téléportant au sol (et en profiter pour tenter de récupérer des informations sur la résistance) plutôt que d’exterminer en quelques secondes tout Harlak depuis l’orbite.
Loyale jusqu’au bout à Starfleet en dépit de sa nouvelle position, Burnham sortira régulièrement Lorca des agony booths pour prendre ses ordres de lui, ou plus exactement comme elle le fait depuis le début de la série, pour chercher à le convaincre de la légitimité de ses agissements en solo.
Et c’est là que Michael révèle son intention au sujet de l’Alliance rebelle... pour un ressort qui constituera - selon la sensibilité du spectateur - le "tour de force" pseudo-trekkien de l’épisode… ou à l’inverse sa pire arnaque ! Étant donné que le Terran Empire fut présenté dans l’épisode précédent comme une puissance exclusivement terrienne et viscéralement xénophobe envers tous les extraterrestres (ce qu’il n’était pas forcément de façon aussi marquée dans le Star Trek historique, mais l’élection de Trump est passée par là entretemps...), l’alliance des rebelles est perçue par Burnham – et finalement ensuite confirmée à l’écran – comme une ébauche multiculturelle de Fédération ou du moins ce qui s’en rapproche le plus dans le Mirror Universe… À ceci près que les contrepoints de toutes les espèces co-fondatrices de l’UFP de "notre" univers (c’est-à-dire les Mirror-Vulcains, les Mirror-Andorians, et les Mirror-Tellarites) se seraient réunies autour des Mirror-Klingons (et non des Mirror-Terriens). Une "alliance de l’espoir" (sic) que, très logiquement, Burnham veut épargner… mais dont, bien moins logiquement, elle veut tirer des enseignements pour permettre à la véritable UFP d’apprendre à faire la paix avec les Klingons !

C’est pour le moins ironique (ou surréaliste) qu’il faille désormais chercher dans l’ultra-dystopique univers miroir de clés trekkiennes de paix, alors que l’UFP existe en 2257 depuis 96 ans, et que plusieurs années avant sa fondation, Jonathan Archer, mais également les Vulcains bien avant lui, savaient parfaitement comment "circonvenir" psycho-sociologiquement les Klingons pour éviter des guerres…
Et c’est par surcroît plutôt illusoire de prétendre en tirer un enseignement utile pour l’UFP... lorsque l’on sait que les individus et les espèces de l’univers miroir sont – par définition – différentes voire antithétiques (selon les cas) de leurs alter-egos de "notre" univers. Ce que viendra confirmer Discovery 01x11 The Wolf Inside, puisque le leader klingon de cette Alliance rebelle, Mirror-Voq "son of none", alias "Fire Wolf" ("Loup de feu" en VF), prônant la plus large alliance multi-espèces possible face à un ennemi commun (prétendument au nom de Mirror-Kahless)… sera donc le plus absolu opposé de Voq l’albino, serviteur fanatique de T’Kuvma et de son idéologie de pureté raciale et culturelle (prétendument au nom de Kahless).

C’est d’ailleurs cette absolue antinomie que ne supportera pas Ash Tyler, décidément le plus mauvais agent infiltré possible (car en oubliant sa mission et confondant sans cesse ses véritable et fausse identités), mais aussi et surtout le plus improbable (entre l’ablation de la moitié de son cerveau klingon crypto-xénomorphe par L’Rell, l’incapacité des scanners et des téléporteurs de Starfleet de détecter d’eux-mêmes l’imposture, et une fausse personnalité humaine presque plus fine et plus psychologue que celle des véritables humains de la série !).
La rencontre frontale avec son double et opposé miroir conduira le Klingon chirurgicalement modifié à agresser physiquement Fire Wolf (au risque de compromettre le rameau d’olivier tendu par Michael aux rebelles). Mais il faudra attendre une scène de catharsis violente dans les quartiers privés du "capitaine" Burnham pour que celle-ci découvre à sa plus grande surprise l’identité klingonne de son premier amant et donc l’illusion de son premier amour (la personnalité implantée d’Ash Tyler qui semblait sincèrement aimer Michael et même s’y accrocher désespérément ayant été finalement "écrasée" par la personnalité réelle de Voq - serait-ce une allégorie mélodramatique des amours adulescentes déçues ?).
Les protagonistes de la série ont donc pour le coup un sérieux train de retard sur les spectateurs qui avaient pour la plupart deviné ce faux coup de théâtre depuis l’apparition du personnage d’Ash Tyler dans Discovery 01x05 Choose Your Pain juste après la disparition de Voq (spectateurs aidés il faut le dire par le pseudonyme d’un interprète - Javid Iqbal – sans aucun background professionnel et qui dissimulait mal l’interprétation de Shazad Latif malgré les épaisses couches de latex).

Mirror-Sarek, par une fusion mentale avec Michael – construite à la façon d’une mise en abyme de ses précédentes fusions mentales avec son père adoptif Sarek – réussira à cautionner la bonne foi de Burnham auprès des rebelles en dépit de la réputation sulfureuse de son homologue miroir… réputée être la butcher of the Binary Stars ayant anéanti la flotte klingonne (miroir mon beau miroir). Mirror-Sarek sauvera même la vie de Michael en se portant une nouvelle fois (et spontanément) garant d’elle pour lui éviter les représailles de Fire Wolf suite à l’attaque incontinente de son alter ego Ash/Voq. En contrepartie d’un engagement à retarder l’attaque orbitale ordonnée par l’empereur pour permettre aux rebelles d’évacuer Harlak, et d’une copie cryptée de la localisation des bases rebelles (appelée à devenir rapidement obsolète) afin de donner le change à son équipage, Michael Burnham obtiendra donc non sans mal - et après avoir risqué plusieurs fois sa vie – les informations qu’elle jugeait si vitales et si stratégiques pour faire la paix avec les Klingons de son univers.
Euh, vitales ? Pas du tout en fait... car outre de constater que tout oppose les philosophies klingonnes des deux univers (n’autorisant donc aucune transposition), Fire Wolf se sera contenté d’aligner quelques poncifs sur l’union de toutes les bonnes volontés face à un ennemi commun. Soit l’antique principe des rencontres d’intérêts dans l’adversité… mais n’ayant jamais en soi garanti d’unions stables et idéalistes par-delà ladite adversité initiale. Somme toute, voilà qui s’apparente à la proverbiale souris dont aurait accouché l’éléphant.

Confirmant la tendance qui s’esquissait dans Discovery 01x10 Despite Yourself (au travers de quelques discrets indicateurs scientifiques), les showrunners de Discovery semblent vouloir traiter le Mirror Universe, non plus comme un univers jumeau énantiomorphe (selon la théorie d’Andrei Sakharov), mais comme une timeline alternative issue de la théorie des multivers de Hugh Everett. Impliquant alors de considérer que la nature des êtres, des espèces, et des sociétés est la même dans l’univers miroir, et que les différences par rapport à "notre" univers résulteraient simplement de choix historiques différents (avec, pourquoi pas, une trame commune aux deux univers jusqu’à un certain point de la chronologie).
Bien entendu, cette approche possède l’avantage de permettre de traiter avec bien plus de nuances et de finesse les problématiques, en s’attachant davantage aux causalités différenciatrices, comme l’auront par exemple fait les épisodes TNG 03x15 Yesterday’s Enterprise, TNG 07x10 Parallels, VOY 04x08+04x09 Year Of Hell, ENT 03x08 Twilight, et par ailleurs les premières saisons de la série Sliders.
Mais l’ennui, c’est que cela ne respecte guère le concept d’univers miroir, qui dans chacune de ses huit apparitions historiques, faisait véritablement office d’Evil Twin, à la façon d’une antithèse brutale – et par bien des côtés caricaturale – de l’utopie trekkienne. Sa vocation était ludique, exutoire, et elle donnait l’occasion aux acteurs de sortir le temps d’un opus de leur rôle trekkien.
En outre, seule la relation de profonde gémellité (ou alter-gémellité) interactive entre ces deux univers énantiomorphes pouvait expliquer qu’en dépit de chronologies et de structures sociales radicalement différentes, les technologies, les designs, les personnages et leurs inéluctables aimantations mutuelles étaient systématiquement les mêmes à toutes les époques. Car sans cette relation duale transcendant les relations de causalités historiques, l’univers miroir aurait été frappé du même syndrome de micro-univers (gravitant autour d’une poignée de VIP) que la Kelvin timeline développée à partir de 2009. En d’autres termes, c’est à sa seule gémellité intrinsèque que le Mirror Universe - mettant en scène toujours les mêmes personnages que "notre" univers (mais en redistribuant les cartes) - est épargné par le nanisme fan-service.
Bien entendu, il peut sembler paradoxal de reprocher à Discovery de placer de la nuance trekkienne dans l’univers miroir si on lui reproche dans le même temps d’infliger un traitement anti-trekkien à l’univers initial. Certes, mais cela participe au fond dans les deux cas du même irrespect du matériau existant, plaçant les trekkers devant le choix impossible – car mutuellement largement exclusif – soit d’opter pour l’idéalisme trekkien du traitement, soit d’opter pour l’internalisme anti-trekkien du Miroir.

En outre, nuances n’implique pas forcément réalisme. Car lorsque DS9 02x23 Crossover avait offert une suite à TOS 02x10 Mirror, Mirror, il avait eu le courage d’assumer comme jamais les lois naturelles et sociologiques. En effet, les belles réformes humanistes engagées par Mirror-Spock suite aux conseils de Kirk furent rapidement perçus par les rebelles comme un signe de faiblesse, ceux-ci profitèrent alors de cette opportunité pour renverser le Terran Empire et instaurer à la place de règne de l’Alliance… aussi cruel que celui du Terran Empire mais peut-être plus pervers encore.
Star Trek avait alors compris et assumé un principe essentiel et qui n’a malheureusement jamais été invalidé historiquement : quels que soient leurs pieux idéaux, les révolutions possèdent toujours la violence et la cruauté des sociétés dans lesquelles elles ont pris forme, et seul le temps permet parfois de progresser...
Un principe qu’il est idéologiquement plus confortable aujourd’hui d’ignorer pour vendre à la place de la moraline bienpensante en présentant les ancêtres de l’abjecte Alliance du Mirror Universe de DS9 comme d’héroïques résistants incarnant les valeurs utopiques de l’UFP face au démoniaque Empire (crypto-étatsunien ?).
À dire vrai, composée d’idéalistes tels Fire Wolf (l’objecteur de conscience klingon), Mirror-Sarek barbu (le Prophète), Shukar (l’Andorien plus bleu que ceux de TOS et d’ENT réunis), cette "alliance de l’espoir" (comme la nomme Michael) ressemble beaucoup sur le fond à la Rebel Alliance de Star Wars. Sauf que la Rebel Alliance (l’Alliance rebelle) de Luke Skywalker n’a jamais été un groupe de révolutionnaires issus d’une société n’ayant jamais été autre chose que totalitaire, mais il s’agissait dans sa forme longue de l’Alliance To Restore The Republic (l’Alliance pour la restauration de la République), soit littéralement le gouvernement en exil de la République galactique trahie. Une différence qui change tout. Et c’est donc désormais la fantasy Star Wars qui pourrait donner des leçons de réalisme à la piètre SF qu’est devenue Star Trek…

Et il faut dire qu’en terme de réalisme, Discovery 01x11 The Wolf Inside enchaîne les légèretés voire les absurdités. Parce que finalement, hormis la tentative d’assassinat (pour le moins imbécile au regard de sa très faible probabilité de réussite) de "son" précédent second dans Discovery 01x10 Despite Yourself, la position de Michael Burnham aux commandes de l’ISS Shenzhou se révèle étonnamment confortable : soignée comme une diva dans "ses" vastes quartiers (cinq à sept inclus dans le service), communiquant holographiquement à loisir avec l’USS Discovery (maquillé en ISS Discovery), se confiant longuement à Gabriel Lorca entre les séances de tortures rituelles (qu’elle ne cherche même pas à lui épargner), sauvée de la mort par "son" esclave Mirror-Saru et par "sa" très loyale nouvelle Number One Mirror-Keyla Detmer (lorsqu’Ash s’apprêtait à assassiner Michael après restauration complète de la personnalité klingonne de Voq)… Beau palmarès de "bienveillance" (ou de laxisme) pour un vaisseau du Terran Empire réputé si paranoïaque et où tout le monde est supposé perpétuellement surveiller tout le monde pour en tirer profit…
Burnham réussira même sans grande difficulté (mais moyennant une mystification du spectateur destiné à faire accroire l’influence grandissante du Miroir en elle) l’exfiltration de Tyler/Voq vers l’USS Discovery à la faveur de la condamnation à mort de ce dernier (par téléportation dans l’espace). Ce qui suppose donc que Michael ait contacté hors champ (i.e. hors caméra) Saru pour lui donner instruction de sauver puis arrêter le Klingon infiltré, tout en récupérant par la même occasion le support physique contenant les informations classifiées sur l’USS Defiant (qu’elle aura subrepticement caché sur lui). Cela postule également que l’USS Discovery soit perpétuellement resté à proximité de l’ISS Shenzhou et que la re-téléportation salvatrice de Tyler/Voq n’ait été remarquée par personne. Oui, que de conditions nécessaires...
Devant un tel confort si opportun, notamment de communication privée holographique entre les deux vaisseaux, il demeure totalement invraisemblable qu’il n’ait pas été possible de transmettre d’emblée par le même canal les informations confidentielles relatives à l’USS Defiant, déjà extraites et copiées par Burnham sur un support physique. Le firewall impérial non crackable a beau jeu, lorsque dans le même temps, celui-ci laisse passer des communications holographiques réclamant fatalement un débit bien supérieur que la transmission d’une base de donnée statique.

Bref, c’est avec de fort gros câbles que les showrunners forcent la présence de Burnham à bord de l’ISS Shenzhou afin de faire durer artificiellement cet arc miroir.

Et comme les câbles se succèdent les uns aux autres en flux tendu, la fin de l’épisode nous la fait à la Molière, avec l’arrivée pas du tout surprise du roi… euh de l’empereur… euh de l’impératrice… qui n’est autre que Mirror-Philippa Georgiou… euh l’impératrice Georgiou (comme tout le monde l’avait deviné depuis une semaine). Pour ménager son entrée en fanfare, celle-ci détruira elle-même Harlak avant que les rebelles n’aient achevé leur évacuation (mettant ainsi en défaut la parole que Michael avait donnée à Fire Wolf).
À plus d’un siècle d’écart (entre 2155 et 2257), il serait presque tentant d’imaginer une filiation entre les impératrices Sato et Georgiou. Et une filiation en appelant une autre, parions que le Defiant est toujours le vaisseau impérial (mais "relifté" ou "refité").

Pendant ce temps-là, à bord de l’USS Discovery, entre mauvais goût et poésie macabre, loin des regards (pas si) inquisiteurs du Terran Empire, Paul Stamets zombifié traîne dans les coursives du vaisseau (baignées bien sûr de lumière stroboscopique) le cadavre de son ami Hugh Culber, en invoquant la puissance des arbres de Discovery 01x09 Into The Forest I Go… à la manière d’une prière animiste sous acides.
Stamets est bien entendu immédiatement suspecté de meurtre, mais Tilly et Saru l’exonèrent aussitôt de la responsabilité de ses actes (une élégance et un principe de précaution qui ne semblent guère dans les habitudes dystopique du Starfleet de Discovery, mais passons...). Finalement, l’arrestation de Ash/Voq à la fin de l’épisode devrait totalement disculper Stamets…
L’épisode nous offre alors un des plus beaux what the fuck "technobabblistiques" depuis le début de la série, lorsque Tilly bidouillera la restauration des fonctions cérébrales de Stamets. En le faisant court, l’analyse des scans du tardigrade géant de Discovery 1x04 The Butcher’s Knife Cares Not for the Lamb’s Cry aurait révélé dans le lobe frontal du cortex des micro-paterns identiques à ceux de Stamets aujourd’hui. Un phénomène alors incompris mais que la géniale Tilly (attention au "syndrome Wesley Crusher"…) a identifié comme un "symptôme post-saut mycélien" indiquant un lien neuronal formant un portail transdimensionnel interne menant dans l’univers miroir (ou dans toute autre dimension liée au réseau astromycologique cosmique)… et expliquant que Stamets ait appelée Tilly "capitaine" avant d’arriver dans l’univers miroir (car il y était déjà mentalement). Cette zone du cerveau de Stamets maintient un portail entre les univers en consommant toutes ses ressources physiques. Or pour rétablir le fonctionnement normal du cerveau, seules les spores peuvent symbiotiquement soigner leur hôte. En d’autres termes, Stamets est déjà dans le réseau (du plan mycélien), et pour rétablir ses fonctions cérébrales, on doit faire entrer ledit réseau (du plan mycélien) en lui. Bon ben j’espère que tout ça est clair, et même lumineux. (lol)
Ainsi donc, ce sont les astro-champignons qui sont responsables de l’état de Stamets. Donc pour le guérir, il lui faut encore plus d’astro-champignons. Voilà de la bien bonne médecine. Miam.
L’occasion pour Tilly d’asséner avec le plus grand sérieux une de ces "révélations coperniciennes" dont la série a le secret : « Les champignons sont les seuls organismes biologiquement capables de relier la mort et la vie » (sic) !
C’était la leçon hebdomadaire des "sciences pour rire " by Discovery.
L’état de Stamets s’améliorant, Tilly en profite aussitôt pour monnayer une promotion auprès de Saru (c’est qu’elle a de la suite dans les idées cette petite…).
Puis selon les usages narratifs, l’état de Stamets se dégrade, et il meurt. Mais finalement pas vraiment, puisqu’il se met alors à bouger… tandis que sa conscience semble avoir rejoint la belle forêt phosphorescente d’Avatar sur Pandora… où il rencontre son alter ego miroir. C’est beau.

Cette plongée de l’équipage de l’USS Discovery dans le cauchemar (pas si cauchemardesque) du Mirror Universe convoque évidemment le souvenir prégnant de la plongée de l’équipage du NX-01 dans le cauchemar (bien plus cauchemardesque) du Delphic Expanse (saison 3 d’ENT)… mais davantage en terme de construction sérialisée référentielle qu’en terme de cohérence interne et d’esprit trekkien.

À défaut d’un véritable Star Trek avec du fond et du réalisme (sur ce terrain-là une fois de plus "passez votre chemin y’a rien à voir"...), nous tenons donc désormais un serial qui se laisse volontiers suivre, efficacement mis en valeur par la réalisation, et même augmenté de quelques jolies lignes de dialogue introspectives. Si, si. Comme quoi, tout arrive !
Alors à défaut d’être optimistes, soyons au moins Mirror-pessimistes pour la suite…

Reste cette pensée, un poil transgressive mais tellement symbolique : qu’est-il arrivé à la pauvre Fédération de Discovery pour que son personnage le moins anti-trekkien aille désespérément chercher des modèles et des solutions trekkiennes dans l’univers miroir ?

Cette ligne de programmation ne sert qu'a formaté proprement les lignes de textes lors d'un utilisation sous Mozilla Firefox. J'aimerais pouvoir m'en passer mais je ne sait pas comment, alors pour l'instant. Longue vie et prospèrité