Star Trek 11 : Un blockbuster n'ayant de Star Trek que le nom !
Comme je l'ai évoqué dans notre critique-dialogue, l'efficacité technique du film de JJ Abrams est incontestable, et sa science-fiction est au goût du jour. Je me suis efforcé de rester objectif puisque j'ai attribué au film de JJ Abrams trois notes bien distinctes (après tout, une ouvre peut être évaluée sous bien des angles différents) : sur le terrain des effets spéciaux, de la technique, et des critères de forme à la mode, le film de J.J. Abrams mérite la note la plus élevée (5/5) ; sur le terrain de la mise en scène et de la science-fiction catégorie pop-corn movie, le film de J.J Abrams mérite une note honorable (3/5) ; sur le terrain de Star Trek, de l'esprit trekkien, de la vocation même de ce genre à part de la SF, le film de JJ Abrams mérite la note la plus basse (1/5). Je ne vais donc pas revenir dans cette longue critique sur les qualités et les défauts filmiques du Star Trek de J.J. Abrams, car ce sera bien la seule et unique préoccupation de l'ensemble de la presse papier et web, alors que sa dimension trekkienne ou non trekkienne ne sera considérée que par bien trop peu de spécialistes isolés et généralement affublés de qualificatifs dédaigneux : canonistes, orthodoxes, puristes, fanatiques, extrémistes, mauvais public, fétichistes, sclérosés, psychorigides, obsessionnels-compulsifs, nostalgiques impénitents, ringards, vieux schnocks, has been, fanboy, geeks, nerds, "get a life !", nolife, nitpickers, trekkolâtres, trekkophiles, trekkies. et j'en passe des moins respectueux encore... L'objectif de ma critique est de porter l'accent sur le rapport entre le film de J.J. Abrams et l'univers de Star Trek, et de justifier ma note exécrable (1/5) sur le plan trekkien, alors que ce film est pourtant un blockbuster performant. Il ne suffit pas à un film d'être réussi en tant que tel pour faire un bon Star Trek. Un bon Star Trek exige quelque chose de plus ! Et dans le cas présent, il n'est même pas question d'être un bon ou un mauvais Star Trek, mais de questionner la légitimité de ce film à porter le label Star Trek. Un film efficace, hautement distrayant, et dont la mise en scène est en vogue (à défaut d'être de qualité), ne saura que mieux fouler aux pieds ce qui fait que Star Trek est Star Trek - un genre à lui tout seul de la SF (audiovisuelle et littéraire) depuis quarante ans.
Le film Star Trek de J.J. Abrams s'inscrit dans le prolongement direct du comics Star Trek : Compte à rebours, co-scénarisé par les mêmes auteurs (Roberto Orci & Alex Kurtzman). Le découpage du film est à l'image d'un épisode de Star Trek TOS ou de Star Trek V : The Final Frontier : teaser + générique de début + corps du film + générique de fin. Nous sommes en 2233. L'USS Kelvin, un puissant vaisseau de Starfleet, conduit une investigation sur une anomalie spatiale décrite comme une tempête d'éclair (lightning storm). Il s'agit en fait d'un trou noir (qualifié ainsi dans la suite du film) d'où sort un gigantesque vaisseau inconnu, le Narada, en comparaison duquel l'USS Kelvin semble dérisoire. Le film de JJ Abrams semble d'emblée vouloir faire plus grand, plus fort, et plus grandiloquent que ses prédécesseurs. Notons que Star Trek a ainsi inventé le trou noir répulsif (renvoyant au trou blanc de la science-fiction d'avant-hier) ! Le Kelvin essuie une très violente attaque (plusieurs équipiers sont même expulsés dans le vide spatial - dont le silence est restitué, chose rare). Ayant ainsi établi sans équivoque sa supériorité de feu, Nero, capitaine romulien du Narada, exige que Robau, capitaine de l'USS Kelvin, se constitue prisonnier. Ce dernier obtempère et confie le commandement de l'USS Kelvin à George Kirk. Arrivé en navette sur le Narada s'ouvrant tel l'iris de V'Ger (Star Trek : The Motion Picture), le capitaine Robau se fait questionner sur un mystérieux vaisseau et un ambassadeur Spock qu'il ne connaît pas, avant de se faire gratuitement assassiner à l'arme blanche par Nero simplement pour lui avoir fait connaître la stardate du jour (2333.04). Un moment choc renforcé par le monitoring des signes vitaux du capitaine Robau depuis la passerelle de l'USS Kelvin ! Privé du pilotage automatique, George Kirk décide - au désespoir de son épouse Winona en passe d'accoucher - de rester seul à bord de l'USS Kelvin pour le faire crasher sur le Narada et permettre ainsi l'évacuation de son équipage en navettes. Depuis la passerelle, George assistera par voie radiophonique à la naissance de son fils à bord de la navette médicale 37, et aura juste le temps de le baptiser, James Tiberius. Tandis que Winona Kirk assistera impuissante au sacrifice de son mari... Une scène d'une rare intensité tragique... C'est à partir de là que la ligne temporelle bifurque et engendre un univers différent de celui que nous connaissons. Nero et le Narada n'auraient pas dû sortir d'un trou noir, l'USS Kelvin n'aurait pas dû être détruit, le Capitaine Robau, George Kirk et plusieurs autres équipiers de Starfleet n'auraient pas dû mourir, et James T Kirk aurait dû naître dans l'Iowa (à Riverside selon la légende urbaine) et non sur la navette d'un vaisseau en perdition. Le teaser s'achève en majesté sur un Narada peut-être ébranlé par le crash de l'USS Kelvin, et l'exode des navettes de l'USS Kelvin, spots minuscules sur une toile de fond solaire. Cette ouverture est probablement le moment le plus trekkien de tout le film, portée à la fois par une urgence oppressante et une dramaturgie sacrificielle, non sans rappeler l'expérience traumatisante de Benjamin Sisko sur l'USS Saratoga durant Wolf 359 lorsqu'il perdit, impuissant, sa femme Jennifer (Star Trek DS9 01x01 Emissary (L'émissaire)). Elle parvenant à exhaler la désespérance crépusculaire de Battlestar Galactica 2003 qui manquera hélas cruellement au corps du film eu égard à son propos.
L'USS Kelvin sera présenté comme le vaisseau de Starfleet le plus avancé et le plus puissant de son temps (dont on peut donc très logiquement supposer que la destruction sera lourde de conséquences). Pourvu d'une seule nacelle à distorsion placé sous la soucoupe, l'USS Kelvin appartient à une classe de vaisseaux inconnue de la franchise, probablement inhérente à l'entre Star Trek Enterprise-Star Trek TOS, soit un siècle complet d'histoire (2155-2254) encore jamais exploré. Parmi le personnel, on entraperçoit un extraterrestre starwarsien inconnu de l'univers Star Trek et créé à l'aide d'images de synthèse. Les designs intérieurs de la passerelle panoramique à triple écrans et du hangar à navettes sont inédits, mais plutôt réussis, même si leurs rapports à la chronologie sont incertains. Quant aux navettes de l'USS Kelvin, elles s'apparentent à celles de la série originale... du moins extérieurement, car l'intérieur paraît bien plus high tech... Et les élégants uniformes bleus suggèrent un trait d'union entre ceux de Star Trek Enterprise et ceux de Star Trek TOS. A l'opposé, le design archéo-futuriste du Narada est plutôt raté ! Plus embrouillé encore que dans la BD Star Trek : Countdown, il figure une hybridation très improbable entre la nuée de V'Ger (Star Trek : The Motion Picture), le Scimitar de Shinzon (Star Trek : Nemesis), un vaisseau borg non géométrique, et un vaisseau pieuvre vorlon (Babylon 5). peut-être en écho au design et au nom (Jellyfish = la méduse) du vaisseau de Spock-Nimoy que l'on découvrira bientôt. Le design intérieur du Narada est totalement amorphe et bien peu fonctionnel par la proportion d'espace perdu. Les auteurs auraient-ils voulu donner de la profondeur au parcours de vengeance de Nero en nommant son vaisseau d'après Nârada, sage et messager de la mythologie hindoue, semeur de discorde - mais pas de mort contrairement à Nero ? Plusieurs disparités sont toutefois difficiles à expliquer par la seule nouvelle trame temporelle. Dès le teaser (et durant tout le film), le complexe et mystérieux système de datation trekkien - les stardates - désigne soudain les années du calendrier grégorien terrestre (les mois et les quantièmes étant figurés par les décimales), soit déjà le signe d'un vaniteux anthropocentrisme - à croire que Jésus-Christ est soudain devenue une figure intergalactique charnière de la très athée Fédération ! L'USS Kelvin semble embarquer des familles (étant donné la présence de Winona Kirk au terme de sa grossesse) alors que cet usage ne sera établi qu'un siècle plus tard (à l'ère de Star Trek TNG). L'USS Kelvin embarque une très grande quantité de navette plus que n'en suggérait l'USS Enterprise de James T Kirk trente ans après. Dans la suite du film, Pike révélera que George Kirk fut capitaine de l'USS Kelvin durant douze minutes et sauva ainsi 800 personnes, ce qui est finalement beaucoup, au regard du nombre de navettes rescapées, et dans la mesure où trente ans après dans la trame temporelle originelle, les équipages des plus puissants vaisseaux de Starfleet seront limités à environ 400 personnes. Mais il est bien sûr possible que l'USS Kelvin ait (par exemple) transporté à ce moment-là de nombreux passagers civils... Nero et son équipage romulien venus pourtant du 24ème siècle de l'univers originel, ne possèdent pas le phénotype romulien, et pire encore, ne portent pas sur leur front le plissement caractéristiques des Romuliens de cette ère - rien dans le film n'expliquera cette anomalie. Leur apparence ne semblera d'ailleurs pas trop surprendre le personnel de l'USS Kelvin (à cette époque, nul ne connaissait encore le vrai visage des Romuliens et seuls les Vulcains étaient connus pour avoir les oreilles pointues).
Générique - réduit au minimum syndical d'ailleurs comme dans (presque) toutes les séries en vogue - mesure anti-zapping. Si les onze premières minutes du film appartenaient encore bel et bien à l'univers Star Trek, c'est à sa douzième minute que le film bascule dans un tout autre univers, celui de JJ Abrams... et pour ne plus jamais en sortir. Et à partir de là, accrochez vos ceintures ! J.J. Abrams nous plonge dans sa version clipesque de Star Trek, quelque part entre Lost et Alias, affectée d'un Parkinson furieux des caméras, d'une overdose aigüe de steadicam et de gros plans (pour conférer une impression illusoire de dynamique même dans les dialogues), d'un goût forcené pour le lens flare (supposé gratifier la photographie d'une touche 3D), d'une multiplication surréaliste des sources de lumière, d'une débauche de combats spatiaux presque inintelligibles, et d'une bande son parfois tapageuse (en utilisant par exemple fort mal les excellents Beastie Boys) - loin de la finesse à laquelle nous avait toujours habitués Star Trek et notamment feu Jerry Goldsmith.
Durant une bon quart d'heure, s'enchaînent en alternance les étapes-clefs de la jeunesse des deux "vaillants" héros. Vers 2245, un jeune Kirk fait son show de casse-cou et de trompe-la-mort en Corvette - véhicule de collection vintage red 1965 Corvette Stingray convertible appartenant à son parâtre (avec qui les rapports semblent difficiles, et qui l'élève à la place de sa mère Winona toujours en mission spatiale) - dans l'Iowa sur diverses partitions aussi rythmées que bruyantes et une pub totalement anachronique pour Nokia, nous rappelant à chaque instant que nous sommes bien dans le monde imaginaire d'Abrams et non dans celui de Star Trek. Le début de la seconde bande-annonce du film en restituait finalement l'essentiel. Symétriquement, le cinéaste y oppose la jeunesse de Spock sur une planète Vulcain dont le gigantisme immobilier et les prétentions hiératiques semblent sortir de Naboo (Star Wars). La représentation de la jeunesse vulcaine est quant à elle le produit d'une mauvaise digestion du merveilleux Star Trek TAS 01x02 Yesteryear (Retour dans le passé), où des adolescents vulcains prétendent éprouver par l'insulte et la violence physique (à 35 reprises depuis le début de la journée) la répression émotionnelle de Spock, mais révèlent de ce fait une émotivité grossière tant par leur profond mépris du métissage que par des injures bien peu vulcaines (« ta mère est une pute », « ton père est un traître »). qui n'auraient même pas été concevables un siècle avant durant Star Trek : Enterprise en dépit des tensions vulcano-terriennes - tellement la vulcanité y était alors dépeinte avec finesse... Une systématisation à grande échelle du test accompli par Spock au début de Star Trek IV : The Voyage Home (Retour sur Terre) aura réussi à rendre le système éducatif vulcain littéralement kafkaïen - car formé d'"alcoves éducatrices" automatisées s'étendant à perte de vue -, mais aussi étrangement anthropocentrique - étant donné l'usage de symboles et opérateurs mathématiques terriens ! Les arrogants Vulcains auraient-ils consenti à se laisser linguistiquement coloniser par les Terriens ?! À noter que ce cadre surréaliste tient également un peu de Harry Potter And The Sorcerer's Stone (Harry Potter à l'école des sorciers) - eh oui, il ne faut pas commercialement négliger le public des juniors... Parvenu à l'âge adulte, Spock demande à sa mère, la Terrienne Amanda Grayson (interprétée par la majestueuse Winona Ryder), si elle percevrait comme une offense envers son héritage humain qu'il suive le rituel du Kolinahr (pour se purger des derniers vestiges émotionnels). Voilà bien sûr un emprunt au premier film Star Trek : The Motion Picture, si ce n'est que dans l'univers originel, Spock n'accomplit le Kolinahr que vingt ans après (vers 2271). Les auteurs semblent en outre ignorer que ce rituel n'est que l'aboutissement de la suppression émotionnelle vulcaine dont l'apprentissage - nommé aussi Kolinahr - débute dès le plus jeune âge. Et Star Trek TOS & TAS établissait que Spock avait fait le choix définitif de la "voie vulcaine" avant l'âge de huit ans... Une perfide xénophobie caractérise aussi les Vulcains adultes - les sommités scientifiques. Là où Star Trek TOS 02x15 Journey To Babel (Un tour à Babel) suggérait plutôt que seul Sarek désapprouvait l'engagement de Spock dans Starfleet, c'est ici tout le Conseil des Sciences vulcain qui semble frapper Spock de déshonneur pour son choix. Lorsque Star trek TOS 02x05 Amok Time (Le mal du pays) montrait à quel point le peuple vulcain avait de la considération pour Spock et du respect pour les humains, dans ce film, le Conseil des Sciences vulcain traite Spock avec condescendance, et perçoit son ascendance humaine comme un handicap - non simplement objectif mais sujet à mépris. Pour un peu d'humour très hollywoodien, Spock fera de son enrôlement dans Starfleet un doigt d'honneur à la suffisance méprisante du Conseil des Sciences vulcain. Amusant, mais si peu respectueux de la subtilité vulcaine de Star Trek Enterprise et de Star Trek TOS. Retour sur Terre en 2255, une Terre finalement sans grand rapport avec tout ce qu'avait laissé supposer quarante ans de Star Trek : enseignes lumineuses et marques commerciales, automobiles & motos à pneus, flics robotiques sortis de RoboCop et enfourchant des motos volantes, auto-stoppeurs le long des routes, smartphones Nokia semblables à ceux d'aujourd'hui (jusqu'à la sonnerie pas défaut !), bars de routiers et discothèques aux ambiances djeuns contemporaines, trivialité dans les attitudes et vulgarité extrême dans le langage, cocktail Cardassian Sunrise (la Fédération connaissait-elle les Cardassiens de Star Trek TNG et DS9 au 23ème siècle ?), un Iowa avec des buildings cyclopéens dignes de Blade Runner, San Francisco tenant plus de The Fifth Element (Le cinquième élément) que de cette cité - presque intemporelle - de la franchise... La société terrienne dépeinte par ce film est apparemment plus proche de la nôtre, mais elle forme en réalité un véritable P.G.C.D. (plus grand commun diviseur) des images d'Epinal futuristes véhiculées par le cinéma de SF le plus commun. Il s'agit d'un vecteur d'identification destiné à appâter le plus large public possible, ne connaissant ni n'aimant Star Trek, quitte à transgresser pour cela la contextualité trekkienne. Ce mécanisme préside à la politique de vulgarisation engagée par Paramount.
Dans un bar-discothèque aussi densément fréquenté que rythmé, où apparaît un autre extraterrestre starwarisé inconnu de la franchise (conçu en CGI), un James T. Kirk de 22 ans, affublé d'une réputation de bouseux (farm boy) de l'Iowa, tente de séduire Uhura - une cadette de Starfleet spécialisée en xénolinguistique - à la façon d'un bad boy de Beverly Hills. Avec le plus grand naturel, Uhura le rembarre par une insulte zoophile : « au premier coup d'oil, j'ai cru que t'étais un péquenaud qui ne forniquait qu'avec les animaux » ! Cela amusera probablement nombre de spectateurs, mais voilà un langage qui jure drastiquement avec la société humaine de Star Trek, autant que la xénophobie institutionnalisée pouvait jurer avec la société vulcaine. Kirk se heurte alors à l'esprit de corps des cadets de Starfleet vouant apparemment du mépris aux civils (et aux agriculteurs), ce qui dégénère aussitôt en rixe. Seul contre quatre cadets, le pugilat aurait mal tourné pour Kirk, si le capitaine Pike n'était pas venu lui sauver la mise en sifflant la fin des hostilités. Témoignant d'une différence d'âge avec Kirk bien supérieure à celle suggérée par Star Trek TOS 01x15 The Menagerie (La ménagerie), Christopher Pike est ici aux antipodes de son modèle originel : le Pike de Star Trek TOS 00x01 The Cage était un peu sexiste et doutait énormément de lui, celui de J.J. Abrams possède l'assurance moralisante des coachs, des mentors, des découvreurs de talents. Il révèle avoir fait sa thèse sur la tragédie de l'USS Kelvin, et fait l'apologie de Starfleet qu'il présente comme une "force humanitaire gardienne de la paix" ("peacekeeping and humanitarian armada"). Pike relate à James T. Kirk le sacrifice de son père George, capitaine durant 12 minutes, ayant sauvé 800 personnes et permis à son fils de naître. George Kirk ne croyait pas au "scénario sans victoire", et il apparaît donc que ce serait de son père que James T. Kirk tiendrait ce crédo ! Pike annonce que les tests d'aptitudes du jeune Kirk battent tous les records, suggérant soit que ce dernier aurait déjà postulé à Starfleet, soit que dans la société du 23ème siècle, les Terriens font l'objet d'évaluations systématiques... aux relents pour le moins totalitaires. Pike réussit ainsi avec maestria à persuader en seulement quelques secondes le talentueux mais impétueux James T. Kirk de ne plus errer en bad boy dans l'ombre de son héroïque père, et de s'enrôler dans Starfleet. Kirk, le visage encore tuméfié, demeure songeur devant un modèle réduit de l'USS Kelvin... qui n'est autre qu'une salière du bar - témoignant que la tragédie du teaser aura durablement remodelé ce nouvel univers ! Scène popularisée par les seconde & troisième bandes-annonces, c'est à moto (roulante) que Kirk se rendra le lendemain au point de recrutement à la base de Riverside (Iowa), où il posera un regard contemplatif et rêveur sur le chantier de construction d'un gigantesque vaisseau de classe Constitution nouvelle forme, probablement l'USS Enterprise. Kirk donne ainsi rendez-vous à sa destinée. Une destinée d'autant plus circulaire que Riverside est réputée être le lieu de naissance de Kirk dans l'univers originel... Tout ça est bien joli, mais loin, si loin, du style et du ton de Star Trek. Sur la base de Riverside - gigantesque chantier de construction astronaval - Pike est soulagé de trouver Kirk au rendez-vous, et celui-ci lui annonce un peu hâbleur qu'il deviendra officier en trois ans (au lieu des quatre ans usuels). Puis Kirk embarque dans une navette, mais un peu trop sûr de lui, il se cogne à l'une des poutres de la coursive. Voilà un emprunt ostentatoire au film Star Trek V : The Final Frontier (L'ultime frontière), lorsque Scotty un peu trop fanfaron quant à sa parfaite connaissance de l'USS Enterprise A se heurtait à une poutre de coursive jusqu'à en perdre connaissance. Kirk retrouve Uhura parmi les passagers de la navette. Puis entre en scène un individu plutôt acariâtre renâclant à suivre la procédure de décollage (c'est-à-dire s'asseoir). C'est ainsi que Kirk rencontre dès son arrivée le docteur Leonard McCoy - engagé dans Starfleet un peu malgré lui suite à un divorce qui ne lui aura laissé "que la peau sur les os" (d'où le surnom "Bones" - cocasse celle-là), alors que McCoy est aviaphobe, et a horreur de l'espace comme de la téléportation (étrange politique de recrutement de Starfleet tout de même...). Pilotée par le capitaine Pike, la navette décolle... Une mention sur l'écran nous informe d'un bond de trois ans dans le futur, qui nous épargne ainsi les trivialités à craindre de Starfleet Academy. Impossible malgré tout d'échapper aux bagatelles du jeune Kirk avec Gaila, une opulente orionne (verte de peau) - cadette elle aussi à l'Académie (comme le confirmera une brève scène ultérieure avec Gaila en uniforme), et colocataire d'Uhura. S'ensuit la petite séance de voyeurisme (popularisée par la seconde bande annonce) à l'endroit d'Uhura, qui tient presque du vaudeville, avec la femme, le mari, et l'amant caché dans le placard (enfin ici sous le lit)... L'idée de nous révéler que Starfleet aurait ouvert ses portes aux Orion(ne)s - qui sont pourtant les ressortissant(e)s d'une puissance en grande partie ennemie de la Fédération dans la timeline originelle - aurait pu représenter une belle initiative si elle n'avait pas eu pour seules fonctions d'asseoir la virilité de Kirk et d'enfiler un cliché racoleur de plus. Depuis Vina dans le premier pilote Star Trek TOS 00x01 The Cage jusqu'à l'un des tous derniers épisodes de Star Trek Enterprise (04x17 Bound (Le Lien)), les Orionnes à la peau verte et fort peu vêtues sont le tribut de la franchise au fantasme de la "femme de l'espace". Fallait-il vraiment que la seule Orionne non-effeuilleuse professionnelle jamais rencontrée (hors univers miroir) soit par le "hasard" des circonstances aussi dénudée que les danseuses érotiques des marchés aux esclaves orions ? Le film de J.J. Abrams révèle ainsi que ses caractérisations sont strictement utilitaires & fonctionnalistes, à l'instar des ciblages de pubs pour lessive. Nous sommes désormais en 2258, et nous y resterons jusqu'à la fin du film. La main story débute... Une petite scène nous donne des nouvelles de Nero. Oui, que devient-il depuis... 25 ans qu'il est arrivé au 23ème siècle ? A vrai dire pas grand-chose, car Nero attend ! Il attend à l'orée du trou noir (ce trou noir d'où on peut sortir) que Spock-Nimoy arrive. Parce que Spock est responsable de toute la haine de Nero, et Nero veut se venger ! Et effectivement, Spock-Nimoy arrive dans son vaisseau le Jellyfish, et le Narada s'en empare ! Si l'on tient pour valide le comics prequel du film Star Trek : Countdown, il y a là une tripe incohérence. D'une part, le trou noir que l'on traverse sans dommage pour en ressortir tout naturellement est une violation scientifique majeure (parmi les nombreuses autres que compte le film). D'autre part, Spock-Nimoy est de tous (parmi les Romuliens, les Vulcains et la Fédération) à avoir mis en garde et tenté de sauver Romulus de la supernova Hobus ; mais au lieu de se réjouir de disposer de plus d'un siècle pour éviter que ce drame ne se produise, c'est avec un illogisme implacable que Nero tient Spock-Nimoy pour seul responsable de la destruction future de Romulus, et attend sans rien faire durant 25 ans son arrivée juste pour l'obliger à assister impuissant à la destruction planifiée de Vulcain. Ce qui nous conduit à un troisième problème : puisque Nero a accidentellement traversé au 24ème siècle le trou noir avant Spock-Nimoy, comment Nero peut-il être certain que Spock-Nimoy a lui aussi traversé le trou noir et qu'il va arriver ? Et comment peut-il connaître le moment exact de son arrivée (25 ans après Nero) ? ll n'est tout de même pas transparent ce trou noir en plus d'être aisément "traversable" ?! Retour à Starfleet Academy dans la San Francisco nouvelle forme, où Kirk a pris ses aises et projette avec arrogance de repasser une troisième fois de test du Kobayashi Maru (scénario sans victoire possible pour préparer les commandants de Starfleet à la perspective d'une mort certaine) ! Mis en scène dans Star Trek II : The Wrath Of Khan (La colère de Khan), il y fut révélé que Kirk était le seul cadet à avoir trouvé une solution inédite à ce test de personnalité en le reprogrammant à son bénéfice, car il n'aimait pas perdre quitte à tricher, y compris avec la mort ("cheat death").
Il apparaît alors que celui qui programme et supervise le test du Kobayashi Maru (au déroulement identique à celui de Star Trek II : The Wrath Of Khan) depuis quatre ans est le Commander Spock, et que celui qui expose publiquement la fraude de Kirk devant la commission de discipline est aussi le Commander Spock ! Ben voyons, il fallait que ce soit Spock ! Déjà le ton est donné : malgré le gigantisme des amphithéâtres et des hangars à navette de Starfleet Academy, le Star Trek de J.J. Abrams est minuscule, car en toute occasion seuls les protagonistes de Star Trek TOS sont impliqués au mépris de toute probabilité. Bizarrement, la reprogrammation sauvage du test du Kobayashi Maru par Kirk est présentée ici par Starfleet Academy comme une faute grave, alors que Star Trek II : The Wrath Of Khan (La colère de Khan) établissait au contraire que Kirk avait reçu des éloges (voire une recommandation) pour son initiative.
C'est alors que débute la prévisible lutte des héros contre l'hyper-super-méga-ultra-méchant du film. L'appel de détresse de Vulcain (que tout le monde a entendu dans la troisième bande-annonce) survient, et le branle-bas de combat sonne à Starfleet Academy, car la plus grande partie de la flotte de Starfleet est indisponible - stationnée dans le Laurentien System. Les cadets de la promotion de Kirk sont donc affectés à huit vaisseaux, notamment l'USS Hood, l'USS Faragut, l'USS Antares, et l'USS Enterprise... Etrange tout de même que les cadets aient autant de vaisseaux à leur disposition ! Même un siècle après dans Star Trek TNG, Starfleet Academy ne sera pas aussi richement lotie ! Chose étrange, au risque de s'exposer à une suspicion de favoritisme, l'enseigne Uhura exige du Commander Spock que celui-ci l'affecte à l'USS Enterprise au lieu de l'USS Farragut... et celui-ci obtempère sans discuter. Mhhh... Sanction de sa fraude au Kobayashi Maru, Kirk est le seul à ne recevoir aucune affectation. Il est suspendu au sol en attendant le vote de la commission. Mais son ami le Dr. McCoy parvient à le faire clandestinement embarquer à bord d'une navette en partance pour l'USS Enterprise sous couvert d'une infection (résultant d'une vaccination contre les Melvaran mud fleas) que Bones lui inocule lui-même. Un médecin doit parait-il s'embarquer avec son patient... Bluff ou pas, c'est un peu léger au regard des cas de maladies contagieuses... Et curieusement, dans l'épisode Star Trek Enterprise 02x17 Canamar (Prisonnier), les Melvaran mud fleas désignaient un mets délicat, tandis que dans le film d'Abrams, ils sont devenus la cause d'une forme de paludisme ! Scène d'introduction de l'USS Enterprise au design extérieur modernisé, comme vaguement mâtiné de l'Enterprise D du 24ème siècle, et stationnée en orbite à proximité d'une station spatiale aux modules circulaires en partie modelée sur l'Orbital office complex de Star Trek : The Motion Picture. Une légère pause dans le rythme extrême du film pour dépeindre cet USS Enterprise de l'univers parallèle sous toutes les coutures.
L'USS Enterprise de la trame temporelle originelle a été construit à San Francisco mais assemblé dans l'espace (selon la tradition de la timeline originelle depuis l'Enterprise NX-01 de Star Trek : Enterprise), et a été lancé en 2245. Robert April en fut le premier capitaine, puis Christopher Pike le second à partir de 2250, et enfin Kirk le troisième à partir de 2265. Mais dans la nouvelle trame temporelle, l'USS Enterprise est construit et assemblé sur Terre sur la base Riverside en Iowa, et est lancé en 2258 (soit 13 ans plus tard que dans la trame originelle).
La passerelle accueille le capitaine Pike. Spock est son second. Sulu est au poste de pilotage pour la première fois (suite à un remplacement de dernière minute), et il manquera son passage à distorsion faute d'avoir préalablement activé l'amortisseur inertiel (inertial dampener), une petite erreur qui fera rire le public - encore un peu d'humour gadget. Le benjamin de l'équipe, Pavel Andreievich Chekov, est présenté comme ayant 17 ans, alors qu'étant né en 2245 dans Star Trek TOS, il devrait n'avoir que 13 ans. Bah !
A l'infirmerie, Kirk se remet péniblement des symptômes du paludisme melvaran que McCoy lui as infligés pour l'embarquer clandestinement, et cela donne lieu à une nouvelle scène d'humour facile (à la Jar Jar Binks de Star Wars I : The Phantom Menace) lorsque les mains et la langue de Kirk se mettent à enfler devant Uhura. Chekov fait une annonce à l'équipage via l'intra-ship communication (rôle originellement dévolu au capitaine du vaisseau) pour le briefer sur la mission de sauvetage de Vulcain, et c'est alors que, coup de génie (fort peu convainquant), Kirk fait le rapprochement entre une tempête d'éclairs (lightning storm) signalée dans la zone neutre, les circonstances de l'appel de détresse de Vulcain (pour cause d'activité sismique) vers lequel vole à distorsion l'USS Enterprise et la flotte de cadets, un signal d'urgence (capté par Uhura avant de s'embarquer) provenant d'une planète-prison klingonne (probablement Rura Penthe recyclée à partir de Star Trek VI : The Undiscovered Country et qu'une scène coupée du film devait mettre en scène) et annonçant la destruction d'une armada klingonne de 47 vaisseaux, et les circonstances (lightning storm aussi) de l'attaque il y a 25 ans de l'USS Kelvin par un vaisseau Romulien... pour en déduire une attaque de Vulcain par les Romuliens ! Kirk force l'entrée de la passerelle avec McCoy et Uhura dans son sillage pour hurler au Capitaine Pike sa découverte : « c'est un piège des Romuliens ! » (« It's a trap ! »). Euh ou ai-je déjà entendu ça ? Ah oui, bien sûr, Star Wars, plusieurs fois même (notamment dans Star Wars V : The Empire Strikes Back et Star Wars VI : Return Of The Jedi).
Avec l'appui de Uhura et de Spock adoubant la logique du raisonnement, Pike finit par avaliser la mise en garde de Kirk. Pike a rédigé une thèse sur l'USS Kelvin, mais il aura bien sûr fallu que seul Kirk comprenne que l'histoire se répète. Malgré l'illégalité de sa présence à bord de l'Enterprise, Kirk parvient ainsi à s'illustrer. Mais son intervention aura juste conduit Pike. à lever les boucliers de l'Enterprise ! En dépit de la nouvelle trame temporelle, il est permis de se demander comment Kirk - et donc Starfleet - savent que les agresseurs de l'USS Kelvin en 2233 - 25 ans avant - furent des Romuliens ! Certes, l'équipage du Narada avait des oreilles pointues, mais la Fédération n'avait encore jamais vu le vrai visage des Romuliens (et ne devait le découvrir qu'en 2266 (dans Star Trek TOS 02x08 Balance Of Terror (Zone de terreur)), Nero ne s'était alors pas identifié comme romulien, l'équipage de l'USS Kelvin avait fui sans demander son reste, la puissance et les caractéristiques du Narada ne correspondaient en rien aux vaisseaux Romuliens du 23ème siècle, et l'Empire romulien ne pouvait confirmer son lien avec le Narada puisque ce dernier venait de l'avenir. La seule identification pouvait venir de la langue (peut-être romulienne) utilisée par l'équipage du Narada, mais à condition bien sûr que celui-ci ait communiqué avec l'USS Kelvin via un traducteur universel. Forte de sa parfaite maîtrise de trois dialectes romuliens, Uhura est alors affectée aux communications sur la passerelle de l'USS Enterprise, car l'officier de communication initial déclare ne pas être capable de distinguer la langue vulcaine de la langue romulienne... ce qui est grotesque sachant que les traducteurs universels (UT) en étaient déjà capables un siècle avant à l'ère de Star Trek Enterprise ! Sortie de distorsion en orbite de Vulcain. Et là c'est un peu Wolf 359 (Star Trek TNG 04x01 The Best Of Both Worlds (Le meilleur des deux mondes)) en petit : parmi les carcasses des sept vaisseaux de Starfleet (et même de R2-D2 qui flotte parmi les débris), l'invulnérable Narada trône en orbite de Vulcain, et a déployé une plateforme atmosphérique de forage (drilling rig) suspendue par un gros câble, projetant un rayon lumineux vers le noyau de la planète Vulcain, et brouillant au passage les téléporteurs. L'Enterprise est immédiatement attaquée par le Narada mais épargnée dès lors que Nero découvre l'identité du vaisseau, car réputé dans la timeline originelle embarquer un jeune Spock. S'ensuit un face à face par écrans de passerelles interposés entre Spock et Nero, où ce dernier lui révélera ne pas l'avoir encore rencontré, suggérant donc venir du futur. De toute évidence, Spock-Nimoy ne lui suffisait pas, et Nero ne pouvait résister à la tentation d'obliger également le jeune Spock à assister à la destruction programmée de Vulcain. Nero exige alors la venue sur le Narada en navette du capitaine Pike, reproduisant ainsi le schéma du capitaine Robau de l'USS Kelvin dans le teaser. Face à cette puissance très supérieure, Pike obtempère pour faire diversion, et ordonne à Kirk, à Sulu, et au redshirt Olson de faire un saut orbital (orbital skydive) - faute de téléportation - pour prendre pied sur la plateforme de forage et la désactiver. On devine déjà un emprunt à la "grande" tradition de Star Trek TOS : la "malédiction du redshirt".
Le capitaine Pike met à profit de son trajet en navette vers le Narada pour "lâcher" l'équipe de saut à la verticale orbitale de la plateforme de forage. Mais alors pourquoi une autre navette de l'Enterprise ne descend-elle pas elle-même jusqu'à la plateforme ? Qu'on ne nous fasse pas croire que le puissant Narada détecterait une navette mais pas les trois "parachutistes" orbitaux ? Et comment de tels sauts sont-ils même possibles ? Ils violent frontalement les acquis de l'orbitographie, les principes gravitationnels, tout en ignorant les dangers extrêmes de le pénétration atmosphérique où le risque d'embrasement est considérable même à des assiettes réduites, et qui pourtant là est supposé se pratiquer tout naturellement à la verticale avec pour seule protection un scaphandre ! N'importe nawak, mais quelle importance, puisque c'est l'occasion pour J.J. Abrams d'offrir sa scène la plus spectaculaire au film. Kirk d'abord, puis Sulu ensuite, atterrissent sur la plateforme de forage, et leur parachute se rétracte automatiquement dans leur sac-harnais dorsal. Tandis que le redshirt Olson tarde par forfanterie à ouvrir son parachute atmosphérique, et il ricoche sur la plateforme avant d'être carbonisé par le rayon de forage. Il s'en est vraiment fallu de peu pour que Sulu subisse le même sort. Manifestement, les conditions d'atterrissage en parachute sur une plateforme aussi exiguë s'avèrent particulièrement létales, soit en raison du contexte (vent en altitude, vitesse résultante de la provenance orbitale, enfoncement trop important...), soit en raison de leur incompétence (ils ne semblent pas maîtriser les techniques de précision d'atterrissage pourtant b.a.ba du parachutisme, et leur professionnalisme est douteux si l'on considère l'indigne fatuité du redshirt semblant ignorer le concept d'enfoncement). Tout cela souligne à quel point la crédibilité de ce saut a été sacrifiée au spectacle, alors que des solutions plus fiables et plus vraisemblables existaient. Alors comme ça, la plateforme de forage n'est protégée par aucun champ de force, pas plus que de toute évidence le gros câble qui la relie au puissant vaisseau de Nero ! Pourquoi alors l'Enterprise n'a pas juste tenté de la détruire depuis l'orbite (ou du moins son câble d'attache), avec ses phaseurs par exemple ? Et pourquoi tout simplement les Vulcains eux-mêmes n'ont pas tenté de détruire cette plateforme ? Dès Star Trek Enterprise, un siècle plus tôt dans la trame temporelle commune aux deux univers, Vulcain possédait un système de défense planétaire élaboré et de nombreux vaisseaux atmosphériques d'interception. Où sont-ils ici ? Et pourquoi le signal de détresse émanant de Vulcain ne mentionnait-il pas la présence du Narada en orbite et de la plateforme de forage dans l'atmosphère ? Les ainés du voyage spatial à distorsion ne sont-ils pas technologiquement assez avancés pour détecter la présence et les agissements de Nero ? Ah oui, seuls les héros sont performants, et il fallait surtout que Kirk s'illustre facticement pour être promu aussitôt commandant en second par Pike... Surgissent de la plateforme de forage deux séides romuliens (que font-ils là en fait ?), d'apparence moins romuliens encore que Nero, ressemblant à des pirates ou à des brigands médiévaux sortis d'un sous-bois. voire d'une dystopie à la Mad Max. S'ensuit un combat au corps à corps sur la plateforme au-dessus du vide, un grand classique de chaque opus de la sexalogie Star Wars, non sans évoquer aussi Mission : Impossible III de JJ Abrams. Parce que dans Star Trek TOS 01x06 The Naked Time (L'équipage en folie), Sulu se prenait pour un bretteur sous l'effet de la folie, Sulu est ici présenté comme expert en escrime (à la grande surprise de Kirk), et durant le combat avec le Romulien, voilà qu'il sort de sa poche une épée télescopique (qui fait peut-être partie du nouvel équipement standard de l'officier de Starfleet), et il entame un petit duel de cape et d'épée ! C'est totalement anachronique et inefficace comme arme de défense (tout en étant dénué de la dimension cérémonielle des armes blanches klingonnes - pour preuve les Klingons emploient autant que possible les phasers), mais cela devait certainement faire partie des composantes Star Wars qui manquaient tant à Star Trek. L'épée télescopique est devenue dans le Star Trek version Abrams l'épée laser de Star Wars. Le double duel entre héros et "méchant" emprunte directement à Highlander... mais il est un peu moins loyal, car Sulu n'hésite pas à embrocher de son épée l'un des Romuliens dans le dos ! Mais c'était probablement nécessaire, car il sauvera ainsi la vie à Kirk, suspendu au dessus du vide. Ce sera d'ailleurs le début d'une longue série, car presque chaque personnage de Star Trek TOS viendra sauver la vie de Kirk dans le film... Bien sûr, Kirk et Sulu triomphent de leurs adversaires. Malgré tout, Vulcain est condamnée, car constatant que le forage a atteint de noyau de la planète, le Narada projette dans le trou creusé par la plateforme une capsule de Red Matter (cf. Star Trek Countdown).
Kirk détecte à l'oil nu la projection d'une capsule dans le trou de forage, et très vite Chekov et Spock comprennent le plan diabolique de Nero : créer un trou noir au centre de Vulcain pour anéantir la planète. Aussitôt Spock transmet l'évacuation générale à Vulcain. C'est fou, le peuple vulcain possède les plus éminents scientifiques de la Fédération... mais il aura bien sûr fallu que seuls les héros de l'Enterprise soient capables dès leur arrivée de comprendre ce que Nero projetait ! Chez J.J. Abrams comme dans trop de comics, seuls le(s) héros et le(s) "méchant(s)" sont intelligents et forts, le reste de l'univers est composé d'imbéciles. Le Narada hisse le câble de la plateforme de forage (pour la remonter), et fait perdre ainsi l'équilibre à Sulu, qui chute dans le vide. N'écoutant que son courage, Kirk saute dans son sillage et nous offre une belle séance de voltige free fall puis de vol relatif lorsqu'il rejoint et empoigne Sulu. Kirk véhicule à ce moment-là une très forte connotation de Superman. Kirk déploie alors son dorsal, mais celui-ci se détache n'étant apparemment pas en mesure de porter le poids des deux hommes. Condamnés à une chute libre jusqu'au sol, c'est à l'extrême implication de Chekov (traversant le vaisseau à toute allure pour gagner la salle de téléportation) qu'ils devront l'exploit d'être téléportés sur l'Enterprise juste avant de toucher la surface (les téléporteurs de l'Enterprise refonctionnent depuis que la foreuse a cessé de rayonner). Ce qui amène deux questionnements ! En quoi téléporter des sujets en chute libre (200 à 300 km/h) est-il un exploit sachant que la vitesse relative des sujets à la surface d'une planète en rotation est très supérieure (plusieurs milliers de km/h) ? Et comment se fait-il que les "parachutistes orbitaux" ne soient pas équipés de voilures de secours et/ou de Wing Suit comme l'est le plus modeste parachutiste contemporain ?!
Spock se téléporte sur Vulcain pour tenter de sauver ses parents et en même temps le Vulcan High Council réfugiés dans l'Arche katrique (Katric ark). Désignant dans Star Trek Enterprise le gouvernement vulcain, le Vulcan High Council devient dans le film "l'essence de la culture vulcaine incarnée par quelques ainés" ; et désignant dans Star Trek Enterprise un vase polycristallin destiné à accueillir l'âme vulcaine (katra) défunte, l'Arche katrique devient dans le film une grotte (encore le recyclage d'un ressort classique de Star Trek) où se réfugie le Vulcan High Council en cas de menace, et au milieu de laquelle trône une statue géante de Surak, évoquant celle de Yogurt sur Vega dans Spaceballs (La folle histoire de l'espace). Les Vulcains apparaissent ici aussi vulnérables qu'inopérants, veules jusque dans leur propre extermination, à l'inverse de ce que quarante ans de Star Trek avaient établi ! La majorité du groupe sera téléportée à temps sur l'Enterprise, mais Amanda - la mère de Spock - perdra la vie dans un effondrement, après un ultime regard déchirant lancé à son fils. Une mort qui ne manquera pas d'affecter Spock (plus encore que Sarek) comme en témoignera par sa détresse dès sa matérialisation sur l'Enterprise.
Finalement, la planète Vulcain disparaît à jamais, avalée en quelques secondes par le trou noir créé par la goutte de Red Matter. Six milliards de Vulcains périssent, il n'en reste plus que 10 000 dans l'univers ! Inflexion dans le rythme trépidant du film, pour donner lecture du journal de bord du capitaine - en la circonstance Spock -, faisant le bilan dramatique de la situation. Il convient de noter que cette scène restitue plutôt bien le désespoir qui s'empare alors de l'équipage, à la fois désemparé, abasourdi, et ayant encore du mal à réaliser l'ampleur de la tragédie. Malheureusement cet instant de justesse tonale sera de très courte durée, tellement le naturel du film reviendra au galop, pour encore plus d'action déchaînée et de glorification des héros, et cela jusqu'à la fin. La mort de Vulcain et de son peuple n'auront eu droit durant les 2h06' du film qu'à une minute de silence - littéralement ! Cet anéantissement planétaire constitue un notable multi-emprunt de plus, d'abord à la sonde Nomad dans Star Trek TOS 02x08 The Changeling (Le Korrigan), ensuite à la super-arme xindie dans Star Trek Enterprise, mais en terme d'imaginaire collectif plus encore à Star Wars ! Le Narada - avec son système de forage planétaire et sa Red Matter dévoreuse de planètes - procède directement de l'Etoile de la Mort (battlestation Death Star) de l'Empire galactique, capable de détruire d'un seul tir une planète entière. La Death Star avait détruit la planète Alderaan (Aldorande) et ses deux milliards d'habitants, le Narada aura fait plus fort en détruisant la planète Vulcain et ses six milliards d'habitants. Spock quitte la passerelle, et Uhura le rejoint dans l'ascenseur, pour lui exprimer à l'occasion de cette tragédie l'étendue de son affection passionnelle. On commençait à s'en douter, mais là c'est confirmé : Uhura et Spock sont en couple. Même si Uhura est animée des intentions les plus charitables et ne tente pas d'en profiter, les circonstances rendent malgré tout cette scène quelque peu... incongrue. Star Trek TOS avait vaguement suggéré un discret intérêt d'Uhura pour Spock, bien sûr sans réciprocité aucune. Mais ici c'est une réalité alternative, donc tout est permis, même si cela ne respecte pas la réglementation de Starfleet depuis son origine (dans Star Trek Enterprise), et même si cela ne correspond en rien à la caractérisation du Spock ascétique de Star Trek TOS, dont la vie sentimentale & sexuelle était essentiellement rythmée par le Pon farr, et dont le mariage avec la Vulcaine T'Pring avait été programmé depuis son enfance. A dire vrai, il est devenu évident que plus grand-chose ne sépare le jeune Spock d'un humain de son âge, jusqu'aux passades d'ado. L'épisode Star Trek TOS 02x19 The Immunity Syndrome (Amibe) avait révélé l'existence de puissants liens télépathiques entre Vulcains (une réalité confirmée par Star Trek ENT 04x17 Bound (Le lien)), lorsque la mort brutale d'un équipage de 400 Vulcains (de l'USS Intrepid) avait provoqué à distance un choc télépathique violent sur Spock, mais sans pour autant affecter son contrôle émotionnel.
Pendant ce temps-là, tombé entre les mains de Nero, Pike subit la rituelle séance d'interrogatoire sadique de tout blockbuster manichéen qui se respecte, où notamment le "méchant" nomme familièrement sa victime par son prénom (ici Christopher) et lui explique en quelques mots - comme Khan dans Star Trek II : The Wrath Of Khan - ses projets de vengeance : la Fédération à laissé disparaître Romulus à la fin du 24ème siècle, donc après la destruction de Vulcain, Nero ambitionne de détruire une à une toutes les planètes de la Fédération afin de bâtir un nouvel Empire romulien bien plus puissant. Voilà qui rappelle pesamment Shinzon dans Star Trek : Nemesis, mais Shinzon était très modeste, la destruction de la Terre seule lui suffisait. N'oublions pas que Nero est beaucoup plus "méchant" que tous les "méchants" de la franchise réunis. Mais Nero est surtout totalement incohérent à considérer que c'est par l'anéantissement de la Fédération qu'il sauvera Romulus de la destruction, alors que le comics Star Trek : Countdown montre que seule la Fédération tentera d'intervenir pour éradiquer la menace de la supernova Hobus lorsque l'Empire romulien ne voudra rien savoir.
Attendu que Pike refuse de livrer les fréquences subspatiales du réseau défensif de la Terre, afin de briser sa volonté, Nero introduit dans sa bouche des larves de Centaurian slug, une créature visqueuse qui ressemble à s'y méprendre au Ceti eel de Ceti Alpha V dont les larves étaient, quant à elles, introduites par les oreilles ! Eh oui, une fois de plus, dans sa quête éperdue de légitimité, le film de J.J. Abrams ne trouve rien de mieux à faire que de réutiliser presque tel quel l'un des éléments les plus emblématiques d'un film antérieur au mépris de toute vraisemblance. Autant, dans Star Trek II : The Wrath Of Khan, il était logique que Khan exploite les propriétés suggestives des larves de Ceeti eel car il s'agissait de la seule ressource dont il disposait sur Ceti Alpha V ravagée, autant, venu de la fin du 24ème siècle, Nero aurait pu utiliser bien d'autres moyens pour faire parler Pike. Mais non, il fallait que cela soit une proche variante de la méthode de Khan Noonien Singh, car l'univers de Star Trek revisité par J.J. Abrams est tout petit, et seuls doivent y intervenir des éléments que le public connaît déjà.
Retour sur la passerelle de l'Enterprise où une fois de plus, le film de J.J. Abrams empreinte sans vergogne une célèbre réplique d'un film antérieur, ici Star Trek VI : The Undiscovered Country (Terre inconnue) : « une fois l'impossible exclu, tout le reste, même l'improbable, est vérité » (« if you eliminate the impossible, whatever remains - however improbable - must be the truth »). Ben voyons... C'est selon cette célèbre devise de Sherlock Holmes que Spock déduit de la technologie dont dispose Nero qu'il vient du futur et que la trame temporelle a été bouleversée depuis la destruction de l'USS Kelvin. Ce qui a tout de même le mérite de faire savoir aux spectateurs néophytes que l'univers de ce film n'a en fait plus rien à voir avec l'univers Star Trek originel... S'ensuit une divergence à caractère stratégique entre Spock et Kirk sur la conduite à tenir suite à la disparition de Vulcain : Spock veut suivre les ordre de Pike en rejoignant la flotte de Starfleet au Laurentien System tandis que Kirk devine que Nero va maintenant s'attaquer de la même façon à la Terre et recommande de pourchasser le Narada sans attendre. L'insubordination véhémente du cadet Kirk dégénère en échauffourée, et Spock pratique sur lui son célèbre pincement de nerf vulcain (Vulcan nerve pinch). Mais au lieu de l'enfermer en cellule comme il est toujours d'usage de le faire dans Starfleet, Spock abandonne Kirk dans une capsule de survie projetée vers la très inhospitalière Delta Vega. Où Kirk atterrit, à 14 km d'un poste de la Fédération. Bien que Kirk évoque explicitement la violation du protocole 4909 de Starfleet, établissant que les auteurs assument cet agissement, cette décision d'abandon n'en demeure pas moins inexplicable et même inexcusable, à fortiori venant d'un Vulcain toujours soucieux du règlement, et à l'encontre d'un cadet s'étant illustré depuis son arrivée sur l'Enterprise (détection du piège, saut orbital...) et surtout devenu par la volonté de Pike commandant en second de l'Enterprise ! Delta Vega ? Il y a comme un gros problème ! Rencontrée dès le second pilote de Star Trek TOS, 01x01 Where No Man Has Gone Before (Où l'homme dépasse l'homme), Delta Vega est une planète aride et sans vie, or ici elle est glaciaire et habitée par des monstres sortis de Hoth (Star Wars V : The Empire Strikes Back), pour ne pas dire de Starship Troopers... En outre, dans Star Trek TOS, Delta Vega accueille uniquement une gigantesque raffinerie de craquage de (di)lithium, totalement automatisée, et visitée tous les 20 ans par une compagnie minière, or ici Delta Vega abrite un poste de Starfleet habité et perdu dans les glaces ! Mais beaucoup plus grave, dans Star Trek TOS, Delta Vega est à l'extrême limite de la Voie Lactée près de la Barrière Galactique (Galactic Barrier). Il est donc géographiquement incompréhensible que l'Enterprise soit passée par là juste après avoir quitté Vulcain ! Bah, il suffit de faire preuve d'une bonne dose d'indulgence et simplement considérer que la nouvelle trame temporelle a métamorphosé et même tant qu'à faire déplacé Delta Vega dans la galaxie... Il aurait été tellement plus simple de nommer cette planète différemment pour les besoins du film. Mais une fois de plus, quitte à provoquer une totale invraisemblance, il fallait impérativement utiliser un élément préexistant de Star Trek TOS, surtout lorsqu'il est possible d'en tirer un "clin d'oil légitimant" car tel est le crédo du film. Or dans Star Trek TOS 01x01 Where No Man Has Gone Before (Où l'homme dépasse l'homme), Spock incita Kirk à abandonner son ami Gary Mitchell sur Delta Vega. Ainsi tout s'explique. Sur la "nouvelle" Delta Vega, Kirk sort de sa nacelle de survie et tente de gagner à pied le poste de Starfleet. Et présentant déjà les réflexes du futur capitaine qu'il deviendra, le jeune Kirk enregistre un journal de bord (captain's log). C'est alors que le film de J.J. Abrams emprunte de façon saisissante au visuel d'une scène mythique de Star Wars V : The Empire Strikes Back : exactement de la façon dont Han Solo apparaît soudain dans le blizzard de Hoth pour secourir Luke Skywalker tombant dans l'inconscience, c'est un prédateur (drakoulias) plus chtonien que le Wampa qui vient à la rencontre de Kirk ! Rapidement, un autre monstre (hengrauggi) plus gros encore s'abat sur le premier ! Tiens, ça me rappelle à nouveau Star Wars : l'opee sea killer qui se fait dévorer par le sando aqua monster sur Naboo (Star Wars I : The Phantom Menace). Le second monstre prend à son tour Kirk en chasse. L'hengrauggi est une créature marine (sans fourrure) de cauchemar, hybride arachnide-crustacé géant digne des "insectes" de Starship Troopers avec une gueule de Sarlacc (Star Wars VI : Return Of The Jedi) et une langue tentaculaire et prédatrice. Cette scène de poursuite est involontairement tragi-comique (façon Tex Avery ou Benny Hill). Mais surtout, elle n'est guère crédible (contrairement à celle de Star Wars I : The Phantom Menace), car l'hengrauggi abandonne le drakoulias (une grosse proie d'un habitat limitrophe et déjà capturée) pour Kirk (une bien plus petite proie et non encore capturée). Or qu'un animal pourchasse une proie naturelle majeure (probablement connue de lui) sans intention de la dévorer pour finalement lui préférer une proie mineure et inconnue n'est pas forcément respectueux des lois naturelles auxquelles l'univers Star Trek a pourtant toujours été attaché. A ce stade, il est évident que l'abandon de Kirk par Spock sur la "nouvelle version" de Delta Vega ne relève pas seulement de la violation de règlement, mais de l'acte criminel pur et simple. Spock a littéralement envoyé son commandant en second Kirk à la mort - et une mort affreuse - juste pour insubordination. Kirk distance un peu son poursuivant en dévalant une falaise avant de se réfugier dans une grotte de glace, dont le monstre parvient malgré tout à défoncer les parois. Encore un air de déjà vu : le Shai-Hulud poursuivant Paul & Jessica Atreides sur Arrakis (Dune)... En fin de compte, Kirk échappe au monstre grâce à la torche que brandit un inconnu (on a tout de même du mal à croire qu'une flamme aussi modeste fasse définitivement fuir un mastodonte pareil). Suspens insoutenable ! Qui est cet inconnu qui a sauvé la vie à Kirk ? Personne ne pourrait deviner une "coïncidence" aussi invraisemblable, alors je vous aide : c'est... Spock, mais le vieux ! Spock-Nimoy quoi ! Spock-Nimoy est comme Diogène et il devait chercher. Kirk. Mais comment pouvait-il savoir que Kirk serait abandonné sur Delta Vega et tomberait sur "sa" grotte, alors qu'il s'agit d'une trame temporelle foncièrement nouvelle ? Il faut vraiment pousser très loin les chemins de la providence pour provoquer le merveilleux "hasard" de la rencontre de Kirk et de Spock-Nimoy dans une grotte perdue d'une planète Delta Vega tout aussi perdue, alors que les trames temporelles n'ont plus rien de commun. Ca s'appelle contorsionner toute loi de probabilité jusqu'à l'ineptie, sauf bien sûr à vouloir faire tomber l'univers Star Trek dans la prédestination et le messianisme. Spock-Nimoy reconnait instantanément Kirk (en dépit de son recasting), et alors s'ensuit une séquence que tous les spectateurs considèreront comme culte puisqu'elle implique la légende vivante de Star Trek TOS, Leonard Nimoy himself.
Pour gagner en efficacité (et en effet multimédia), Spock-Nimoy pratique une fusion mentale (mind meld) avec Kirk (et oui, ça aussi il fallait le faire figurer dans le film), et lui fait ainsi vivre de façon relativement détaillée son épopée, débutée 129 ans dans le futur dans la trame temporelle originelle - soit à la fin du 24ème siècle huit ans après le film Star Trek : Nemesis :
- l'opération visant à un trou noir abramsien qui aura finalement avalé Hobus elle-même (c'était le but), mais aussi Nero puis Spock-Nimoy avant de les faire ressortir en ordre dispersé au 23ème siècle. Nero aura finalement intercepté Spock (25 ans après) à la sortie du trou noir puis téléporté sur Delta Vega afin qu'il endure impuissant la destruction de Vulcain et éprouve la douleur de Nero lors de la destruction de Romulus. Très étrangement, Spock se considère responsable des agissements de Nero et subséquemment responsable de la destruction de Vulcain.
Immanquablement, de nouvelles invraisemblances surgissent : à qui va-t-on faire croire qu'une Supernova grossit de façon infinie jusqu'à embraser les systèmes solaires voisins puis toute la galaxie ? Si encore, il était question de G.R.B. (Gamma Ray Burst), mais ce n'est manifestement pas le cas ici (on voit bien Romulus exploser dans le flash-back de Spock-Nimoy). En outre, le flash-back par fusion mentale a bien montré que Spock a assisté à la destruction de Vulcain sans instruments depuis Delta Vega. Or pour cela, il faudrait que celle-ci soit une lune de Vulcain (qui n'est d'ailleurs même pas supposée en avoir) ou au moins une planète contiguë sise dans son système solaire. Ce qui renforce un peu plus la contradiction avec Star Trek TOS où Delta Vega était une planète isolée de la barrière galactique. Mais le film n'en est pas à un tour de passe-passe près, et à ce compte-là, il suffit par exemple de considérer que la nouvelle trame temporelle aura "simplement" affecté la dénomination des astres, ou encore qu'il s'agit d'une homonymie (il y aurait ainsi à la fois une Delta Vega au niveau de la barrière galactique et une Delta Vega dans le système de Vulcain). Reste qu'une dénomination aussi humaine pour une planète quasi-jumelle de Vulcain (peut-être celle qui apparait dans Star Trek The Motion Picture) sonne vraiment faux...
Après avoir raconté son histoire, Spock-Nimoy entreprend sa tâche de "maître campbellien", de guide initiatique, pour révéler Kirk à sa destinée, avant de lui livrer les clés pour vaincre Nero. Sans toutefois tomber dans la pesanteur de l'enseignement de maitre Yoda (Star Wars), la leçon de maître Spock-Nimoy consiste à révéler à Kirk que la trame temporelle a changé, qu'il aurait dû connaître son père, qu'il aurait dû être capitaine à la place de Spock, et que lui et Spock devraient connaître une amitié sans égale en lieu et place d'une inimitié ! Ce qui s'inscrit dans le prolongement des déductions du jeune Spock sur la passerelle de l'Enterprise avant que Kirk ne soit débarqué. Et voilà, c'est fait : pour la toute première fois en quarante ans de franchise, le monomythe du mythologue Joseph Campbell est entré dans l'univers Star Trek ! Il y a toutefois un hic. Nous sommes en 2258, ce qui dans l'univers originel correspond à la seconde mission de deux ans du capitaine Pike aux commandes de l'USS Enterprise. Spock sert encore sous les ordres de Pike et ne connait pas encore forcément Kirk, qui lui ne devient capitaine de vaisseau qu'en 2264 à 31 ans ! Spock-Nimoy a manifestement perdu toute notion de chronologie en s'étonnant que Kirk ne soit pas le capitaine de l'Enterprise six ans avant dès l'âge de 25 ans ! Sans compter qu'il surestime peut-être l'ancienneté de son amitié avec Kirk...
Finalement, Kirk et Spock-Nimoy se rendent au poste de Starfleet de la Delta Vega vulcaine. C'était donc tout simple ! Ben voyons !
Pendant ce temps-là sur l'USS Enterprise, se tient l'une des seules scènes interactives entre les protagonistes recastés à peu près convaincante : McCoy reproche à Spock-Quinto d'avoir abandonné Kirk sur Delta Vega, et leur opposition se fait presque aussi pittoresque que dans Star Trek TOS, mais encore une fois au moyen du recyclage littéral de certaines répliques cultes : « bourrique au sang vert » (« green monkey blood »). Mais bizarrement, McCoy concède malgré tout à Spock la logique de sa décision d'expulsion, alors qu'il s'agit pourtant d'un viol éhonté du règlement - a fortiori envers son commandant en second - et d'un acte criminel étant donné la faune de la Delta Vega vulcaine. Arrivés au poste de Starfleet, Kirk et Spock-Nimoy tombent sur deux officiers furieux de leur relégation et impatients de voir débarquer la relève. Pour cette scène, le film nous livre un nouvel emprunt à Star Wars : dans l'Episode VI : Return Of The Jedi, C-3PO & R2-D2 pénètrent dans le palais de Jabba the Hutt sur Tatooine, et sont accueillis par un cerbère antipathique dans un long couloir. Dans le film de JJ Abrams, Tatooine et le palais de Jabba deviennent Delta Vega et le poste de Starfleet, C-3PO & R2D2 cèdent la place à Spock-Nimoy & Kirk, et le cerbère antipathique se transforme en un extraterrestre "sympa" de petite taille, nommé Keenser, à la tête d'huître et aux yeux proéminents et mobiles comme des tiges, jamais encore rencontré dans l'univers Star Trek. Ce nouveau venu occupe un peu le créneau gadget des Ewoks (Star Wars). Keenser conduit donc les deux visiteurs à son collègue qui somnole les pieds étendus sur une table... où gît dans une cage un Tribble - distillant son crypto-"ronronnement" si caractéristique ! Il était prévisible que la créature de la série originale la plus connue du grand public fasse un caméo dans le film de JJ Abrams, quitte à ce qu'elle ne soit pas encore supposée être familière des humains neuf ans avant l'épisode Star Trek TOS 02x13 The Trouble With Tribbles (Tribulations)... Le collègue de Keenser n'est autre que Montgomery Scott, exilé à titre de sanction sur ce poste reculé depuis six mois ! Mais exit le crédible et touchant Scotty de Star Trek TOS, un Scotty qui avait l'Écosse dans la peau et son accent dans la voix, qui avait du style et du charme, et qui jamais ne cherchait à faire intentionnellement rire la galerie. Bienvenu au Scotty rigolo et bouffon, histoire d'arracher quelques fous-rires artificiels au public, et faire ainsi gagner quelques points au film. Mais le Scotty de J.J. Abrams n'est pas juste un rigolo, c'est aussi un chercheur-inventeur génial, alors que le Scotty de Star Trek TOS était un technicien génial - différence majeure. Ce Scotty nouvelle forme, logorrhéique et gouailleur, ne se contente pas d'être un affront au Scotty originel, mais il est un affront à la tonalité même de l'univers Star Trek, qui sombre soudain dans la mauvaise comédie hollywoodienne, racoleuse et triviale.
Et ce nouveau Scotty s'essaie à l'un des champs de recherches les plus complexes : le transwarp beaming ! Dans l'univers originel, avant de devenir un pilier technologique de Star Trek Voyager, le concept de transwarp est apparu pour la première fois en 2285 dans le film Star Trek III : The Search For Spock (À la recherche de Spock), et Scotty avait alors manifesté le plus grand mépris envers cette technologie nouvelle, tout en sabotant le transwarp drive expérimental de l'USS Excelsior. En revanche, jamais dans l'univers originel la téléportation n'avait été explicitement associée au transwarp. Cette dénomination inédite et un peu fantaisiste s'apparente probablement au subspace transporter (téléportation subspatiale en français), apparu en 2370 dans Star Trek TNG 07x22 Bloodlines (Les liens du sang), et permettant en théorie de téléporter à travers le subspace pour une portée de téléportation de plusieurs années lumières au lieu des 40 000 km de la téléportation traditionnelle. Scotty révèle alors que ses expériences ne sont pas concluantes, et qu'il a tenté un transwarp beaming sur le Beagle de l'Amiral Archer... qui disparut à jamais, constituant une possible allusion à Star Trek ENT 04x10 Daedalus (Le puits noir)). Il est tentant d'être reconnaissant aux scénaristes Roberto Orci et Alex Kurtzman d'avoir rendu cet hommage explicite à Star Trek Enterprise, l'une des plus belles séries de la franchise, et dorénavant seul tronc commun entre les deux univers : l'originel et celui de J.J. Abrams. Mais était-ce finalement la meilleure façon de rendre hommage au périple de Jonathan Archer et de l'Enterprise NX-01 que de le symboliser par l'un de ses éléments les moins valorisants, le chien Porthos ? Cette série prequelle aura consacré au beagle d'Archer l'un de ses épisodes les plus critiqués, Star Trek Enterprise 02x05 A Night In Sickbay (Mon ami Porthos). Et à moins que les chiens du futur ne disposent d'une espérance de vie d'au moins 108 ans, il ne peut de toute façon s'agir ici du Porthos de Star Trek Enterprise, suggérant alors un goût inextinguible et obsessionnel de Jonathan Archer pour les beagles tout au long de sa vie. En outre, il n'est pas ici très logique que Jonathan Archer soit appelé par son rang d'amiral, dans la mesure où la postérité retient toujours le titre le plus illustre. Or après avoir effectivement été amiral de Starfleet, Archer est devenu président de la jeune Fédération entre 2184 et 2192 ! Spock-Nimoy révèle à Scotty qu'il réussira à finaliser dans le futur le transwarp beam, et lui en communique l'équation. Et voilà un emprunt de plus à un film antérieur, en la circonstance Star Trek IV : The Voyage Home (Retour sur Terre), lorsque Scotty dévoilait en 1986 au Dr. Nichols de Plexicorp la formule de l'aluminium transparent inventée dans le futur. Le problème est que dans l'univers originel - celui d'où vient Spock-Nimoy et qui n'est pas couvert par la nouvelle trame temporelle induite par Nero -, Scotty ne s'était jamais intéressé au transwarp beam, et que faute de fiabilité, les recherches sur la téléportation subspatiale ont été abandonnées par la Fédération, comme en témoigne l'épisode Star Trek TNG 07x22 Bloodlines (Les liens du sang) de 77 ans ultérieur à la prise de retraite de Scotty. Faut-il croire que Scotty fera aboutir cette technologie pendant sa (seconde) retraite, plusieurs années après sa réapparition dans Star Trek TNG 06x04 Relics (Reliques) et avant 2387 (voyage temporel de Spock-Nimoy) ? Pas impossible, certes, mais vraiment capillotracté. Spock-Nimoy achève alors "l'initiation" de Kirk. La stratégie à suivre pour triompher de Nero consiste avant toute chose à devenir calife à la place du calife, euh pardon capitaine à la place du Spock. Et pour y parvenir, éveiller la part humaine et émotionnelle du jeune Spock à la faveur de sa fragilisation présumée suite à la destruction de Vulcain. Mais Spock-Nimoy fait promettre à Kirk de ne pas révéler au jeune Spock son implication, la rencontre du jeune et du vieux Spock risquant de provoquer selon lui la fin du monde ! Kirk tente alors de culpabiliser Spock-Nimoy en lui signifiant que voyager dans le passé pour changer l'histoire est tricher, ce qui donne à Spock l'occasion d'emprunter encore à Star Trek TOS en arguant avoir appris la triche d'un vieil ami... Bien que d'apparence touchante, voilà un échange fort infondé car Kirk sait bien que Spock-Nimoy n'a jamais décidé de revenir dans le passé, et que c'est Nero - et lui seul - qui a profondément bouleversé l'histoire. Le transwarp beam devient immédiatement opérationnel. Spock-Nimoy demeure sur la Delta Vega vulcaine, tandis que Kirk et Scotty se font téléporter à bord de l'USS Enterprise en pleine distorsion. Et voilà l'occasion d'une scène histrionne comme le film de JJ Abrams les prise : Scotty se matérialise dans un cylindre transparent, puis entame un parcours de bobsleigh dans un vaste réseau de tubes faisant transiter un fluide (peut-être de l'eau lourde liée au deutérium ?) à une turbine hydraulique ! Scotty aurait pu au choix se noyer, se faire ébouillanter, être déchiqueté... mais la scène est bien sûr conçue pour faire rigoler le public... Et soudain, tout s'éclaircit. JJ Abrams a transformé la salle des machines de l'Enterprise en gigantesque chaudière à gaz sortie de l'enfer de Brazil uniquement pour cette scène comico-pathétique. Eh oui, nous sommes là au cour de l'humour tarte à la crème du film. L'ensemble des vaisseaux de Starfleet depuis Star Trek Enterprise, à commencer par l'USS Enterprise de Star Trek TOS, ont toujours fait montre d'une absolue sobriété dans leurs décors, à commencer par les salles des machines qui ne laissaient la place à aucune curiosité ludique. Mais la salle des machines de J.J. Abrams est un vrai parc d'attraction tapissé de poil à gratter. Difficile de ne pas songer aux absurdes pistons géants figurant en pleine coursive du vaisseau pastiche thermian (NSEA Protector II) dans le film parodique Galaxy Quest.
Kirk et Scotty sont interceptés par la sécurité de l'Enterprise et conduits sur la passerelle pour se justifier auprès de l'"acting captain" Spock de leur téléportation à bord alors que le vaisseau était en pleine distorsion. Sans fournir de réponse, Kirk met alors directement en application l'enseignement de Spock-Nimoy : « éveille l'humain qui est en Spock ». Et pour ce faire, comme l'aurait fait un Vulcain ado version Abrams, il enchaîne les provocations sur l'insensibilité de Spock envers l'anéantissement de la planète Vulcain et la mort de sa mère, jusqu'à susciter soudain une transe colérique incontrôlée. Et fort de sa supériorité physique vulcaine, Spock terrasse littéralement Kirk, manquant de peu de l'étrangler... avant de retrouver son flegme vulcain suite à l'interpellation de Sarek (sauvant peut-être de ce fait la vie à Kirk). Voilà un emprunt bien maladroit aux trois célèbres affrontements entre Kirk et Spock, respectivement dans les épisodes Star Trek TOS 01x06 The Naked Time (L'équipage en folie), Star Trek TOS 01x25 This Side Of Paradise (Un coin de paradis), et Star Trek TOS 02x05 Amok Time (Le mal du pays), si ce n'est qu'à chaque fois, Spock était sous l'emprise du Pon farr ou de pathologies qui affectaient tout le monde. Peut-être est-ce aussi un emprunt à l'opposition violente entre Lily Sloane et Jean-Luc Picard dans le film Star Trek : First Contact, sauf que celle-ci avait une raison d'être. JJ Abrams, lui, ne se sera embarrassé ni de pathologie, ni de légitimité morale.
Prenant soudainement conscience de cet impardonnable manquement à la discipline vulcaine, de surcroît en présence de nombreux témoins (son père Sarek et tout le personnel de la passerelle), Spock se démet aussitôt lui-même de ses fonctions au titre de l'article 619 ("emotionally compromised"), et quitte la passerelle... laissant le fauteuil du capitaine vacant ! Et comme le moment est tendu, c'est la parfaite occasion pour que Scotty nouvelle forme nous inflige à contre-emploi une de ses répliques "sympa" : « I like this ship ». Le nouveau Scotty a décidément toujours le mot pour rire, et surtout, il adore amuser la galerie. Et alors, toute la passerelle se sent soudain orpheline ! Que va-t-on faire sans capitaine ? Pike est prisonnier de Nero ! Spock est parti ! Et là, je vous le donne en mille - oui pas trop compliqué à deviner grâce à la troisième bande-annonce du film - Kirk s'empare littéralement du fauteuil, car il connaît son destin, un destin qui lui a été révélé par son mentor et guide spirituel Spock le vieux. Et aussitôt que Kirk est assis dans le fauteuil, Uhura commence déjà à l'appeler "Capitaine". C'est ça l'autorité naturelle ! Théoriquement à ce moment là, le public doit être parcouru de frissons, car ça fait tout de même quelque chose d'être témoin de l'histoire en marche et du destin qui s'accomplit envers et contre tous les univers ! Le hic, c'est que la timarchie platonicienne ne correspond absolument pas à la nature très policée et réglementée de Starfleet. Il existe des protocoles pour tout, et bien évidemment un ordre de succession dans la chaine de commande qui va bien au delà du commandant en second (on l'a assez vu dans la franchise, y compris dans Star Trek TOS). Oui mais voilà, Pike avait nommé Kirk commandant au second au dépit de toute vraisemblance ! Et voilà comment JJ Abrams aura réussi avec une crédibilité seulement apparente et une énorme complaisance à mettre en scène l'intronisation en majesté de Kirk. C'était donc ça la stratégie de Spock-Nimoy : éveiller les émotions de Spock pour le rendre inapte au commandement et que Kirk lui pique sa place ?!!! J'admire la noblesse de la chose, on est vraiment en plein esprit Star Trek là ! Manifestement, le sens de la destinée s'accommode de toutes les bassesses. Kirk est maintenant aux commandes, il en fait une annonce officielle à l'équipage via l'intra-ship communication (selon son habitude dans Star Trek TOS), et il prend immédiatement ses aises comme s'il totalisait des années d'expériences ! Eh oui, à vouloir trop émuler William Shatner, Chris Pine brûle un peu vite les étapes. Kirk met alors en ouvre le plan infaillible de Spock-Nimoy. Et à partir de là, on peut considérer que c'est dans la poche ! L'histoire est terminée tellement elle est prévisible. Les seules surprises tiennent encore à son degré de bâclage et d'irréalisme. Dans la salle de téléportation, Spock a une conversation littéralement à cour ouvert avec Sarek dans la salle de téléportation. Une bonace au sein d'un film qui en ménage si peu, et qui serait appréciable si elle ne dénaturait pas une fois de plus la vulcanité ! Spock confesse éprouver une telle colère envers l'assassin de sa mère qu'il ne parvient pas à la contrôler, et Sarek lui recommande de ne pas même chercher à le faire, soulignant alors la dualité de sa nature... au mépris de tout l'héritage de Star Trek TOS. Sarek révèle alors avoir épousé l'humaine Amanda Grayson non par logique mais par amour. Un aveu touchant mais qui sonne une nouvelle fois si peu vulcain (surtout en terme d'acceptation et d'aveu).
Retour sur la passerelle. Chekov brille une fois de plus par son "génie" stratégique pourtant totalement absent de Star Trek TOS - on gagne beaucoup à naître quatre ans plus tôt - en proposant une sortie de distorsion uniquement à proximité du satellite Titan afin que le champ magnétique des anneaux de Saturne masque la présence de l'Enterprise aux détecteurs du vaisseau de Nero (faisant route vers la Terre), et qu'une téléportation clandestine dans le Narada soit possible. Voilà qui viole grossièrement la technologie de Star Trek : soit l'Enterprise ambitionne de poursuivre son trajet vers la Terre, mais alors en arrivant à impulsion (plusieurs minutes à plusieurs heures), l'Enterprise s'expose théoriquement bien plus qu'en arrivant à distorsion (quelques secondes) ; soit l'Enterprise reste stationnaire en orbite de Saturne, mais alors aucune téléportation traditionnelle n'est possible vers le Narada car sa portée maximale est de 40 000 km (dans tout l'univers de Star Trek et quelle que soit l'époque car c'est une limite physique) tandis que la distance Saturne-Terre dépasse le milliard de km ! Finalement ragaillardi et de nouveau maître de ses émotions, Spock vient proposer son assistance à Kirk pour sauver la Terre, parce que « sa mère était humaine, et que la Terre est désormais la seule patrie qui lui reste » (l'humanisation progresse ainsi à grands pas) ! Spock confirme la viabilité de la stratégie de Chekov, et pour s'emparer du dispositif générant des trous noirs, il souhaite se téléporter seul à bord du Narada car prédisposé à s'adapter aux équipements romuliens - étant donné la communauté d'ancêtres des Vulcains et des Romuliens (décidément, les Romuliens n'ont plus aucun secret pour personne depuis la destruction de l'USS Kelvin il y a 25 ans !). Maintenant que Kirk a "piqué" à Spock son poste d'"acting captain", il peut en effet être grand seigneur en consentant à le laisser le seconder pour vaincre Nero. Et c'est à ce titre que Kirk accepte la proposition de Spock à la seule condition de l'accompagner. Cette scène donnera lieu à un échange tout à fait emblématique du ton adopté par le film. Spock ironise : « - Je citerai volontiers le règlement de Starfleet, mais je sais déjà que vous l'outrepasseriez », et Kirk infatué lui tapotant familièrement l'épaule : « - Vous voyez qu'on commence à se connaître tous les deux ». C'est avec de telles attitudes que le film de JJ Abrams prétend reconstituer les personnalités et les alchimies de Star Trek TOS. Ce n'est en fait qu'un Canada Dry, mais cela suffira bien aux spectateurs les plus optimistes. Il s'agit pourtant d'une caricature passée à la moulinette des dialogues hollywoodiens stéréotypés & dénués de toute authenticité. Le seul sentiment qu'inspire de tels échanges est que la destinée des amitiés prophétisées par Spock-Nimoy doit vraiment s'accomplir... à n'importe quel prix et dans le délai imparti par le film ! En orbite de la Terre, même scénario, le Narada a déployé sa plateforme dans l'atmosphère et s'apprête à lancer son rayon de forage vers le noyau terrestre, mais via. l'Océan Pacifique juste au large du Golden Gate Bridge et de Starfleet Academy (comme par hasard, l'univers est décidément toujours aussi petit.).
A partir de maintenant, tous les problèmes vont être résolus en un clin d'oil. La plateforme de forage n'aura aucun mal à être désactivée avant de détruire la Terre et Nero va être vaincu. Et toc. Parce que désormais, c'est le jeune Kirk inexpérimenté qui est dans le fauteuil du capitaine, et par quelque effet de prestidigitation, Spock est devenu son ami, et ses alchimiques lieutenants sont tous à ses côtés. Et ça, ça change tout ! Voilà tout de même une troupe d'un tout autre calibre que celle du vieux Pike. Maintenant, les "méchants" n'ont plus qu'à bien se tenir. Et à côté du jeune Kirk, Wesley Crusher - le petit génie de Star Trek TNG qui sauve périodiquement l'Enterprise D - peut franchement aller se rhabiller. Kirk-Pine est beaucoup plus fort et beaucoup plus héroïque... et encore moins crédible. L'Enterprise sort de distorsion à proximité de Titan, satellite de Saturne. Il faut avoir à l'esprit que les deux petites secondes du film qui laissent entrevoir la planète annelée ont été directement supervisées par des scientifiques de N.A.S.A. ! Eh oui, c'est que ça plaisante pas avec les questions scientifiques ! Ce qui n'empêchera pourtant pas le film de faire une erreur de perspective malgré tout, car les anneaux de Saturne ne présentent pas une telle inclinaison depuis Titan. Enfin passons... Le "plan imparable" consiste à se téléporter à deux sur le Narada, et vaincre tous les "méchants" d'un coup ! Plus besoin de saut orbital ; les boucliers du Narada (équipé d'une technologie en avance de plus d'un siècle), on les oublie ; la portée de téléportation maximale (40 000 km dans tout Star Trek), on l'oublie aussi (puisque Saturne est à quelque un milliard de km de la Terre) ; et la foreuse rendant impossible toute téléportation, on... ne l'oublie pas, mais on se débrouille pour qu'elle soit activée juste après la téléportation des héros sur le Narada ! Et bien sûr, il aurait été bien plus crédible de téléporter une escouade entière sur le Narada (le personnel de l'USS Enterprise se compte par centaines), mais seuls les héros Kirk & Spock devaient sauver l'univers en action commando et être ensuite glorifiés ! Voilà, maintenant ça roule... jusqu'au ridicule fini ! C'est juste un peu dommage pour feue Vulcain. Et pourtant, il y avait eu une astuce pour rendre tout ça "crédible " : il aurait suffit de recourir au transwarp beam révélé par Spock-Nimoy à Scotty, puisque (d'après le subspace transporter de Star Trek TNG 07x22 Bloodlines (Les liens du sang) cette technologie permet de se téléporter sur une longue distance (de l'ordre des années lumières) à travers les boucliers d'un vaisseau et sans être détecté par lui.
Dans la salle de téléportation, sans pudeur aucune, Uhura vient enlacer et embrasser langoureusement Spock, tandis que ce dernier l'appelle de son petit nom, Nyota. que Kirk cherchait désespérément à découvrir depuis trois ans. De quoi mettre ce dernier plutôt mal à l'aise, ce qui ne manquera pas d'amuser le public. Il faut toutefois reconnaître que cette scène ostentatoire n'est pas exempte d'ironie, car elle prend intentionnellement le contrepied de Star Trek TOS, Spock faisant ici figure de Casanova et Kirk de... spectateur, voire de looser pour avoir dragué plus d'une fois Uhura... en pure perte. Téléportés à bord du Narada par Scotty déjà en charge des téléporteurs à peine arrivé (eh oui, la force de prédestination !), les deux héros enfin alliés mènent implacablement leur action de commando - façon Rambo ou The Punisher - et descendent au phaser (des phasers pulsés étrangement anachroniques par rapport à ceux de Star Trek TOS) une kyrielle de Romuliens aussi simplement qu'à la baraque foraine. Sous la protection armée de Kirk, Spock réalisera une fusion mentale sur l'un de ces Romuliens gisant sur le sol - exceptionnellement épargné - et découvrira ainsi les emplacements du Jellyfish - vaisseau du futur avec lequel Spock-Nimoy est arrivé - et du capitaine Pike. Les phaser des deux héros étant en mode massacre et non paralysie (stun setting) comme en témoigne le curseur rouge (à l'exception du romulien épargné pour fusion mentale), il est difficile de ne pas avoir soudain l'impression d'être dans un western ou dans un film de guerre plus porté par un esprit yankee infatué que par l'esprit Star Trek... lorsque les héros sont invulnérables et leurs adversaires aussi abstraits que des pigeons d'argiles... Aussitôt entrés dans le Jellyfish, l'ordinateur de bord reconnaît d'emblée en Spock-Quinto la voix de l'ambassadeur Spock-Nimoy en lui souhaitant un bon retour à bord, et lui révèle que le vaisseau a été construit en 2387 (soit 129 ans plus tard). Ce qui ne manque pas de l'étonner, jusqu'à le pousser à suspecter Kirk de lui avoir caché des informations importantes... Et alors, le jeune Spock avoue se douter qu'il a déjà piloté ce vaisseau (alors que Kirk ne lui a jamais révélé l'implication de Spock-Nimoy) ! Puissance déductive vulcaine, intuition médiumnique (grâce à l'éveil de la part humaine de Spock par Kirk ?), ou tentative d'humour mimétique ? Avant de décoller, Spock évalue à 4,3% la probabilité de réussite de leur mission, puis salue Kirk en l'appelant pour la première fois : « Jim », et devant le futurisme de l'interface (quasi-holographique et post-TNG) du Jellyfish, assène son très mythique « fascinating » ! Il fallait aussi caser ces trois recyclages-là de Star Trek TOS quelque part dans le film. Le poids du destin ne laisse décidément aucun répit. Resté sur le Narada, Kirk finit par être confronté à Nero, puis à son second, probablement pour respecter le passage rituel de quantité d'épisodes de Star Trek TOS. Mais ici le pugilat de péplum a été modernisé à sauce des combats chorégraphiés - limite ninja - dont fut si friand JJ Abrams dans Alias, sauf que Kirk encaisse les coups sans vraiment les rendre (les Romuliens sont-ils à ce point plus forts que les humains ?). En outre, les affrontements prennent place sur des pontons suspendus au dessus du vide, ce qui donne à Nero la possibilité de s'y élancer tel un chamois, et de tenir à sa merci Kirk - dépossédé de son phaser. Eh oui, toujours l'influence du duel Luke Skywalker vs. Darth Vader dans la Cloud City de Bespin (Star Wars V : The Empire Strikes Back). Il est d'ailleurs permis de se demander comment un vaisseau dont les planchers sont majoritairement composés de gouffres béants peut être viable en conditions opérationnelles pour son équipage ?! C'est dans cette scène que Nero prononce sa seule réplique intéressante du film (popularisée par la troisième bande annonce) : « Kirk était un grand homme, c'était dans une autre vie » (« Kirk was a great man, It was another life »), soulignant ainsi une troisième fois (après les considérations successives de Spock-Quntio et de Spock-Nimoy) que le film ne se situe pas dans la même trame temporelle que Star Trek TOS et les séries suivantes. De son côté, Spock vole avec le Jellyfish au travers du gigantesque Narada, ce qui - par la proximité du référentiel - offre au film sa scène visuellement la plus starwarsienne, digne d'un raid dans les tréfonds de Coruscant (Star Wars II : Attack Of The Clones). mâtinée de nuée de V'Ger (Star Trek : The Motion Picture). Finalement le Jellyfish finit non sans mal par sortir du Narada (il en aura fallu du temps - histoire que le spectacle soit maximal), pénètre dans l'atmosphère terrestre et détruit en une seconde le câble de suspension de la plateforme de forage - qui chute alors dans l'Océan Pacifique. Évidemment, la facilité avec laquelle cette plateforme de forage - protégée par nul champ de force - parvient à être détruite rend rétroactivement totalement incompréhensible l'impuissance de huit vaisseaux de Starfleet en orbite de Vulcain. Étaient-ils tous commandés par de parfaits imbéciles, ou était-ce un complot de Starfleet visant à exterminer six milliards de Vulcain ? Je pencherais en fait plutôt pour un complot des auteurs... Découvrant cette évasion et la destruction de son "outil de vengeance", Nero se met à hurler le nom de Spock, ce qui constitue une référence de plus à Star Trek II : The Wrath Of Khan, lorsque piégé dans le planétoïde Regula, Kirk hurle de rage le nom de Khan. Puis celui-ci ordonne un tir nourri sur le Jellyfish, que celui-ci esquive en passant à distorsion. Nero lance alors le Narada à la poursuite du Jellyfish. Mais il ne sait pas encore qu'il est tombé dans la toile d'araignée tissée par les héros. A cette occasion, Nero abandonne le combat et laisse Kirk indemne, alors qu'il aurait facilement pu le faire abattre par ses hommes. Pourquoi celui qui a assassiné aussi froidement le capitaine Robau a-t-il cette soudaine indulgence envers Kirk ? Serait-ce l'émoi d'avoir pour hôte un personnage culte ? Pour échapper cette fois à Ayel - le second de Nero - Kirk saute à son tour entre deux pontons suspendus avec la dégaine des super-héros volants des comics.
L'Enterprise de son côté suit discrètement le Narada. Finalement le Jellyfish sort de distorsion assez loin du système solaire, se laisse rejoindre, et Spock programme le crash du Jellyfish - bourré de Red Matter - sur le Narada. Nero tente bien sûr de l'anéantir avant l'impact, mais l'Enterprise sort brutalement de distorsion et parvient à détruire chacune des charges en passe d'atteindre le Jellyffish. In extremis avant le crash, Spock, Kirk et Pike sont téléportés sur l'Enterprise par Scotty - qui sauve donc à son tour la vie à Kirk. Et là, le piège se referme sur Nero. Dieu sait que la résolution par le "crash kamikaze" est aujourd'hui éculée, mais il aura pourtant fallu que ce film l'utilise par deux fois. Lorsque la politique systématique de récup devient un vecteur de légitimité... Le plus invraisemblable étant bien sûr que le surpuissant Narada - venu du futur et borguisé - n'ait pas réussi à détruire à la volée le petit Jellyfish et l'USS Enterprise alors qu'il était parvenu à anéantir si aisément une flotte de sept puissants vaisseaux de Starfleet en orbite de Vulcain. Manifestement dans ce film, les rapports de force sont à géométries plus que variables selon les besoins de chaque scène. Mouvement de gros plan et de ralenti façon C.S.I (Les experts) sur de nombreuses gouttes de Red Matter - que Spock-Nimoy avait ramené avec lui du futur dans le Jellyfish - pour assister en direct à la genèse d'un trou noir "abramsien" dans le Narada (décidément les trous noirs pleuvent dans cette histoire). Peu avant que le Narada ne soit totalement disloqué par le trou noir, Kirk propose à Nero de le sauver lui et son équipage en le téléportant à bord de l'Enterprise. Silence de consternation sur la passerelle ! Et Spock exprime son indignation face à cette "généreuse" proposition ! Kirk s'en explique avec décontraction en déclarant qu'il serait logique d'introduire un peu de compassion dans les procédures pour favoriser la paix avec les Romuliens. Mais Nero refuse l'assistance de Kirk en répliquant avec la grandiloquence d'un opéra : "je préférerais vivre mille fois le martyre le Romulus plutôt que d'accepter une assistance de votre part". Voilà une formule tellement grotesque et ridicule qu'elle en invalide presque toute la "croisade" de Nero. A quoi Kirk répond avec nonchalance : « ok, à vos souhaits » (« You get it »). Ce qui ne manque pas de provoquer un fou-rire dans la salle... Et alors que, condamné par le trou noir abramsien en formation, le Narada a perdu ses boucliers et toute capacité de nuisance, Kirk ordonne un tir nourri de phaseurs sur lui de toute la puissance de l'Enterprise ! Finalement, le trou noir avale ce qui reste du Narada (il faut espérer que celui-ci n'en ressorte pas un siècle plus tôt). Là, c'est à ne pas en croire ses yeux et ses oreilles ! Les auteurs voudraient-ils faire gober aux spectateurs que c'est Kirk qui a inventé à l'occasion d'une bonne blague toute la politique humaniste de Starfleet ? Et prétendent-ils réduire toute la philosophie trekkienne à ce misérable trait d'humour au terme d'une heure et demie d'absolu manichéisme ? N'est-ce pas la négation même de tout le legs de la série Star Trek : Enterprise se déroulant plus d'un siècle avant ? Et Kirk ne renie-t-il pas son "initiative" humaniste en décidant finalement d'assassiner froidement un équipage devenu totalement inoffensif et de toute façon "naturellement" condamné par le trou noir ? A son tour, l'USS Enterprise est à deux doigts d'être avalée par le trou noir abramsien et subit un stress gravitationnel extrême ! Voici donc les circonstances idéales pour emprunter l'une des répliques les plus emblématiques de Star Trek TOS lorsque Kirk se tourne vers la salle des machines et commande son habituel : « Sortez-nous de là, Scotty » (« Get us out of here, Scotty »), permettant alors d'enchaîner avec un ressort tout aussi emblématique de Star Trek TOS, lorsque Scotty sort de derrière les fagots une de ses géniales idées pour sauver l'Enterprise des situations les plus désespérées : dans le cas présent, éjecter le réacteur à distorsion (warp core eject) pour que son explosion à proximité du trou noir "repousse" le vaisseau. Aussitôt dit aussitôt fait, mais le warp core est ici d'un genre inédit puisqu'il consiste en un essaim de mobiles. Et leur déflagration synchrone permet en effet à l'Enterprise de s'arracher à l'attraction du trou noir. Mais puisqu'il fut si "simple" de réchapper à un trou noir abramsien (généré de surcroît par la totalité de la Red Matter disponible), il y a vraiment de quoi s'étonner que le puissant Narada et le rapide (& expérimental) Jellyfish n'en aient pas fait de même à la fin du 24ème siècle (avec des technologies supposées bien plus avancées) face au premier trou noir qui avala Hobus (probablement créé par bien moins de Red Matter) !? Bah ! Il suffit de considérer que la "puissance" des trous noirs abramsiens n'est pas fonction de la quantité de Red Matter impliquée, et surtout que nos héros sont beaucoup plus intelligents que Nero & Spock-Nimoy, et voilà tout ! Quant à la Red Matter, c'est un emprunt évident à la sphère de vie de Milo Rambaldi dans la série Alias, mais capable désormais de générer des trous noirs en plus du reste... Difficile d'imaginer résolution plus téléphonée. Et c'est essentiellement les deux Spock qui auront tout fait : Spock le vieux pour le plan et la technologie, Spock le jeune pour la mise en ouvre. Mais Kirk en tirera toute la gloire au nom de son "destin" ! Nous voilà de retour sur Terre, pour un face à face attendu mais assez artificiel entre Spock le vieux et Spock le jeune. Le moment aurait pu témoigner d'une authentique profondeur, s'il ne constituait pas l'apothéose du reniement.
En dépit de la réduction des six milliards de Vulcains à une diaspora de 10 000 survivants, que Spock-Quinto voudrait assister en démissionnant de Starfleet, et à qui Spock-Nimoy aurait trouvé une planète d'accueil, Spock le vieux exhorte Spock le jeune à faire un acte de foi en restant sur l'Enterprise aux côtés de Kirk afin que leurs destins et leurs amitiés s'accomplissent - car c'est de tout le plus important évidemment.
Le film s'achève par l'apothéose de l'absurdité : le sacre de Kirk, non pas dans la cathédrale de Reims, mais dans le gigantesque amphithéâtre de Starfleet Academy à San Francisco : pour avoir sauvé l'univers de Nero, le cadet Kirk est directement promu d'aspirant à capitaine de vaisseau ! Et Pike, promu quant à lui amiral, dans un uniforme évoquant ceux de Star Trek : The Motion Picture, et désormais en fauteuil roulant - la force de son destin dans Star Trek TOS 01x15+01x16 The Menagerie (La ménagerie) -, transfère à Kirk le commandement de l'USS Enterprise, selon un rituel (« - I relieve you, sir - I'm relieved ») emprunté à Star Trek TNG 06x10 Chain Of Command (Hiérarchie), sous un tonnerre d'applaudissement décalqué de la fin de Star Trek VI : The Undiscovered Country... Il fallait probablement que la scène finale batte tous les records de densité d'emprunts. Nous sommes là au somment de l'invraisemblance et d'absurdité ! La négation d'un corps militaire constitué ! A croire que J.J. Abrams prend Starfleet pour une force révolutionnaire sud-américaine (façon général Alcazar ou Tapioca dans Tintin), ou encore une armée d'opérette, voire un groupe de scouts, pour ne pas dire une bande de potes. Originellement, le film de J.J. Abrams prétendait nous expliquer comment Kirk est devenu le plus jeune capitaine de Starfleet à 31 ans (ce qui était considéré comme exceptionnel dans l'univers originel). Mais ce contrat n'aura pas été rempli car J.J. Abrams tenait à faire beaucoup plus fort : il a créé une nouvelle trame temporelle aux promotions militaires accélérées où la plupart des cadets deviennent capitaines à moins de 30 ans, puisque lors de sa première rencontre avec Kirk, Pike explique qu'il suffit de quatre ans pour être officier et de seulement huit pour commander un vaisseau. Et cela dans le seul but de permettre à Kirk d'être bien plus super-héroïque encore en devenant cette fois capitaine du vaisseau porte-drapeau de la Fédération (The Federation flagship) carrément à 25 ans suite à un prétendu exploit cosmique. Soit un mécanisme qui ne relève pas de la promotion militaire crédible, mais du pur conte de fée. ce qui jure carrément vu le contexte génocidaire. Et le spectateur ne saura finalement jamais comment Kirk était devenu capitaine à 31 ans dans la trame temporelle originelle - où il n'y avait ni Nero, ni destruction de Vulcain, ni promo-minute, ni blockbuster.
Sur ce, tout est bien qui finit bien. Spock-Nimoy est dans l'auditorium et se remémore intérieurement les procédures du temps (béni) où il était à la passerelle - ultime écho (assurément touchant) de l'univers originel... tandis que l'équipage benjamin de l'Enterprise se constitue : Kirk plastronne dans son fauteuil de capitaine, Spock présente sa candidature pour devenir son second, Bones est à l'infirmerie, et Scotty flanqué de Keenser (réduit à la fonction d'animal domestique) est aux machines psalmodiant son rituel « dilithium chambers at maximum ». Huit ans avant, chaque enfant est donc exactement à la place de chaque adulte, et il va dorénavant pouvoir jouer à imiter Star Trek. Le film s'achève par un travelling sur l'USS Enterprise nouveau assorti du mythique gimmick de Star Trek (« These are the voyages... »), mais déclamé par Spock-Nimoy... exactement comme à la fin de Star Trek II The Wrath Of Khan (La colère de Khan) ! En effet, le film de J.J. Abrams ne pouvait s'achever autrement que par un ultime emprunt... et tant qu'à faire au long métrage le plus cannibalisé de tous - car obsessionnellement pris pour modèle par Orci, Kurtzman, & Abrams. Rideau. Mention spéciale pour le générique de fin, visuellement et musicalement splendide, bénéficiant d'une très belle réinstrumentation du thème d'Alexander Courage par Michael Giacchino, et constituant probablement le meilleur moment du film avec le brillant teaser.
Le film de J.J. Abrams ne perpètre donc aucune véritable violation des canons grâce à l'astuce de la trame temporelle alternative - les quelques discordances canoniques évoquées ci-avant relevant plus du nitpicking que d'incohérences flagrantes. En ce sens, ce film est plus incohérent envers lui-même qu'envers l'univers Star Trek. En revanche, comme le montre mon résumé commenté, ce film enchaîne en flux tendu une kyrielle d'invraisemblances, conduisant à un manque global de crédibilité. Et ce film pèche aussi et surtout par une pauvreté scénaristique et narrative, par une violation dramatique de l'esprit trekkien cultivé durant 40 ans, et accessoirement par des légèretés scientifiques indignes de l'habituelle rigueur trekkienne.
La science de Star Trek postulait dès l'origine une extrapolation des sciences physiques contemporaines - qui rappelons-le sont essentiellement prédictives -, dans le but de rendre possible les voyages interstellaires dans des délais raisonnables et sans dilatation temporelle significative entre référentiels. Résultant de la gravité artificielle - pierre angulaire de la science de Star Trek -, les concepts de subspace (espace distinct de l'espace normal au gradient variable et où c n'est plus la causalité) et de distorsion (manipulation et déplacement de l'espace), bien que non prédits par les modèles théoriques en vigueur (mais faisant l'objet de recherches scientifiques comme en a témoigné le projet B.P.P. de la N.A.S.A.), permettent de contourner les limites de l'expérience de Michelson-Morley et des transformations de Lorentz dans l'espace-temps de Minkowski sans jamais les violer pour autant, et assument donc la relativité restreinte, tout comme la téléportation trekkienne assume le principe d'incertitude d'Heisenberg. Nombre d'anomalies spatiales et temporelles furent rencontrées aux gré des aventures trekkiennes sur quarante ans, mais aucune d'elle n'avait de lien avec les phénomènes spatiaux prédits par les sciences contemporaines, et leurs propriétés étaient en quelques sortes "libres de droits". Toutefois dès lors qu'il était question de phénomènes observés ou prédits par les sciences physiques, Star Trek s'est toujours employé à les respecter (formations des systèmes solaires, classes d'étoiles, gamma ray bursts, trous de vers, trous noirs, quasar.).
Or le film de J.J. Abrams et sa BD prequelle ont fait régresser Star Trek à une époque très antérieure à sa création en 1964, à dire vrai jusqu'à l'ère des pulps, en ignorant toutes les résultantes de la relativité générale appliquées aux trous noirs (puits gravitationnel extrême auquel rien ne survit, vitesse de libération supérieure à la vitesse de la lumière dans le vide (c), disque d'accrétion, dilatation temporelle). Les trous noirs "abramsiens" se mettent à pleuvoir, sont générés d'une simple chiquenaude (une goutte de Red Matter), et se révèlent être autant de portes spatiotemporelles que les protagonistes traversent sans dommage (Spock et Nero) et dont les effets se limitent à une gravitation de proximité n'affectant même pas les astres voisins (Delta Vega). Leur figuration visuelle est elle-aussi un pied de nez à l'astrophysique, à croire que "trou noir" a été entendu par les auteurs de la façon la plus naïve et littérale possible (c'est à dire un "trou" dans l'espace qui est de couleur "noire", dérivant parfois vers le bleu d'ailleurs). Au point qu'en comparaison, le très médiocre film éponyme de Gary Nelson produit par Walt Disney en deviendrait presque crédible ! Difficile de ne pas avoir honte qu'un film de SF contemporain, portant de surcroît le label Star Trek, soit tombé scientifiquement aussi bas, et cela après le mémorable épisode Stargate SG-1 02x16 A Matter Of Time (Une question de temps) qui avait su prendre - il y a déjà une décennie - toute la mesure de ce qu'est véritablement un trou noir, en montrant quel exceptionnel tribut la SF audiovisuelle peut rendre aux sciences astrophysiques réelles sans jamais pour autant cesser d'être distrayante. Autre invraisemblance scientifique, la supernova Hobus (à l'origine de la destruction de Romulus à la fin du 24ème siècle et de la soif de vengeance de Nero) que l'on présente comme sujette à une expansion infinie jusqu'à embraser tout la galaxie ! D'une part, c'est ignorer la considérable proportion de vide de l'espace interstellaire, d'autre part c'est ignorer qu'il existe un seuil de masse critique qui effondre les supernovae (et a fortiori les hypernovae) en trous noirs, rendant de ce fait sans objet toute l'opération (Jellyfish & Red Matter) de Spock au 24ème siècle (et donc le film de JJ Abrams qui en résulte) ! Que les Romuliens aient été endeuillés au 24ème siècle par Hobus renforce encore l'invraisemblance du postulat de départ, car l'évolution d'une supernova est hautement prédictive et les Romuliens sont probablement le peuple le plus prévoyant voire paranoïaque de la franchise. L'extermination de Romulus est donc injustifiable tant scientifiquement que scénaristiquement. (cf. Star Trek : Compte à rebours) Il aurait finalement été très simple de nommer ces phénomènes différemment pour éviter de tels affronts directs aux acquis scientifiques. Mais à l'instar de tous les autres raccourcis pris par les auteurs, il était commercialement plus racoleur d'utiliser les dénominations "trou noir" et "supernova" quitte à ruiner la nécessaire suspension d'incrédulité de toute SF sérieuse. Le saut orbital (space jump ou orbital skydive) - qualifié explicitement ainsi par les protagonistes - est en lui même une hérésie envers l'orbitographie, et cela témoigne d'une lecture particulièrement naïve des Lois de Kepler et des vitesses cosmiques de Konstantin Tsiolkovsky. Eu égard au silence spatial appuyé de la mise en scène et à la courbure de Vulcain au moment du saut, celui-ci s'effectue bien dans le film depuis l'orbite (à plusieurs centaines de km d'altitude) et non depuis la haute atmosphère.
De la même manière, supposer qu'un vaisseau en orbite (le Narada) puisse déployer dans la basse atmosphère à la verticale d'un point fixe une structure (la foreuse) reliée à lui par un gros câble est d'une absurdité orbitographique totale ! C'est ignorer une fois de plus que la satellisation implique une vitesse considérable par rapport à n'importe quel point fixe à la surface de la planète. L'ambition de forer - même au rayon à particules - jusqu'au noyau actif d'une planète est d'une naïveté consommée. Bien avant de l'atteindre, la foreuse créerait l'équivalent d'un supervolcan aux effets spectaculaires et écologiquement désastreux (ce que le film a bien entendu ignoré), a fortiori dans le cas d'une planète aussi volcanique que Vulcain. Par-delà ce phénomène qui compromettrait le forage, aucun conduit stable ne peut subsister entre le noyau actif et la surface en raison des différentiels de pression, de température, et de densité, invalidant de ce fait la prétention de Nero d'envoyer de cette façon une quelconque goutte de Red Matter jusqu'au centre de Vulcain (puis de la Terre). Cette très improbable entreprise de forage n'a d'ailleurs en elle-même absolument aucune raison d'être, puisqu'il aurait suffit à Nero de créer à proximité de Vulcain - au moyen de la Red Matter - un trou noir abramsien qui aurait avalé la planète depuis son orbite aussi implacablement que depuis son centre. Le résultat aurait été le même, mais la méthode aurait été nettement plus crédible, plus discrète, plus rapide... Bien sûr, cela aurait privé le film de son vain spectacle... Sur le terrain maintenant des sciences propres de Star Trek, la résolution du film et la victoire contre Nero ne tiennent pas un seul instant debout ! Les technologies usuelles de la franchise possèdent des caractéristiques et des critères d'application qui ont toujours été respectés durant 40 ans - sauf justification explicite. C'est précisément ce qui distingue la SF de la fantasy, et c'est la raison d'être du technobabble si critiqué. Or dans le film de JJ Abrams, les contraintes de téléportation ont été respectées en orbite de Vulcain (portée limitée à 40 000 km, impossibilité de se téléporter sauvagement au travers des boucliers du Narada, impossibilité de se téléporter à proximité de la plateforme de forage active...), ainsi que l'impossibilité de détruire la plateforme de forage ou son câble de soutènement (puisque qu'aucun vaisseau de Starfleet n'a cherché à le faire en dépit de l'absence de boucliers autorisant l'accès en parachute)... expliquant a priori l'impossibilité de sauver Vulcain. Mais aucune de ces contraintes n'aura ensuite été respectée en orbite de la Terre : téléportation Saturne-Terre sur un milliard de km explosant sans explication les limites de la portée maximale de 40 000 km, téléportation à travers les boucliers d'un vaisseau surpuissant venu du futur (Narada), absence de boucliers autour de la plateforme de forage et de son câble de soutènement autorisant la destruction du système de forage d'un seul tir sur son câble... Et c'est grâce aux panacées de cette téléportation miracle et de la soudaine extrême facilité de destruction de la foreuse que la Terre sera ainsi sauvée ! La présence d'un technobabble - si honni par tant de spectateurs - aurait peut-être justement permis d'expliquer que dans le cas de Vulcain toutes les contraintes technologiques aient dû être respectées, et que dans le cas de la Terre aucune n'aient eu besoin de l'être ! Mais en l'état, ce sont de toute évidence deux poids deux mesures, rendant soit le sauvetage de la Terre invraisemblable, soit l'extermination de Vulcain scénaristiquement gratuite et injustifiable. Finalement, puisqu'il a été établi que le "trou noir abramsien" créé par la Red Matter fait ressortir intact dans le passé ce qu'il avale, comment se fait-il alors que la supernova Hobus ne soit pas ressortie de la même façon que le Narada et le Jellyfish, mais un peu avant eux pour menacer le 22ème ou le 23ème siècle comme elle avait menacé la fin du 24ème siècle ? Et selon la même logique, comment se fait-il que la planète Vulcain, ainsi que le Narada ne ressortent pas (même en morceaux) par exemple un siècle plus tôt ? Mêmes causes, mêmes conditions, mêmes effets, non ? Bref, ce ne sont vraiment pas des cadeaux que Roberto Orci et Alex Kurtzman ont fait là à la crédibilité scientifique de Star Trek, qui - en dépit de ce que certains pensent - était beaucoup plus grande dans les milieux scientifiques que celles des autres SF audiovisuelles. au point de devenir l'une des cartes de visite de cet univers... jusqu'en 2005. Et avoir sollicité quelques pontes de la N.A.S.A. (comme Carolyn Porco) pour superviser l'imagerie spatiale du film (de Saturne notamment pour deux misérables seconde à l'écran) ne saurait constituer un quelconque alibi de crédibilité susceptible d'adouber les colossales inepties scientifiques du script. Mais je ne m'étendrai pas plus sur ces questions, car comme le dit J.J. Abrams, Star Trek n'est pas une histoire de science et de technologie... au contraire de ce qu'osait avancer Stephen Hawking, apportant sa caution à la franchise au point d'y jouer son propre rôle dans le holodeck de l'Enterprise D (Star Trek TNG 06x26 Descent (Descente aux Enfers)). Mais c'était un autre temps, et un autre niveau d'exigence... Venons-en donc à la vocation-même du film, qui est aussi hélas son plus gros problème.
Le manque de crédibilité tient à la politique de recyclage sans subtilité des classiques de la franchise, à la légèreté des mécanismes sociaux et comportementaux, et à l'inconséquence tonale des drames. Je ne m'appesantirai pas sur l'interprétation, estimant lui avoir déjà accordé suffisamment d'importance dans la critique-dialogue et dans le résumé commenté. Quelles que soient les qualités de prestation de Chris Pine (théâtral et démonstratif comme pouvait l'être parfois William Shatner, jusqu'à le mimer sans retenue), de Karl Urban (aussi revêche que DeForest Kelley mais sans en avoir la chaleur humaine), et les efforts des autres acteurs - moins convaincants mais généralement honorables -, leurs caractérisations sont toutes desservies par des dialogues étiques et psychologiquement impropres ! Rien ne saurait plus opposer la maturité extraterrestre du Spock originel de l'instabilité émotionnelle du Spock nouveau, la pudeur discrète de l'Uhura originelle du charisme exhibitionniste de l'Uhura nouvelle, le décalage chauvin du Chekov originel du génie démonstratif du Chekov nouveau, le passéisme introverti du Pike originel de la prétention édificatrice du Pike nouveau, la spontanéité charmante du Scotty originel de la bouffonnerie polichinelle du Scotty nouveau. A vrai dire, Simon Pegg incarne même l'antithèse absolue du touchant Scotty ! Cette écriture et cette direction d'acteurs hasardeuses sont fort dommageables car il est évident que les comédiens ont fait tout leur possible pour simuler les personnages de Star Trek TOS... Étant donné que J.J. Abrams et ses scénaristes n'ont cessé de se gargariser de l'alchimie des personnages de la série originale qui serait selon eux le seul composant de tout l'univers Star Trek méritant d'être préservé dans leur reboot, force est constater que cet objectif n'a pas du tout été atteint ! De la subtile alchimie inhérente aux personnages de Star Trek TOS, il ne reste au mieux dans le film de JJ Abrams qu'une forme superficielle de convivialité. Et cela suffira bien au public, car la "convivialité" est dans l'air du temps. Mais la grande victime de l'indigence d'écriture du film est Eric Bana, bon acteur pourtant, mais dont le personnage n'est même pas un classique méchant bidimensionnel de blockbuster, mais carrément un méchant strictement monodimensionnel. Partageant quelques similitudes de forme avec Shinzon de Star Trek : Nemesis (de l'inclination à se faire représenter par son second jusqu'à l'irrationnelle obsession de vengeance, en passant par le crane rasé), Nero est pourtant bien loin d'en avoir la substance et la profondeur. Tout le ressort de son rôle se réduit à « je suis méchant parce que ! » & « je veux me venger parce que ! », et sa "méchanceté" est restituée essentiellement par un visuel comicsien (tatouages, grimaces, mimiques grossières), et une série de hurlements. Dans le palmarès des personnages dénués de tout intérêt, il n'en existe pas un seul dans tout l'univers canonique de Star Trek à être arrivé à la cheville de Nero. C'en est presque fascinant... si ce n'est que Nero et ses séides - tant par leur comportement asocial que par leur look moitié skinhead moitié punk- ont tellement peu de rapport avec des Romuliens qu'ils en profanent quarante ans de romulanité, une culture pourtant presque aussi importante pour Star Trek que la vulcanité. La nouvelle trame temporelle peut donner l'impression de respecter quarante ans de canon. Mais c'est évincer bien complaisamment la Patrouille du Temps (Guardians of Time), non de Poul Anderson, mais de la Fédération du futur ! Depuis ses balbutiements au 24ème siècle dans Star Trek DS9 05x06 Trials And Tribble-ations (Épreuves et tribulations) (avec le département Temporal Investigations) jusqu'à sa toute puissance temporelle au 29ème siècle dans Star Trek Voyager 03x08 Future's End (Un futur en danger) & Star Trek Voyager 05x24 Relativity (L'USS Relativity) puis au 31ème siècle dans Star Trek Enterprise (avec la Temporal Cold War), leurs interventions visibles & invisibles expliquaient que jamais la trame temporelle trekkienne ne soit définitivement ou durablement altérée ! Et cela avait notamment conduit à la formalisation en mécanique temporelle de l'audacieux Pogo Paradox. Or comment cette Patrouille du Temps a-t-elle pu permettre l'extermination de la quasi-totalité du peuple Vulcain, alors qu'elle résulte en fin de compte de la plus accidentelle & anodine des causalités temporelles (un lamentable psychopathe involontairement aspiré par un trou noir abramsien)... loin, très loin, de l'indicible complexité stratégique d'une guerre temporelle dont la Terre est pourtant parvenue à se sortir presque indemne un siècle avant (durant la série Enterprise) !? A croire que Vulcain est quantité totalement négligeable pour la timeline et pour l'avenir de la Fédération, et que tous les Temporal Special Agents chargés de préserver la timeline originelle et lutter contre les intrusions temporelles ont été licenciés par la Paramount en même temps que Rick Berman... Une dizaine d'années avant Star Trek TOS, avant même que l'équipage de l'USS Enterprise ne soit formé, et de surcroit dans un univers parallèle totalement bouleversé, tous les personnages de Star Trek TOS interagissent déjà les uns avec les autres, et ils sont les seuls à occuper l'intégralité de leur espace d'évolution :
En somme, au mépris de la probabilité et de la crédibilité les plus élémentaires, l'univers entier semble avoir été fabriqué de toute pièce uniquement pour garantir la rencontre et les interactions entre les personnages cultes de Star Trek TOS, pour leur servir sur un plateau d'argent une destinée exceptionnelle, et pour être sauvé ensuite par eux en signe de reconnaissance. Par-delà les superpouvoirs qui ne sont finalement qu'une option, c'est bien par la hiérarchie outrancière d'aptitudes entre les phénix qui "save the day" et le reste de l'univers composé de crétins, et par la totale subordination d'un univers à ses personnages, que l'on définit les super-héros ou "élus du destin". C'est littéralement une scène de guignols dans un monde clos où tout est permis. Et un tel univers perd de ce fait toute vraisemblance et toute complexité. Il en est de même avec les relations d'amitié, celles-là même que les auteurs et les critiques portent perpétuellement aux nues. Les derniers films de Star Trek TOS et un épisode comme Star Trek Voyager 03x02 Flashback révélaient avec une immense vérité que la solidité et la profondeur des liens qui unissent les personnages de Star Trek TOS sont le fruit d'une vie d'épreuves communes. Que c'est à la faveur du vieillissement et des nombreuses expériences vécues ensemble sur le long terme - tout particulièrement celles mises en scènes dans Star Trek TOS et probablement d'autres aussi -, que les alchimies se sont développées, que les affections mutuelles sont nées. Et en effet, ces alchimies n'étaient pas présentes d'emblée dans les premiers épisodes de Star Trek TOS. La marque de vraisemblance à laquelle s'est attachée Star Trek TOS, Star Trek TAS et les six films qui ont suivi, résultait de n'avoir en fait jamais cherché à provoquer artificiellement de telles interactions, mais de les avoir laissé venir à la faveur des histoires racontées. C'est une distinction fondamentale. Tout à l'opposé de cela, le film de J.J. Abrams tente en deux heures de prendre les raccourcis les plus grossiers pour faire naître ces amitiés à l'occasion de collaborations prétextes, bâclées et artificielles, là où il n'y a nul chemin naturel de vie, mais juste un cahier des charges à honorer. Résultat des courses, même si les caractérisations des personnages se rapprochent dans une certaine mesure de celles de Star Trek TOS, même si les interprétations de Chris Pine et de Karl Urban sont presque irréprochables, que Zachary Quinto fait ce qu'il peut, que Zoe Saldana est belle et charismatique, leurs introductions et leurs interactions respirent le chiqué. A l'instar de Spock et Sarek qui font autant évoluer leur relation en une heure et demie de film (correspondant à quelques jours maximum dans l'histoire) qu'en une vie entière dans l'univers originel, J.J. Abrams prétend résumer des interactions forgées par des années de vécu en moins d'un couple d'heures narré presque en temps réel ! Et c'est précisément l'une des facilités du film. Il a l'ambition de capturer en deux heures l'essentiel de Star Trek, et finalement il n'en restitue que des clichés et des slogans ! Faire interagir ainsi une "version jeune" de tous les personnages de la série originale tient de la pédagogie de patronage et de la parodie enfantine. Et prétendre mettre en scène en une paire d'heures quelque chose qui ne s'est jamais produit dans l'univers originel juste pour que l'on puisse dire à la fin : « ça y est, l'équipage est constitué », cela tient de le mystification qui ridiculise la vocation même de prequel. Le film de J.J. Abrams n'a absolument rien apporté par lui-même, tant en matière de personnages, d'interactions, que de thématiques et de ressorts. Comme l'illustre mon résumé commenté, ce film se contente d'aligner ostentatoirement, non pas des références culturelles ou des clins d'yeux de connaisseurs, mais des emprunts grossiers - à la limite de la plagiat pour manque d'inspiration - aux plus estimables volets antérieurs de Star Trek, ainsi qu'à Star Wars (parce que c'est plus "cool" comme l'ont plus d'une fois asséné les auteurs). Et avec ces innombrables morceaux d'emprunts, le film réalise un patchwork, pour ne pas dire un collage façon Andy Warhol avec le Pop Art. évidemment sous le couvert bien pratique de l'hommage. Le film ne possède rien en propre (hormis bien sûr ses superbes CGI), tout le reste n'étant que pièces rapportées ! Ces "marques d'enracinement" font l'effet d'une quête de légitimité outrancière, comme s'il s'agissait de masquer par le zèle et l'excès la nature véritable du film. On s'approprie un maximum de propos antérieurs ultra-resucés que même le moins trekker des spectateurs connaît, histoire de convaincre tout le monde qu'il s'agit bien de Star Trek, et on a ainsi le champ libre pour faire du J.J. Abrams à la place. Quant à la martialité, les auteurs semblent avoir totalement perdu de vue que Starfleet est une armée, et de surcroit l'armée d'une société très civilisée. Starfleet n'est ni une ONG, ni l'armée romaine, ni l'armée révolutionnaire d'un Far West cosmique, ni La Patrouille des Castors ! Elle repose sur des règlementations, des protocoles, et des préséances. On ne s'empare pas du poste de capitaine juste par ce que l'on est un cadet charismatique et qu'on s'appelle Kirk alors qu'il existe comme dans tout corps constitué un ordre de succession clairement établi.
Comment ne pas songer par opposition au réalisme militaire du Star Trek originel ? Par exemple dans l'épisode Star Trek DS9 06x04 Behind The Lines (Derrière les lignes) lorsque Miles O'Brien rappelait avec ironie au pourtant brillant et très prometteur cadet Nog affecté à l'USS Defiant que s'il prenait le commandement du vaisseau, cela signifierait qu'il n'y aurait plus personne d'autre à bord. S'inscrivant dans l'effet de mode "jeunesse des héros" ou "comment la Dream Team s'est constituée" façon The Magnificent Seven (Les sept mercenaires), le film de J.J. Abrams pratique une infantilisation des lois causales et des relations humaines. Les amitiés comme les promotions militaires semblent relever du jeu où rien n'est vraiment sérieux, et l'ensemble sonne faux et parait artificiel. Kirk joue à être le capitaine, Spock joue à être vulcain, les héros jouent à Starfleet, les destins sont pipés, et l'univers est une maquette miniature. Le film prétend ainsi organiser des rencontres factices et forcées entre personnages de légende dans une émulation infantile aux accents de bac à sable. Cela révèle probablement le peu d'estime que les auteurs portent à un univers qu'ils perçoivent - consciemment ou pas - comme naïf et enfantin, estimant que les fans s'y reconnaîtront. Tout l'univers gravite autour des héros revisités, comme dans l'esprit d'un enfant qui se croit toujours au centre de l'univers. un univers de portée galactique qui se réduirait invariablement à un même petit cercle de potes. L'immensité spatiale n'est plus que la voûte prétexte - ornée de petites lumières clignotantes - d'un univers salle de gala, où les quelques VIP qui comptent ne sauraient faire autrement que de se croiser encore et encore. Au mieux, ce film s'apparente à un prequel pour super-héros, qui aurait peut-être eu sa place dans les univers de DC ou de Marvel, mais surement pas dans celui de Star Trek. Appelons donc les choses par leur nom, le Star Trek de J.J. Abrams est tout simplement. un Star Trek Babies, et rien de plus.
Parmi les nombreuses particularités de l'esprit Star Trek, il en est une plus exceptionnelle que d'autres : l'absence quasi-totale de manichéisme. Si la vocation première de Star Trek est l'exploration et non l'affrontement, il arrive parfois au gré des époques et des séries de la franchise que les protagonistes soient confrontés à des périls. Mais ceux-ci relèvent toujours de divergences d'intérêt ou d'idéologie, d'incompréhensions ou d'incompatibilités d'entendement, de lois physiques ou naturelles (forces, prédations.) qui ne peuvent se mesurer sur l'échelle du bien et du mal. Les films Star Trek - au contraire des séries - ont parfois assujetti cette spécificité trekkienne aux lois du marché par l'introduction de "méchants", mais ceux-ci s'avéraient toujours suffisamment complexes et tridimensionnels pour susciter à la fois empathie et distanciation, et éviter l'opposition ultra-galvaudée "gentils" versus "méchants". Star Trek est l'un des très rares univers de la SF à ne pas connaître intrinsèquement et ontologiquement les notions de "bien" & de "mal". Il est de ce fait épargné par le concept totalitaire et paupérisant de mal platonicien, et il laisse ainsi une place au trop rare mal aristotélicien En multipliant les coïncidences les plus invraisemblables pour garantir la rencontre et l'amitié d'un noyau de sept personnes dans un univers pourtant bouleversé et orphelin de six milliards de Vulcains, le film de J.J. Abrams suggère - sciemment ou pas - un messianisme prophétique voire l'existence d'une force invisible gardienne des destinées, qui protégerait et guiderait les héros de Star Trek TOS quelles que puissent être les altérations cosmiques, et qui ferait de Kirk le point d'invariance de tous les multivers. c'est-à-dire l'Élu ! La rencontre pseudo-hasardeuse du vénérable Spock-Nimoy et du jeune James T. Kirk sur la planète isolée Delta Vega ne ressemble-t-elle pas étrangement à la rencontre prédestinée du vénérable Yoda et du jeune Luke Skywalker sur la non moins isolée Dagobah (Star Wars V : The Empire Strikes Back) ? Il ne manque plus que l'introduction explicite par Spock-Nimoy d'une "force" ou autre "Schwartz" (Spaceballs (La folle histoire de l'espace))... Il s'agit là d'une doctrine à la mode qui combine un certain spiritualisme New Age et le monomythe (Le Héros aux mille et un visages) de l'anthropologue Joseph Campbell, caractérisée notamment par les concepts de prédestination du héros ("the chosen one", "the elected one"), et d'initiation du héros (par un maître spirituel), ayant initialement prospéré en fantasy - et surtout en heroic fantasy à l'instar de The Lord Of The Rings et de Star Wars - pour finalement contaminer sous une forme plus fonctionnaliste l'ensemble du cinéma industriel, modelé sur l'invariable "scénario en trois actes" formalisé par les producteurs Don Simpson et Jerry Bruckeimer : 1) acte 1, le héros prouve sa force ; 2) acte 2, l'arrogance coule le héros ; 3) acte 3, un mentor reconstruit le héros pour un retour en gloire. L'ordonnance s'érige désormais en doctrine liberticide, et elle constitue un facteur de pollution intellectuel et culturel. Or cette idéologie (Campbell/Simpson) est fondamentalement étrangère à l'esprit trekkien, et Star Trek pouvait se prévaloir d'être l'un des ultimes univers de SF totalement - et presque miraculeusement - épargné par elle ! La philosophie de Star Trek s'est toujours bien gardée, d'une part d'obéir à des mécanismes narratifs préformatés, d'autre part de concurrencer les croyances et les religions humaines en se refusant à une quelconque révélation métaphysique universelle, y compris lors de rencontres avec des entités omniscientes et omnipotentes tels Q, Trelane, ou les Prophets de Bajor. L'absence de révélation universelle va d'ailleurs de pair avec l'absence de mal platonicien. Mais il est malheureusement à craindre que ces notions philosophiques au cour du trekkisme échappent totalement à l'équipe scénaristique de J.J. Abrams. alors qu'elles n'échappaient absolument pas aux équipes de Gene Roddenberry et de Rick Berman. A la fin du film, Kirk provoque la stupéfaction de Spock (et probablement de toute la passerelle de l'USS Enterprise) en proposant de sauver Nero et son équipage ! Et voilà comment - mine de rien - Kirk prétend fonder l'humanisme des protocoles de Starfleet, suggérant qu'il n'en était pas ainsi avant lui, tout en faisant rire la salle de l'abandon de Nero au trou noir, et même de sa froide exécution. Or Kirk avait la possibilité de téléporter l'équipage du Narada, et il ne l'a pas fait, soi-disant pour respecter la volonté de Nero. Manifestement, seules les têtes d'affiches sont considérées comme ayant le droit de choisir de vivre ou de mourir, et d'en décider pour les "pantins" qui les servent ; c'est encore pire que les redshirts de Star Trek TOS pourtant si raillés, c'en est à l'aune des sbires des grands "méchants" de James Bond (qui meublent les couloirs et meurent lorsque la base explose). Mais pire encore, de la prétention séminale humaniste, Kirk verse brutalement dans l'acte criminel décomplexé ! Ainsi il ordonne de tirer sur l'ambulance - de toute la puissance de feu de l'Enterprise ! Le dragon Narada était pourtant édenté, dans l'incapacité de nuire, condamné à très court terme par le trou noir abramsien en formation, pourquoi a-t-il fallu en plus que Kirk - qui se prévalait juste auparavant de "compassion" - l'achève, lui et ses occupants, de sang froid et à bout portant ?! Pourtant en pareil cas, il est du devoir du commandant de l'Enterprise de sauver un maximum de vies - même ennemies - tant que cela ne met pas en danger son équipage. Car dans la société humaniste de la Fédération - remontant à bien avant la naissance de Kirk - toute vie mérite d'être sauvée, y compris celle du pire criminel. Et par-delà l'humanisme, les vies de Nero et de ses lieutenants méritaient également d'être sauvées au nom de la justice, afin de livrer aux autorités ceux qui ont exterminé six milliards de Vulcains. Voilà donc l'une des plus emblématiques illustrations de l'opération réalisée par JJ Abrams ! Sous couvert d'humour cool, les auteurs tentent d'imputer abusivement au super-héros Kirk une politique qui existe pourtant depuis plus d'un siècle. Puis sans en avoir forcément conscience, ils la contredisent frontalement trente secondes seulement après l'avoir édictée, en mettant finalement en scène une authentique violation de cette même politique : ils font commettre à Kirk un acte foncièrement criminel tant envers des vies - même coupables - qu'il aurait pu sauver, qu'envers le génocide de six milliards d'innocents privés à jamais de rétribution judiciaire. Ce qui revient à balayer d'un revers de main tout l'héritage de la série Star Trek : Enterprise et l'acte fondateur humaniste d'une Fédération vieille de 97 ans au seul profit d'une marque d'humour volée, d'une innovation usurpée, et d'une criminalité inassumée. La mansuétude n'est que simulacre et sa fonction est de mieux dissimuler... la loi du Talion ! Faut-il que la construction politique de Starfleet - révisée par Abrams - soit douteuse pour célébrer de pareils agissements par une reconnaissance et une récompense historiquement sans égales. Avec le film de J.J., jamais l'anthropocentrisme triomphant et méprisant n'aura été aussi grand. Plus d'une fois en 40 ans dans l'univers canonique de Star Trek, la Terre fut la cible de diverses menaces, et il fut toujours souligné que la Fédération serait mise à genoux si la Terre était détruite. Il était alors permis d'espérer que le film de J.J. nous rappellerait par la destruction de Vulcain que les Vulcains en tant que peuple, société et puissance politique, étaient au moins aussi importants que les Terriens pour la Fédération. Or le film aura en fait démontré exactement le contraire : l'univers trekkien se porte aussi bien sans Vulcain, et l'aventure continue comme si de rien n'était ! Formulé plus crûment, est-ce que Star Trek privé de six milliards de Vulcains et sans la planète Vulcain, mérite encore le nom de Star Trek ? N'est-ce pas brûler tous les ponts avec l'univers de Star Trek TOS-TNG-DS9-VOY afin de ne jamais plus y revenir ? Et finalement cet holocauste ne prépare-t-il pas le terrain à autre chose ? Réduire la civilisation vulcaine à un 10 000 survivants, essentiellement quelques "sages", dépositaires de la "vulcanité ancestrale", permettra de continuer à agrémenter les plaisanteries humaines que ne manquera pas de recycler J.J. Abrams dans ses prochains films, et offrira l'opportunité de doter la diaspora des ultimes Vulcains de la hiératique et initiatique fonction de Jedi, un concept crypto-campbellien hérité de Star Wars et qui empoisonne la plupart des SF contemporaines en mal d'inspiration. Le méga-génocide de tout un peuple, de toute une race, est certes dans l'air du temps en SF. Mais lorsque la troisième saison de Star Trek Enterprise saisissait les vertiges d'une humanité au bord de l'abime et donnait un prix considérable à sa survie, et lorsque le Battlestar Galactica de Ronald D Moore figurait la désespérance indicible des ultimes rescapés des douze colonies de Kobol, le Star Trek de J.J. Abrams fait de l'extermination du peuple le plus emblématique et inébranlable de tout l'univers de Star Trek... une simple journée de travail, avant de tourner la page pour vivre de nouvelles aventures dans la joie et la bonne humeur !!! Est-ce vraiment ça que l'univers de Star Trek méritait ? Saborder ses fondements, banaliser l'atrocité, renier ses valeurs humanistes, pratiquer une xénophobie par omission... pour un peu d'humour hollywoodien (que l'on appelle communément "les vannes à deux balles") et d'"alchimie" à la Beverly Hills ? Assumons un peu la BD Star Trek Countdown des mêmes auteurs. A la fin du 24ème siècle, le seul d'entre tous à avoir tenté de mettre en garde l'Empire Romulien contre les dangers de la supernova Hobus, c'est Spock-Nimoy ! Le seul à avoir proposé de lui-même son aide à Nero contre la veulerie (aussi invraisemblable qu'elle soit) de l'Empire romulien, et le seul à avoir proposé de lui-même des solutions contre la supernova Hobus, c'est encore Spock-Nimoy ! Que Nero ait la haine d'avoir assisté impuissant à l'anéantissement de son monde et à la mort de son épouse enceinte est bien compréhensible. Mais qu'il veuille se venger en toute priorité de Spock et des Vulcains ne l'est absolument pas, d'autant plus que - pour avoir pratiqué une fusion mentale avec lui - Nero ne peut ignorer la totale sincérité de l'assistance apportée par Spock. Et dès lors que Nero a l'insigne privilège de revenir 129 ans dans le passé, au lieu d'apprécier la chance qui s'offre à lui de retrouver l'Empire romulien sain et sauf, et de pouvoir prévenir longtemps à l'avance la tragédie dont il a tant souffert, que fait-il ? Il ignore royalement l'Empire romulien, et il poursuit obstinément son projet de "vengeance" en traquant Spock à travers le temps (jusqu'à l'attendre 25 ans sans rien faire), puis en anéantissant Vulcain et six milliards de personnes, et en projetant d'en faire de même avec toutes les planètes de la Fédération. Mais sa "vengeance" - aussi illégitime soit-elle - a en sus perdu désormais toute raison d'être et est devenu obsolète ! En bouleversant ainsi l'univers pour une "vengeance" absurde, Nero en compromet la naissance et l'existence même de la femme qu'il aime, et il raye du continuum le seul peuple qui a développé ou développera l'unique technologie existante (Red Matter) capable d'éradiquer le péril de la supernova Hobus menaçant d'extinction l'Empire romulien ! Et comme si une telle absurdité ne suffisait pas, face à la mort et à la perspective d'être à jamais privé de la possibilité de s'assurer lui-même du salut futur de Romulus, Nero déclame sans hésiter préférer revivre mille fois l'extermination de Romulus plutôt que de recevoir l'aide d'un membre de la Fédération !!! C'est totalement surréaliste ! Un tel comportement bat tous les records d'incohérences et ne peut se comprendre que par une folie furieuse aussi sadique que masochiste ! Mais si tel est le cas, comment expliquer alors le soutien inconditionnel que Nero reçoit de son équipage romulien durant tant d'années ? Une folie collective vengeresse ne peut durer 25 ans hors de tout aiguillon permanent, a fortiori dans le cas de Romuliens ! Nero massacre donc le peuple vulcain, non parce que "coupable" de quelque chose, mais uniquement parce que vulcain ! Le moteur de sa "vengeance" est donc aussi discriminatoire et infamant qu'un authentique crime contre l'humanité, et ne peut bénéficier de l'excuse de la quête de rétribution que porte en lui le concept de vengeance. Or par son comportement et ses propos, Spock-Nimoy témoignera pourtant d'une invraisemblable empathie envers Nero au point de presque en adouber ses motivations de "vengeance". Voici précisément l'une des erreurs tonales du film, qui une fois de plus ne mesure pas vraiment la gravité de ce qu'il met en scène. Ben oui, le pauvre Nero, il faut le comprendre, il est depuis vingt-cinq ans en plein "trip vengeance" contre le seul qui ait tenté de sauver Romulus, et cela malgré que le destin lui ait offert la chance inespérée de réellement sauver sa planète - ce dont il se fout en fait complètement comme il l'avoue lui-même avant de mourir !!! En d'autres termes, Nero n'a de cesse de se venger d'un événement qui ne s'est pas encore produit, et sans même se préoccuper d'éviter qu'il se (re-)produise !!! Le ressort est tellement grotesque que ce serait hilarant si ce n'était pas aussi tragiquement pathétique et s'il n'était pas question de génocides à la chaîne. Manifestement, la mise en ouvre du voyage dans le temps dans ce film est aussi lamentable et absurde que dans la série Lost (des mêmes auteurs), au point de parvenir à ridiculiser ce qui constitue pourtant l'un des plus estimables ressorts de la bonne SF ! Dressons maintenant la liste de toutes les façons dont la vulcanité aura été mise à mal par le film de JJ Abrams :
Voilà autant de façon de flatter l'humanité des spectateurs et autant de signes de la méconnaissance profonde de la vulcanité, tant par l'ignorance des apports non-anthropomorphes de la franchise (et tout particulièrement de Star Trek Enterprise) sur la culture et la sociologie vulcaine, que par l'incompréhension des travaux de Herbert F. Solow et de Dorothy C. Fontana sur le personnage de Spock et la vulcanité en général. Depuis son enfance (avant l'âge de huits ans), Spock s'était toujours efforcé d'être intégralement vulcain ; et dans Star Trek TOS, s'il était potentiellement exposé à une éventuelle multiculturalité, il ne connaissait aucune dualité de culture, et il était encore moins déchiré par une quelconque dualité de nature - dont la violence contenue serait le corollaire. A l'état naturel, Spock était - à l'instar de la plupart des Vulcains - totalement impavide & équanime, augmenté parfois d'une indéfinissable ironie, qualités apparemment inconnues des auteurs du film. En outre, la supériorité objective (mentale et physique) des Vulcains sur les Terriens établie par quarante de franchise s'est transformée dans le film en un complexe de supériorité assorti d'une xénophobie totalement anthropomorphe. La différence peut sembler ténue, mais elle tient aux dialogues, à la direction d'acteurs, et à l'interprétation. Et ce n'est pas un facteur négligeable, car c'est tout simplement ce qui permet de faire le départ entre des extraterrestres convaincants et des humains déguisés en extraterrestres ! Ce sont bien là les manifestations de l'irrespect des auteurs envers un système de pensée autre qu'humain (plus précisément autre qu'occidental) dont ils furent bien incapables de mesurer toute l'unicité. Soit le triomphe de l'impérialisme américain comme seul système de pensée valide pour tout l'univers. Un impérialisme qui aurait peut-être eu sa place dans le monde contemporain de Stargate SG-1, mais contre lequel s'était justement élevé Gene Roddenberry en créant l'univers futuriste de Star Trek et sa Fédération utopique, et qui fut dénoncé tout au long de la franchise notamment via l'univers miroir, de Star Trek TOS 02x10 Mirror, Mirror (Miroir) jusqu'au diptyque unanimement acclamé Star Trek Enterprise 04x18+04x19 In A Mirror, Darkly (Le côté obscur du miroir). Mais tandis que le cruel Terran Empire de l'univers miroir "se contentait" d'exiger l'allégeance politique des Vulcains, JJ Abrams porte atteinte à leur conscience même et à leur identité propre, en les dépossédant de tout ce qui les rend vulcains ! Le salut des ultimes Vulcains réside pourtant dans la mémoire, et non dans l'auto-négation. Un second anéantissement semble être en marche, plus doux et insidieux : la dilution dans l'humanité triomphante de tout ce qui faisait la singularité et la fierté vulcaines. D'ores et déjà, le film de J.J. Abrams a réussi à transformer les Vulcains en de simples humains un peu coincés et coiffés d'oreilles pointues ! Et en plus d'être émotionnellement humanisés, les Vulcains en ressortent totalement émasculés ! Mais il se trouvera probablement une majorité de spectateurs pour applaudir à l'humanisation et à la fragilisation des Vulcains, car l'anthropocentrisme humain est sans limite ! Quoi de mieux dans l'univers que de devenir humain, n'est-ce pas ? Etant donné que toutes ces initiatives affectent et ruinent le premier peuple extraterrestre imaginé par Gene Roddenberry, un peuple devenu au fil des décennies le symbole même de la franchise, comment ne pas y voir une violation de "l'esprit de Prime Directive" - le respect de chacun dans ce qu'il a d'unique - c'est-à-dire la philosophie première de Star Trek. Les mêmes doléances peuvent être adressées au film de JJ Abrams pour sa figuration de la romulanité, traitée avec de semblables irrespect & inculture. Ce qui ne manque pas d'ironie dans la mesure où le précédent long métrage Star Trek : Nemesis - et ultime film méritant le label Star Trek - avait su saisir à la perfection l'essence de la sociologie romulienne - notamment grâce à l'érudition trekkienne et à la romanité de John Logan, scénariste de Gladiator. Kirk aura été tel un fétu presque sans volonté propre, baladé malgré lui au gré des événements et des influences, d'abord par Pike, ensuite par un Spock puis par un autre. Le jeune Spock a failli plomber la carrière de Kirk à Starfleet, et l'assassiner en le perdant sur Delta Vega. Puis méthodiquement, chaque protagoniste de la série originale viendra lui sauver la vie : Sulu, Chekov, Spock-Nimoy, Sarek, Pike, Scotty. Et tout au long du film, Kirk encaissera les coups de partout, tel un punching ball, sans jamais les rendre (ou presque). Ce n'est que par un trucage de Spock-Nimoy et finalement la complaisance de Spock-Quinto que Kirk sera promu capitaine de vaisseau alors qu'il ne le méritait pas plus qu'un autre. Car dans cet univers bouleversé, il fallait absolument restaurer ce que l'imaginaire collectif tient pour essentiel dans la trame temporelle originelle : la composition de l'équipage de Star Trek TOS ! Mais au milieu d'une extermination sans équivalent dans toute l'histoire humaine, accorder une telle primauté à la genèse de l'amitié entre quelques personnes. a quelque chose d'obscène ! Et voir une telle tragédie s'achever par un tonnerre d'applaudissement pour la promotion usurpée de l'Élu, Kirk. a quelque chose d'indécent ! Mais c'est au fond le propre des super-héros : être glorifiés de façon totalement indue, soit par des superpouvoirs peu vraisemblables (ce n'est pas le cas ici), soit par le concept d'élection et de prédestination (c'est le cas ici), soit par une dévalorisation artificielle du reste de l'univers à leur seul profit (c'est aussi le cas ici, et cela peut devenir nauséabond dans le cas d'un génocide). Quand J.J. Abrams et son équipe scénaristique ne cessent de répéter dans leurs interviews que leur film est positif et optimiste alors qu'il est question d'un génocide qui n'a rien à "envier" à celui de BSG si ce n'est qu'il ne touche pas des humains, quand six milliards de Vulcain disparaissent sans que jamais le film n'en fasse vraiment mesurer le poids au spectateur et que l'aventure continue ensuite comme si de rien n'était. c'est l'expression du mépris des auteurs envers des formes de vies autres qu'humaines, soit une forme sournoise de racisme. Imaginons un instant que le film de JJ Abrams se soit achevé par l'extermination de six milliards de Terriens, eh bien jamais ses auteurs n'auraient osé le présenter partout comme positif et optimiste !
N'est-ce donc pas là, plus que jamais, la négation même de l'esprit humaniste trekkien, de l'IDIC, du respect de l'autre comme de soi-même, des différences qui nous enrichissent ? Et le plus ironique est que les auteurs n'ont probablement pas du tout conscience de la xénophobie et du racisme intrinsèques qui transparaissent dans leur film. L'impérialisme occidental imprègne tellement leur pensée que l'extermination de six milliards de Vulcains ne constitue même pas un léger nuage ombrant l'univers riant né de la défaite de Nero et le film merveilleusement positif qu'ils sont convaincus d'avoir créé ! A mon sens, de toutes les faiblesses, maladresses, incohérences, et violations que ce film cumule, celle-ci est de loin la pire ! Mais pour beaucoup de spectateurs, la parade sera aisée : quelle importance que six milliards de Vulcains (et peut-être autant de Romuliens) aient été exterminés par le bon vouloir des scénaristes, puisqu'il ne s'agit que d'êtres de fiction ? A ce compte-là, rien n'a d'importance et tout est permis, car ce n'est que de la science-fiction après tout ! Mais alors pourquoi perdre du temps à en lire et à en voir ? C'est là précisément qu'interviennent les positions épistémologiques de l'externalisme et de l'internalisme, afin de pouvoir poser comme réel ce qu'une ouvre de SF met en scène, et de lui offrir ainsi une suspension d'incrédulité en contrepartie de ses contraintes de vraisemblance.
Star Trek Babies est-il ce film messianique qui "sauvera" l'univers Star Trek d'une "décadence" imaginaire ? Qualitativement, du temps de Rick Berman, il n'y a jamais eu de décadence, ni même une quelconque dégradation. bien qu'il soit toujours de bon ton de prétendre le contraire... En terme de vitalité de la communauté des trekkers, il n'y a jamais eu de décadence non plus, comme l'a prouvé l'incroyable mobilisation des fans pour sauver la série Star Trek Enterprise en 2005 : ce lobbying fut historiquement sans équivalent, et parvint à amasser plus de trois millions de dollars de donations individuelles ! En terme d'audiences, il y eut en effet un dépérissement progressif, entamé depuis Star Trek : First Contact, mais en partie imputable à l'abandon de la syndication au profit de la diffusion de Star Trek Voyager et Enterprise sur la télé-poubelle UPN. Il est donc probable que Star Trek Babies fasse son office commercial, y compris en France étant donné le soutien critique unanime que la presse lui apporte d'ores et déjà. Revenir aux sources (c'est-à-dire à Star Trek TOS) pour rebooter l'univers de Star Trek a été presque unanimement salué par les experts et les professionnels comme le "right move". La mode du remake normalisée par les comics est tellement ancrée dans l'imaginaire collectif qu'il semble naturel aux yeux de tous que l'univers Star Trek passe aussi à cette casserole. Car l'identité de Star Trek ne consistait pas à glorifier un petit groupe de (super-)héros sauveurs de l'univers, et en pratiquer périodiquement le recast et le remake à la façon de Batman. L'identité de Star Trek consistait à explorer, à bâtir, et à philosopher, tout en tissant progressivement une histoire du futur aussi consistante et cohérente que celles de Isaac Asimov (avec le cycle Foundation), de Robert Anson Heinlein (avec le cycle Future History), de Frank Herbert (avec le cycle Dune), ou de Peter F. Hamilton (avec le cycle The Night's Dawn). Et toute la grandeur et l'ambition du Star Trek originel s'était révélée lorsque l'une des protagonistes, Kira Nerys, déclara un jour, dans Star Trek DS9 02x23 Crossover (Entrelacs) ne jamais avoir entendu parler de Kirk ! Star Trek avait tout simplement osé faire de James T Kirk un capitaine parmi d'autres, presque oublié par l'histoire. Mais J.J. Abrams, lui, s'est bien assuré que Kirk ne devienne pas un capitaine parmi tant d'autres dans une vaste et complexe histoire du futur. Avec J.J. Abrams, l'histoire du futur s'arrête à Kirk et fera désormais un éternel sur-place autour de Kirk et de ses potes, dont le culte sera décliné à toutes les sauces par des générations d'auteurs. Soit le passage du Trekverse à la moulinette de la culture comics, façon Star Trek Begins, consistant à figer son univers à jamais pour en fétichiser un seul composant. La préservation d'une cohérence profonde sans recast ni reboot durant 40 ans aurait pourtant dû permettre à cet univers de SF vraiment pas comme les autres de bénéficier d'un régime d'exception culturelle ! Peut-on considérer que par delà l'appréciation personnelle, l'initiative et le film de J.J. Abrams étaient les seuls en mesure de hisser Star Trek au degré de popularité de Star Wars, y compris sous les cieux déshérité du trekkisme hexagonal ? Les seuls ? Pas forcément. Mais commercialement les plus prudents ? Assurément ! J.J. Abrams est un expert de la rentabilité commerciale, et il fait toujours les choix les moins risqués. Parce qu'étudiée par des experts en marketing pour cibler chirurgicalement les goûts du public contemporain, la formule de Star Trek Babies est un "prêt à consommer" dont le rythme et la vitesse sont étudiés pour maintenir le spectateur éveillé et attentif là où le propos en lui-même - indigent - n'y suffirait pas. Et ainsi, ce film suscite l'adhésion d'un public et la bénédiction d'une presse n'ayant presque jamais mesuré dans toute sa largeur de spectre le génie de l'authentique Star Trek. Et le cas français est encore plus affligeant ! A quelques trop rares exceptions près, la presse française a toujours été incapable d'apprécier les films et les séries Star Trek, à l'instar de trop d'intellectuels français incapables d'apprécier la vraie science-fiction (hors de la puérilité, de la transposition, et des leçons idéologiques). Or les trekkers les plus optimistes s'imaginent que le film de JJ Abrams réussira à respectabiliser la mauvaise image de Star Trek en France ! Malheureusement, ce n'est pas Star Trek en tant qu'ouvre de SF qui va gagner une respectabilité médiatique et populaire en France, c'est uniquement le film de JJ Abrams. Et c'est une nuance de poids. Les positions de la majorité des critiques cinés français peuvent se résumer par une phrase : « Star Trek, c'est devenu formidable. Mais avant JJ Abrams, Star Trek, c'était nul. ». De ce fait, le gain en respectabilité concerne assurément le nom de Star Trek, la marque commerciale Star Trek, et cela garantit aux productions suivantes de JJ Abrams un bon accueil. Mais ce gain en respectabilité ne concerne en rien quarante ans d'univers Star Trek ! En réalité, parvenir à rendre "branché" le nom de Star Trek frappera rétroactivement de ringardise quarante ans d'univers Star Trek. Ce que la presse ne manque déjà pas de professer triomphalement, en clamant à tue-tête que "J.J. Abrams a dépoussiéré Star Trek" ! Ce qui revient à imaginer dans Star Trek une "poussière", donc une ringardise, qui pourtant n'existe pas et n'a jamais existé. Qu'une version dénaturée, standardisée, paramétrée, superficielle, fébrile, et cacophonique de Star Trek séduise les critiques généralistes français lorsque l'original ne suscitait que leur mépris. laisse tout de même un amère goût d'imposture. Mais c'est l'histoire finalement classique de la mauvaise imitation qui supplante l'original dans l'imaginaire des profanes. D'aucuns argueront qu'à chaque nouvelle déclinaison de Star Trek, il y eut un mouvement de protestation par fétichisme envers les précédentes. Certes, mais à tort. Car aucune des déclinaisons de Star Trek n'a trahi les précédentes dans la mesure où chacune d'elle s'est employée à développer et non à adapter ! Aucune ne contredisait les autres, et chacune d'elle possédait une personnalité et une vocation suffisamment distincte pour respecter l'intégrité des autres, sans jamais chercher à prendre leur place : les problématiques, les personnages, les lieux et les époques étaient systématiquement différents. Même si certaines de ces déclinaisons n'ont pas été du goût de tous, il ne saurait donc être question de "trahison" dans leur cas ! Star Trek TOS relatait des fables corrosives pour l'époque et même encore aujourd'hui, Star Trek TAS fut un fascinant dessin animé pour adultes, Star Trek TNG a donné ses lettres de noblesse à la hard SF, Star Trek DS9 fut une encyclopédie de philosophie politique, Star Trek Voyager fut une épopée envoûtante et addictive, et Star Trek Enterprise fut un virtuose exercice de révisionnisme crédibilisant. Tandis que le film de J.J. Abrams a la prétention de re-raconter Star Trek TOS, de marcher dans ses traces, et finalement de se l'approprier. Or étant donné qu'il l'a totalement dénaturé, littéralement vidé de sa substance, derrière un bel emballage et des personnages totalement stéréotypés, le film de J.J. Abrams n'est qu'une coquille vide, un bras d'honneur à ce qui a fait aimer à tant de générations différentes Star Trek, pour autant de raisons qu'il y a de trekkers, mais dont presque aucune d'elle ne se retrouvera dans ce film. En ce sens, le film de J.J. Abrams a réussi précisément à ne pas être tout ce que Star Trek TOS pouvait être ! C'est tout de même très fort. Alors oui, dans ce cas précis, au contraire de tous les précédents, on peut dire que nous sommes confrontés à une trahison de Star Trek TOS et par transitivité de tout Star Trek. Il faut néanmoins être lucide. Parce que les lois du marché sont ce qu'elles sont, et que le public est dorénavant tanné et formaté par elles, il est évident que Star Trek ne peut plus exister ici et maintenant dans sa forme originelle : i.e. prendre le temps de poser les plus grands problèmes existentiels, prendre le temps d'explorer les fondamentaux de la SF et de la philosophie (qui sont un peu les mêmes), prendre le temps de faire évoluer ses personnages par petites touches crédibles et subtiles, oser accorder de la place au recueillement et au silence, oser tout simplement être ennuyeux selon les standards du jour. Mais le fond de Star Trek peut-il survivre hors de cette forme qui l'a fait naître et prospérer si longtemps ? En tout état de cause, cela souligne l'exceptionnel mérite de Rick Berman pour avoir réussi à préserver le fond & la forme, l'identité & le génie de Star Trek jusqu'au terme de la série Enterprise en 2005 ! Chapeau ! Puisque le véritable Star Trek est anachronique à l'ère du zapping-roi, et est en essence incompatible avec l'urgence, l'empressement, la superficialité, le grand spectacle, la surenchère perpétuelle devenus le pain quotidien de tous, la véritable audace créative (de la nouvelle direction de la Paramount arrivée en 2006) aurait tout simplement consisté à enterrer Star Trek, à l'instar des ouvres d'auteurs que sont Babylon 5 et Farscape ! Bon, ne pas l'enterrer forcément définitivement, mais du moins jusqu'à ce que les modes changent - car elles changent inéluctablement... C'eut été le respect que Star Trek méritait, et c'est ainsi que les ouvres deviennent "cultes". Il est de très loin préférable qu'un univers de SF conserve sa spécificité même si cela implique qu'il soit mis en sommeil, plutôt que de le voir se renier pour devenir un hit. Les hits, ce n'est vraiment pas ça qui manque, et ils se ressemblent tous beaucoup. Star Trek était différent, et c'est précisément cette différence qui le définissait. Mais perdu pour perdu, si le conformisme et l'imitation postulaient d'en passer impérativement par la case du reboot de Star Trek, quel dommage de ne l'avoir pas au moins confié à l'authentique grand auteur de SF qu'est Joseph Michael Straczynski (ayant soumis à la Paramount un audacieux projet resté lettre morte), ou encore au véritable trekker devant l'Eternel qu'est Bryan Singer. Bien sûr Star Trek a toujours été un business pour la Paramount ! Il faut bien financer les productions et faire des bénéfices - et ceux-ci s'élèvent cumulativement à plusieurs milliards de dollars depuis 1966 ! Mais ce commerce "légitime" n'avait pour autant jamais retiré à Star Trek ses qualités d'ouvre, et même disons-le sans ambages, d'ouvre d'auteur ! Et cela durant quarante ans. Tandis que depuis l'arrivée de J.J. Abrams le situation a fondamentalement changé ! Dorénavant, Paramount veut faire de Star Trek un phénomène de mode, et s'est donné des moyens totalement inédits pour y parvenir. Or pour fabriquer de toute pièce une vogue planétaire, le prix à payer est considérable... à savoir cesser d'être une ouvre pour devenir un produit de consommation - et de consommation très courante de surcroît ! Dans le climat actuel, à l'ère des productions standardisées, stéréotypées, et formatées, prétendre faire du jour au lendemain de Star Trek un phénomène de mode dont le public s'entiche, ne peut que passer par un complet reniement ! Et c'est désormais chose faite ! Ouvre résolument intemporelle et universelle, durablement enracinée dans l'inconscient collectif et la construction de la pensée, Star Trek n'avait pourtant aucune vocation à être un produit à la mode ! Mais il n'est guère politiquement correct de le rappeler... Non, Star Trek Babies n'est pas un Star Trek, mais c'est un film qui parle de Star Trek, nuance de poids. Et pour en parler, ce film aligne à la chaîne une série ininterrompue d'emprunts bateaux aux films antérieurs (répliques, situations, composants), comme un mauvais documentaire de reconstitution alignerait les truismes. Il exhibe pesamment sa vocation pédagogique, prosélyte, et commerçante pour "ratisser au plus large" à la manière du plus centriste & consensuel des candidats politiques. Et si d'aucuns sont tentés de voir dans cette démarche sans élégance et sans finesse un hommage à Star Trek TOS, je les invite à mesurer ce que ce sont de véritables hommages en se remémorant la façon proprement amoureuse dont chacune des séries de la franchise sut faire honneur à la série originale : Star Trek TNG 06x04 Relics (Reliques), Star Trek DS9 05x06 Trials And Tribble-ations (Épreuves et tribulations), Star Trek Voyager 03x02 Flashback, et Star Trek Enterprise 04x19 In A Mirror, Darkly (Le côté obscur du miroir). Dans une certaine mesure, Star Trek Babies pourrait rejoindre la collection Star Trek for Dummies (Star Trek pour les nuls) ! Mais si le trekker potentiel qui débarque dans ce nouvel univers peut être un newbie ou un rookie, il n'est en aucun cas un dummy. Du reste l'estimable collection éponyme ".for Dummies" a vocation à initier et édifier, et non à niveler par le bas. tout au contraire de ce film. Star Trek for Dummies ne se contente pas d'enchaîner les emprunts à Star Wars (que j'ai inventoriés dans mon résumé commenté), il constitue en lui-même un gigantesque emprunt à Star Wars ! Jugez-en... « Tout commence par un petit vaisseau qui se fait attaquer par un gros. Le héros de l'histoire s'avère être un jeune fermier rebelle vivant avec son parâtre, et rêvant d'espace. Il rencontre un vieux sage qui lui parle de son père et l'enjoint à se joindre à une mission spatiale de ouf pour lutter contre une menace cosmique. S'ensuit un apprentissage, puis une mission de sauvetage, et la rencontre avec un futur sidekick, que d'abord le héros déteste, mais avec qui il devient très ami à la fin. Et c'est ensemble que les deux partenaires détruisent une gigantesque infrastructure qui anéantit des planètes. Finalement, le héros se fait décorer lors d'une grande cérémonie dans une vaste salle pleine de figurants. Et l'aventure continue... » Alors, qui serait assez malin pour dire s'il s'agit de l'ossature de Star Wars IV : A New Hope ou de celle de Star Trek version JJ Abrams ? Ca avait marché en 1977, il n'y a pas de raison que ça ne remarche pas en 2009. avec beaucoup d'amnésie et un peu de mauvaise foi bien sûr. Il est intéressant de noter que le visionnage de Star Trek Babies ne change (presque) jamais l'opinion préétablie des spectateurs. Ceux qui sont pessimistes avant de voir le film ne l'apprécient pas lorsqu'ils le voient, et ceux qui sont optimistes avant de le voir l'apprécient lorsqu'ils le voient. Cela tient au fait que le film de JJ Abrams ne comporte aucune surprise ni tonale ni narrative. Ce qui fait que l'on y trouve exactement ce que l'on s'attendait à y trouver avant de le voir - dès lors bien sûr que l'on s'est un peu informé auparavant (bandes-annonces, extraits, parcours des auteurs, interviews, critiques...). Ceux qui "sentent" initialement que ce film ne correspond pas à leur perception de Star Trek ont donc très peu de chance de l'aimer. Et inversement. Ce qui induit un phénomène peu flatteur et presque sacrilège : l'appréciation des bandes annonces de ce film permet d'anticiper avec un très faible pourcentage d'erreur l'appréciation du film lui-même. En réalité, ce triste symptôme confirme avec cynisme le principe ultime de la séduction des masses, le bien nommé high concept de l'extravagant producteur Don Simpson, et selon lequel un film a nettement plus de chances de faire un carton au box office lorsque son intrigue se résume à une seule phrase ! Dans une large mesure, Star Trek Babies fait l'effet d'être en lui-même une bande-annonce voire un spot publicitaire de 2h06 pour le véritable univers de Star Trek. au point d'appeler - entre la dernière scène du film et le générique de fin - sa conclusion la plus naturelle : une pub pour les coffrets DVD et Blu-Ray de Star Trek distribués par Paramount Home Video ! Malheureusement, si les néophytes viennent ensuite à Star Trek "grâce" à ce film, ils risqueront d'être au mieux surpris au pire déçus en découvrant cet univers. qui n'a pas grand-chose à voir avec son nouvel ambassadeur autoproclamé.
Le film de JJ Abrams est de plus en plus souvent nommé officiellement Star Trek 2009, en lieu et place de Star Trek XI ou de Star Trek : The Future Begins. Ce qui veut tout dire. Car il est d'usage d'ajouter le millésime au titre lorsqu'il n'existe plus qu'un lien d'homonymie entre ladite production et une version antérieure, en d'autres termes pour assumer une ligne de rupture définitive, un remake - quand bien même ce remake est hypocrite comme ici. Star Trek, le vrai, était l'enfant béni du Golden Age de la SF littéraire ! Tandis que JJ Abrams a fait sombrer son remake dans une pathétique SF d'avant-guerre (WW2), faite d'absurdités scientifiques, de manichéisme binaire, de fantasmes de surhommes, et d'univers miniature. Star Trek 2009 est ni plus ni moins Flash Gordon contre le psychopathe mytho qui veut devenir maître de l'univers, mais dans une version qui se prend très au sérieux... notamment grâce à un emballage dernier cri. C'est à dire aux antipodes de la parodie savoureuse et assumée qu'étaient les aventures du Captain Proto contre Chaotica ! (dans Star Trek Voyager). Le bras d'honneur de Star Trek Babies ne se limite pas à quarante ans de Star Trek, mais en fait à une soixantaine d'années de SF intelligente et crédible ! L'univers peut bien s'écrouler, six milliards de Vulcains peuvent bien être exterminés (et combien de Romuliens ?), la crédibilité de la narration peut bien être sacrifiée, la vraisemblance générale peut bien être ridiculisée, la profondeur trekkienne peut bien être frappée de désuétude... quelle importance ? Pourvu que les spectateurs ne s'ennuient pas, pourvu que le film soit pleinement accessible aux profanes, pourvu que l'interaction sacrée entre Kirk, Spock, et McCoy soit glorifiée ! La richesse et la complexité de l'univers Star Trek ont fait place à une caricature : le culte comicsien de quelques personnages et surtout, surtout, de leurs interactions dans un univers frappé d'irréalité ! Et la Paramount a réussi à imposer son effet de mode : désormais Star Trek, c'est seulement Star Trek TOS, et son univers gravite autour de la trinité super-héroïque Kirk/Spock/McCoy sauveurs de la Terre (car il n'y a définitivement que ça qui importe) comme n'importe quel super-héros d'opérette sous stéroïdes, mais pas sauveurs de Vulcain (car ça on s'en fout un peu, ce ne sont que des Vulcains après tout). Et pourtant, pourtant, le teaser de onze minutes est un petit chef d'ouvre ! Point nodal de bifurcation entre les deux univers, sa justesse de ton, coulée dans le moule (de forme & de fond) de Battlestar Galactica 2003, rendent impardonnables les inconséquences tonales du film qui suit. Ce fabuleux teaser donne une idée obsédante et douloureuse de ce que ce film aurait pu et dû être s'il n'avait pas cherché à mettre à profit par le recasting - à des fins strictement vénales - la notoriété planétaire des "marques commerciales" que sont devenues Kirk & Spock, même auprès du moins trekker des spectateurs. Si Star Trek 2009 avait évité la facilité du Star Trek kids décomplexé, il aurait pu réussir ce que les connaisseurs attendaient de lui : plonger avec gravité et sans complaisance dans une dystopie trekkienne aux conséquences assumées, modelée sur le génial épisode Star Trek TNG 03x15 Yesterday Enterprise (L'Enterprise viendra d'hier). Ce rendez-vous historique manqué rappelle avec une certaine ironie qu'il ne fallait pas s'inspirer du projet Star Trek : The First Adventure (surnommé Starfleet Academy) de Harve Bennett et David Loughery, auquel s'était opposé peu avant sa mort Gene Roddenberry - conscient de l'erreur que représenterait la revisite de la jeunesse des héros. Il fallait vraiment que l'anthropolâtrie des auteurs soit sans limite pour saisir aussi magnifiquement toute la vérité d'un drame individuel humain (l'attaque de l'USS Kelvin et le sacrifice du père de James T. Kirk) et manquer aussi grossièrement de prendre toute la mesure d'une tragédie collective non-humaine (le génocide de six milliards de Vulcains, et peut-être autant de Romuliens dans la trame temporelle originelle). Lorsque la quasi-totalité des critiques de la presse, certainement animés des meilleures intentions du monde, sont portés à dire et écrire que les trekkers seront ravis par le film de J.J. Abrams, ils ne mesurent pas à quel point il n'est guère flatteur pour un trekker que son univers soit réduit à quelques clichés, l'alchimie de ses personnages à de la "convivialité", leur jeu à une pantomime, la comédie de charme à de l'humour splastick neuneu, la complexité à des lieux communs, l'esprit trekkien à des slogans, la philosophie à des brèves de comptoir, et l'humanisme à un anthropocentrisme vulcanophobe.
Quatre ans de "privation" savamment dosée, l'espoir d'une "renaissance" à n'importe quel prix, le mythe du "sang neuf" et de sa "virginité", la perspective flatteuse d'une grande vogue, la tentation de l'ouverture à tous vents et du consensus, un "must" hypnotiquement imposé, l'exaltation de l'émotivité si prisée en politique, et la caution morale du caméo de Leonard Nimoy... font avaler quantité de couleuvres, circonviennent nombre de discernements, résignent bien des scepticismes, anesthésient le sens critique. et réussiront bientôt à faire de toute réprobation une prétendue faute de goût, en sacrifiant l'universalité à la vulgarisation et la reconnaissance au succès public. Au nom de l'hédonisme et pour deux heures de shoot visuel. chacun demeure en effet libre de se féliciter que le gigantisme et la philosophie trekkiennes soient infantilisées & réduites à un buddy movie iconolâtre, ciblé ados, raciste sans en avoir conscience, faisant triompher l'émotion sur la raison, et ouvrant largement les vannes aux schémas idéologiques, narratifs, et visuels de Star Wars dont l'univers Star Trek avait toujours su se préserver. Et en plagiant sans vergogne Star Wars comme il singe sans respect le véritable Star Trek, en plus d'être un non-Star Trek, Star Trek 2009 n'est au mieux qu'un sous-Star Wars, arrivé 32 ans après l'original, bien moins innovant, et sémantiquement incomparablement plus pauvre ! Ni vrai Star Trek, ni vrai Star Wars, Star Trek for Dummies est juste un ectoplasme bâtard, bancal et irréel. Il en devient un cas d'école : l'exemple même du film strictement dédié à la jouissance et conçu pour provoquer des orgasmes chez les spectateurs, mais également l'exemple même du film creux et sans âme, vecteur d'une imposture et d'une trahison ! Et parce que le seul plaisir permet, justifie, et excuse tout, ce film connaîtra un triomphe populaire & critique planétaire sans précédent. « Resistance is futile » Pour paraphraser l'une des grandes répliques de Star Wars : « et c'est ainsi que meurt Star Trek sous un tonnerre d'applaudissements, venant à la fois des critiques, de la presse, du public, et même des trekkers. » La conclusion est épitaphe : Star Trek est mort, vive Star Trek ! R.I.P. Star Trek (1964 - 2006) Je laisse au Cardassien Aamin Marritza dans la peau de Gul Darhe'el (Star Trek DS9 01x19 Duet (Duel)) le soin de nous rappeler l'ultime "message" que délivre le Star Trek version J.J. Abrams :
Cette ligne de programmation ne sert qu'a formaté proprement les lignes de textes lors d'un utilisation sous Mozilla Firefox. J'aimerais pouvoir m'en passer mais je ne sait pas comment, alors pour l'instant. Longue vie et prospèrité |